L'Oenothèque Alsace

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Dîner autour du Muscat d’Alsace

Dîner à la Taverne Alsacienne autour du muscat 
14 mai 2005
Dégustation organisée dans le cadre de la Journée autour du Muscat d'Alsace.

Nous quittons les Grands Maîtres de la Confrérie Saint Etienne pour retrouver un autre Grand Maître dans son antre : JP Guggenbuhl nous a concocté un menu d’anthologie, destiné à éprouver le comportement du muscat à table. Au passage, deux vignerons nous ont rejoints avec un échantillonnage de leur production. Au total, 34 muscats allant de 1973 à 2004 seront dégustés tout au long de cette riche soirée, par séries de 2 ou 3 vins. Les notes de Thierry Meyer (handicapé par des sinus bouchés) sont en italique, celles de Nicolas Scholtus en droit.

Apéritif

En préliminaire à cette épopée gastronomique qui nous transportera vers de hauts sommets, nous nous consacrons à la dégustation de muscats jeunes, de 2004, 2002 et surtout 2003.

1ère série : Trois muscats 2004

L’apéritif met tout d’abord en scène une première série de trois muscats du millésime dernier. Deux des trois producteurs sont présents autour de la table, en la personne de Michel Ginglinger et Gérard Weinzorn. Les vins sont dégustés à l’aveugle et accompagnés de petits amuse-bouches (mini gougères et toasts de fromage de tête persillé).

La robe de ces trois vins est pâle, quasi incolore, avec à peine de légers reflets jaune/vert. Le contraste entre le pastel des robes et l’intensité des bouquets est saisissant.


Muscat Cuvée Caroline 2004 – Paul Ginglinger

  • Le nez est parfumé, floral et frais, avec des agrumes. La bouche est grasse, sèche avec une acidité très fine, une bonne minéralité, et une longue finale. Très Bien
  • Le nez est délicat et élégant, associant des notes florale de rose et de molène au croquant du raisin frais et à un peu de pamplemousse. La précision de la structure me plaît beaucoup : la bouche est minérale, crayeuse, avec une très légère rondeur intégrée harmonieusement par l’acidité fine et traçante qui fait saliver (peut-être est-ce le calcaire du Pfersigberg qui parle ?). La finale est longue et délicatement mentholée. Très bien
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-3 Bien-2 Bof-0 Beurk-0

Muscat 2004 – Gérard Weinzorn

  • Le nez est plus beurré, moins vif. La bouche est encore un peu perlante, assez jeune, avec un léger moelleux en milieu de bouche, mais aussi beaucoup de gras (8-10g/l de SR). Un style moins droit et plus ample que le précédent. Très Bien
  • La robe est similaire à celle du vin précédent. Au nez, ce muscat présente une jolie signature variétale pleine de franchise et de vivacité : du raisin frais, un côté muscaté prononcé, un peu de menthol. L’attaque aussi est vive, avec un peu de CO2 perceptible. La bouche est mûre, grasse, ronde. Sucre et acidité sont encore plutôt dissociés à ce stade. Moins de longueur que sur le vin précédent. Bien
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-1 Bien-4 Bof-0 Beurk-0

Muscat 2004 – Josmeyer

  • Le nez est encore marqué par l’élevage et les lies, avec des notes herbacées. On sent encore du gaz en bouche, l’équilibre est élégant, sec et finement acidulé. La finale est légèrement amère. Bien
  • Le bouquet tranche radicalement avec les deux précédents. Le nez est fortement musqué, herbacé, avec des notes de buis/pipi de chat rappelant un sauvignon blanc pas très mûr. La bouche est plus sèche que celle des deux muscats précédents, herbacée et paraît légèrement diluée. La finale est chaleureuse, avec une amertume dissociée. Globalement, le vin se goûte mal. Les discussions s’animent un peu autour de la table. Les voix fusent, dont celles des viticulteurs qui évoquent pour la première fois de la soirée la typicité du cépage « muscat d’alsace » (en opposition avec le muscat Ottonel) dans le cas de ce vin. Bof
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-0 Bien-3 Bof-2 Beurk-0

Ce tour d’horizon rapide du millésime 2004, qui vient juste d’être mis en bouteille, laisse une impression générale de vivacité et présage d’un bon potentiel pour les muscats de ce millésime. Sur ces trois premiers vins, on perçoit déjà une intéressante diversité d’expressions aromatiques, d’équilibres, de style. L’identité un peu monolithique souvent prêtée au muscat prend d’ores et déjà un coup dans l’aile.

2ème et 3ème séries : 2002 et 2003 par deux producteurs

Nous nous concentrons alors sur la comparaison de deux millésimes récents et a priori très différents : 2002 et 2003. A cette fin, les vins choisis sont dégustés par paire. Ils proviennent dans un premier temps de la maison de négoce Hugel à Riquewihr puis du domaine des Marronniers dirigé par Guy Wach à Andlau. Les vins sont servis avec une petite terrine aux trois légumes.

