L'Oenothèque Alsace

OENOALSACE.COM

La Minéralité dans les vins blancs d’Alsace

Dégustation autour des cépages et des terroirs
4 Mai 2002 – Restaurant la Taverne Alsacienne – Ingersheim


La minéralité est un caractère du vin qui est souvent difficile à expliquer. A la fois sensation olfactive, gustative et texture, l’expression « vin de pierre » d’André Ostertag résume à elle seule une multitude de sensations. On note facilement dans des notes de dégustation un nez ou une bouche dite « minérale ». Au nez d’abord, les arômes de pierre à fusil ou de pétrole sont souvent identifiés. La bouche décèle de la minéralité en fonction du type d’acidité du vin. Enfin, la notion de texture peut apparaître lorsqu’on a l’impression de boire un vin cristallin, semblable à une eau très pure. Plutôt que de limiter cette notion au caractère organoleptique propre, étendons donc cette notion de minéralité à l’expression du terroir d’un vin en général.



Si la minéralité s’exprime parfois dans les vins rouges, c’est avec les blancs qu’elle est la plus facilement perceptible. Très souvent elle est un signe de reconnaissance de l’origine du vin, car elle reflète son terroir. La composition du sol joue énormément, en particulier sur la nature de l’acidité qu’elle va produire dans les vins. De nombreuses appellations des régions de France sont réputées pour la minéralité de leurs vins blancs : Sancerre et Pouilly Fumé en Loire, Chablis, Pouilly-Fuissé, Macon et Corton Charlemagne en Bourgogne, Palette en Provence, Pessac Léognan blanc a Bordeaux.


Mais la complexité des terroirs alsaciens offre un terrain de dégustation encore plus grand, et c’est le sujet de notre dégustation. On trouve de la minéralité dans de nombreux vins, secs ou moelleux, issus de tous les cépages, et dont le fruit n’est pas dominant. Le riesling est généralement plus facile à appréhender, avec différentes expressions de cette minéralité :




  • le caractère poivré


  • la coté un peu amer/pamplemousse de certains terroirs


  • le coté cristallin de certaines jeunes cuvées

Le sylvaner et le muscat offrent des sensations similaires. Du coté du pinot gris et gewurztraminer, on trouve souvent des notes fumées et de pierre à fusil dans certains terroirs. Le pinot blanc est généralement plus sur le fruit que sur un caractère minéral.


La soirée dégustation va permettre d’apprécier ces différents types de minéralité en goûtant plusieurs cépages sur des terroirs et des millésimes différents. Quel est le programme de la soirée ? Dans un premier temps, une dégustation nous emmènera au travers de plusieurs types de minéralité dans différents vins d’Alsace. La dégustation portera sur une majorité de jeunes millésimes, secs et moelleux. La dégustation s’achèvera par la dégustation de quelques grands vins d’autres régions connues pour leur forte minéralité, ce qui nous permettra de comprendre la spécificité des vins d‘Alsace.


Ensuite, un dîner permettra d’expérimenter l’effet de la minéralité sur différents plats, de voir comment des acidités différentes permettent de créer des accords intéressants, en particulier dans des millésimes un peu plus âgés. Pour accompagner les 18 participants, quatre vignerons sont venus apporter la voix des producteurs, avec un regard très intéressant sur la minéralité.


Dans ce compte rendu, je vais partager quelques notes de dégustations, mais surtout donner une vue d’ensemble. Les vins ont été choisis en collaboration avec Philippe Guggenbuhl ainsi que les vignerons présents : François Barmès, Isabelle Meyer, Pierre Gassmann, et Marc Tempé.


Nous avons prévu une dégustation avant de continuer sur un dîner pour faire jouer les accords avec les plats. Les vins ont été choisis en fonction de leur minéralité attendue. C’eut été facile de ne prendre que des rieslings, mais pour augmenter les recherches, nous avons essayé de prendre plusieurs cépages. La dégustation était divisée en deux parties : des vins d’Alsace secs et un peu plus vieux, suivis de vins d’autres régions de France.


