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Diner de Printemps autour des Vins d’Alsace – 7 mai 2011

Lieu : Restaurant La Taverne Alsacienne à Ingersheim
Saison aussi réjouissante qu’éphémère, le printemps apporte une série de produits frais sur les étals qui ravissent le palais après des mois autour des plats mijotés de la cuisine hivernale. Fraises, rhubarbe, asperge, morille, si les plus impatients se précipiteront sur les produits importés des pays chauds situés plus au sud de la France, les autres attendront la venue des produits locaux pour renforcer le caractère saisonnier de ces produits.
Le diner a été l’occasion de monter  que les vins d’Alsace pouvaient s’accommoder de tous ces plats, la variation de cépage, terroir et millésime donnant un ensemble varié qui a été placé sur ce diner sous le thème des vins d’âges différents. La cuisine de printemps s’accommode généralement bien des vins jeunes aux senteurs de fleurs printanières, il fallait vérifier que les millésimes à point n’avaient pas leur mot à dire malgré tout.

Apéritif et Mise en Bouche

Pinot Blanc Mise du Printemps 2010 – Josmeyer : autour de quelques bouchées amusantes, la fraîcheur et les arômes très primeurs du tout jeune millésime 2010 étaient parfait pour mettre les papilles en éveil. Plus réussi encore que le 2009, ce vin possède les notes florales qui évoquent les arbres fruitiers en fleur, et possède en bouche de l’éclat, de la fraîcheur et de l’élégance. Le gras est présent en bouche et contribue à équilibrer l’acidité pour donner un vin très sapide. Très Bien

Foie Gras de Canard poêlé, Fraises et Jus réduit

Si les passionnés de BD penseront immanquablement à la morue au fraise de Gaston Lagaffe en lisant l’intitulé du plat, c’est bien d’une recette de Michel Bras qu’il s’agit. Le foie gras poêlé convient parfaitement aux accompagnements acides type vinaigre balsamique ou vinaigre de poire qu’on utilise pour déglacer la poêle, et les fruits rouges comme la fraise, la framboise, la cerise sont redoutables, même si leur chair sucré tend à faire oublier leur acidité naturelle. Deux vins allaient chercher l’accord avec ce riche en goût et gras en  texture. La cuvée Altenbourg de Weinbach va facilement chercher l’accord sur le gras et la richesse du plat, son acidité malgré tout importante faisant un bon lien avec les fraises cuites. La finesse et la complexité du Furstentum de Paul Blanck souffrent cependant d’une telle richesse, et le vin est littéralement écrasé par le plat. Pour en apprécier sa complexité, il faut retirer les accompagnements pour découvrir un foie poêlé sans son jus réduit ni ses fraises, en accord parfait avec la complexité de ce vin de vingt ans d’âge.

Pinot Gris Altenbourg Cuvée Laurence 2005 – Domaine Weinbach : la robe dorée annonce un vin au nez marqué par la pourriture noble : miel, abricot sec, pralin et une pointe de truffe signent un vin très mûr, dont l’intensité aromatique est renforcée par une pointe d’acidité volatile. La bouche est riche, saline avec un moelleux bien intégré. Taillé pour une garde importante, le vin se révèle déjà très ben dès à présent, sur un plat riche. Très Bien

Pinot Gris Grand Cru Furstentum 1991 – Paul Blanck : Situé juste au dessus de l’Altenbourg et classé Grand Cru, l’Altenbourg se dévoile ici dans un vin à maturité issu d’un millésime moyen qui a donné de beaux pinots gris : la robe dorée est brillante, et laisse place à un nez ouvert, complexe et frais marqué par des arômes de citronnelle, de miel sec avec une ointe de girofle. La bouche est ample, minérale et encore légèrement douce, avec une note d’épices et d’écorce d’orange en finale qui traduisent un équilibre légèrement surmuri qui a parfaitement bien évolué. Très Bien