En ce qui concerne les robes, diaphanes, on est toujours loin du carnaval de Rio…

2ème série  :

Muscat Tradition 2003 – Hugel et Fils

  • Le nez est floral, mûr et frais. La bouche est ample, ronde et minérale, avec une acidité perceptible mais mesurée. On sent un peu d’alcool en finale. Le vin est plaisant. Bien
  • Le nez est flatteur, très agréable du fait de sa pureté et de son intensité aromatiques. Les fleurs, rose et jasmin, dominent et sont accompagnées de notes muscatées et poivrées. La bouche est grasse, puissante, marquée par ce relatif paradoxe entre rondeur et caractère sec, récurrent sur le millésime 2003. Elle finit sur une ampleur alcoolique prononcée et des arômes de caoutchouc/brûlé. Bien
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-0 Bien-3 Bof-1 Beurk-0 

Muscat Tradition 2002 – Hugel et Fils

  • Le nez se montre plus discret avec des notes herbacées. La bouche est plus vive, gardant du gras mais se développant aromatiquement sur des agrumes. Deux facettes du même vin qui expriment bien les deux millésimes. Bien
  • Le contraste entre le 2002 et le 2003 saute littéralement aux narines dès les premiers effluves. D’abord atone, le nez délivre peu à peu des notes musquées, herbacées. Il semble manquer d’un soupçon de maturité et joue dans un registre assez proche du 2004 de Josmeyer, avec à nouveau ces arômes de buis/pipi de chat. La bouche est en revanche nettement plus convaincante : sèche, vive et citronnée avec une acidité tranchante, un 2002, quoi ! elle nous gratifie d’une belle sapidité sur la verveine et les agrumes. Bien
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-0 Bien-4 Bof-0 Beurk-0

Les deux vins de cette série mettent clairement en évidence les différences de style entre 2002 et 2003, même si en toute rigueur il faudrait aussi s’assurer que d’une année à l’autre, les achats/approvisionnements en raisins n’ont pas trop différé. A choisir, on juxtaposerait volontiers le bouquet du 2003 à la structure du 2002. 

3ème série  :

Muscat Andlau 2003 – Guy Wach

  • Le nez est floral, élégant et parfumé. La bouche est ample et minérale, fraîche et parfumé, avec une fin de bouche florale. Un vin agréable, parfait à l’apéritif. Bien
  • Le nez est plus fermé et moins floral que le 2003 de Hugel. Le vin est peu musqué et sent le raisin frais, l’amande et l’abricot. La bouche est sucrée et manque un peu de relief, de punch. Elle finit court avec un peu d’amertume. Le vin est tout de même globalement bon. Bien
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-0 Bien-5 Bof-0 Beurk-0 

Muscat Andlau 2002 – Guy Wach

  • Le nez est à nouveau plus végétal sur ce millésime. La bouche se montre plus vive avec une forte minéralité et beaucoup de sapidité. Les notes mentholées se développent vers des agrumes avec une pointe végétale en finale. Très Bien
  • La robe est plus colorée que sur les vins précédents. Le nez est mûr, complexe avec des arômes difficiles à identifier faisant penser à de la surmaturité, de la menthe verte et des notes d’évolution (encaustique/cire). La bouche est pleine et fraîche, dans un équilibre moelleux acidulé. Une agréable sensation minérale apparaît sur la longueur. Le vin fait plus vieux que son âge mais se goûte très bien et procure beaucoup de plaisir.  Très bien
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-5 Bien-0 Bof-0 Beurk-0

Ces deux muscats ont une personnalité assez singulière, au regard de ce qui a été goûté précédemment. L’exemple est pédagogiquement moins probant que celui des vins de Hugel lorsqu’il s’agit d’illustrer les éventuelles typicités respectives des muscats 2002 et 2003, mais il montre tout de même à quel point le viticulteur a pu obtenir pour une même cuvée des vins de styles radicalement différents sur ces deux millésimes consécutifs. Sur cette série, avantage au 2002.

 

4ème et 5ème séries : Quatre muscats de 2003

Nous poursuivons nos investigations en nous focalisant cette fois-ci sur le millésime 2003 uniquement (ou presque…). La quatrième série propose tout d’abord deux muscats issus de caves coopératives du Haut-Rhin. La cinquième série sollicite à nouveau les deux viticulteurs de l’assemblée.

4ème série  :

Muscat médaille d'or 2003 – Cave Coopérative d'Ingersheim

  • Le nez se montre discret, avec des notes un peu grillées. La bouche est un peu molle, presque fade, avec un peu de vivacité perceptible avant que le vin ne se réchauffe dans le verre. Un vin un peu court en finale. Bof
  • Derrière une légère réduction qui se traduit par des notes d’arachides, ce muscat a un nez sympathique de fruits blancs qui fait un peu penser à un pinot blanc. La bouche est légère, fruitée et ronde. Sa structure manque globalement de relief, de vivacité. La finale n’est pas très longue,  légèrement chaleureuse, avec un brin d’amertume. Bof
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-1 Bien-1 Bof-3 Beurk-0

Muscat Réserve 2003 – Cave de Hunawihr

  • Le nez est à nouveau un peu grillé. La bouche est molle avec une acidité en retrait, assez parfumée sur des notes de raisin, mais le léger moelleux est dissocié du reste et donne un équilibre bancal. Bof
  • Là aussi de la réduction vient perturber l’olfaction. On décèle tout de même au nez des notes de foin et de menthe. La bouche présente deux facettes : d’abord vive en attaque, car « rafraîchie » par un peu de gaz, elle prend rapidement un tour étriqué et astringent par la suite. Bof
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-0 Bien-1 Bof-4 Beurk-0

Les deux vins se situent clairement un cran en deçà des deux 2003 dégustés précédemment (Hugel et Wach). C’est surtout au niveau de la structure que le bât blesse ici : les deux muscats paraissent un peu ternes, manquant de tonicité, de densité et d’allonge. Dans un sens, ils se ressemblent un peu.

