L'Oenothèque Alsace

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Masterclass de l’Eté 2010 – 26 juin 2010

Trois thématiques ont été abordées lors de la session d’été 2010 :

  • Premiers 2009 : 3 flacons déjà en bouteille du millésime 2009, pour se faire une première idée de ce millésime qui tranchera fortement avec les cinq précédents.
  • L’apogée des pinots gris 2005 : bien nés avec une belle maturité et des équilibres plus ou moins secs, les pinots gris ont été classés rapidement comme de futurs vins magnifiques à table. Etat des lieux cinq ans plus tard avec 6 vins en AOC Alsace.
  • Les grands crus alsaciens révélés par le gewurztraminer en 2008 : une sélection de 6 vins pour découvrir l’expression minérale parfaite des gewurztraminers de grand cru en 2008. Une révélation pour ceux qui pensent encore que seul le riesling révèle fidèlement la minéralité de ses terroirs d’origine

Aperçu du millésime 2009

2009 est le dernier de la déjà célèbre trilogie 2007-2008-2009, même s’il s’agit de trois millésimes aux équilibres différents. Si 2007 est marqué par un équilibre mûr physiologiquement mais souvent sain, 2008 plus frais avec de fortes acidités, 2009 est un millésime précoce et sain dont l’arrière saison chaude et ensoleillée a donné des vins fruités. Lorsque le stress hydrique a été trop fort, blocage de maturité ou passerillages ont pu altérer les raisins, donnant un avantage naturel aux terroirs de sols profonds, marneux ou calcaires. Le choix de la date de vendanges était crucial comme souvent. Le résultat est assez homogène, avec des rieslings et muscats amples et fruités, des pinots très mûrs en blanc, gris ou noir, et surtout des sylvaners amples et gras et des gewurztraminers opulents. Pour illustrer en avant-première le millésime, la dégustation porte sur trois vins. Pour débuter, un riesling sec de Josmeyer généralement connu pour être vif (comme en 2004 ou 2007), qui se montre plus ouvert et gras en 2009. La recherche d’une bonne maturité physiologique a donné un vin tendre même s’il reste sec, donnant une impression de plénitude. A l’opposé, le Sylvaner de Gustave Lorentz propose une fraîcheur plus désaltérante, mais la fin de bouche possède une amertume plus marquée qui inique une vendange plus précoce. Destiné à une consommation rapide, c’est un vin bien pensé qui offre un plaisir immédiat. Enfin, comme souvent, le gewurztraminer se trouve à son aise sur des millésimes chauds, et la cuvée Saint Léon IX de Wolfberger  colle tout à fait à cette définition : un vin charpenté au moelleux discret, qui possède l’ampleur  nécessaire pour mettre en valeur son caractère épicé. Les grands crus et pinots noirs seront à déguster après leur mise en bouteille.

Riesling le Kottabe 2009 – Josmeyer : c’est un vin sec qui possède de la chair, moins austère que d’accoutumée, avec une finale sur le pamplemousse rose. L’équilibre est pur et fin, la parfaite maturité du raisin apportant une sensation de gras très intéressante. 15/20 2010-2019

Sylvaner 2009 – Gustave Lorentz : un vin de bonne maturité, sec en bouche avec du gras et une légère amertume. Fermé en capsule à vis, un vin parfait à boire dès à présent. 14/20 2010-2013

Gewurztraminer Saint Léon IX – 2009 – Wolfberger : un  vin aromatique au nez d’épices, charnu et équilibré en bouche avec une bonne pureté et un moelleux discret bien intégré. 15/20 2010-2015

L’apogée des Alsace Pinot Gris 2005

2005 est une grande année en ce début de siècle, une année riche, mûre, généralement saine si on excepte quelques foyers très localisés de développement de pourriture mi-septembre. C’est surtout une année qui a donné de nombreuses VT et SGN avec un botrytis de qualité. La peau du pinot gris étant fine, le cépage est en effet particulièrement sensible à la pourriture, la noble qui donne (parfois trop rapidement) des vins à l’équilibre moelleux,  et la moins noble et son cortège d’arômes de champignon. Les pinots gris vinifiés secs ou presque secs ont bénéficié d’un cycle de maturation idéal, grâce au développement tardif du botrytis. Pour le pinot gris, le millésime se montrait donc à la naissance meilleur que 2002 qui avait connu la pourriture, que 2003 qui a avait souffert de passerillage et de stress hydrique, que 2004 à la maturation tardive sur les sols les plus lourds, et que 2006 marqué par le développement fulgurant de la pourriture grise fin septembre.
On annonça que ces pinots gris d’équilibre plus secs seraient de parfaits compagnons de table, les éventuelles traces de sucre résiduel finissant par se fondre après quelques années de garde. Cinq ans plus tard, le moment est venu de tester quelques bouteilles à l’équilibre assez varié. Les commentaires et les notes sont actualisés par rapport à ceux donnés en 2007.

