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Masterclass Alsace du Printemps – 19 mars 2011

Cette masterclass était particulière, car plutôt que d’explorer un ou deux thèmes en profondeur, ce sont six sujets d’actualité qui ont été illustrés par deux ou trois vins, car on ne discute jamais aussi bien d’un sujet lié au vin qu’un verre à la main. Initialement appelée « 12 vins qu’il faut avoir bu en 2011 », se sont finalement 17 vins qui ont été dégustés, pour le plus grand plaisir des participants qui ont désormais de sérieux arguments pour discuter vin d’Alsace, en attendant la prochaine masterclass.

Thème 1 : Les ambassadeurs d’Alsace

Pour être présent à l'export, il faut pour disposer d’un volume de production suffisant afin d'alimenter les différents importateurs et leurs nombreux canaux de distribution. Étant donné la faible disponibilité de très bons vins en quantité suffisante, on retrouve généralement les grandes maisons de producteurs négociants, capable de produire des vins réguliers de bonne qualité, dans des volumes tels qu'on peut les retrouver facilement chez les cavistes ou dans les restaurants étrangers. Même si ces cuvées ne sont pas forcément les plus en vue en Alsace, ce sont des ambassadeurs extraordinaires car ce sont très souvent les premiers vins d'Alsace que dégustent les amateurs de par le monde. De 2 exemplaires ont été dégustés dans le millésime 2008 : tout d‘abord le gentil de la maison Hugel dont la production avoisine le demi-million de cols, dans un style pur, sec, aromatique, facile à boire. Étant un assemblage de cépages, il revendique la typicité de l'appellation Alsace entière plus qu'une simple typicité variétale. À côté de lui, le riesling de la maison Trimbach est également produit à plus de 300 000 cols, et donne une image parfaite du riesling alsacien sec et nerveux. Les deux vins étonnent par leur faciliter de dégustation, et remplissent à ce titre très bien leur rôle.

Gentil 2008 – Hugel et Fils : un bel assemblage aromatique, sec et frais, qui possède du gras et du croquant. Grande réussite en 2008 pour ce vin versatile facile à boire. 14/20 2010-2012

Riesling 2008 – Trimbach : définition idéale du riesling alsacien, un vin qui combine fraîcheur de l’acidité avec une touche de croquant. Les notes citronnées et muscatées animent le nez, la bouche est sapide, aérienne et facile à boire. 14.5/20 2010-2018

Thème 2 : 2009 remet en avant les vins secs

Si les millésimes 2007 2008 ont permis de produire des vins d'équilibre sec malgré une dose parfois importantes de sucre résiduel, l'acidité parfois plus faible du millésime 2009 à souvent nécessité une fermentation complète du sucre pour obtenir des vins gras, sec. C'est l'occasion de redécouvrir ces équilibres amples, charnus avec du gras, et une acidité qui reste équilibrée, à la manière des vins blancs secs qu'on peut trouver en Bourgogne ou en vallée du Rhône. Le mot sec peut être trompeur car pour de nombreuses personnes il évoque encore des vins à l'acidité très importante voire, voire excessive, surtout lorsque l'emploi le terme «  très sec ». En plus des pinots gris qui ont produit de très grands vins secs en 2009, les vins dégustés possèdent tous moins de 3 g/l de sucre résiduel, et démontre qu'on peut trouver des vins très équilibrés sans le support du moelleux. En passant, c'est l'occasion de découvrir trois coups de coeur du millésime 2009.

Muscat 2009 – Bruno Hertz : De robe pâle, c'est un muscat sec au nez de raisins frais et de pomme, croquant en bouche avec une finale sur le fruit. Très apéritif. 14/20

Sylvaner vieilles vignes 2009 – Henry Fuchs : Un vin parfumé, épicé avec des notes florales, dense en bouche avec de la profondeur et une fine salinité. Rapport qualité prix exceptionnel. 15/20

Riesling Grand Cru Schoenenbourg 2009 –  Bott Geyl : Nez élégant de fleurs blanches avec une pointe fumée, bouche dense, acidulée avec une salinité présente. Grand vin de terroir très réussi en 2009. A garder. 17.5/20