5ème série  :

Le domaine de l’Oriel de Gérard Weinzorn se situe à Niedermorschwihr, un des fiefs granitiques en Alsace, alors que Michel Ginglinger est lui installé à Eguisheim, sur des terroirs à dominantes calcaire et marneuse. Cette série est par ailleurs agrémentée d’un flacon d’exception offert par Thierry Meyer …

Muscat 2003 – Weinzorn

  • Le nez est assez parfumé. La bouche est assez sèche, riche avec une bonne densité. Bien
  • Le nez joue dans un registre épicé, avec de la menthe poivrée, un peu de musc et du clou de girofle. Fluide, assez court avec un peu d’amertume en finale. Bof
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-0 Bien-3 Bof-2 Beurk-0 

Muscat Cuvée Caroline 2003 – Paul Ginglinger

  • Le nez est parfumé, muscaté, frais et floral. La bouche est fraîche et mûre, avec un léger moelleux et beaucoup d’ampleur. Un équilibre typé 2003 qui est très réussi. Très Bien
  • Le nez est très frais et croquant, finement mentholé mais il est également marqué par un fruité exotique (mangue, ananas) du plus bel effet : le cépage semble avoir été transcendé grâce à une maturité optimale (récolte le 21 août 2003). L’équilibre acidulé en bouche tranche nettement avec les 2003 précédents : le vin est dense et long ; sa rondeur suave est magnifiquement équilibrée par une acidité minérale calcaire. Un bel exemple de ce qu’il était possible d’obtenir en 2003 en vendangeant au bon moment. Très bien voire Excellent
  • Avis du Groupe : Excellent-3 Très Bien-2 Bien-0 Bof-0 Beurk-0

Et là, c’est le drame…

Tout comme on peut soumettre une voiture à un crash-test, le vin qui va suivre, issu de la grande distribution, a subi un traitement spécial (déménagements, conservation au chaud) destiné à éprouver sa résistance. Voici le résultat :

Muscat 1999 – Pierre Chanau

  • Le nez est moisi, champignonne et sent un peu le liège ? La bouche est cassée, vieille avec une forte amertume. Il s’agit d’une bouteille achetée en grande surface il y a 4 ans et conservées dans un placard d’appartement à des températures assez hautes. Le vin est complètement cassé. Beurk
  • Le nez est peu engageant : limite liégeux, poussiéreux, et marqué par la pourriture grise (notes de champignons). La bouche s’en sort un peu mieux même si la valse des arômes pas nets continue, avec une vague odeur de serpillière usagée. L’équilibre est plutôt rond, patiné, avec une rémanence du moisi en finale. Beurk
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-0 Bien-0 Bof-0 Beurk-5

Rien de tel qu’une petite diversion comme celle-ci pour se rendre compte du niveau qualitatif élevé des autres vins dégustés et relativiser les quelques « bof » attribués plus tôt !

Et Maintenant, le dîner ! Le festival de Jean-Philippe Guggenbuhl commence :

Melon au jambon sec, tomate confite et granité de muscat

Le premier plat est un feu d’artifice de saveurs et de textures contrastées : tour à tour sont juxtaposés dans un verre (1) une tomate à peine confite à l’huile d’olive et au thym, (2) des boules de melon marinées dans du vinaigre de framboise, accompagnées de brisures de feuilles de basilic croquantes, (3) des pétales de jambon sec très croustillants et enfin, (4) un granité de muscat d’Alsace.

5ème série : Les muscats du millésime 2001

Le millésime 2001 est cette fois à l’honneur. Nous goûtons 5 vins en deux temps. Pour Nicolas 2001 représente a priori, parmi les cinq derniers millésimes (99-04), celui qui globalement se goûte actuellement le mieux en Alsace, notamment pour certains cépages comme le riesling. Thierry de son côté se réfère à la série des pinots blancs 2001 dégustés lors du mois de mars dernier, qui se montraient sous un jour assez difficile. Qu’en est-il des muscats 2001 : à boire ou à attendre ?

Muscat 2001 – René Fleith
Ce producteur peu connu est installé dans la plaine et exploite surtout des parcelles situées au niveau du cône de déjection de la Fecht, notamment sur le Herrenweg.

  • La robe se montre un peu plus foncée que les vins précédents. Le nez est exotique, la bouche est fraîche, sèche avec un peu de gaz. Bof
  • La robe est jaune, brillante, largement plus foncée que sur les 2002, 2003 et 2004 goûtés jusqu’à présent. Le nez est peu muscaté ; il présente de la menthe poivrée et un caractère plutôt exotique, avec de l’ananas, du lichee, qui rappelle un peu certains gewurztraminer. La bouche plutôt sèche est assez sévère, herbacée, avec du CO2 perceptible. Un creux en milieu de bouche sanctionne le manque de volume global. Comme sur de nombreux vins jusqu’à présent, un peu d’amertume, pas désagréable au demeurant, vient soutenir la finale. Bien
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-0 Bien-1 Bof-4 Beurk-0

Muscat 2001 – François Schmitt

  • Le nez évoque des fruits blancs. La bouche est minérale, assez puissante, avec des notes de lies. Le vin a-t-il fait une fermentation malo-lactique ? Bien
  • Le nez semble un peu réduit et manque de tonus, avec du musc, des fruits jaunes surmûris et d’étranges notes de saindoux. Au réchauffement, le bouquet devient légèrement beurré/lacté. La bouche est grasse, ronde et bien soutenue par l’acidité. Bien
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-0 Bien-3 Bof-2 Beurk-0

Muscat 2001 – Rolly-Gassmann

  • Le nez est parfumé, avec des notes de miel et de fruits blancs. La bouche est riche, grasse, minérale et très agréable, avec un léger moelleux perceptible en milieu de bouche qui ajoute à la richesse du vin. Le vin passe bien sur le melon grâce à sa richesse. Bien
  • Premier coup de semonce d’un des grands papes du muscat en Alsace. Le nez présente classiquement des arômes muscatés de raisin frais et mentholés, avec beaucoup de netteté et de précision dans les arômes. A cela s’ajoute une impression de forte maturité fruitée. La bouche est riche, moelleuse et acidulée, sur un équilibre que j’apprécie particulièrement, d’autant plus qu’une sensation minérale crayeuse arrive en soutien et que la finale s’éternise sur une jolie fraîcheur mentholée. Très bien
  • Avis du Groupe : Excellent-1 Très Bien-2 Bien-2 Bof-0 Beurk-0

Le granité de muscat, glacé et mielleux, apporte beaucoup de fraîcheur au plat, rafraîchit le melon et le jambon sec rendant ce dernier presque cassant. Si ce granité civilise quelque peu la dureté du vin de René Fleith, il anesthésie peut-être partiellement les deux autres muscats. Le melon, lui, s’ingénie à rendre les vins plus secs et du coup, s’entend bien avec le plus moelleux des 3 muscats, celui de Rolly-Gassmann. En outre, la maturité de ce dernier répond bien aux arômes du melon, et sa fraîcheur mentholée communie idéalement avec le basilic. Le moelleux acidulé se marie également bien au sel et au croustillant du jambon. L’accord est complexe, dans un style un peu « fusion », mais très réussi. Pris séparément, la chips de jambon s’entend également plutôt bien avec le gras légèrement lacté du muscat de François Schmitt.

