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Les rieslings de terroirs calcaires et le Clos Sainte Hune de Trimbach

21 juillet 2007 – la première dégustation sur le thème de l’approche par la dégustation d’un vin d’Alsace prestigieux a rempli toutes ses promesses. Découverte pour les uns, confirmation pour les autres, le riesling Clos Sainte Hune dégusté sur quatre millésimes a été observé sous tous ses angles et a affirmé sans ambigüité son style propre et les qualités qui font sa renommée. Au milieu de rieslings de terroirs à dominante calcaire, plongée au cœur de rieslings amples, puissants et de grande garde avec quatre séries de trois rieslings comprenant un Clos Sainte Hune, sur les millésimes 2001, 1999, 1995 et 1993.

La gamme des vins de la maison Trimbach couvre tous les cépages sur plusieurs niveaux qualitatifs. Si les cuvées génériques ont fait de gros progrès ces dernières années et atteignent aujourd’hui un niveau de qualité rarement atteint en Alsace à ce niveau de volume, la gamme prestige n’en reste pas moins une référence. En montant l’échelle des rieslings, après le Riesling, le Riesling réserve, le Riesling « M » (produit en 1996 et 2004 à partir d’une parcelle propre sur le Grand Cru Mandelberg), et le riesling Cuvée Frédéric-Emile, le Riesling Clos Sainte Hune domine non seulement l’offre des vins de la maison, mais se présente également comme l’étalon des grands rieslings alsaciens de terroir calcaire.

Assises sur un terroir calcaire situé sur le Ban de Hunawihr, en particulier au cœur du Grand Cru Rosacker, les vignes qui entrent dans la composition du Riesling Clos Sainte Hune ne sont pas délimitées comme un Clos bourguignon. Ne cherchez donc pas le Clos Sainte Hune dans l’espoir de vous faire prendre en photo comme à Vosne-Romanée devant la Romanée Conti, vous ne le trouverez pas. La cuvée est produite à environ 7000 bouteilles, assez rapidement écoulées auprès des clients traditionnels de la maison Trimbach mais surtout auprès d’une clientèle de grands amateurs et de restaurants de luxe qui profitent de la notoriété du Clos pour remplir leur cave du plus réputé des vins d’Alsace.

Les vins étaient servis à l’aveugle dans un ordre qui n’était pas annoncé à l’avance, pour réserver le plaisir de la découverte d’un Clos Sainte Hune sans a priori.

Série 1 : quelques 2002 pour se mettre en bouche et découvrir l’influence du sol sur la structure du vin

Pour commencer la dégustation, trois vins de terroirs différents vont permettre d’appréhender le style propre des terrains plus calcaires.

Le Riesling Saint Hippolyte 2002 de Marcel Deiss (15€) possède un nez d’agrumes mûrs et affiche d’emblée une belle acidité verticale et pointue qui marque fortement le début de bouche, avec du corps, une belle richesse et un finale sur le pamplemousse qui renforce son aspect sec. Le coté sauvage du granit de Saint-Hippolyte se retrouve dans cette structure tonique qui possède beaucoup de charme. Très Bien
Plus fin avec une belle salinité, le Riesling Andlau 2002 de Guy Wach (6€) montre un nez très agréable de riesling à maturité, minéral et fruité à la fois. La bouche est droite, avec un grain très fin et une acidité constante en bouche. La finale montre de beaux amers qui lui procurent une grande longueur. Un riesling exemplaire de la finesse apportée par les terroirs gréseux, qui appelle un poisson de rivière, une belle truite par exemple. Très Bien
Servi en troisième position, le Riesling Cuvée Drei Exa 2002 de Paul Ginglinger (7.5€) montre de l’intensité au nez avec du citron et de la citronnelle, rehaussée de légères notes fumées. L’attaque en bouche est ample avec du gras, puis affiche une belle matière soutenue par une acidité qui gagne progressivement en puissance, tirant loin la fin de bouche. Le caractère calcaire des sols autour d’Eguisheim qui entrent dans la composition de vin définit de manière nette le style des vins que nous allons déguster par la suite. Très Bien

Une belle mise en bouche avec trois beaux rieslings témoins de leur terroir d’origine, dans un millésime 2002 qui se montrait parfois vif dans ses jeunes années. A bientôt 5 ans d’âge ces trois vins sont à leur apogée avec un potentiel de garde important, et procurent un grand plaisir. Ce sont en outre de très bons rapports qualité/prix, des vins à posséder en cave. Si vous n’avez pas encore de 2004 ou de 2005 de ces cuvées en cave, corrigez vite cette erreur et courrez vous approvisionner. Dans 4 ans vous ne le regretterez pas.