Thème 3 : le retour sur le devant de la scène des grandes maisons historiques

Ces dernières années ont vu revenir sur le devant de la scène des maisons historiquement réputées, qui avait abandonné la recherche de la qualité extrême au profit de marché plus important en volume, dans les brasseries françaises ou à l'export. Concurrence internationale, baisse des marges ou volontés de se repositionner sur le haut de gamme pour exploiter des terroirs exceptionnels qui ont fait leur force, les raisons ne manquent pas pour justifier un retour qualitatif. Les vins des trois maisons de producteurs négociants que nous avons dégustés viennent des parcelles propres de chaque domaine, et non des achats qui constituent la majorité des cuvées génériques. Dommage que les vins de Dopff au Moulin et Boeckel étaient entachées par des notes liégeuses (surtout prononcées sur le Schonenbourg). Ce sera l'occasion de hauts dégustés quelques cuvés plus tard lors des prochaines dégustations ou repas.

Riesling Grand Cru Schoenenbourg 2008 – Dopff au Moulin : Nez ouvert sur les agrumes frais, bouche droite et minérale, acidulée avec une pointe de gaz, longue finale. Bel élevage. 16/20

Riesling Grand Cru Kirchberg de Barr 2008 – Klipfel : Nez légèrement grillé, surmuri, bouche dense, mûre et minérale avec une bonne densité. Un vin de garde bien né. 16/20

Sylvaner Grand Cru Zotzenberg 2009 – E. Boeckel : nez discret de fruits à chair blanches, bouche ample, profonde avec du gras et une finale longue portée par une acidité fine. Bonne réussite pour ce vin de grande garde. 16/20

Thème 4 : Après sa période bois neuf, le Pinot Noirs gagne en élégance

L'apparition dans les années 80 de pinot noir portant la mention « élevé en fût de chêne » a fait les beaux jours d'un style rouge alsacien qui faisait la part belle au boisé, tout en conservant parfois la faible maturité et la dilution propre aux vins de cette région. La mention glorieuse est devenue parfois plus un cache misère, au point d'avoir été retirée des étiquettes, ou simplement renommée du terme « pinot noir barriques ». Pourtant l'élevage en barrique convient parfaitement pinot noir, dans ce dernier provient des meilleurs coteaux et récoltés à forte maturité et très bonne concentration. Le caractère boisé de la barrique se font à ce moment dans la matière du vin, et l'élevage de 12 mois ou plus sous bois permet d'obtenir des vins complets, complexe, et bien charpentés. Les trois vins dégustés offrent une démonstration différente de la manière dont le boisé peut s'intégrer au vin. Le vin de François Bléger et marquée par un fruité intense. Celui de Jean-Paul Schmitt, marqué par la barrique au nez, montre un très joli fruité en bouche qui masque le caractère toasté en finale. Quant au vin d'Agathe Bursin, il est parfaitement bien élevé plus de 18 mois, dans un style qui rappelle les rouges de Bourgogne. Ces trois vins démontrent l'intérêt d'un élevage sous bois lorsqu'il s'associe à une très belle matière initiale. À ce sujet, on comparera également les différences d'équilibres de style des millésimes 2008 et 2009, également réussis dans des styles très différents.

Pinot Noir Geissberg 2009 – François Bléger : Nez de fruits noirs et d'épices grillées, bouche corsée, dense avec des notes torréfiées, belle profondeur. 14.5/20

Pinot Noir Rittersberg Réserve Personnelle 2009 – Jean-Paul Schmitt : nez marqué par la barrique avec une pointe épicée, bouche tendre, souple en attaque, puis fumée sur une trame de fruits rouges qui apporte de la vinosité. Beau vin de terroir granitique, à l'extraction mesurée. 15.5/20

Pinot Noir Strangenberg 2008 – Agathe Bursin : Nez de petits fruits acidulés, complété par une note boisée de qualité. Bouche tendre, élégante avec du fruit, une belle acidité et une finesse de tanins qui rend le vin déjà agréable jeune. Bonne réussite dans le millésime. 15.5/20

Thème 5 : Le seul cépage emblématique d'Alsace peine à faire sa place face à un conservatisme culinaire

