L'Oenothèque Alsace

Muscat et Pinot Blanc de 2005, 1990, 1988 et 1971 – 28 juillet 2010

Muscat et Pinot Blanc Sigillés des millésimes 2005, 1990, 1988 et 1971 – Confrérie Saint Etienne, 28 juillet 2010

La thématique de la session de juillet 2010 consistait à déguster deux cépages peu connus pour leur longévité sur quatre grands millésimes sains et francs. Muscat et pinot blanc sont généralement utilisés dans la production de vins à boire rapidement, pourtant lorsqu'ils sont de bonne origine et bien vinifiés, ils vieillissent admirablement bien.

  • 1971 est un millésime de petits rendements à cause des grosses gelées en hiver. La production de muscat est confidentielle. Malgré tout, la superbe arrière saison a donné des vins mûrs, sains, dotés de belles acidités. C’est un des plus grands millésimes d’après guerre avec 1964, qui dépasse surement les grands 1959 et 1976. Les meilleurs 71 sont au sommet de leur forme aujourd’hui, et possède un très bon potentiel de garde complémentaire.
  • 1988 était considéré en son temps comme un millésime précoce, le ban des vendanges ouvrant dès le 21 septembre pour le crémant. Au 21e siècle, précoce signifie que le crémant est vendangé en août. Le millésime possède une belle maturité mais des rendements généreux en ont fait un millésime parfois considéré comme plus léger. Le temps maussade au moment des vendanges a encouragé les vignerons à attendre, créant un grand volume de vendanges tardives et sélections de grains nobles. Les meilleurs 88 sont à maturité aujourd’hui, mais ne gagneront pas à être gardé plus longtemps. Les vins les plus légers commencent à fatiguer.
  • 1990 est un grand millésime chaud dans la ligne directe de 1989, 1988, 1983 et 1976, avec des rendements moins élevés que les deux autres millésimes de ce qu’on appelle désormais « Les Trois glorieuses ». L’été chaud a permis une bonne maturation des raisins, avec une baisse d’acidité limitée en automne au moment de la récolte. Les grands vins ne sont pas encore tous à leur apogée, à l’instar du riesling Clos Sainte Hune de la maison Trimbach, d’autres sont sur leur plateau de maturité depuis 10 ans au moins et auront  une garde conséquente à venir.
  • 2005 est un grand millésime qui combine la surmaturité de 1989 avec la chaleur de 1990, tout en conservant une bonne fraîcheur. Le début des vendanges le 7 septembre pour le crémant est considéré comme relativement précoce. Les pluies de début octobre ont accéléré le développement de la pourriture noble, donnant un caractère confit à de nombreux vins. Les vins sont annoncés comme de grande garde.

Série des Pinots

Pinot d’Alsace 1971 – Heim (négoce racheté par la Cave de Westalten en 1982) : Belle robe dorée, nez fondu de citron confit, de verveine et de réglisse sauvage. La bouche est plus sèche, fumée, de bonne densité avec un niveau d’alcool sensible en finale. A finir sans tarder, l’équilibre étant devenu fragile. Bien

Pinot 1971 – Willy Gisselbrecht (Dambach-la-Ville) : robe jaune doré avec un bel éclat, des reflets jaune citron très jeunes et une belle brillance. Le nez est ouvert, aromatique et complexe avec des nuances d’agrumes frais et de miel, tirant vers la tisane et les épices à l’aération. La bouche est charnue en attaque, puis plus légère dans la corpulence mais reste bien structurée avec une belle fraîcheur. La fin de bouche est marquée par une pointe d’alcool et par une belle acidité. Un vin récolté très mur. Beau témoignage de la grandeur du millésime, avec une belle origine probable. 10-15 ans de garde supplémentaire sans problème. A essayer sur un poisson en sauce crémée. Très Bien

Pinot Blanc 1988 – Heim (Westhalten) : une belle robe brillante, de nuance or blanc. Contraste étonnant au niveau aromatique avec le 71 pour ce vin au nez très jeune, aux arômes de fleurs printanières et de fruits à chair blanche, évoluant rapidement dans le verre vers des notes de miel, de noyau et d’amande douce traduisant une certaine fatigue. La bouche est ample en attaque avec du gras, pure avec une légère rondeur qui lui apporte du corps. La fin de bouche est marquée par une acidité légèrement vive, qui trahit un léger manque de maturité même si la légère amertume qu’elle engendre rend le vin plaisant à la dégustation. Un vin certainement moins abouti que le précédent, et de garde moindre. A finir dans les 5 ans. A boire sur du jambon cru. Bien