Série 2 : Le (futur) grand millésime 2001

Pour passer aux choses sérieuses on débute avec le millésime 2001, le plus jeune.  Première série avec un Sainte Hune 2001 qui a été mis en vente cette année, et qui est déjà épuisé au domaine, en attendant le millésime 2003, puis le 2002, le 2004 et le 2005 qui dorment encore ans la cave. Au milieu de deux autres vins de style différent, le groupe hésite. Aucun vin ne semble se détacher des deux autres et un sondage rapide montre qu’un tiers des participants croit reconnaître le Sainte Hune dans chacun des trois vins. Le Clos est encore discret à ce stade, moins intense au nez, mais propose déjà un équilibre en bouche bien typé, signe qui ne trompe pas ceux qui connaissent déjà la cuvée. Le Sainte Hune 2001 est un vin à déguster en comparaison d’autres vins ; dégustés seul, sa discrétion au nez et sa pureté en bouche pourraient le faire passer pour un vin simple aux palais non expérimentés. Regoûté après avoir été dévoilé, la pureté et la finesse du vin apparaissent plus clairement face à un Stein déjà bien ouvert et parfait aujourd’hui, et à un Hengst plus vibrant et plus fougueux.

Riesling Clos Sainte Hune 2001 – Trimbach (89€) : Le nez est discret, très fin avec des arômes de fleurs blanches, et de pierre à fusil, évoluant sur le caractère floral. La bouche est ample en attaque, fine et très pure avec beaucoup de concentration et une légère amertume sur le pamplemousse en finale. Si le vin se montre fermé au nez à ce stade, la bouche est déjà bien en place par rapport à la cuvée dégustée ce printemps, et sa grande longueur en bouche annonce un très grand vin en devenir. Un vin déjà approchable. Excellent

Riesling Grand Cru Hengst 2001 – Josmeyer (28€) : Le nez est ouvert et intense, floral avec des agrumes, mais on sent une légère acidité volatile à l’agitation qui renforce le niveau d’alcool plus élevé que le précédent. La bouche est grasse, pure et minérale, avec une forte densité. La concentration est remarquable pour ce grand vin de terroir qui arrive doucement à maturité. Excellent.

Riesling Stein « Clos Eugénie » 2001 – Emile Boeckel (12€) « Le Clos Eugénie se trouve sur le terroir STEIN, situé en bordure sud de Mittelbergheim ; Exposé sud, ce terroir à dominance calcaire est protégé des vents du nord par le village ; ce qui permet à ce sol très sec d'emmagasiner la chaleur la journée pour la restituer à la vigne la nuit. » : Le premier nez est marqué par des notes minérales, de fumée et d’hydrocarbure. La bouche est ample en attaque, puis dense avec une amertume légère. La finale est longue sur l’acidité avec des notes de pierre. Un vin dense, déjà à maturité qui se conservera longtemps. Rapport qualité prix exceptionnel. Très Bien

Série 3 : un millésime 1999 en grande forme

1999 est un millésime très intéressant pour les rieslings de terroirs car les vins ont atteint leur maturité assez rapidement, et proposent un équilibre très classique. Millésime réputé difficile pour les vignerons à cause des fortes variations de temps en automne, il a pourtant produit de beaux flacons chez les meilleures maisons. Le Clos Windsbuhl se montre étrange, légèrement réduit peut-être avec un équilibre inhabituel. Goûté en mars dernier à coté d’un Sainte Hune 1999, la comparaison était fort différente. Un problème de bouchon peut-être, qui n’enlève rien au caractère exceptionnel de ce flacon. Reste à déterminer pour le groupe lequel du premier ou du deuxième vin est le Clos Sainte Hune. Si l’équilibre des deux vins est semblable, l’Altenberg semble avoir plus d’opulence et un peu moins de finesse. Les plus aguerris détectent le vin de Trimbach, mais l’exercice est difficile. Si la pureté des deux vins les différencient, leur style est assez similaire alors que leurs terroirs d’origine diffère largement : l’Altenberg est un sol plus argileux et plus riche en fer que le Rosacker. La patte du vinificateur se ressent bien sur ces deux vins.

Riesling Grand Cru Altenberg de Bergheim 1999 – Gustave Lorentz : Le nez est parfumé, typé 1999 avec à la fois une touche d’évolution sur des notes de fumée et un coté minéral très aérien, renforcé des notes de fleurs blanches à l’aération. La bouche est riche et finement acidulée, avec du gras et un caractère sec (malgré 9.4g/l de sucre résiduel). Très Bien

Riesling Clos Sainte Hune 1999 – Trimbach Le nez est assez discret, avec des notes de fleur d’acacia. La bouche est sèche en attaque, puis affiche une forte concentration avec de la pureté et du gras, laissant une très grande impression de puissance et de netteté. Le vin est très riche et déjà ouvert et se boit très bien sans regret d’avoir ouvert la bouteille trop tôt. Un Sainte Hune idéal pour les impatients. Excellent.