Le top donc, à ce moment de la soirée, c’est une bouchée mixte melon-jambon-basilic, à peine rafraîchie par un peu de granité, avec une lampée du muscat de Rolly-Gassmann. Le plat se mange sans faim, les verres se vident assez rapidement !

Muscat Grand Cru Mambourg 2001 – Maurice Schoech
Les muscats « Grand Cru » sont rares, il s’agit ici du premier Grand Cru revendiqué de la soirée.

  • La bouche est un peu amère, moyennement dense, le vin s’oublie rapidement. Pas ouvert en ce moment, à regoûter un peu plus tard. Bof
  • La robe est jaune pâle. Le nez est frais, sur des notes de foin, de menthol. La maturité liée au millésime se révèle un peu à l’agitation avec des notes de miel. La bouche est sèche, très légèrement perlante, légère. Elle finit dans un style plutôt strict, avec des arômes de peau de pamplemousse. Bien. (être encadré par les deux beaux 2001 de Rolly-Gassman n’a pas forcément joué en la faveur de ce Mambourg).
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-0 Bien-2 Bof-3 Beurk-0

Muscat Moenchreben 2001 – Rolly-Gassmann

  • Le nez se montre parfumé, floral avec des notes de miel. La bouche est acidulée, un peu piquante, avec un moelleux fondu et une structure un peu mieux charpentée que la cuvée normale. On sent de l’amertume en milieu de bouche ce qui donne du relief à l’ensemble. Très Bien
  • La différence au nez avec le générique est plutôt ténue et tient surtout à l’impression de fondu supérieur du Moenchreben. Même constat en bouche, avec un moelleux acidulé dense particulièrement harmonieux, fondu. La finale est fraîche, très longue avec de beaux amers minéraux. Comme le générique, le muscat Moenchreben semble disposer d’un grand potentiel de garde. Superbe vin. Excellent
  • Avis du Groupe : Excellent-1 Très Bien-3 Bien-1 Bof-0 Beurk-0

Sur ce panel de 5 vins l’accessibilité des muscats 2001 n’est pas forcément évidente à l’heure actuelle. Les vins semblent aborder un tournant dans leur évolution : ils ne sont plus assez jeunes pour s’exprimer sur leur fraîcheur juvénile, mais pas encore assez âgés pour exprimer des notes plus mentholées et présenter un équilibre plus abouti en bouche. Seuls les deux muscats de Rolly-Gassmann s’en sortent avec les honneurs, en éclaboussant la série de leur classe et de leur maturité, même si on sent pertinemment qu’on a tout à gagner à les attendre. On imagine avec envie à quoi doivent ressembler les millésimes 2002 et 2000 du domaine.

Feuilleté d'asperges aux morilles

Le plat est constitué d’un fagot d’asperges blanches et dodues, accompagnées d’une croûte feuilletée et d’une sauce crémée parsemée de grosses morilles. Le parfum qui s’échappe de l’assiette est redoutable et donne envie de tout dévorer promptement.

Pour les vins, on garde le tempo à deux temps, avec (1) tout d’abord une sélection hétéroclite de 3 vins : le but n’est alors pas de comparer les vins entre eux, mais plutôt de les frotter aux asperges et aux morilles pour évaluer la qualité des accords. (2) Deux muscats de 2002 viennent ensuite prolonger la série.

6ème série :

Muscat Ottonel 2003 – Barmès-Buecher

  • Le nez est parfumé, explosif, presque médicinal mais j’ai de plus en plus de mal à sentir, mon nez se bouchant. La bouche est un peu plate, sèche, avec une acidité un peu crayeuse sur la langue. Sans le profile aromatique, la bouche déçoit un peu. Bien
  • Une cuvée constituée à 100% de muscat Ottonel et revendiquée comme telle : nous sommes là en présence d’une rareté. Tout commence plutôt bien pour ce muscat : son nez est entêtant, exubérant, fortement muscaté, avec de la menthe poivrée et du jasmin, du géranium. La bouche en revanche est complètement fluide, aqueuse (eau savonneuse), sans structure et marquée par une amertume saillante qui paraît presque grillée en finale. Est-ce un défaut de bouteille ? toujours est-il que Beurk. Un essai avec une bouchée d’asperge n’est pas concluant, ne faisant que renforcer la sensation d’amertume.
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-0 Bien-1 Bof-3 Beurk-1

Muscat Grand Cru Goldert VT 1995 – Zind-Humbrecht

  • Le nez est minéral, avec des notes d’orange amère, de mandarine, de pierre à fusil. La bouche est moelleuse avec une acidité fine, très parfumée et termine sur des notes de pamplemousse. Un bel équilibre cépage/terroir/surmaturité. Très Bien
  • Le nez est minéral et très mûr, « dévariétalisé », avec du coing, de l’abricot, de la mandarine, du pénicillium et des notes à mi-chemin entre la pierre à fusil et la craie mouillée. L’équilibre en bouche est aérien et parfaitement fondu, sur un moelleux acidulé d’une grande pureté et une forte minéralité. Excellent
  • Avis du Groupe : Excellent-3 Très Bien-2 Bien-0 Bof-0 Beurk-0