Pinot Blanc Les Préludes 1990 – Roger Jung (Riquewihr) : Le nom de la cuvée évoque une vendange précoce, « en prélude » aux autres. Cela est certainement du à la précocité du cépage, car il s’agit d’un vin riche à la robe dorée, brillante dessinant un jambage épais sur les parois du verre. Le nez est ouvert, riche et très mûr, avec un mélange complexe de fruits jaunes, de miel, agrémenté de notes de fumée, de fleurs séchées, d’orange sanguine qui donnent un style proche d’un pinot gris. La bouche est ample, acidulée en attaque, puis saline avec une légère amertume qui équilibre une légère rondeur. La finale est longue, portée par l’acidité et l’amertume, revenant sur des notes de fruits secs.  Le caractère solaire du millésime se présente bien avec cette cuvée qui se conservera encore 10 ans au moins. Certainement issu d’un beau terroir d’origine. A boire sur une tajine aux fruits secs. Très Bien.

Pinot Blanc 2005 – François Braun (Orschwiller) : une cuvée riche au nez jeune d’épices, de miel et de fruits compotés, ample et moelleuse en bouche avec un caractère pur et une certaine légèreté apporté par une pointe de gaz. La fin de bouche est chaleureuse. Un vin récolté très mur, qui reste marqué par ce caractère solaire, au risque de la lourdeur.  A regoûter dans 2-3 ans et à finir si le vin évolue trop rapidement. Bien

Série des Muscats

Muscat 1971 – Biecher (Saint Hippolyte) : une robe vieil or, un nez de miel, de mélisse, de fumée, de menthe séchée annonce une belle évolution, le coté légèrement terreux avec des traces d’encaustique signe certainement une légère défaillance du bouchon. La bouche est perlante, acidulée avec une légère amertume. Une cuvée à regoûter. Bof

Muscat Schlossreben 1988 – Muller-Koeberlé (Saint Hippolyte) : Une robe jaune doré brillante, limpide. Nez typé sur le muscat d’Alsace, avec des nuances de bourgeon de cassis et de violette qui rappellent le sauvignon (ou le bonbon krema au cassis). La menthe poivrée et les notes fumées rappellent qu’on est sur un vin de plus de 20 ans d’âge. La  bouche est ample, très pure, avec du croquant et un caractère sec et gras rehaussé par une acidité franche. La finale est longue et persiste sur la note de bourgeon de cassis. Un beau muscat léger récolté mûr en 1988, à l’acidité aboutie. A boire dans les 5 ans. Bien

Muscat 1990 – Henri Schoenheitz (Wihr au Val) : la robe est jaune or blanc avec des reflets verts, Le nez est franc, ouvert, net avec de la pomme mûre, de la menthe fraîche, une touche de cassis et de violette, sur un équilibre très jeune. La bouche est riche, avec un moelleux en attaque équilibré par une pointe de gaz, puis ample, profonde et bien structurée. La finale est légèrement amère. Un vin de terroir riche qui vieillira encore bien les 10 prochaines années. Très Bien

Muscat 1990 – Jean Becker (Zellenberg) : La robe est jaune doré avec de légers reflets plus ternes. Le nez possède du caractère, avec des arômes de sauge, de résine et une pointe d’oxydation, évoluant sur des notes d’ortie qui rappellent certains Schoenenbourg. La bouche est aboutie, franche et saline avec une belle fraîcheur mais un caractère aromatique affirmé. La finale est fatiguée avec un degré d’alcool sensible et de l’amertume. Un vin de caractère à boire sur une cuisine aux herbes (saumon à l’oseille par exemple), et qui se gardera encore 5 ans. Très Bien

Muscat 2005 – Cave les Faîtières (Orschwiller) : un vin très riche au nez ouvert et léger de pêche et d’abricot, riche en bouche avec un moelleux sensible, un corps moyen et une finale alcoolique. A regoûter dans les 5 ans pour suivre son évolution. Bien

Une dégustation très intéressante qui confirme la grandeur de 1971 et de 1990, et qui pose des questions sur l’évolution des 1988 et 2005. Indépendamment des caractéristiques météorologiques des millésimes, c’est surtout la gestion de la surmaturité et l’équilibre recherché par les vignerons qui caractérise chaque millésime. Si le manque de volume était de mise à la fin des années 90,  2005 est un millésime qui montre un changement de style vers des vins plus amples et parfois plus moelleux. A ce titre, l’augmentation de la fréquence des millésimes chauds nécessite de revoir le cycle de maturation de chaque cépage, et de rechercher les techniques qui permettront dans les vignes la  meilleure adéquation entre la maturité physiologique et la maturité en sucre des raisins.

Thierry Meyer

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