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Journée autour du Muscat d’Alsace

Découverte du Muscat d’Alsace


Samedi 14 mai 2005 – Rouffach-Kientzheim-Ingersheim


 


Suite à l’invitation lancée le 26 avril dernier, une douzaine d’amateurs se sont retrouvés le 14 mai dernier pour une journée consacrée au muscat.


 


Cépage aromatique, sec et végétal en bouche, on en fait le compagnon idéal des asperges au printemps, et un agréable vin d’apéritif. Cépage à la peau fragile, il supporte mal la pluie et est délicat à vendanger. Est-ce pour ces deux raisons que le muscat ne représente plus que 2% de la production alsacienne ? D’un autre coté, les anciens parlent souvent de très vieux muscats qui se présentaient remarquablement, argumentant qu’avec le Sylvaner c’est le cépage le plus taillé pour la garde. Il fait également partie du quatuor des cépages dits « nobles » autorisés originalement sur les terroirs classés en AOC Alsace Grands Cru.


 



Une journée consacrée à ce cépage allait nous permettre de tester les différents aspects. Après une visite au domaine Muré le matin pour les premiers arrivés, le premier rendez-vous a eu lieu à la Confrérie Saint-Etienne qui ouvre désormais son œnothèque pour l’organisation à la demande de dégustations à thème sur des vieux millésimes. Ensuite, ce fut un traditionnel dîner à la Taverne Alsacienne, ou la sélection de bouteilles a permis de couvrir de nombreux millésimes.


Retrouvez les diférentes étapes de la journée derière les liens suivants :



Impressions générales sur la journée


Une journée entière consacrée au seul muscat alsacien ? Il s’agissait probablement d’une initiative inédite. Le jeu en valait-il la chandelle ? Voici quelques impressions générales apportant un début de réponse.



Un haut niveau qualitatif pour une dégustation qui ne se voulait pas élitiste


Que ce soit en dégustation pure ou en association avec les mets, la plupart des vins de la journée nous ont apportés beaucoup de plaisir. Nous n’avons rencontré que très peu de vins faibles. Cette qualité moyenne est d’autant plus remarquable que la sélection de bouteilles faisait la part belle à certains millésimes pas forcément réputés, loin de là, et qu’elle ne se limitait pas aux habituels blockbusters de la viticulture alsacienne en s’ouvrant à de nombreux producteurs peu connus. Cet éclectisme apporte indubitablement une dimension supplémentaire à ce type de dégustation.


Par ailleurs, le savant dosage entre muscats jeunes et évolués, ainsi que la grande diversité rencontrée dans l’affirmation des styles au vieillissement, nous ont certainement permis d’éviter l’écueil d’une éventuelle saturation. Déguster d’affilée 45 muscats de 2003 aurait probablement constitué un exercice autrement plus éprouvant.


Croquez du raisin frais …


Aromatiquement, dans les millésimes récents, les notes de raisin frais restent la référence, même si le coté musqué ou mentholé signe également le cépage, en fonction des proportions de muscat d’Alsace et de muscat Ottonel. La franchise et l’éclat de ces parfums font du muscat jeune un grand charmeur un peu frivole.


… ou misez sur un surprenant coureur de fond !


Outre la diversité des styles rencontrés, c’est surtout l’extraordinaire capacité à vieillir du muscat qui a surpris plus d’un participant lors de cette journée. Cette remarquable aptitude au vieillissement du muscat tient au caractère quasi indestructible de sa structure, appuyée sur l’acidité mais aussi sur la densité que pouvaient avoir initialement les vins, ou encore sur cette légère mais récurrente amertume. Le fondu entre ces différents constituants et la tonicité préservée après 10, 20, 30 ans peuvent alors offrir de véritables morceaux de bravoure, comme l’ont été le 69 de Louis Sipp ou l’Altenberg 73 de Lorentz.


Muscat et gastronomie


Si l’idée de construire un menu exclusivement autour du muscat semblait ambitieuse, la forte variation des styles a permis de construire une suite de plats qui ont mis en valeur chacun des vins. L’exercice reste quand même anecdotique, et si on a le choix de plusieurs cépages, le riesling ou d’autres cépages seraient préférés. Faut-il pour autant cantonner le muscat dans son rôle de vin d’apéritif ou de vin accompagnant les asperges et les artichauts ? L’expérience montre qu’il y a de réels accords à réaliser sur des vins un peu plus vieux, une fois que le croquant initial du vin est remplacé par une complexité et une patine plus grandes. Le muscat perd difficilement sa fraîcheur avec l’âge et développe de beaux équilibres fondus en vieillissant, voilà ses principaux atouts pour gagner du galon auprès des gastronomes. Il y a donc intérêt à le laisser vieillir et à surveiller le moment ou son équilibre en fera un grand compagnon de table.


Un survol et des pistes d’approfondissement


Malgré l’ampleur des deux dégustations de la journée, ce screening ne constitue qu’une exploration restreinte des terrains d’investigations offerts par le muscat en Alsace. Il nous permet tout de même d’entrevoir un peu mieux le potentiel du cépage. On pourra avec plaisir reprendre le thème du muscat en l’abordant sous d’autres angles : pourquoi ne pas essayer par exemple d’appréhender plus précisément les expressions et apports respectifs des deux cépages susceptibles d’entrer dans la composition des vins (Ottonel et muscat d’Alsace). Reste aussi bien entendu à aborder le sacro-saint et au combien intéressant thème de l’expression du terroir au travers du cépage. Les quelques grands crus et autres terroirs réputés que nous avons rencontrés au fil de la journée ont souvent révélé un potentiel élevé, même si nous n’avons pas eu suffisamment d’échantillons pour nous faire une idée plus précise. Si le Goldert de Zind-Humbrecht a montré l’exemple avec une belle cohérence entre les trois cuvées dégustées, il reste bien évidemment à étudier d’autres terroirs pour éventuellement dégager des tendances.


Thierry Meyer & Nicolas Scholtus