Riesling Clos Windsbuhl 1999 – Zind-Humbrecht : La robe dorée presque fluorescente tranche avec les deux premiers vins. Le nez est complexe, mûr, fumé et grillé, avec des notes de fruits exotiques et d’écorce d’orange. La bouche est fine, très minérale, avec un équilibre sec et gras qui prend un coté très épicé. Un vin qui étonne par sa différence nette avec les deux précédents et qui ne ressemble pas au vin dégusté ces dernières années. Très Bien

Série 4 : Etonnant Millésime 1995

Le Clos Sainte Hune est connu pour atteindre son apogée après 10 années de garde. Avec 1995, on eut effectivement faire le test. La millésime est connu pour sa surmaturité, et les robes jusque là toujours pâles se parent de nuances dorées plus profondes. C’est également la première série dans laquelle on trouve un grand cru Rosacker. A l’aveugle, l’équilibre jeune et pur du Furstentum apparente le vin au Sainte Hune, le Rosacker de Sipp-Mack étant très opulent. Pourtant, à bien à regarder, certains participants retrouvent progressivement le Clos Sainte Hune, dont le style change à peine par rapport aux précédents millésimes.

Riesling Grand Cru Rosacker 1995 – Sipp-Mack : Le nez est intense et complexe avec des arômes de pierre à fusil et de fumée, évoluant sur des notes de cuir, de safran et d’encaustique. La bouche est riche, nette et ample avec une belle profondeur, une acidité mure très agréable et une finale nette et longue. Un vin riche qui a atteint son plateau de maturité. Excellent

Riesling Grand Cru Furstentum 1995 – Paul Blanck : Le nez est ouvert, intense et encore très jeune avec des arômes de fruits frais et de fumée. La bouche est ample, nette avec du gras, possédant un équilibre acide qui lui donne de la fraîcheur et finissant sur une note tannique. Il s’agit de la cuvée  « jeunes vignes » qui a bien vieilli sans posséder l’ampleur et la profondeur de la cuvée Vieilles vignes. Très Bien.

Riesling Clos Sainte Hune 1995 – Trimbach : Le nez se montre plus réservé, avec des arômes de fleur d’acacia et une touche de surmaturité. La bouche est ample en attaque, puis sèche avec de l’amertume dans un style surmaturé sec. La recherche d’un équilibre sec sur une vendange botrytisée donne une sensation moins équilibrée que sur les autres vins, même si la bouche conserve son légendaire caractère pur. Très Bien

Série 5 : pour finir en beauté : le millésime 1993

Avec 1993, on entre dans une catégorie de vins en phase secondaire, à l’expression minérale bien développée. Comme 1999, 1993 est un millésime qui a permis de produire de grands rieslings de terroirs, pour peu que les vignerons aient pu limiter les rendements. Les robes redeviennent claires, avec des nuances d’or blanc teintées de reflets verts. La ressemblance du grand cru Rosacker apparaît clairement face à une cuvée des Comtes d’Eguisheim originaire du Grand Cru Pfersigberg à l’équilibre moins ample et plus vif.  Avec 14 ans d’âge, la qualité du bouchon influence le flacon. Le Rosacker 1993 de Mittnacht-Klack est magnifique, encore meilleur que la bouteille témoin goûtée au domaine deux jours plus tôt, et le Sainte Hune se montre d’une richesse et d’une opulence telle qu’on se demande s’il n’y aurait pas un peu plus de sucre résiduel que d’habitude. Malgré tout, le vin de Trimbach se montre une nouvelle fois le plus discret au nez mais aussi le plus pur en bouche. Au bout de 4 millésimes, le groupe commence doucement à être unanime sur le style du Clos Sainte Hune. Le faible niveau d’évolution des trois cuvées confirme la capacité de vieillissement des rieslings de terroir calcaire.

Riesling Cuvée des Comtes d'Eguisheim 1993 – Léon Beyer : originaire de vignes du domaine situées sur le grand cru Pfersigberg, le vin se montre frais avec un nez ouvert, minéral et jeune, très net. La bouche est pure, droite et assez vive avec une belle trame acide qui signe la noble origine de cette cuvée. La finale est longue avec des notes épicées. Un vin de grande garde, très typé, qui n’a pas l’ampleur ni le gras des deux autres cuvées issues de Hunawihr. Excellent.

