L'Oenothèque Alsace

Rencontre avec les vignerons Bio d’Alsace

Rencontre avec les vignerons Bio d’Alsace
18 avril 2005, Parc de l’Orangerie, Strasbourg

Deuxième rencontre organisée par l’OPABA, Organisation Professionnelle de l’Agriculture Biologique en Alsace. La première manifestation avait eu lieu à Kientzheim l’année dernière. L’objectif est de présenter le travail des vignerons bio d’Alsace, dégustation et conférences à l’appui. L’entrée est ouverte au public et  gratuite mais il fallait s’inscrire, soit par avance à l’invitation de vignerons, soit sur place le jour même.

Le bio en Alsace ce sont 72 viticulteurs (dont 28 en conversion), qui représentent 758 ha en production (dont 170 en conversion), soit 5.2% du vignoble alsacien. Les surfaces en bio ou en conversion ont quasiment doublé depuis l’an 2000, ce qui montre une progression assez rapide.

173 vins et crémants de 34 producteurs étaient proposés à la dégustation, les bouteilles étant classées en 5 tables (cépage, terroir, grand cru, pinot noir, crémant), et rangées par ordre alphabétique des domaines. Les noms connus de la bio en Alsace étaient là (BarmesBuecher/ Becker/ Deiss/ DirlerCadé/ Frick/ Josmeyer/ Kreydenweiss/ Muré/ Ostertag/ Schaetzel/ Tempé/ ZindHumbrecht etc .) mais aussi d’autres domaines moins connus et des caves coopératives (cave de Ribeauvillé, cave Wolfberger d’Eguisheim). Formule intéressante, les producteurs de la plupart des domaines se répartissent par table, et servent les différents vins. Certains essayent plus que d’autres d’orienter les dégustateurs dans le choix de leur cuvées, en proposant leur propre production, mais dans l’ensemble  la collégialité de l’événement est intéressante. On peut ainsi voir Olivier Humbrecht servir des vins du domaine Marc Tempé ou Isabelle Meyer servir des vins du domaine Martin Schaetzel !

Pris par le temps, j’ai participé à un seul atelier, et grappillé quelques vins par-ci par-là en dégustation.

Atelier de dégustation : les vins bio ont-ils un goût spécifique ? Sapidité et Minéralité des vins bio.

Atelier présenté par David Lefebvre, journaliste à « l’Est agricole et Viticole ».

La question était intéressante à double titre. D’abord pour renforcer ses connaissances théoriques. L’approche biologique favorise les échanges entre la vigne et le sol, ce qui doit renforcer la minéralité des vins, en particulier lorsqu’elle est exprimée dans la sapidité du vin plus qu’au niveau aromatique, c’est à dire par le biais des sels minéraux que la vigne a capté dans le sol. Ensuite, c’était intéressant de se faire une idée par la dégustation, chaque vin étant commenté par le vigneron producteur. Pour aller jusqu’au bout de la logique et pour bien sentir le « goût spécifique », il aurait fallu goûter des vins non bio.

Pour bien faire, la dégustation commence en fait par des eaux minérales de minéralité variées. La somme des sels minéraux est exprimée en mg/l pour avoir un élément de comparaison. On commence par deux eaux  faiblement minérales, Mont Roucous (19 mg/l) et Celtic (40mg/l), paraissant très douces en bouche, sans le coté alcalin d’une Volvic ou d’une Hépar. Suit une Courmayeur très minéralisée (2200 mg/l dont beaucoup de calcium), dont on sent immédiatement la présence sur la langue, et qui donne une grande sapidité en bouche. On continue avec des eaux gazeuses, le gaz ayant un effet exhausteur des sels minéraux. La Celtic gazeuse (40mg/l) est légère et neutre en bouche. La Vichy St-Yorre (4647 mg/l) en revanche se reconnaît facilement tellement sa salinité est présente en bouche. Le gaz amplifie effectivement la sensation saline. A se demander pourquoi les crémants et champagnes n’expriment pas plus leur terroir…

Après les eaux, les vins :

Muscat 2002 – André Kleinknecht (Mittelbergheim) : Une cuvée composée à parts égales de muscat d’Alsace et de muscat Ottonel, issue d’un sol d’alluvions riche et profond. Le nez est assez discret, fruité avec des notes de raisin frais. La bouche est relativement acide, sans être agressive, et donne beaucoup de sapidité. L’impression minérale est plus tactile qu’aromatique, et le vin se boit très bien dans un style croquant. Notez la même note donnée face au vigneron qui commente le vin que goûté plus tôt dans la grande salle (voir plus bas). Le discours du producteur sur le devant de la scène et la mise en condition de l’atelier n’ont pas influencé l’appréciation ! Très Bien.

