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Les accords majeurs de la gastronomie alsacienne

Quelle est la nature des accords mets/vins classiques en Alsace ? Le dîner du 12 mai dernier au restaurant La Taverne Alsacienne a permis de faire un tour d’horizon des accords les plus connus, et de tester plusieurs vins de styles différents sur chaque plat dont quelques grands crus à coté des traditionnels vins de cépage.


Mise en Bouche
Crémant Brut – Frédéric Mochel
Asperges blanches, Sauce au Beurre citronné et Ciboulette
Muscat Grand Cru Wineck-Schlossberg 2004 – Vincent Spannagel
Muscat Tradition 2004 – Hugel et Fils
Filet de Sandre au Bacon, Risotto au Parmesan et Poêlée de Légumes
Riesling Grand Cru Kastelberg 1991 – Guy Wach
Riesling Clos Sainte Hune 1992 – Trimbach
Filet de Bœuf Braisé au Pinot Noir
Pinot Noir Cuvée Particulière 2003 – Gustave Lorentz
Pinot Noir 2003 – Léon Beyer
Pinot Noir 1983 – Pierre Frick
Trio de Munster
Gewurztraminer Grand Cru Steinklotz 2001 – Romain Fritsch
Gewurztraminer Rodelsberg 1998 – Marc Tempé
Gewurztraminer Tradition 1997 – J.B. Adam
Soupe de Fruits Frais, Glace Vanille
Pinot Gris Clos du Letzenberg Vendanges Tardives 1994 – Domaine du Manoir
Pinot Gris Rosenberg Vendanges Tardives 1996 – Barmès-Buecher



Pour chaque plat, les vins ont été servis à l’aveugle, puis dévoilés après que le plat ait été servi. Les notes du groupe sont indiquées lorsqu’elles sont suffisamment nombreuses.


Mise en Bouche


Divers canapés accompagnent à merveille le crémant, dont la fraîcheur tranche dans le gras de la pâte feuilletée.


Crémant Brut – Frédéric Mochel : La robe est jaune clair, avec une bulle fine, et un cordon de bulles de taille moyenne mais très persistant. Le nez est discret, floral avec des notes de fruits acidulés. La bouche est vive en attaque, puis dégaze lentement avec une mousse compacte, laissant apparaître un vin de bonne densité. Le crémant est bien dosé et parait riche au palais, tout en conservant de la fraîcheur grâce à son acidité. Un bon crémant parfait pour mettre en appétit. Bien
Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-3 Bien-2 Bof-0 Beurk-0 : Unanimement apprécié pour sa richesse, certains le trouvent un peu trop dosé.


Asperges blanches, Sauce au Beurre citronné et Ciboulette


Recette classique avec des asperges servies chaudes avec une sauce au beurre et au citron, rehaussé de ciboulette. Le muscat propose beaucoup de fraîcheur au nez, et son coté sec sans être trop acide accompagne l’amertume de l’asperge, amplifiant son goût. A cet exercice, le muscat de Hugel est à son aise, droit et sec il passe parfaitement sur le plat. Le Muscat Grand Cru, doté d’une belle minéralité et d’une bonne richesse, reste indifférent devant le plat.


Muscat Grand Cru Wineck-Schlossberg 2004 – Vincent Spannagel : Le nez est ouvert, intense et très mûr avec des arômes de fruits exotiques. La bouche est moelleuse en attaque, puis plus grasse, évoluant sur un équilibre plus sec avec une salinité très fine sur la langue. L’acidité est fondue et très discrète, juste suffisante pour éviter de rendre le vin trop lourd. La fin de bouche est longue sur les fruits mûrs. Un muscat grand cru d’une bonne richesse. Très Bien
Avis du Groupe : Excellent-1 Très Bien-4 Bien-1 Bof-0 Beurk-0 : un vin apprécié pur ses qualités intrinsèques, même s’il ne va pas bien avec le plat. Serait parfait à l’apéritif ou sur des poissons un peu travaillés.


Muscat Tradition 2004 – Hugel et Fils : Le nez est ouvert, simple et fruité, avec des arômes d’herbe coupé, de pomme et de raisin frais. La bouche est souple en attaque, puis plus fraîche grâce à la présence de gaz carbonique, donnant un très beau croquant à l’équilibre, avec une finale très aromatique. Un vin franc, très belle réussite dans son style. Très Bien.
Avis du Groupe : Excellent-3 Très Bien-2 Bien-1 Bof-0 Beurk-0 : L’accord magique met à la fois le plat et le vin en valeur.