Fricassée d’Asperges aux Morilles fraîches

Combinaison de deux spécialités alsaciennes, les asperges dans les collines argilo-marneuses du Nord de l’Alsace et les morilles dans les coins humides des collines vosgiennes, le plat a brillé par la qualité de sa cuisson, qualité qu’on retrouve souvent dans la cuisine de Jean-Philippe Guggenbuhl : les asperges et les morilles étaient cuites mais avaient conservé un croquant très agréable – les restaurants modernes parleraient d’asperges « snackées » – . Coté vin, le choix fut cornélien. L’asperge et son caractère végétal appelle des vins frais, jeunes et aromatiques, voire secs pour les puristes, mais cuisinées avec de la sauce et des morilles, la minéralité s’en mêle et mieux vaut chercher le terroir pour éviter que le vin ne soit écrasé par le plat. Les deux rieslings initialement choisi ont été complété par un des meilleurs muscats grand cru qui soit. On commence par ce vin de Frédéric Mochel, dans une phase encore assez jeune, la dégustation de l’exceptionnel 1988 l’année dernière laissant présager une nouvelle fois une grande garde. L’accord est remarquable car il est multidimensionnel, la morille répondant sur la minéralité du vin qui réveille la fraîcheur de l’asperge. Le vin servi et bu relativement frais se montre en montre particulièrement digeste. Le Steingrübler de Barmès-Buecher semble défectueux, mais son caractère oxydatif convient assez bien aux morilles. (Sans vouloir caricaturer les vins du Jura, rappelons simplement que les vins de voile de qualité ne sont pas oxydés. Le caractère oxydatif des meilleurs vins n’a rien à voir avec l’oxydation réelle de certains vins qui ne devraient pas être consommés si les amateurs étaient un peu éduqués. De même, un pinot gris produit par des raisins atteints de pourriture grise sent méchamment le champignon, et cela n’a rien de typique d’un pinot gris de qualité, surtout lorsqu’il est issu de raisin atteints de pourriture nobles.)
Le riesling de Rolly-Gassmann remporte tous les suffrages à l’applaudimètre par sa buvabilité déconcertante et son équilibre très adapté à la richesse du plat. L’accord avec les asperges et les morilles se fait peut-être plus sur le moelleux et l’acidité, et moins sur la minéralité que le vin de Mochel, même si le support minéral est présent.

Muscat Grand Cru Altenberg de Bergbieten 2007 – Frédéric Mochel : le nez est intense, avec une note de citronnelle qui complète les arômes de fleur d’oranger. Une légère évolution aromatique se fait désormais sentir. La  bouche est ample, très pure, minérale avec un équilibre mûr, tendre et sec qui termine sur une finale saline de belle longueur. L’Altenberg de Bergbieten à ce niveau de maturité physiologique démontre que c’est un grand terroir apte à produire des vins élégants et racés. Excellent

Riesling Grand Cru Steingrübler 2000 – Barmès-Buecher : la robe vieil or laisse présager nue vin évolué, que les arômes confits, pétrolés et légèrement oxydatifs viennent confirmer. Cette bouteille n’est pas au mieux de sa forme, mais comme la bouche se montre agréable, nous tentons le vin sur le plat. Derrière l’accord intéressant avec la morille, il n’y aura malheureusement pas de miracle. Mauvaise pioche, à regoûter.

Riesling Rorschwihr Cuvée Yves 2000 – Rolly-Gassmann : Le vin est très typique des rieslings produits en 2000 chez Rolly Gassmann, avec une robe pâle très brillante, un nez intense marqué par la surmaturité et un équilibre riche au moelleux rendu discret par une forte acidité et une légère amertume. Les arômes d’ananas frais, de citron confit et de miel sont très agréables

Gigot d’Agneau de Lait des Pyrénées, Jus à l’Ail, Légumes Primeurs

Si la viande est souvent absente des repas organisés par l’Oenothèque Alsace, l’agneau est un plat à ne pas manquer en saison, car la finesse de la viande est exceptionnelle, et c’est l’occasion de goûter quelques rouges parmi les plus corsés d’Alsace. Le plat possède une belle richesse, en particulier une combinaison intéressante de viande et de jus réduit, avec des pommes de terre, de la carotte et des légumes primeurs travaillés façon ratatouille. Le vin de Laurent Barth a besoin de puissance, et le goût de l'agneau tout comme la texture de la pomme de terre vont lui donner du répondant nécessaire. Le vin de Paul Blanck, plus fin, se contentera de la viande seule, éventuellement accompagnée d'un peu de carotte. Mais le jus aillé est trop puissant et domine le vin. Grâce à son beau fruité et à une concentration qui lui permet de tenir tête au jus réduit, le vin de Hurst est probablement le plus universel sur le plat, chaque bouchée trouvant son équilibre. Félicitations une nouvelle fois au chef pour une cuisson parfaite de l'agneau, fondant à souhait.

