L'Oenothèque Alsace

OENOALSACE.COM

Chronique du 12 juin 2015 – L’Alsace dans les ventes aux enchères

 

Vente du 5 Juin 2015

Si les particularités du droit local héritées de la période d’annexion laissent le soin aux notaires d’organiser et de gérer les ventes aux enchères en Alsace-Moselle, coté vin le déroulement est exactement le même que partout ailleurs dans le monde. On trouve des lots issus de collections privées ou professionnelles soigneusement proposées à la vente au prix du marché, d’autres issus de vieilles caves lors de liquidations dans le cadre de succession. Dans le premier cas le prix de réserve permet de ne pas vendre en dessous d’un certain prix, dans le second tout doit disparaître. Les acheteurs sont présents en salle, mais peuvent aussi passer des ordres préalables ou enchérir au téléphone via un contact local pour plus de discrétion. A l’hôtel des ventes des notaires du Bas-Rhin, c’est Maître Quirin qui est au marteau, assisté du sommelier du restaurant le Crocodile Gilbert Mestrallet. Ce vendredi 5 juin 2015, la salle est bien remplie avec une quarantaine de participants, particuliers ou professionnels jeunes ou moins jeunes.

Revue de quelques prix d’adjudication des presque 400 lots qui ont été expédiés ce soir-là.

L’acheteur paye 21 ,6% de frais en plus du prix d’adjudication.

Les vins des régions star

Les bouteilles les plus spéculatives se sont envolées au cours du marché. Avec des Bourgogne en premier lieu.

• 1 bouteille de Bâtard Montrachet 1990 du Domaine Leflaive est partie à 320€

• Plusieurs bouteilles de Chambertin 1989 ou Chambertin Clos de Beze 1989 d’Armand Rousseau sont parties entre 680 et 780€ la bouteille

• 4 bouteilles de Chambolle Musigny les Amoureuses 1993 de Mugnier se sont arrachées à 2800€, pour une mise à prix du lot de 72€ ! 

• Les Très Grands Bordeaux, moins présents, n’ont pas démérité avec plusieurs bouteilles de Château Latour 1986 parties entre 230€ et 240€ la bouteille et une bouteille de Haut Brion rouge 1988 adjugée à 200€.

Derrière ces vitrines se cachent cependant de bonnes affaires pour qui connait les château et les millésimes : les bonnes cuvées à maturité ne se payent pas très cher, surtout au vu des tarifs des millésimes récents. Ainsi, sont par exemple parties :

• 6 bouteilles de Château Mouton Baronne 1986 à 120€

• 6 bouteilles de Château Calon Ségur 1981 à 120€

• 6 Bouteilles de Château Gloria 1985 à 130€

• 11 bouteilles de Château Dauzac 1982 à 145€

• 8 bouteilles de Château de Pez 1982 à 150€

• 6 bouteilles de Château Figeac 1983 à 320€

• 6 bouteilles d’Hermitage Blanc 1990 de Guigal à 140€

Les vieux millésimes ne passionnent pas les spéculateurs dès qu’on sort des 50 noms les plus spéculatifs, ce qui représente une vraie aubaine pour les amateurs. Bordeaux est très tendance, et à écrire ce texte en sirotant ma première bouteille de Mouton Baronne 1986, je suis ravi ! 🙂

En Alsace

Et en Alsace ? Le constat est quasiment identique, l’éventail des prix d’adjudication montrant toutefois que le nom de la cuvée doit compléter le nom du domaine.

Au top des prix, 

• 3 bouteilles de Riesling Clos Sainte Hune 1983 de Trimbach ont trouvé preneur à 550€, après une lutte acharnée entre l’acheteur de Mugnier ci-dessus et ses rivaux

• 6 bouteilles de Riesling Cuvée Sainte Catherine 1990 de Weinbach sont parties à 200€

Ensuite c’est la débandade, ou la fête, selon que vous soyez acheteur ou vendeur

• 11 bouteilles du grandissime Riesling Frédéric Emile 1983 de Trimbach sont parties à 250€

• 11 bouteilles de Gewurztraminer Cuvée des Seigneurs de Ribeaupierre 1983 de Trimbach, un grand gewurztraminer sec à maturité, adjugées à 210€

• 6 bouteilles de Pinot Gris Réserve Personnelle 1983 du même Trimbach vendues à 100€

Pour le spéculateur, en dehors du Clos Sainte Hune, point de salut. Et en dehors du riesling, les autres cépages n’ont pas la côte. Cela me rappelle une vente précédentes où 6 bt de Sylvaner Zotzenberg 1976 d’Albert Seltz étaient parties à 50€…

Dès qu’on quitte les 3-4 domaines connus en Alsace, on tombe encore plus bas:

• 10 bouteilles de Riesling VT 1983 de la cave d’Eguisheim à 120€

• 11 bouteilles de Pinot Noir Réserve « Brand » 1985 d’Auguste Hurst à 77€

• 7 bouteilles de Riesling Kastelberg 1981 de Marc Kreydenweiss parties à 100€

Méconnaissance de la capacité de garde des vins de terroir, de la signification du Sigille de la Confrérie St Etienne sur des millésimes antérieurs aux AOC Alsace Grand Cru, et manque de connaissance sur les gewurztraminers de garde. Sur les deux derniers lots, le sommelier alsacien pourtant réputé ne s’est pas étendu en explications et semblait ne pas comprendre les références à Fernand Gresser sur les étiquettes des bouteilles de Marc Kreydenweiss. Il ne connaissait pas non plus les fameux Pinots Noirs Brand Sigillés d’Auguste Hurst, et n’en a pas fait beaucoup de publicité (tant mieux me dira-t-on !). Le faible nombre de bouteilles produites explique en partie leur faible notorité.

Au final, on peut se lamenter sur le peu d’intérêt des enchérisseurs pour les vins d’Alsace à maturité, mais à y regarder de près, même sur les Château bordelais relativement connus les prix restent sages sur des vins trentenaires, et Bordeaux garde tout son charme.

Ce qui explique pourquoi tant de jeunes viennent remplir leur cave lors de ces ventes.

A bon entendeur,

Thierry Meyer