Muscat Herrenweg 2002 – Josmeyer

  • Le nez est frais et muscaté. La bouche est vive, minérale et grasse, sèche avec une acidité un peu forte dans le style. Un pur-sang qui n’est pas encore dompté, on sent la probable forte proportion de muscat d’Alsace. Bien
  • Tout d’abord très fermé, ce muscat s’ouvre lentement mais sûrement sur des notes muscatées de raisin frais, puis de melon et de fruits blancs. La bouche est pêchue et légèrement herbacée. L’acidité est vive et fine. La finale est longue, avec une légère amertume. Beau potentiel. Bien
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-1 Bien-4 Bof-0 Beurk-0

Ce muscat de Josmeyer est aux antipodes de l’Ottonel de Barmès-Buecher, ce qui décide Thierry à tenter l’assemblage des deux. Le muscat « Ottonel Herrenweg 4005 » gagne un peu en structure grâce à l’acidité du Herrenweg, mais l’amertume est toujours gênante.

Muscat "Fleuron" 2002 – Josmeyer

  • Le nez se fait plus mentholé. La bouche est plus minérale, sèche avec une bonne amplitude, mais l’acidité est encore très présente. Un vin à attendre. Bien
  • La robe est pâle. Le nez est frais et délicat, avec à nouveau du raisin frais, du menthol et des fleurs blanches (muguet, jasmin). La bouche est dense, ronde, légèrement perlante. Elle présente beaucoup de tension du fait de son acidité mûre, même si celle-ci est encore dissociée. La finale est un peu herbacée, sans que ce soit désagréable. Un muscat particulièrement élégant, encore un peu réservé à ce stade mais avec un gros potentiel. Un peu dans le style du 2004 de Michel Ginglinger. Très bien
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-2 Bien-3 Bof-0 Beurk-0

Muscat Ottonel 2002 – Barmès-Buecher

  • La robe est plus foncée que les jaunes pâles des autres vins. Le nez est parfumé, un peu exotique, avec des notes de champignon. La bouche est moelleuse (au moins 15 g/l de SR), minérale avec beaucoup de sapidité, mais encore un peu jeune pour développer toute sa complexité aromatique. Le Muscat Ottonel pur réussit très bien en 2002, alors qu’il semble plus déséquilibré en 2003. Bien
  • Encore un virage à 180° et une grosse surprise par rapport au 2003 dégusté quelques minutes plus tôt. La robe est cette fois-ci franchement jaune. Le nez est très mûr, à la limite de la lourdeur, sur des fruits jaunes, du caramel, de la pâtisserie. Il paraît aussi étonnamment évolué, avec de l’encaustique et de la truffe blanche. La bouche est franchement minérale, moelleuse et acidulée, l’acidité étant là aussi encore un peu dissociée. Très bien
  • Avis du Groupe : Excellent-1 Très Bien-2 Bien-2 Bof-0 Beurk-0

Les accords avec le plat :

Difficile de choisir une série de vins étant donnée la dualité de ce plat : les asperges demandent de la fraîcheur et un coté herbacé alors que les morilles réclament de la minéralité. Du coup, les essais furent pas toujours concluants.

Le Herrenweg 02 s’entend bien avec les asperges prises « nues », tant du point de vue de la texture que des arômes : la fine amertume et la vivacité du vin répondent bien à l’astringence de l’asperge, et le « croquant muscaté » joue à l’unisson avec le côté subtilement anisé du légume. En revanche, dès qu’on trempouille l’asperge dans la crème en attrapant une morille au passage, le vin perd un peu pied face au supplément de complexité aromatique et au gras. De son côté, le muscat Goldert 95 VT de Zind-Humbrecht se la joue force tranquille (la bouteille bue le 22 avril dernier avait visiblement un défaut (mettre le lien)). Cette cuvée tient la dragée haute aux asperges et à la crème grâce à sa puissance, et la minéralité du Goldert, dotée de son cortège d’arômes pierreux, s’amuse avec le côté fumé/terreux des morilles. Un peu de patine supplémentaire sur ce vin et l’accord aurait sûrement apporté plus de plaisir encore.

Le millésime 2002 :

Le millésime 2002 est réussi en muscat, mais les grandes cuvées sont encore un peu sauvages et nécessitent un peu de garde, même si elles constituaient le meilleur accord avec les asperges. Après la série des 2003 plus ronds, les 2002 sont tout de même apparus un peu vifs.

Filet de rouget à la tapenade, fenouil confit et légumes printaniers soulignés d’une réduction de muscat d’Italie

« L’usage du muscat alsacien à table se limite au traditionnel accord avec les asperges ». Un premier plat de poisson arrive sur la table, accompagné de deux muscats évolués qui vont tenter d’apporter un début de démenti à cette sentence et introduire doucement les millésimes plus anciens.