1.     La Dégustation


Vins jeunes :


1. Sylvaner Zellenberg 1996 – Marc Tempé (offert par le domaine) : le nez est discret, avec un coté minéral pour certains. La bouche est acidulée, sèche et un peu creuse, légèrement citronnée sans grande émotion. C’est le premier vin…


2. Sylvaner Bihl 1996 – Pierre Frick (offert par le domaine) : le deuxième va donner une possibilité de comparer avec le premier. Le nez est toujours discret mais donne des notes de coing. La bouche est plus ronde, avec un peu de sucre résiduel qui s’associe a l’acidité pour être un peu plus équilibré que le précédent. Les arômes de coing persistent en finale.


Les deux sylvaners sont ils minéraux ? Le cépage et le millésime semblent encourager l’acidité, mais point de minéralité.


3. Riesling Rosenberg 1999 – Barmès-Buecher (offert par le domaine) : Sol calcaro-gréseux orienté Est/Sud-Est. Le nez est assez discret, la bouche est minérale, avec beaucoup de tension. Le vin est sec sans être trop acide. Ca minéralise…


4. Pinot Gris Grand Cru Brand 1999 – Paul Buecher (offert par le domaine) : Goûté a part, le vin avait un coté minéral assez marqué. Pourtant, après ces trois vins secs, c’est plutôt la surmaturité qu’on perçoit au nez, avec des notes de caramel. La bouche est également botrytisée, d’une concentration moyenne avec un peu de pierre à fusil (ah enfin !), mais manque d’acidité pour vraiment donner de la tension. Le vin apparaît un peu mou en comparaison des trois premiers. 


5. Riesling Grand Cru Rangen 1995 – Zind-Humbrecht : La robe est plus foncée, mais le nez est assez discret. La bouche laisse apparaître un léger bouchon, suivi par des notes grillées et une légère amertume. La minéralité à portée de main, manquée d’un poil !


6. Riesling Grand Cru Hengst VV 1995 – Barmès-Buecher (offert par le domaine) : Le nez est fleuri, assez discret, mentholé et frais. La bouche est plus dense, crayeuse, en tapissant la langue, avec un peu de sucre résiduel. La finale est un peu chaude. Le coté crayeux rassure tout le monde sur cette minéralité que nous cherchons depuis le début…


7. Riesling Grand Cru Hengst VV 1988 – Barmès-Buecher (offert par le domaine) : On retrouve des sensations similaires au millésime 95, avec un aspect beaucoup plus sec et une finale épice. En revanche, le cote crayeux en bouche persiste. S’agit-il du terroir ?


8. Riesling Grand Cru Hengst VV 1985 – Barmès-Buecher (offert par le domaine): Le nez est cette fois plus évolué, légèrement pétrolé. La bouche développe des arômes de pamplemousse tout à fait sympathiques. Les trois millésimes nous montrent que le terroir met du temps à se révéler, et que la minéralité n’attend pas le nombre des années.


9. Gewurztraminer Grand Cru Steinert 1996 – Pierre Frick (offert par le domaine) : première tentative d’un cépage moins connu pour sa minéralité. Le nez est légèrement évolué, avec des arômes de coing et d’orange confite. La bouche est assez sèche et marquée par le fruit et les épices, pas beaucoup de minéralité.


10. Gewurztraminer Heimbourg 1995 – Zind-Humbrecht : dernière tentative avec un gewurztraminer. Le Heimbourg est connu pour son coté sec et sa minéralité. Le nez est type gewurztraminer sec, sans surmaturité, avec des épices, un coté fumé, grillé, et un peu de mine de crayon (comme une Pauillac). La bouche est très grasse tout en étant sèche, presque un peu piquante, avec une l’acidité assez marquée. La finale est un peu courte et chaude. Un vin surprenant, vinifie en sec, qui montre une certaine minéralité au nez. Le gewurztraminer peut être minéral…


11. Muscat 1983 – Zind-Humbrecht (offert par la cave Rommes à Luxembourg). Nous terminons sur le muscat, vin minéral par excellence lorsqu’il vieillit. Ce 83 a une robe assez dense avec des reflets verts et un nez très mentholé. La bouche renvoie des arômes d’herbe coupée, de menthe, avec beaucoup de fraîcheur et dans un style sec qui n’est pas dominé par l’acidité. On découvre que le muscat vieillit très bien mais ce n’est pas du GC Goldert, la minéralité ne s’exprime pas.