Si l'intérêt est toujours très fort de la part des amateurs pour le diner annuel consacrée au riesling depuis le fameux dîner du mois d'août 2001, les soirées consacrées au gewurztraminer ont généralement suscité moins d'enthousiasme. Pourtant, comme l'a démontré le dîner organisé en février, le gewurztraminer offre des perspectives d'accords met et vins incroyables, surtout lorsqu'il provient de grands terroirs, sur des millésimes à maturité. Pour illustrer ce propos, trois vins très différents sont dégustés. Un vin du domaine Weinbach, acidulé et d'une grande fraîcheur aromatique, qui possède suffisamment de salinité pour accompagner une grande variété de plats, de l'entrée au dessert. Si on reste sur des arômes primaires à ce stade, le vin de Zind Humbrecht démontre l'incroyable complexité aromatique que prennent les gewurztraminer au vieillissement. Même si le vin est issu du Herrenweg, terroir de graves assez simple, on imagine très bien ce vin à table sur des fromages forts ou de la cuisine asiatique. Le dernier vin de Wolfberger, belle réussite sur un grand terroir dans un millésime encore très jeune, démontre que ce genre de vin n'a que peu d'intérêt en dégustation si jeune, le moelleux étant encore très présent et masquant légèrement la salinité. Un vin qu'on relie dégustera dans cinq ou huit ans avec plaisir, et qui procurera certainement de beaux accords sur des places intelligemment choisis.

Gewurztraminer Cuvée Laurence 2008 – Domaine Weinbach : une cuvée ample au nez de fruits acidulés et de fleur d’oranger, ample, minérale et saline en bouche avec un moelleux bien intégré et des agrumes en finale. Possède du fond, vieillira bien. 16/20 (36g/l SR)

Gewurztraminer Turckheim 2002 – Zind Humbrecht : un vin marqué par la surmaturité et un équilibre haut en alcool : 15.2% d’alcool et 22g/l de sucre résiduel traduisent la richesse qui se manifeste au nez avec des notes fumées et épicées. La bouche est ample et chaude avec un caractère grillé et fumé qui réserve ce vin à des fromages forts ou à un cuissot de porcelet grillé. 14.5/20

Gewurztraminer Pfersigberg 2009 – Wolfberger : Nez très pur sur la rose et le litchi, bouche tendre, légère et élégante, le moelleux étant bien intégré. Belle longueur. 15.5/20

Thème 6 : L'élevage long  pour rechercher la minéralité optimum : le cas Marc Tempé

si pour obtenir un vin abouti qu'il faut récolter le raisin à parfaite maturité et lui laisser suffisamment de temps pendant son élevage pour travailler avec ses lies, alors Marc tempe et est certainement le vigneron le plus exemplaire de la région. En choisissant de récolter à parfaite maturité, les raisins sont souvent déjà en surmaturité pour ce qui est de la richesse en sucre. En choisissant de laisser les vins en foudre sur leur lit pendant au moins deux années, les vins gagnent toujours en ampleur et en gras. Le résultat est parfaitement démontré dans des millésimes délicats comme 2003 ou 2006, quand malgré des récoltes tardives et les élevages longs, on retrouve aujourd'hui des vins d'une extrême fraîcheur, dotées d'acidités importantes en bouche. Cette technique peut donner des vins qui paraissent bruts de décoffrage et peuvent parfois manquer de finesse lorsqu'ils sont bus jeunes, néanmoins il possède également une profondeur, une est une acidité et une minéralité qui sont tout à fait remarquables, en particulier dans des millésimes chauds ou d'autre vigneron ont récolté de manière précoce, « pour conserver la fraîcheur ». Les trois vins dégustés sont étonnants dépossédés équilibres gustatifs tout à fait exceptionnels.

Auxerrois Vieilles Vignes 2005 – Marc Tempé : mis en bouteille après quatre ans d’élevage, c’est un vin surmuri au nez pur de fruits jaunes et de miel avec une pointe de vanille, riche et onctueux en bouche avec une douceur présente mais fondue. L’impression de pureté est rehaussée par une fine acidité très présente qui lui donne de la longueur. A boire pour lui ou sur une volaille rôtie. 16.5/20 2010-2020

Pinot Gris Rimelsberg 2003 – Marc Tempé : après 4 ans d’élevage à en barrique neuve, le vin est encore marqué par un toasté important avec des arômes de noix de coco au nez, puis se montre riche et onctueux avec de la profondeur en bouche, un moelleux encore très présent et une finale vanillée. Vin de grande garde. 16.5/20

Riesling Mambourg 2003 – Marc Tempé : près de trois années sous bois neuf ont donné un Mambourg au nez encore toasté, ample et profond en bouche avec du gras et une forte salinité. L’équilibre est sec avec le gras et les tanins qu’on retrouve dans ce terroir. Un vin inhabituel mais racé où le terroir domine le cépage. 16.5/20 (8g/l environ) 

Thierry Meyer

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