Riesling Clos Sainte Hune 1993 – Trimbach : le nez ne montre aucune trace de pétrole, et se dirige plutôt vers des fleurs blanches (tilleul, acacia), du poivre blanc, de l’églantine. La bouche reprend tout ce qui fait le charme du Ste Hune : un gras onctueux qui recouvre une fine acidité, des arômes de fleur d’acacia, et surtout un équilibre presque parfait pour un vin sec. La finale est longue avec de fines notes anisées. Superbe flacon. Excellent

Riesling Grand Cru Rosacker 1993 – Mittnacht-Klack : La robe possède une viscosité apparente importante avec de grosses larmes sur les parois du verre. Le nez est intense, ouvert et complexe avec le charme et la patine des rieslings légèrement âgée : cire, beurre, camphre, fumée, fleur d’acacia. La bouche est ample, riche et très grasse avec une acidité puissante qui conserve une structure droite. Al finale est longue avec beaucoup de profondeur. Excellent, voire plus.

Avant de tirer quelques conclusions, il faut souligner le grand plaisir partagé par tous les participants, y compris par l’organisateur de cette dégustation. Quel exercice plaisant que de déguster de grands vins de cette manière, et surtout d’avoir l’opportunité de goûter plusieurs millésimes de Sainte Hune entrecoupé d’autres grands vins alsaciens. Les discussions qui ont suivi chaque série ont prolongé la dégustation bien au-delà de l’heure de fin initialement prévue, et nous avons fait la fermeture du magasin Wolfberger !

Après cette dégustation, que dire de ce fameux Riesling Clos Sainte Hune ? On trouve plus souple, plus ample, plus gras, plus profond, plus acide, plus sec. Mais aucun autre riesling ne possède de millésime en millésime depuis plus de 50 ans cet équilibre classique, profond et d’une grande pureté, équilibre très rassurant en fait. Le Clos Sainte Hune donne rarement dans les arômes fruités. On passe des fleurs blanches au minéral, du poivre à la fumée sans faire de détour vers les agrumes, les fruits à chaire blanche ou l’abricot sec. Le vin est ample et sec sans avoir le tranchant  que possède parfois son voisin la cuvée Frédéric Emile. Le Clos Sainte Hune, c’est finalement un grand vin sans grande surprise, comme un Château Latour, un Château Pétrus ou un Champagne Dom Pérignon savent l’être. Un grand vin accessible au plus grand nombre, pour peu qu’on se concentre sur la pureté et la finesse du vin sans y rechercher de l’austérité excessive ou un sucre résiduel trop présent. Les millésimes 2001 et 1999 ont montré la grande facilité d’accès du vin, contrairement à des millésimes plus anciens comme 1995, 1990 ou 1985 qui avaient demandé 10 ans de garde pour se présenter de manière aussi agréables que les derniers millésimes. Est-ce un changement de style à la fin des années 90 qui a visé à rendre le riesling plus abordable jeune ? Les techniques de pressurage et d’élevage y sont certainement pour quelque chose.

La notoriété aidant, le Clos Sainte Hune poursuit son ascension dans l’échelle des prix pour rejoindre le club fermé des vins inabordables à l’amateur lambda. A près de 100 euros départ cave, c’est le vin sec le plus cher d’Alsace, derrière quelques grands crus de Zind-Humbrecht quelques autres. Peu de rieslings dépassent la barre psychologique des 20 euros en Alsace, et autour de ce prix, on trouve une sélection de très grands vins. L’effet prestige joue donc à fond, et la hausse va certainement se poursuivre comme pour tous les flacons mythiques de la planète, victimes de la demande croissante d’une clientèle qui recherche l’excellence à n’importe quel prix. Si on compare aux grands crus bourguignons et à d’autres flacons prestigieux produits en si faible quantité, le Clos Sainte Hune reste malgré tout une superbe affaire, de par sa qualité, sa régularité et sa capacité de vieillissement.

Il ne reste qu’à espérer que le vin fasse des émules et que d’autres domaines alsaciens valorisent à ce niveau leurs meilleurs vins, car c’est ce genre de cuvées qui tire vers le haut la notoriété d’une région viticole. La combinaison de cuvées prestigieuses issues de terroirs marqués, d’une grande capacité de garde et vendues très chères sur le marché international est la recette qui a propulsé les vignobles de Bordeaux et de Bourgogne à ses sommets actuels.  Surtout, les stars de ces régions sont rarement contestées par les autres vignerons. La présence d’une bonne moitié de vignerons parmi les participants montrait a confirmé la stature du Clos Sainte Hune, la cuvée faisant l’unanimité auprès des vignerons présents. Un signe qui ne trompe pas.

Thierry Meyer

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