12. Muscat Grand Cru Steinert 1987 – Pierre Frick (offert par le domaine) : Un grand cru cette fois dans un terroir qui accueille rarement le muscat (Frick doit être un des seuls domaines a avoir un muscat dans le Steinert). Le nez est plus épicé et moins mentholé que le précèdent, avec des notes de tilleul. La bouche est plus sèche, minérale et presque un peu piquante. Est-ce de la minéralité ou de l’âge ? On se rapproche…


13. Muscat Réserve 1981 – Rolly-Gassmann (offert par le domaine) : Le nez est cette fois à nouveau mentholé avec des notes de réglisse, très dense. La bouche est dense et assez acide, avec un coté vieux vin plus apparent. C’est superbe et intellectuellement intéressant de goûter un muscat d’Alsace de 20 ans d’âge alors que la majorité des vins issus de ce cépage sont bus dans les deux ans sur des asperges, mais la minéralité est discrète.


14. Muscat 1981 – Zind-Humbrecht (offert par la cave Rommes a Luxembourg) : dernière tentative sur un autre 81 : le nez est à nouveau mentholé avec une nuance de menthe verte. La bouche est également encore assez nerveuse avec un peu moins de concentration que le précédent. C’est beau, mais sans minéralité.


15. Sylvaner 1983 – Pierre Frick : Dernier vin surprise, servi à l’aveugle. Certains pensent qu’il s’agit d’un vieux meursault, et ce ne sont pas des débutants… Le nez est légèrement boisé avec des traces d’évolution. La bouche est grasse mais finit de manière assez sèche. Etrange pour un sylvaner.


En bref, cette première partie sur les vins d’Alsace s’achève sans avoir connu l’étreinte sublime avec cette minéralité dont on parle tant dans les grands vins secs alsaciens. Ce qui n’enlève rien au plaisir de boire une telle quantité de grands vins alsaciens : Riesling, Sylvaner, Muscat ont le potentiel des grands vins secs, mais pinot gris et gewurztraminer n’ont pas dit leur dernier mot. Comment vont se présenter les vins du reste de la France ?


Les vins des autres régions ont été choisis dans l’optique de montrer une expression de la minéralité un peu différente.


16. Roussette de Savoie – Altesse 1989 – Dupasquier (merci Filduf pour la surprise !) : servi à l’aveugle, ce vin étonne tant il ressemble à un grand riesling ou un grand chenin. Le nez est minéral et marqué par les fruits secs. La bouche est équilibrée, assez dense et très sèche, pas beaucoup de gras mais un finale persistante.


17. Riesling Cuvée Frédéric-Emile 1990 – Trimbach : servi en vin surprise pour contrebalancer la roussette à l’aveugle, le nez est sur des notes de tilleul et de fleurs blanches. La bouche est dense et assez grasse, avec une acidité parfaitement intégrée et un longue finale. C’est très beau.


18. Sancerres Génération XIX 1999 – Alphonse Mellot. Le nez est marque par un coté minéral qui vient peut-être des arômes d’agrumes associés à une acidité volatile un peu élevée. La bouche est acidulée, avec des arômes de fruit de la passion, et une finale fraîche. L’Archétype du très bon vin à base de sauvignon blanc, même si certains lui reprochent un style un peu technique qui ne donne pas assez de personnalité.


19. Savenières Clos de la Coulée de Serrant 1986 : Le nez est bouqueté, évolué avec des notes de champignon et de fruits secs. La bouche est moyennement dense avec un léger pétrole, et une finale un peu crayeuse. Encore de la minéralité ?


20. Corton Charlemagne 1990 – Thomas Moillard : La robe est très foncée et le nez très oxyde annonce un vin qui a passé son apogée. Dommage, une bouteille similaire bue il y a un an se montrait superbe.