Pinot Noir « M » 2009 – Laurent Barth : la robe aux reflets violacés trahit la grande jeunesse du vin. Le nez est encore marqué par la barrique, avec des notes fumées, épicée, et une trace de fruit noir qui apparaît à l'aération. La bouche est riche, puissante avec des tanins gras, ample avec une très longue finale. Un vin remarquable qui témoigne de son origine du grand cru Marckrain, certainement l'un des tous meilleurs produits dans le grand millésime 2009 en Alsace. Excellent

Pinot Noir Vieilles Vignes 2002 – A. Hurst : originaire du grand cru Brand, ce vin démontre le potentiel du pinot noir sur sol granitique dans le délicat millésime 2002. La robe est sombre, avec de légers reflets tuilée. Le nez est marqué par les épices grillées et le lard fumé, plus proche d'un vin du Rhône que d'un vin de Bourgogne. La bouche est concentrée, souple avec des tanins de belle maturité, et une longue finale qui possède de la sapidité. Un beau vin qui entame une longue carrière, le potentiel de garde dépassant certainement 15 à 20 ans. Très bien

Pinot Noir « F » 1996 – Paul Blanck : originaire du grand cru Furstentum, le vin possède un style assurément bourguignon : le nez possède des arômes frais sur la cerise, la bouche est pure, concentrée avec des tanins fins, et une acidité marquée très typique du millésime. L'ensemble possède un équilibre d'une grande jeunesse, mais supportera une garde supplémentaire de plusieurs années. Très Bien

Compotée de Rhubarbe à la Vanille

La rhubarbe et le produit de saison qu'il faut savoir saisir au bon moment, surtout lorsqu'elle est issue des jardins d'Alsace. Servi sous forme de compote, notre idée initiale était de l'accompagner de gewurztraminer, mais j'ai rajouté un riesling vendange tardif dernier moment, ça dégustation récente meilleure instinctivement fait penser à ce plat pour créer un accord intéressant. Si on écarte le vin de poche par un gel, probablement défectueux, ce sont deux vins du Zinnkoepflé qui sont allés à la recherche de l'accord avec la rhubarbe. Le gewurztraminer d'Eric Rominger s'est montrée très épicé et suffisamment acidulé pour équilibrer le dessert, mais sa légère évolution le destiné peut-être plus à un poisson en sauce est une compote de fruits. L'accord magnifique de la soirée sera celui avec le riesling d'Agathe Bursin, dans la puissance, la pureté cristalline, la richesse et la pureté en font un compagnon de dessert formidable

Riesling Grand Cru Zinnkoepflé Vendanges Tardives 2009 – Agathe Bursin : un vin encore très jeune mais déjà un magnifique de pureté, aérien au nez avec des notes d'agrumes frais, ample et moelleux en bouche avec un caractère cristallin qui impressionne. Déjà savoureux à peine mis en bouteille, il fait aujourd'hui un vin de dessert magnifique. Excellent

Gewurztraminer Steinbruchreben Vendanges Tardives 2005 – Paul Spannagel : un vin parfumé au nez de rose et de fruits à chair blanche, léger en bouche avec une évolution assez marquée et un petit déficit d'acidité. La légère note liégeuse en finale suggère bouteille défectueuse.

Gewurztraminer Grand Cru Zinnkoepflé Vendanges Tardives 2002 – Eric Rominger : un vin ample et puissant qui possède un nez épicé, moelleux en bouche avec une richesse importante équilibrée par une acidité très fine. Le caractère tranchant du millésime de l'aujourd'hui un équilibre à parfaite maturité.

Aux termes de ce repas, si le plaisir de déguster des produits de saison a ravi les papilles, le test sur l'âge des vins a également été très intéressant : si la complexité des millésimes à maturité convient bien à des plats cuisinés accompagné de sauce et autre jus réduit, les fruits et légumes de printemps préparés simplement avec des cuissons rapides s'accompagneront merveilleusement bien de vins très jeunes voire carrément primeurs. À l'amateur d'organiser sa cave pour ne pas garder trop de vins inaptes à une bonification au vieillissement, et pour assurer des rentrées régulières de millésimes très jeunes, histoire de se faire plaisir lorsque les beaux jours reviennent.

Thierry Meyer

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