Filet de Sandre au bacon, risotto au parmesan et poêlée de légumes


Si le poisson est souvent le terroir de prédilection du riesling, les préparations riches supportent des rieslings Grand Cru. Le gras et la puissance du vin vont permettre un bon liant avec la chaire du poisson, laissant le soin à la minéralité des crus d’aller chercher les accords avec les accompagnements. Le Kastelberg va se sentir plus à l’aise avec le poisson nu et les légumes croquants. Le Clos Sainte Hune va supporter le bacon et le risotto, sa puissance lui permettant de s’associer à la richesse du plat.


Riesling Grand Cru Kastelberg 1991 – Guy Wach : Le premier nez est discret, puis se dévoile par palier, avec des arômes de fumé, de cire et d’encaustique, d’anis et de menthe poivrée, conservant une bonne intensité à l’aération. La bouche est grasse en attaque, puis fraîche et minérale avec un équilibre construit sur l’acidité du vin et une matière de densité moyenne. La fin de bouche reprend les notes fumés et anisées du nez. Le vin est à maturité, mais manque un peu de matière pour exprimer le style gras du Kastelberg. Très Bien
Avis du Groupe : Excellent-1 Très Bien-4 Bien-1 Bof-0 Beurk-0 : Jugé parfois sévèrement pour son coté austère, le plat a révélé les grandes qualités de ce vin, en particulier au niveau gustatif. 


Riesling Clos Sainte Hune 1992 – Trimbach : Le premier nez est mûr, minéral avec des arômes de camphre, évoluant sur des notes grillées. La bouche est grasse en attaque, concentrée et très minérale en prenant lentement de la puissance. L’acidité se fait sentir progressivement en bouche et la finale prend un caractère plus nerveux avec des notes de pierre et de citron. Un vin riche, à maturité sans aucun signe de fatigue. Excellent
Avis du Groupe : Excellent-5 Très Bien-0 Bien-1 Bof-0 Beurk-0 : La densité du vin et son caractère gras signe la marque des vieux Clos Ste Hune. Les amateurs du genre adorent.


Filet de Bœuf Braisé au Pinot Noir


Un filet cuit trois heures sous vide à basse température puis poêlé, servi avec une sauce au pinot noir et une ratatouille de légumes. La texture du bœuf appelle un vin rouge avec des tanins, le fruit étant mis en valeur une fois ce liant effectué. Si le Pinot Noir de Beyer réalise un bel accord, Le Pinot Noir de Lorentz offre un fruit plus présent qui va mettre les légumes en valeur. Le vin de Frick sera apprécié pour sa complexité et son équilibre général, passant très bien de la viande aux légumes.


Pinot Noir Cuvée Particulière 2003 – Gustave Lorentz : La robe est rouge cerise noire avec des reflets violets. Le nez est fruité avec des arômes de fruits rouges et de cerise noire, prenant une note vanillée à l’aération. L’attaque en bouche est souple, puis le vin se montre concentré avec des tanins gras avec une finale. Un vin gourmand qui se boit déjà très et qui devrait bien évoluer sur les 5 prochaines années. Très Bien
Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-4 Bien-0 Bof-0 Beurk-0 : l’équilibre est plaisant pour cette cuvée très réussie en 2003.


Pinot Noir 2003 – Léon Beyer : La robe est rouge rubis, très brillante. Le premier nez est discret, gagnant en intensité à l’aération avec des notes de cuir et de ronce. La bouche est fruitée en attaque, puis se fait plus austère avec des tanins frais qui assèchent la bouche. La finale est marquée par les tanins qui masquent le fruit. Un vin  à garder quelques années pour qu’il se fonde en espérant que le fruit ne disparaisse pas. Bien
Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-0 Bien-3 Bof-1 Beurk-0 : le vin se montre sec en comparaison des deux autres, et n’a pas la même ampleur aromatique.


Pinot Noir 1983 – Pierre Frick : Le vin est carafé deux heure, ce qui lui permet de prendre de l’intensité au nez et de la couleur. La robe est rouge grenat avec des reflets tuilés, avec de nombreuses jambes fines. Le nez est ouvert, complexe avec des arômes de cerise noire, de lard fumé et de goudron. La bouche est souple en attaque, puis riche et fondu avec beaucoup de finesse. Les tanins sont fins et fondus, et on retrouve des arômes de cerise noire en finale. Un vin remarquable par sa structure et son équilibre, d’une jeunesse incroyable pour un 1983, dans un style qui rappelle un grand bourgogne 1983. Excellent.
Avis du Groupe : Excellent-2 Très Bien-2 Bien-0 Bof-0 Beurk-0 : le vin ne fait pas son âge, et montre tout le potentiel des terroirs marno-calcaires propices au pinot noir.


