17 février 2007 – La première dégustation de l’année de l‘Oenothèque Alsace a permis de déguster des crémants d’Alsace et des champagnes à l’aveugle, pour permettre aux participants de déterminer si une différence de style et de qualité était perceptible entre les deux régions. Après trois séries de cinq vins sur les thèmes « blanc de blancs », « brut sans année » et « millésime 1996 », rassemblant de manière non exhaustive de belles cuvées des deux régions, la conclusion est sans appel : l’identification de chaque région est très difficile à l’aveugle, et les grands crémants d’Alsace n’ont pas à rougir devant les meilleurs champagnes, y compris la célèbre cuvée Dom Pérignon. Lire les notes détaillées, le palmarès et les statistiques de la dégustation.
Détails de l’organisation
La dégustation a rassemblé 9 participants, avec une majorité de vignerons alsaciens, producteurs de crémant ou non. Les vins ont été choisis parmi des cuvées connues qui avaient déjà dégustées dans le passé. Les crémants ont été cherchés sur place au domaine, et les champagnes ont été achetés chez des cavistes de la zone de Colmar.
Les vins étaient servis dans des flûtes, par série de 5. Les participants ont rempli un talon-réponse avec leurs estimations de région pour chaque vin servi, et avec un classement des vins dans chaque série. Les bouteilles n’ont été révélées qu’une fois les talons retournés.
Pour établir un palmarès des cuvées au sein de chaque série, l’ordre de chaque participant est comptabilisé, puis le classement final se base successivement sur le plus grand nombre de première, deuxième et troisième places obtenues par chaque vin. Une technique forcément arbitraire qui est calquée sur le classement des pays aux jeux olympiques par leur nombre de médailles.
La dégustation, les reconnaissances et le palmarès de chaque série
Série Blanc de Blancs
La série des blancs de blancs était la seule qui proposait une unité de cépage, toutes les cuvées étant issu à 100% de chardonnay. Les cuvées Blanc de Blancs offrent généralement beaucoup de finesse, une bonne fraîcheur et une mousse compacte très présente en bouche.
Par ordre de service :
1-Champagne Blanc de Blancs Grand Cru – Lallier (Aÿ) : La première bouteille de la dégustation est malheureusement sérieusement bouchonnée, sans bouteille de secours. Vendu 25.9€ chez le caviste. Non noté
2-Crémant d’Alsace Chardonnay Brut Extra 2004 – Emile Boeckel (Mittelbergheim) : Le premier vin de la série offre un nez discret, initialement marqué par de l’acidité volatile. La Bouche est corsée en attaque, avec une mousse compacte qui dégaze lentement, laissant la place à un vin frais et sec aux notes de pomme verte en finale. Un crémant puissant mais encore un peu jeune à ce stade, qui a besoin de quelques mois pour se mettre en place. Vendu 7.7€ départ cave. Bien
Identification des participants : Crémant : 6 Champagne : 3
Avec un taux de reconnaissance de 67%, le style alsacien est reconnu.
Classé 1er : 0 fois. Classé 2e : 1 fois. Classé 3e : 1 fois
3-Crémant d’Alsace Clos Saint Landelin 2000 – René Muré (Rouffach) : ce vin offre une robe dorée intense et brillante. Le nez est marqué par un élevage en barrique avec des notes toastées et beurrées qui rappellent certaines cuvées champenoises (Bollinger, Krug). L’attaque en bouche est délicate, avec une belle effervescence ample et très fine. La mousse est généreuse mais dans la dentelle, avec un dégazage lent qui laisse place à un vin gras et ample. L’impression d’ensemble est équilibrée et puissante. De loin la plus belle cuvée de la série. Vendu 14.5€ départ cave. Excellent.
Note technique : fermentation et un an d’élevage en barriques de plus d’un vin. Elevage sur latte de plus de 3 ans.