Pinot Gris K 2005 – Domaine Paul Kubler : élevé pour un tiers en barrique, le vin se veut sec à la manière d’un bourgogne blanc. Passé la légère réduction et une pointe de marc au nez,  le vin se montre ample, sec avec un joli gras. La comparaison par série de 3 avec les autres vins fait ressortir le caractère toasté. 14.5/20 (noté15/20 lors de la dégustation en 2007 avec des arômes de noisette et une minéralité plus marqués)

Pinot Gris Tradition 2005 – Hugel et Fils: un vin d’équilibre sec qui possède du gras et de la chair en bouche, qui prend ici une légère amertume en finale. L’une des deux bouteilles servies est marquée par une légère oxydation due au bouchon (la maison utilise les bouchons DIAM depuis). 14/20 (noté14/20 lors de la dégustation en 2007 avec une dominant de noisette grillée au nez et de la fraîcheur en bouche).

Pinot Gris Tradition 2005 – Domaine de l'Oriel : ouvert au nez avec des notes de fleur d’acacia et de fruits à noyau, le vin possède un équilibre pur avec un moelleux (10 g/l) fondu grâce à une fine salinité. A l’aération le vin prend un caractère plus évolué, mais je suspecte que c’est le bouchage synthétique qui supporte mal un si long vieillissement. 14.5/20 (noté14/20 lors de la dégustation en 2007 avec un équilibre marqué par le moelleux et des arômes de noisette et de fruits secs)

Pinot Gris Tradition 2005 – Domaine Pfister : pur et ample, c’est un vin qui possède beaucoup de gras, avec un équilibre sec. La longueur en bouche impressionne, tout comme la pureté du fruit. Une cuvée peu botrytisée qui a très peu évolué depuis trois ans. 15/20 (noté 15/20 lors de la dégustation en 2007, avec un équilibre sec et gras)

Pinot Gris Terroir 2005 – Cave de Ribeauvillé : une cuvée riche au moelleux fondu, de bonne profondeur avec des arômes de fruits à noyau. La finale reste légèrement amère. Le bouchage synthétique apporte une nouvelle fois une légère fatigue aromatique avec des notes fumées. 14/20 (noté14/20 lors de la dégustation en 2007 avec un équilibre moelleux plus présent et un fruité plus frais)

Pinot Gris Cuvée Sainte Catherine 2005 – Domaine Weinbach : le vin le plus surmuri de la série, avec des arômes de miel et de noisette grillée dignes d’un 2002. L’équilibre en bouche se montre toutefois presque sec, la concentration et une légère amertume apportant un équilibre plus sec. Un style de vin qui appelle la cuisine d’automne, le gibier à plumes, les champignons, les légumes anciens et les terrines de gibier. 15/20 (noté 15.5/20 lors de la dégustation en 2007 avec un équilibre surmuri mais presque sec, et aérien)

Interrogés sur leurs préférences personnelles, les 19 participants ont placé le vin de Pfister en premier (13 fois classé 1er), suivi par celui de Weinbach (11 fois classé 1er ou 2e), les autres vins étant plus diversement classés en fonction de leur équilibre moelleux.
La dégustation a confirmé le bon niveau des cuvées sélectionnés, et un vieillissement harmonieux si on excepte les variations liées au bouchage. Les arômes dominant de noisette qui marquaient les vins lors de leur dégustation en 2007 ont presque complètement disparu. Les équilibres ont toutefois peu évolué sur ces cuvées, et si le moelleux se montre plus fondu, il n’en reste pas moins présent. 2007 et 2008 ont produit des pinots gris mûrs moins marqués par le botrytis, et devraient aller encore plus loin dans l’expression du cépage sur un équilibre sec. A goûter dans 2-3 ans.