Trio de Munster


Par delà le traditionnel accord entre munster et gewurztraminer, c’est un véritable exercice de style que nous faisons avec trois munsters de montagne proposant des goûts très différents : Un munster onctueux à la croûte lavée possédant beaucoup de fruit, un munster plus crémeux  avec plus de fondant en bouche, et un munster plus affiné, avec des trous dans la pâte qui se montrera plus puissant. Le gewurztraminer grand cru ne sera pas le bon compagnon à table,  sa minéralité et sa délicatesse étant balayées par la puissance du fromage. Le Rodelsberg offre plus de densité et un caractère épicé qui s’associe à merveille avec les trois fromages dont le plus crémeux. C’est le Tradition de Adam qui se montrera le plus à l’aise sur les trois munsters, sa richesse et sa complexité lui permettant une association avec chaque version du fromage alsacien.


Gewurztraminer Grand Cru Steinklotz 2001 – Romain Fritsch : La robe est jaune dorée, brillante. Le nez est ouvert, mûr et fruité, avec des arômes de pêche et de fruit acidulés. La bouche est moelleuse en attaque, puis fine et minérale avec une matière légère qui lui donne beaucoup d’élégance. La finale est moelleuse et acidulée, de bonne longueur. Un gewurztraminer mûr et délicat, très minéral. Très Bien


Gewurztraminer Rodelsberg 1998 – Marc Tempé : la robe est jaune dorée très intense, avec des reflets orangés. Le nez est légèrement oxydé, avec des arômes de pomme cuite, de cire et de foin. La bouche est grasse en attaque, puis plus sèche avec du fruit et des épices qui lui donnent de la fraîcheur. La finale est épicée avec une bonne longueur. Dommage pour le caractère oxydé car la matière en bouche est belle. Bien


Gewurztraminer Tradition 1997 – J.B. Adam : la robe est jaune dorée, de nuance vieil or. Le premier nez est discret sur des arômes de rose, prenant de l’intensité et de la complexité à l’aération avec des notes épicées qui complètent le registre floral. La bouche est souple en attaque, fruitée et dense avec une belle complexité aromatique à la fois florale et épicée, devant plus corsée et légèrement alcooleux en finale avec des notes de pralin et d’épices. Un gewurztraminer riche et très pur, qui semble avoir atteint un plateau de maturité. Très Bien


Soupe de Fruits Frais, Glace Vanille


Une fin de repas plus légère pour amortir la richesse des plats précédents. La soupe de fruits frais apporte une touche de fraîcheur sans être trop sucrée, les fruits exotiques apportant de l’acidité et des arômes. Le moelleux des vendanges tardives et l’acidité du pinot gris feront de bons compagnons du plat, sans forcément réaliser des accords gourmands. On mange le dessert et on boit le vin pour le plaisir.


Pinot Gris Clos du Letzenberg Vendanges Tardives 1994 – Domaine du Manoir : La robe est jaune dorée, très intense. Le nez est ouvert et intense, complexe avec des arômes de pêche et d’abricot, de pralin et d’amande grillée avec des notes de fumée et de truffe. La bouche est moelleuse en attaque, minérale avec beaucoup de chaire. La fin de bouche est moelleuse, fruitée et très longue. La liqueur est fondue ce qui donne une impression de manger des abricots murs, impression déjà rencontrée dans d’autres vins moelleux du domaine en 1994. Superbe équilibre pour ce vin à maturité. Excellent.


Pinot Gris Rosenberg Vendanges Tardives 1996 – Barmès-Buecher : Le premier nez est très net avec des arômes de truffe et de coing qui trahissent le millésime 1996, puis le nez prend des notes de coquille d’huître à l’aération. La bouche est liquoreuse en attaque, suivie par une bonne acidité qui donne de la fraîcheur, l’équilibre devenant plus moelleux. Le vin se montre très minéral avec une évolution lente, suggérant qu’il faudrait l’attendre encore un peu. Un vin qui s’accorderait pus à table sur un foie gras qu’au dessert. Très Bien


Un superbe repas qui a su apporter sa dose de plaisir à chaque plat. Coté accords, les classiques fonctionnent très bien, mais l’exemple du muscat et du gewurztraminer a montré que les grands crus proposent une complexité qui gêne un peu l’accord. Munster et asperges appellent des vins francs, et rechercher une qualité de vin supérieure en allant dans l’AOC Alsace Grand Cru est une mauvaise direction. Le riesling aime les terroirs lorsqu’il s’associe au poisson, à condition d’harmoniser la structure du vin et celle du plat, pour éviter que l’un n’écrase l’autre. Si les accords classiques ont construit leur réputation sur des vins francs et marqués par leur cépage, les repères manquent à nouveau pour les accords avec les grands crus. Par delà les notes variétales, la typicité de chaque cru appelle des plats et des accompagnements différents qui vont relever la minéralité des vins. Un encouragement à continuer les repas et les essais de plusieurs vins…


Thierry Meyer


 


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