7ème série :

Muscat 1995 – Weinzorn

  • Le nez est parfumé, avec des notes poivrées et grillées. La bouche est nette, sèche ample et bien équilibrée, malgré une acidité assez marquée. Bien
  • Le nez est intense, légèrement confit, avec de la réglisse, du menthol et un peu d’encaustique. Ce muscat est bien équilibré en bouche : souple, gras, patiné par 10 ans d’évolution et soutenu par une belle acidité, il se goûte sec, avec un léger retour de menthol/amer minéral en finale. Très bien
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-3 Bien-1 Bof-1 Beurk-0

Muscat 1993 – Guy Wach

  • Le nez est mentholé. La bouche est minérale, sèche avec beaucoup de gras, ce qui lui donne une belle ampleur. Peu d’évolution est perceptible sur ce vin. Le Muscat semble réussir dans les petits millésimes. Très Bien
  • Je reste scotché un long moment sur la menthe verte façon « hollywood chewing gum » du bouquet. Ce dernier flaire aussi bon l’encaustique et un peu le vernis. La bouche est grasse, fondue, avec une acidité mûre prolongeant la finale. Un deuxième beau 93 après celui de Schoenheitz dégusté à la confrérie en début d’après-midi. Très bien
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-3 Bien-2 Bof-0 Beurk-0

Le plat de poisson constitue une occasion de vérifier à nouveau la parfaite maîtrise des cuissons par JP Guggenbuhl. Le choix d’un filet de rouget (surdimensionné), au goût naturellement corsé, paraît tout à fait opportun a priori pour tenter un mariage avec un cépage aussi aromatique que le muscat. L’hypothèse se vérifie et les deux muscats vont fournir de beaux accords avec le plat, grâce notamment à l’assemblage savant de parfums légèrement évolués (menthol, encaustique et surtout la réglisse sauvage du muscat de Gérard Weinzorn) avec les saveurs de fenouil et de tapenade.

Par ailleurs, le fondu de ces deux vins à maturité offre une texture juste, à la mesure du fondant du poisson, un peu comme savent le faire des rieslings demi-secs évolués. Détail intéressant, le fenouil réagit de la même manière que l’asperge, et peut-être mieux encore, lorsqu’on l’associe au muscat : (1) la légère astringence un peu sèche du fenouil est maîtrisée et enrobée par le vin dans un bel accord de texture, (2) sa fraîcheur anisée répond à la fraîcheur mentholée du cépage. Quant à la légère crainte du Grand Chef à l’égard de l’éventuelle agressivité de sa réduction de muscat d’Italie, elle s’estompe rapidement, les vins ayant la structure et l’acidité pour la dompter. CQFD.

Noix de Saint Jacques à la plancha, purée de pommes de terre travaillée à la truffe, et rubans frits de céleri et poireau

Comment continuer à monter en régime après ce qui précède ? avec un plat tout aussi remarquable que le précédent et la série de vins la plus magistrale de la soirée, pardi !

A ce stade, la vitesse de remplissage des crachoirs commence à diminuer sensiblement…

8ème série :

Muscat Grand Cru Goldert 2001 – Zind-Humbrecht

  • Carafé 6 heures durant, la minéralité se montre enfin sous son vrai jour. Le nez est très terroir, avec des notes minérales puissantes. La bouche est grasse, riche et sèche tout en montrant beaucoup de minéralité en milieu de bouche. L’acidité est mûre, les notes mentholées accompagnent la finale, le vin a toute la vie devant lui. Très Bien.
  • La robe est jaune verdâtre. Le nez de ce jeune muscat, encore un peu réservé malgré le long carafage, s’est déjà en grande partie débarrassé de sa gangue variétale. La fraîcheur mentholée vue sur de nombreux autres muscats est présente, ainsi que des notes de foin, mais pour le reste, ça terroite sévèrement, façon caillou calcaire. Quelle race ! La bouche est à l’avenant, minérale à souhait, un peu salée, dense, vive et sèche. L’acidité mûre trace son chemin sur le palais et confère au vin une grande persistance en finale. Superbe vin de terroir. Excellent
  • Avis du Groupe : Excellent-2 Très Bien-3 Bien-0 Bof-0 Beurk-0

Ce vin nous fait dire qu’il aurait peut-être fallu carafer les autres 2001 de la soirée.

Muscat Réserve Millésime 1981 – Rolly-Gassmann

  • Le nez montre à peine son âge, avec de discrètes notes de cire derrière un profil muscaté plus classique. La bouche est riche et dense, mais exprime un peu plus son âge avec une texture plus patinée. Le vin a de beaux restes et a peu changé depuis la dégustation de mai 2002. Bien
  • Le nez est intense. Il décline des senteurs de menthol et de réglisse bien affirmées, ainsi qu’une infime note animale de cour de ferme, un peu comme sur le 93 de Henri Schoenheitz. Au réchauffement, la sensation de maturité se renforce, avec l’apparition de coing et de vanille. En bouche, ce muscat se goûte parfaitement sec, avec le fondu de texture d’un vieux vin. La finale est à nouveau très longue, renforcée par une fine amertume. Excellent
  • Avis du Groupe : Excellent-1 Très Bien-1 Bien-3 Bof-0 Beurk-0

Muscat Réserve Altenberg 1973 – Gustave Lorentz

  • Le nez est parfumé avec une jolie menthe fraîche qui bluffe les participants sur l’âge du vin. La bouche est fraîche, avec une acidité très minérale et un peu crayeuse, puis se développe avec une bonne maturité et un bon équilibre, vers une finale très longue. Le vin est remarquable, extraordinaire, à parfaite maturité dans un équilibre hors norme. C’est LE vin de la soirée pour moi. Excellent
  • La robe arbore un beau jaune doré. Au nez, ce muscat est d’une franchise déconcertante, avec ses senteurs de feuilles de menthe froissées et sa pureté minérale (craie humide, pierre à fusil). La bouche est dense, d’une fraîcheur insolente, sur un équilibre sec et légèrement acidulé. La finale est interminable, soutenue par une noble amertume minérale. Cette franchise, cette jeunesse et cette précision dans les arômes et la structure font de ce vin le clou de la soirée. Excellent
  • Avis du Groupe : Excellent-2 Très Bien-1 Bien-2 Bof-0 Beurk-0

Muscat Réserve 1976 – Dopf au Moulin

  • La robe est dorée cette fois. Le nez est un peu vieux et peu typé muscat, avec de la cire et de l’encaustique. La bouche est sèche, assez grasse avec un léger moelleux. La sensation de maturité est grande, et si l’acidité est encore bien là, la finale se fait un peu amère. Une belle bouteille. Très Bien
  • Un peu dur de s’aligner avec les merveilles précédentes, mais ce muscat réserve 76 s’en sort bien tout de même. Le nez offre moins de naturel et de fraîcheur que celui de l’Altenberg, avec des notes un peu pharmaceutiques, du vernis, de l’encaustique et encore un peu de menthe. La bouche paraît plus ronde, moins dense et moins précise que sur le 73. Elle se termine sur une finale patinée teintée d’un peu d’amertume. Ce muscat est assez typé vin vieux mais procure encore du plaisir. Très bien
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-2 Bien-0 Bof-0 Beurk-0

La surprise du chef…

Jean-Philippe Guggenbuhl nous propose une vieille bouteille supplémentaire pour prolonger cette fabuleuse série. Le millésime est difficile à déchiffrer, on hésite entre 78 et 79. 