Identification des participants : Crémant : 4 Champagne : 5
Avec un taux de reconnaissance de 44%, il n’y a pas de reconnaissance claire de la région d’appellation.
Classé 1er : 4 fois. Classé 2e : 2 fois. Classé 3e : 2 fois
4-Crémant d’Alsace Chardonnay 2004 – Pierre et Frédéric Becht (Dorlisheim) : Le nez est jeune et très frais, avec des arômes de fruits frais acidulés et de fleurs. La bouche possède beaucoup de moelleux en attaque, une mousse fine assez discrète qui dégaze lentement, finissant sur un équilibre acidulé et floral très agréable. Tout ce qu’on attend d’une cuvée de chardonnay, mûre et digeste, très apéritive. Vendu 6.4€ départ cave. Très Bien
Identification des participants : Crémant : 4 Champagne : 5
Avec un taux de reconnaissance de 44%, il n’y a pas de reconnaissance claire de la région d’appellation.
Classé 1er : 3 fois. Classé 2e : 4 fois. Classé 3e : 1 fois
5-Champagne Blanc Souverain – Henriot (Reims) : Le nez de cette cuvée se montre intense grâce à une bonne effervescence dans le verre, avec des arômes de pomme et de noisette complétée de notes grillées. La bouche est fraîche avec une forte effervescence qui dégaze assez rapidement, laissant place à un vin gras et acidulé. La fin de bouche revient sur des notes de brioche et de noisette. Une cuvée équilibrée qui n’a pas la finesse du précédent. Vendu 30.8€ chez le caviste. Bien
Identification des participants : Crémant : 4 Champagne : 5
Avec un taux de reconnaissance de 56%, il n’y a pas de reconnaissance claire de la région d’appellation.
Classé 1er : 1 fois. Classé 2e : 3 fois. Classé 3e : 2 fois
Palmarès de la série des Blancs de Blancs
1er : Crémant d’Alsace Clos Saint Landelin 2000 – René Muré
2e : Crémant d’Alsace Chardonnay 2004 – Pierre et Frédéric Becht
3e : Champagne Blanc Souverain – Henriot
4e : Crémant d’Alsace Chardonnay Brut Extra 2004 – Emile Boeckel
non noté : Champagne Blanc de Blancs Grand Cru – Lallier
Deux crémants sortent clairement en tête du palmarès, dans des styles très différents. Le Crémant de Muré possède une noble origine et un élevage ambitieux digne des plus grands champagnes dans ce cépage (Selosse, Krug, Taittinger), ce qui le réserve plutôt à la table. Quant au Crémant de Pierre et Frédéric Becht, il possède la légèreté et la finesse d’un grand blanc de blancs d’apéritif.
Série Brut Sans Année
Les Brut sans années choisis étaient choisis parmi des cuvées à dominant de pinot noir, pour ne pas trop mélanger les cépages. Puissance, richesse et vinosité sont les caractéristiques attendues de ces cuvées souvent destinées à accompagner un repas.
Par ordre de service :
1-Crémant d’Alsace Brut Blanc de Noirs – Wolfberger (Eguisheim): La cuvée 100% pinot noir du domaine a été choisie pour rester dans le style des autres cuvées dominées par le pinot noir. La robe prend une teinte saumonée, c’est la plus intense de toutes. Le nez est net, de bonne intensité marqué par des arômes de fruits rouges et de ronce. La bouche est nette et moyennement effervescente avec une mousse compacte qui dégaze rapidement, laissant place à un vin vineux dominé par des notes de fruit rouges en finale. Un blanc de noirs parfaitement bien exécuté, qui se boit facilement. Vendu 7.7€ départ cave. Bien
Note technique : Alcool : 11.5%. Dosage : 10-12 g/l. Acidité totale (exprimée en sulfurique) : 3.5-4.5 g/l
Identification des participants : Crémant : 7 Champagne : 2
Avec un taux de reconnaissance de 78%, le style alsacien est bien reconnu.