21. Chablis 1er Cru Montée de Tonnerre 1995 – William Fèvre : la robe est jaune assez dense. Le nez est marqué par un coté beurre noisette rehaussé par du tilleul. La bouche est minérale, moyennement corsée et assez longue. On reconnaît un chardonnay minéral, mais le style technique (très bâtonné pour donner cet aspect crémeux) ne plaît pas aux puristes…


22. Bordeaux Supérieur « Y » 1988 – Château Yquem : servi à l’aveugle pour éviter les superlatifs. Le nez est mentholé, citronné avec un petit coté piquant. La bouche est riche et grasse, sans être sucrée, et termine avec une bonne longueur. Les vrais connaisseurs y retrouveront certainement le terroir d’Yquem, moi j’y ai simplement vu une expression de la minéralité différente de ce qu’on voit en Alsace.


23. Pessac Léognan blanc 1989 – Domaine de Chevalier  » Le nez est légèrement boisé avec des notes de grillé et une touche minérale. La bouche est assez dense dans un style un peu sec, que le bois vient remonter. Certainement très bon dans sa catégorie, mais en comparaison avec les autres grands blancs secs (Roussette, Frédéric-Emile), le vin apparaît un peu en retrait dans ce contexte.


Cette première dégustation laisse perplexe de nombreux dégustateurs. La minéralité tant attendue est présente dans certains vins, mais n’est pas très nette dans de nombreux autres. Les vins des autres régions donnent une vision encore plus compliquée du phénomène, les cépages et les terroirs étant différents. Dans l’ensemble, vu sous l’angle de la minéralité c’est difficile de tirer des conclusions. Pourtant, ce phénomène mis à part, quel tour de France des vins secs ! C’est tout de même un grand plaisir de goûter une telle quantité de vins superbes.


Le repas va nous donner une dernière chance d’apprécier les effets de la minéralité sur les plats, ou simplement de se faire plaisir avec d’autres bonnes bouteilles.


2.     Repas autour de la minéralité


Le menu va varier les plaisirs, les sensations et les textures.  Quelques vins bourguignons vont venir s’immiscer dans la série de vins alsaciens, pour le plus grand bonheur des convives.


Menu


Amuses bouche
Pinot Blanc Vieilles Vignes « H » 1999 – Josmeyer


Cassolette d’Escargot aux Champignons
Riesling GC Hengst 2000 – Barmès-Buecher
Riesling GC Wineck-Schlossberg 1985 – Paul Spannagel


Salade de Lapereau aux Ficoïdes glaciales
Pinot Gris GC Sommerberg 1991 – Boxler
Riesling GC Kitterlé 1995 – Schlumberger


Homard et sa Sauce hollandaise
Pinot Gris Rotleibel 1986 – Rolly-Gassmann
Meursault Bouchères 1990 – Buisson-Charles


Filet de St-Pierre aux Truffes
Riesling GC Hengst 1996 – Barmès-Buecher
Chassagne-Montrachet 1er Cru Tonton Marcel 1996 – Mestre
Riesling Pflanzerreben 1985 – Rolly-Gassmann


La Poularde de Bresse aux Morilles
Meursault Tessons 1992 – Buisson-Charles
Meursault 1er cru les Gouttes d’Or 1992 – Buisson-Charles
Riesling GC Rangen 1986 – Zind-Humbrecht


La Sélection de Fromage
Riesling GC Kastelberg 1988 – Guy Wach
Gewurztraminer Stegreben Cuvée Anne-Marie 1981 – Rolly-Gassmann
Pinot Gris Vendanges Tardives 1995 – Lorenz


Dessert
Gewurztraminer Roedelsberg 1996 – Marc Tempé
Pinot Gris GC Schoenenbourg VT 1996 – Marc Tempé
Gewurztraminer GC Mambourg VT 1999 – Marc Tempé 


2. Notes de dégustation


1. Pinot Blanc Vieilles Vignes « H » 1999 – Josmeyer (offert par le domaine) : Un vin très aromatique au nez, avec des arômes de fleurs blanches. En bouche le vin est sec et droit, dense avec un finale assez longue.