Muscat 1978 ou 1979 – Cave coopérative d'Ingersheim « La surprise du Chef » :

  • Le nez semble à nouveau jeune, mûr, frais avec des notes anisées. La bouche est ample, grasse, avec un aspect vieux qui ne se cache pas. L’acidité n’est pas mordante et le vin conserve un bel équilibre sans être cassé. Un vin issu d’une cave coopérative dans un millésime moyen, qui bouscule pas mal de préjugés. Très Bien
  • Le nez est complexe et à nouveau très frais : il mêle harmonieusement la menthe, l’anis, le coing et de l’encaustique. La bouche offre encore une fois cet équilibre particulier tout en rondeur, en souplesse et en gras, mais se goûte parfaitement sèche. La finale est longue, légèrement amère et minérale. Excellent
  • Avis du Groupe : Excellent-1 Très Bien-2 Bien-1 Bof-0 Beurk-0

Ce flacon offert par JP Guggenbuhl mérite pleinement son qualificatif de vin surprise. Qui aurait a priori misé sur la survie, 25 ans après, de ce vin de cave coopérative issu d’un millésime réputé moyen ?? nous devrions rechercher les déclarations de récolte et les bons de livraison de raisins de l’époque pour aller féliciter les récoltants coopérants qui ont contribué à l’élaboration de ce vénérable muscat.

 

 

 

Les accords :

Nouvel exercice de style, avec recherche du style de muscat qui s’accordera le mieux avec le le trio Saint Jacques-purée-truffe.

La cuisson à la plancha des coquilles se traduit par un contraste fort entre l’extérieur de la noix, saisi, doré, noiseté et le cœur, fondant et iodé car à peine cuit. Les lamelles de céleri branche et de poireau sont fortes en goût et croustillantes. La purée de pomme de terre est onctueuse ; la truffe y est présente mais dosée avec parcimonie et suffisamment discrète pour ne pas tout écraser sur son passage.

On attendait l’osmose entre la minéralité, la salinité du Goldert et le côté iodé de la noix de Saint-Jacques. Cette minéralité du Goldert 2001 restera effectivement la référence sur les saint-jacques, même si l’acidité du muscat de Zind-Humbrecht est peut-être encore un peu trop pointue pour que l’accord soit parfait. Ce jeune muscat montre par ailleurs sa polyvalence en faisant agréablement ressortir le grillé corsé des feuilles de légume et les arômes de truffe de la purée, tout en répondant bien au gras et à l’onctuosité de cette dernière grâce à son acidité vive.

Quant aux millésimes plus anciens, Thierry trouve qu’ils donnent efficacement le change à la truffe. De son côté, Nicolas apprécie leur fondu, cette « rondeur sèche » qui enveloppe délicatement la texture fondante de la coquille. Au niveau aromatique, si le jeune Goldert faisait ressortir certains arômes du plat, on assiste plutôt à l’inverse avec les vétérans : les Saint Jacques se mettent au service des vieux muscats en renforçant leur côté mentholé et leur fraîcheur (notamment sur le 81 de Rolly-Gassmann). Quel délice !

Au vu de la diversité des sensations perçues sur cet exemple et de la qualité des accords réalisés , on se rend compte que la cohabitation de vins d’âges très différents dans une même série prend tout son sens alors qu’elle pouvait paraître un peu osée au départ.

L’Altenberg 1973 de Lorentz est un vin complètement hors norme, niveau stratosphérique.

Les Fromages de Jacky Quesnot

Jacky Quesnot tient la meilleure fromagerie de Colmar, en plein centre-ville et est également présent sur le marché de la ville. Ses fromages sont parfaitement affinés et forts en goût. La sélection d’aujourd’hui comporte un Chaource crémeux à souhait, un chèvre cendré, un fromage de brebis frais mais corsé et un vieux parmesan. Trois muscats, fort différents tant du point de vue de la structure que des arômes, sont dégustés en accompagnement de ces fromages.

9ème série :

Comme sur le plat précédent, les vins proposés s’étalent sur plusieurs décennies.

Muscat 1977 – André Mercklé

  • Le nez est aromatique, beurré avec des notes de café. La bouche est acide, riche et grasse mais un peu piquante. L’usure du temps a fait son œuvre, le vin est fatigué. Bof
  • Le nez, original, a évolué vers des notes tertiaires nettes de café et de cacao tout en gardant un léger caractère végétal/herbacé. La bouche est grasse, ronde et longue, mais manque un peu de relief, de punch. Bien
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-0 Bien-1 Bof-3 Beurk-0