Classé 1er : 1 fois. Classé 2e : 4 fois. Classé 3e : 0 fois
2-Champagne Bollinger Spéciale Cuvée (Aÿ) : Le nez est très intense, complexe avec des arômes de noisette et de sous-bois, évoluant sur des notes grillées et une pointe de champignon. La bouche est fraîche et moelleuse en attaque par la combinaison d’une forte effervescence, d’une bonne acidité et d’un dosage élevé, puis le vin se montre vineux à souhait, souple et très plaisant. Un grand classique de la champagne. Vendu 36.9€ chez le caviste. Très Bien
Note Technique : 60% de Pinot Noir. 5 à 10% de vins de réserve de 5-10ans d’âge. 80% de Grands et premiers Crus. 3 ans de vieillissement sur latte minimum
Identification des participants : Crémant : 4 Champagne : 5
Avec un taux de reconnaissance de 56%, il n’y a pas de reconnaissance claire de la région d’appellation.
Classé 1er : 0 fois. Classé 2e : 1 fois. Classé 3e : 0 fois
3-Champagne Brut Premier de Roederer (Reims) : Le nez est intense, net et frais avec des arômes de fruits secs, de fumée et un léger boisé. La bouche est très effervescente en attaque, au point de se gazer le nez si on prend une gorgée trop grande. Puis la mousse se montre aérienne, généreuse avec un dégazage lent qui laisse apparaître la bonne acidité du vin. La race et la fraîcheur de la marque se montre particulièrement bien, le terroir champenois se montrant particulièrement bien sur cette cuvée. Ensuite c’est une question de goût, Bollinger et Roederer ont chacun leurs fans. Vendu 36.9€ chez le caviste. Bien
Note Technique : 1/3 de Chardonnay et 2/3 de Pinots composent la cuvée. 10 % de vins de réserve mûris en foudre de chêne entre 2 et 5 années. 3 ans de vieillissement sur lies en moyenne. Dosage : 11 à 12 g/l.
Identification des participants : Crémant : 4 Champagne : 5
Avec un taux de reconnaissance de 56%, il n’y a pas de reconnaissance claire de la région d’appellation.
Classé 1er : 1 fois. Classé 2e : 1 fois. Classé 3e : 2 fois
4-Crémant d’Alsace Cuvée Sub Rosa – Cave de Beblenheim : Le nez se montre net et intense, avec un mélange complexe d’arômes de fleurs et de fruits rouges. L’attaque est ample avec un beau moelleux, la mousse est généreuse et fine, dégaze lentement et laisse apparaître un vin souple qui possède dans la longue finale des arômes de fruits rouges frais. Le toucher de bouche est très agréable, ce qui rend la cuvée très facile à boire. Vendu 9.5€ départ cave (7.9€ par carton de 6). C’est de loin la cuvée qui remporte le plus de suffrages dans la série. Très Bien
Note Technique : Assemblage pinot noir/chardonnay. 24 mois d’élevage sur latte. Alcool:12.5%. Dosage : 7g/l. Acidité totale (exprimée en sulfurique) : 4.7g/l
Identification des participants : Crémant : 5 Champagne : 4
Avec un taux de reconnaissance de 56%, il n’y a pas de reconnaissance claire de la région d’appellation.