2. Riesling Grand Cru Hengst 2000 – Barmès-Buecher (offert par le domaine): Le nez est citronné, minéral avec des arômes de pêche des vignes. La bouche est dense et sèche, muscatée avec une pointe acidulée. Un coté crayeux tapisse la langue comme les autres millésimes de ce vin. Superbe terroir dans une superbe année à Riesling.


3. Riesling Grand Cru Wineck-Schlossberg 1985 – Paul Spannagel : Le nez est frais, évolué avec une touche de champignon. La bouche est assez dense et grasse, l’âge donnant une complexité aromatique très plaisante.  


Si le Hengst rafraîchit la bouche et associe sa texture au coté terreux des escargots,  le Wineck-Schlossberg réalise un superbe accord sur les chanterelles de la cassolette.


4. Pinot Gris Grand Cru Sommerberg 1991 – Boxler : Le pinot gris possède une légère minéralité au nez, avec des arômes de rose. La bouche est acidulée, légèrement fumée, dans un style fin et assez léger. La finale est assez longue.


5. Riesling Grand Cru Kitterlé 1995 – Schlumberger : le nez est un peu évolué, avec un léger pétrole. La bouche est dense et minérale, sèche avec une acidité assez marquée. 


Le lapereau s’accorde très bien avec le pinot gris, mais le riesling reprend le dessus avec la ficoïde glaciale, plante grasse gorgée d’eau qui propose un accord de texture intéressant.


6. Pinot Gris Rotleibel 1986 – Rolly-Gassmann (offert par le domaine) : le nez est bouqueté avec des arômes de fruits jaunes et un léger coté épicé. La bouche est minérale et équilibrée, l’acidité est bonne et le sucre résiduel est fondu. La finale est assez longue.


7. Meursault Bouchères 1990 – Buisson-Charles (offert par le domaine) : le nez est marqué par des notes de tilleul mélangées à un léger boisé, le tout avec un aspect minéral. La bouche est dense et sèche, corsée et très longue en finale. On est sur un équilibre différent de l’Alsace.


Le homard s’accorde idéalement avec le meursault dans un accord classique, mais le pinot gris n’a pas dit son dernier mot et propose des saveurs un peu plus exotiques.


8. Riesling Grand Cru Hengst 1996 – Barmès-Buecher (offert par le domaine) : Le nez est assez discret, légèrement poivré. La bouche est dense et acidulée, avec des arômes de pamplemousse et un coté minéral donné par l’acidité. On retrouve une bonne densité sur la langue, caractère commun aux rieslings du Hengst.


9. Chassagne-Montrachet 1er Cru Tonton Marcel 1996 – Mestre : Le nez est franc avec un léger bois. La bouche est dense avec une acidité marquée.


10. Riesling Pflanzerreben 1985 – Rolly-Gassmann (offert par le domaine) : le nez est minéral et sur des notes de pamplemousse. La bouche est très fine et dense tout en étant très sèche. Un superbe équilibre.


Le riesling 85 passe le mieux avec les arômes de truffe, mais la chair du poisson s’accorde très bien avec la nervosité des deux vins du millésime 96. A nouveau, arôme et texture appellent des vins différent, trouver un vin qui fasse la synthèse donnerait sûrement l’accord parfait !


11. Meursault Tessons 1992 – Buisson-Charles (offert par le domaine) : le nez est parfumé, fumé avec des arômes de sous-bois et de champignon. La bouche est minérale et sèche, avec une touche de fumée. L’impression minérale est très grande et la finale est longue.


12. Meursault 1er cru les gouttes d’or 1992 – Buisson-Charles (offert par le domaine) : La robe est plus foncée, le nez se fait mielleux, avec une touche de bois. La bouche est ronde et grasse, un peu alcoolique, et marque bien son origine. Très longue finale. Intéressant de noter que le bois d’un bourgogne apparaît fortement au milieu d’une série de rieslings. 


13. Riesling Grand Cru Rangen 1986 – Zind-Humbrecht : Le nez est assez bouqueté. La bouche est minérale, moyennement corsée, assez acidulée mais très fine, avec une finale longue. Le vin est moyennement évolué et a encore tout l’avenir devant lui.