Riesling Clos Saint Landelin 2002 – René Muré :  Le riesling de ce célèbre clos est issu d’un sol argilo-calcaire et sous-sol calcaro-gréseux. Le nez est encore sur des arômes de fermentation, avec des notes de houblon, paille et fruits jaunes. La bouche est riche et assez vive, grasse avec un bel équilibre apporté par la touche de sucre résiduel. Les 8g/l de SR sont  pour beaucoup dans l’adoucissement de la forte acidité (9.4 g/l en tartrique !). Très Bien

Riesling Clos Saint Landelin 2003 – René Muré : Le même vin dans un millésime plus difficile ayant connu des blocages de maturité. Le nez se fait plus jeune avec des arômes lactés d’élevage et des notes fumées. La bouche se montre ronde et équilibrée, avec des notes florales qui sont mises en avant par un peu de gaz. Un équilibre remarquable pour le millésime 2003, dans un style sec (5 g/l de SR). Très Bien

Tokay Pinot Gris 2002 – Dirler-Cadé : Un tokay issu du lieu-dit Schimberg, terroir gréseux situé au-dessus du GC Kitterlé à Guebwiller.  Le nez est fumé, grillé et un peu lacté. La bouche est équilibrée, finement acidulée, avec un léger moelleux très fin (10g/l SR) qui se développe sur des arômes de compote de rhubarbe. Un vin sapide qui n’en reste pas moins très classique. Bien

Tokay Pinot Gris 2003 – Dirler-Cadé : Le nez est très ouvert, parfumé avec des fruits mûrs (pêche). La bouche est parfumée avec beaucoup de fraîcheur et un bel équilibre sucre/acide (14g/l de SR). Encore une réussite du millésime 2003. Très Bien.

Gewurztraminer Grand Cru Steinert 2002 – Gérard Humbrecht (Pfaffenheim) : Encore un vin très parfumé au nez, avec de la rose et de la rhubarbe. La bouche est ronde, moelleuse, avec un bel équilibre maturité/rondeur qui ne tombe pas dans l’excès de botrytis. Beaucoup de pureté malgré l’alcool un peu sensible en fin de bouche. Très Bien.

Pinot Noir Rosenberg 2003 – André Stentz (Wettolsheim) : Il fallait goûter un rouge pour clôturer cette série. La robe est assez rubis assez clair. Le nez est assez parfumé, avec des notes de ronce qui rappellent un peu la rafle. La bouche est en revanche curieusement souple, sapide et assez minérale, alors que le nez semblait annoncer un vin sec et un peu tannique. Un style de pinot très alsacien mais que je ne goûte pas très bien. Bien.

Un atelier intéressant, qui eut été beaucoup plus instructif s’il avait été possible de goûter des vins non-bio. Les vins sont bons, en particulier les 2003, mais sont-ils vraiment différents des vins non-bio et est-ce le bio qui les sépare ? Le choix des cuvées aurait été très problématique. Il eut été politiquement difficile de choisir des producteurs de vins non-bio beaucoup moins sapides et minéraux que les exemples choisis. A l’opposé le risque était grand d’amoindrir l’argument pour les vins bio en goûtant des vins non-bio tout aussi sapides et minéraux (Riesling Frédéric-Emile de Trimbach par exemple).

Sommaire des vins dégustés :
  • Muscat 2002 – André Kleinknecht (Mittelbergheim)
  • Riesling 2003 – Marc Kreydenweiss 
  • Muscat 2004 – André Rohrer (Mittelbergheim) 
  • Gewurztraminer Cuvée Réserve 2004 – André Rohrer
  • Muscat Ammerschwihr 2004 – Martin Schaetzel
  • Riesling Rosenberg 2002 – Domaine Barmès-Buecher
  • Gewurztraminer Rosenberg 2002 – Domaine Barmès-Buecher
  • Riesling Kronenbourg 2002 – Jean Becker
  • Pinot Blanc « Mise du Printemps » 2004 – Josmeyer
  • Riesling « Le Kottabe » 2004 – Josmeyer
  • Riesling Cuvée Précieuse 2000 – Pierre Frick
  • Sylvaner Bergweingarten 2001 – Pierre Frick
  • Riesling Engelgarten 2002 – Sylvie Spielmann
  • Gewurztraminer Fronholz Cuvée Exceptionnelle 2003 – Domaine Yves Amberg (Epfig)
  • Riesling Grand Cru Wiebelsberg 2002 – Marc Kreydenweiss
  • Pinot Noir Rot Murlé 2002 – Pierre Frick
  • Rouge de Saint-Léonard 2002 – Domaine de l’Ancien Monastère (B. Hummel)
  • Pinot Noir 2002 – André Kleinknecht
  • Pinot Noir Fronholz 2002 – Domaine Ostertag

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Thierry Meyer