Les Gewurztraminer Grands Crus 2008

2008 millésime frais et tardif, conforme aux années d’avant 2000. L’automne sec et frais après mi-septembre a favorisé un étalement des vendanges et permis surtout une maturation lente des cépages tardifs, sans que le botrytis vienne trop rapidement concentrer le jus dans les baies, faisant rapidement grimper le degré alcoolique moyen. Le temps frais a également permis de préserver les acidités importantes à majorité tartrique, en particulier sur la famille des pinots. Si on voit encore ça et là quelques problèmes de maturité sur des rieslings récoltés trop tôt, et des rendements réduits sur le muscat qui a coulé, le millésime enregistre une grande réussite sur le gewurztraminer, en particulier ceux issu de grands crus. Fruités et mûrs sans surmaturité trop dominante, leur acidité permet d’apporter un magnifique support à la salinité propre de chaque terroir. Les grands crus d’Alsace se révèlent alors avec un cépage habituellement considéré comme juste bon à produire des vins de dessert.  Avant la masterclass d’automne consacrée aux grands vins de 2008, les 6 cuvées dégustées montrent tout l’intérêt du gewurztraminer dans le débat sur les grands crus.

Gewurztraminer Grand Cru Altenberg de Wolxheim 2008 – Clément Lissner : un vin puissant récolté sans surmaturité et vinifié presque sec, qui magnifie les épices au nez, avant d’offrir une bouche onctueuse, profonde et très pure. Très calcaire dans son style à la fois suave et salin qui possède une puissance phénoménale, le vin possède à ce stade une légère austérité renforcée par son degré d’alcool. 17.5/20 2011-2028 (14.8%, 8g/l SR, 4.6 g/l AT)

Gewurztraminer Grand Cru Steingrübler 2008 – Albert Mann : un vin de grande complexité au nez mêlant fleurs et épices douces, élégant en bouche avec de la chair, une pureté cristalline et une finale saline très longue. Un vin tout en délicatesse produit par une parcelle située sur la partie la plus gréseuse de ce cru à dominante marneuse. Moins réputé que le Hengst, le Steingrübler donne ici toute la mesure de sa finesse et de sa pureté. Le gewurztraminer le rend savoureux et enchanteur. 18/20 2011-2028 (13.5%, 32 g/l SR, 5.7 g/l AT)

Gewurztraminer Grand Cru Rangen Clos Saint Théobald 2008 – Domaine Schoffit : un vin ample de robe dorée, marqué par les épices et une pointe fumée au nez, d’équilibre sec avec du gras et une longue finale épicée. L’acidité apporte du croquant à ce vin racé qui conviendra à la grande cuisine épicée. 18/20 2010-2028 (environ 30 g/l SR)

Gewurztraminer Grand Cru Kessler 2008 – Dirler-Cadé : Le Kessler est le plus précoce des quatre crus produits par le domaine (Kessler, Kitterlé, Saering, Spiegel), récolté plus mur que les autres en 2008. C’est  un vin ouvert au nez complexe d’épices à pain d’épices, tendre et minéral en bouche avec de la finesse et une finale épicée de grande longueur. Grande réussite en 2008 avec un équilibre très pur, voir évanescent. 18/20 2011-2028 (14.3%, 32 g/l SR)

Gewurztraminer Grand Cru Kirchberg de Barr Clos Gaensbronnel Cuvée des Frimas 2008 – Domaine Hering : les épices douces marquent un nez fin déjà complexe, la bouche est élégante, saline avec un moelleux fin bien intégré et une finale sur le girofle et la vanille. L’équilibre charnu et puissant porté par une bonne acidité en milieu de bouche rend le vin magistral, et de grande garde. 19/20 2011-2028 (environ 45g/l SR)

Gewurztraminer Grand Cru Marckrain 2008 – Laurent Barth : une récolte à maturité de vendange tardive a donné un vin ample et profond au nez d’épices grillées et de fumée, moelleux en bouche avec une longue finale sur les épices et le miel. La race est évidente sur ce terroir, et l’acidité intense équilibre le moelleux encore très présent. De grande garde. 19/20 2012-2033 (12.75%, 82 g/l SR, 5.4g/l AT, 22 hl/ha)

Si la dégustation de gewurztraminers grands crus est certainement plus fatigante pour le palais que celle de rieslings secs, les 6 vins de la sélection ont montré un sacré caractère, et une facilité de lecture des terroirs assez incroyable. La finesse des vins de terroirs de grès, la suavité des vins issus de terrains marneux, la puissance des vins issus de terres très calcaires, les styles sont immédiatement perceptibles sans attendre un hypothétique vieillissement sensé les faire « minéraliser ». Les grands gewurztraminers de terroir n’ont pas autant la côte auprès des amateurs que les grands rieslings, pourtant ils régnaient en maître il y a 50 ans et mériteraient aujourd’hui une toute autre attention, en particulier comme accompagnement de la cuisine fusion qui fait une part croissante aux épices. Ce sera le thème d’un diner début 2011.

Thierry Meyer

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