La poularde a une texture assez ferme, rehaussée par une sauce crémeuse aux morilles. Les meursaults encadrent le riesling comme deux gardes du corps, en lui laissant peu de place pour s’exprimer. Les champignons ont une minéralité naturelle et un coté évolué qui s’accorde bien avec les meursaults, et il faut à nouveau sortir des accords classiques pour faire ressortir le riesling dans un style différent.


14. Riesling Grand Cru Kastelberg 1988 – Guy Wach : le nez est un peu évolué comme un vieux riesling, minéral. La bouche est dense et droite, sans aucun signe de fatigue, et donne un style avec beaucoup de densité sur la langue. La finale est assez longue.


15. Gewurztraminer Stegreben Cuvée Anne-Marie 1981 – Rolly-Gassmann (offert par le domaine) : le nez est parfumé, encore marqué par le liche malgré de traces d’évolution conférées par des arôme d’écorce d’orange. La bouche est extraordinaire.


16. Pinot Gris Vendanges Tardives 1995 – Gistave Lorenz : le nez est un peu épicé et marqué par des notes d’abricot. La bouche est dense et légèrement moelleuse, marquée par le botrytis. La finale est assez longue.


La sélection de fromages (fourme d’Ambert, comte,…) s’adapte très bien aux vins qui sont dans un style sec et minéral. Le pinot gris VT reste dans un style sec et ajoute une touche sucrée pas désagréable du tout.


17. Gewurztraminer Roedelsberg 1996 – Marc Tempé (offert par le domaine) : le nez est marqué par des arômes de rose et une légère minéralité. La bouche est sèche et minérale, avec une bonne acidité et une bonne longueur.


18. Pinot Gris Grand Cru Schoenenbourg VT 1996 – Marc Tempé (offert par le domaine) : le nez est très bouqueté, marqué par des arômes de coing, des épices et des fruits jaunes. La bouche est riche et complexe, en surmaturité tout en gardant beaucoup de fraîcheur, même si un léger bouchon vient un peu ternir l’ensemble. La finale est assez courte. Presque aussi grand que le même vin goûté il y a un mois.


19. Gewurztraminer Grand Cru Mambourg VT 1999 – Marc Tempé (offert par le domaine) : le nez est parfumé et marqué par du caramel et de la rose. La bouche est souple et ronde, encore enrobée par une couche de sucre qui va devoir se fondre avec le temps. L’acidité est marquée, la finale est longue.


3.     Synthèse


Les bouches fatiguent alors qu’on arrive en fin de repas, mais les vins présentés montrent qu’on peut tenir ses sens en éveil lorsque l’enthousiasme est là, et que des vins blancs minéraux ne fatiguent pas autant la bouche que des vins moelleux ou tanniques.


Difficile de noter dans le détail tous les vins dégustés, tant ils sont nombreux et tant le contexte influence fortement l’appréciation qu’on en a dans l’absolu. En revanche le style alsacien ressort d’une telle dégustation, et on comprend mieux comment il faut rechercher des accords de texture et d’arômes avec les plats, et comment les terroirs et les millésimes aident à trouver la bonne bouteille.


Parmi les grands moments, il y en a certains qui m’auront marqué un peu plus que les autres. D’abord la formidable verticale de rieslings Hengst de François Barmès, qui montre sur 5 millésimes comment le terroir supplante les millésimes pour donner une touche particulière au riesling. Ensuite, les vieux millésimes du domaine Rolly-Gassmann continuent de m’impressionner, tant leur équilibre devient optimal après 10, 15 voire 20 ans de vieillissement.


L’ensemble de la journée était magnifique, le restaurant qui nous a accueilli a encore une fois fait la preuve de son savoir-faire, Philippe Guggenbuhl ayant concocté le menu et choisi une grande partie des vins. Un grand merci aux vignerons qui nous ont offert de belles bouteilles (Jean-Pierre Frick, Michel Buisson) et pour ceux qui sont venus avec leurs bouteilles pour nous accompagner dans cette soirée (François Barmès, Pierre Gassmann, Isabelle Meyer, Marc Tempé).


Thierry Meyer