Muscat Grand Cru Goldert 1994 – Zind-Humbrecht

  • Le nez est discret, avec des fleurs et des fruits jaunes. La bouche est riche, grasse et minérale avec un bel équilibre, on ne sent qu’un peu les quelque 20g/l de sucre résiduel. Le vin est en pleine maturité à 11 ans d’âge, parti pour une grande garde mis déjà ouvert. Les fromages adorent. Très Bien
  • Troisième apparition du Goldert dans la soirée et la filiation avec les descendants dégustés plus tôt paraît presque évidente : le nez est à nouveau franchement minéral mais reflète aussi la forte maturité de la récolte. De jolies notes de verveines et de citron apportent de la fraîcheur. La bouche est riche et élégante, avec son moelleux fondu et toujours cette acidité traçante et mûre. La structure semble idéale en l’état mais donne aussi l’impression de pouvoir traverser les décennies. Finale très longue, délicatement iodée. Excellent
  • Avis du Groupe : Excellent-1 Très Bien-2 Bien-1 Bof-0 Beurk-0 

Muscat Clos Saint Landelin VT 2002

  • Le nez est mentholé et un peu fumé. La bouche est minérale, sapide, très longue avec une belle acidité plaisante. L’idéal du grand muscat riche et mur doté d’une belle structure. Le vin se montre déjà bien mais surtout il donne une impression de très grand potentiel d’évolution. Après avoir goûté le CSL VT 92 dans la matinée, on se dit que dans 10, 20 et 30 ans ce sera l’extase totale ! Très Bien
  • Le nez présente une belle puissance aromatique non dénuée de finesse, avec principalement de la menthe, mais aussi ce côté exotique et épicé qui me fait penser à un gewurztraminer. La bouche est très concentrée, liquoreuse, avec une rémanence forte de la menthe et une touche minérale bien présente. Le sucre semble encore saillant, dissocié de la finale acidulée et un peu piquante. Gros gros potentiel pour ce vin que je trouve encore un peu jeune pour véritablement éclater en dégustation pure actuellement, malgré le tour de force réalisé en associant idéalement richesse et finesse. Très bien
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-3 Bien-1 Bof-0 Beurk-0

Pour la recherche d’accords entre les muscats et les fromages, JP Guggenbuhl a bien ficelé au préalable un scénario par paires : Zind-Humbrecht/chèvre et brebis, Muré/Chaource et le vieux vin de Mercklé avec le parmesan.

Nicolas s’est contenté de suivre à la lettre le canevas proposé par le chef. Les trois intuitions lui plaisent, la plus réussie résidant à son goût dans la confrontation entre la liqueur de la VT 2002 et le gras/acide du Chaource : personne ne prend le dessus, les deux protagonistes convolent en justes noces. La minéralité/salinité du Goldert et son moelleux acidulé s’entendent à merveille le chèvre et le brebis. Pour sa part, Thierry résume la situation en signalant l’attirance du Goldert 94 pour les pâtes molles, et celle de la VT 2002 pour les textures un peu farineuses.

Quant au plus vieux muscat de la série, le 77 de Mercklé, il ne se présentait pas au mieux mais s’est tout de même plutôt bien entendu avec le vieux parmesan même si un petit supplément d’acidité et de jeunesse aurait certainement apporté plus de répondant face à la force du fromage. Ceux qui avaient encore du 78 de la cave coopérative d’Ingersheim dans leur verre ont pu remarquer le bel accord que pouvait réaliser un vieux muscat avec les pâtes pressées cuites.

Muscat sur fromage, il fallait le tenter, nous l’avons fait avec succès ! Preuve en est, personne autour de la table n’a réclamé de vin rouge  .

Croustillant de fraises et rhubarbe confite, glace à la rhubarbe

Le dessert, frais, léger et savoureux, est précédé d’un petit intermède, une délicieuse crème fouettée à la fraise parsemée de filaments craquants de menthe.

10ème série :

Muscat sur Fil 1997 – Glocker-Brenner

  • Une version vin de paille pour le muscat. Le nez est parfumé avec des notes de pralin, de miel, d’abricot, de tarte tatin disent certains. La bouche est liquoreuse avec une acidité assez élevée qui donne agréablement le change à la liqueur. Un bel équilibre et un grand potentiel de garde. Très Bien
  • Cette curiosité alsacienne est un vin issu de raisins passerillés sur fil et constitue apparemment le fleuron de la maison Glocker-Brenner à Gertwiller. Eh oui, on peut aussi faire ce type de vins avec du muscat en Alsace ! Le nez est franchement sur l’abricot, avec également des notes de vernis, un léger rancio et une volatile élevée. Grosse liqueur en bouche, mais pas beaucoup de complexité à mon sens. Un peu de fraîcheur arrive en finale, qui vient des arômes mentholés plutôt que de l’acidité un peu basse à mon goût pour ce type de vin. Bien
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-1 Bien-2 Bof-0 Beurk-0

Muscat Collection 1997 – Henri Ehrhart

  • Le nez est fruité, assez mur avec des fruits jaunes. La bouche est moelleuse et minérale, assez souple avec un bel équilibre. Un style plus proche d’une VT mais qui possède un bel équilibre aujourd’hui. Très Bien
  • Le nez est frais, à défaut d’être très complexe. On y trouve de l’herbe coupée, du menthol et un peu d’encaustique. La bouche est celle d’une vendange tardive, puissante, sucrée, mais manque de vivacité et donne l’impression d’une structure assez lâche. La finale est de longueur moyenne. Bien
  • Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-1 Bien-2 Bof-0 Beurk-0

Les muscats doux font le bonheur des dégustateurs, même en fin de repas, et le coté un peu amer de la rhubarbe donne le change à la vivacité du muscat. Le muscat de Henri Ehrhart manque peut-être de punch pour aller titiller la fraîcheur et le caractère acidulé de la fraise et de la rhubarbe. En revanche, grâce à sa puissante liqueur, le muscat sur fil passe en force et parvient notamment à épouser harmonieusement une boule de glace à la rhubarbe d’anthologie.

Le repas fut long et un peu chargé, il se fait tard et il faudra quelques jours pour remettre ses idées en place et tirer quelques conclusions.

Nicolas Scholtus & Thierry Meyer