Classé 1er : 5 fois. Classé 2e : 2 fois. Classé 3e : 1 fois
5-Crémant d’Alsace en Magnum – Valentin-Zusslin (Orschwihr) : issu du millésime 2001, majoritairement composé de pinot auxerrois et de riesling, cette cuvée dégorgée à l’automne 2006 offre un profil particulièrement intéressant. Le nez est parfumé, net avec des notes florales surmontées d’arômes d’agrumes. La bouche est fraîche, avec une mousse fine qui reste discrète et dégaze lentement pour faire apparaître un vin acidulé et très pur. La finale est longue avec des arômes de pamplemousse et une légère évolution. Le riesling marque généralement les crémants par des notes plus minérales au vieillissement, ici les agrumes à part on reste sur un bel équilibre frais et net. Elément important dans la perception d’un vin mousseux, la qualité de l’acidité est ici remarquable. On retrouve ce style dans les crémants à base de riesling chez Pierre Frick ou Barmès-Buecher. L’absence de pinot noir dans l’assemblage ne se remarque pas, la vinosité étant apportée par un élevage long sur latte. Vendu 20€ (uniquement en magnum) départ cave. Très Bien
Identification des participants : Crémant : 3 Champagne : 6
Avec un taux de reconnaissance de 33%, la cuvée a été majoritairement prise pour un champagne. Les spécialistes du crémant ont toutefois reconnu la présence de riesling qui les a orienté vers l’Alsace
Classé 1er : 1 fois. Classé 2e : 3 fois. Classé 3e : 3 fois
Palmarès de la série des Bruts
1er : Crémant d’Alsace Cuvée Sub Rosa – Cave de Beblenheim
2e : Crémant d’Alsace Brut Blanc de Noirs – Wolfberger
3e : Crémant d’Alsace en Magnum – Valentin-Zusslin
4e : Champagne Brut Premier de Roederer
5e : Champagne Bollinger Spéciale Cuvée
Une série de haut niveau clairement dominée par les crémants, les deux champagnes pêchant ici curieusement par leur manque de finesse.
Série Millésime 1996
Une série sur le millésime 1996 a permis de comparer des vins d’âge égal, l’apport des vins de réserve ou des élevages plus ou moins longs étant gommé. Il s’agissait également de tester les éventuelles différences de vieillissement des cuvées. 1996 est une grande année à champagne et crémant, associant une forte maturité des raisins à une bonne acidité.
Par ordre de service :
1-Crémant d’Alsace Extra Brut "S" 1996 – Edgard Schaller (Mittelwihr) : Le nez est délicat, d’intensité moyenne, avec des arômes de fruits secs, d’épices et de cuir. La bouche est fraîche en attaque, nette avec une belle acidité, la mousse est discrète mais compacte et dégaze lentement pour laisser apparaître un vin sec très pur. La finale est fine et longue, légèrement amère avec une note de noix qui trahit son évolution à l’aération. Une belle cuvée qui a perdu un peu de gaz depuis son ouverture deux jours auparavant. Bien
Note technique : cuvée 100% chardonay, non dosé et dégorgé le jeudi 15 février 2007, deux jours avant la dégustation. La bouteille a été rebouchée avec un bouchon hermétique.
Identification des participants : Crémant : 6 Champagne : 3
Avec un taux de reconnaissance de 67%, l’origine a été reconnue. A moins que l’équilibre plus fin et moins puissant, du au cépage chardonnay, ait été spontanément associé à l’Alsace. Il aurait fallu placer un champagne blanc de blancs 1996 dans la série.
Classé 1er : 0 fois. Classé 2e : 1 fois. Classé 3e : 0 fois
2-Champagne Brut Millésimé 1996 – Pol Roger (Epernay) : Le nez est jeune, frais avec des arômes de fruits acidulés, évoluant sur une note d’encaustique à l’aération. L’attaque en bouche est moelleuse, ample et assez simple avec beaucoup de netteté. La mousse est compacte, dégaze assez lentement pour laisser place à un vin assez doux. La cuvée est nette, avec une bonne balance entre l’acidité et le dosage, mais manque un peu de race pour un champagne. Un style très classique. Vendu 36.8€ chez le caviste. Bien
Identification des participants : Crémant : 3 Champagne : 6
Avec un taux de reconnaissance de 67%, le style champenois est identifié.
Classé 1er : 0 fois. Classé 2e : 2 fois. Classé 3e : 1 fois
3-Crémant d’Alsace Cuvée Fleur de Lys 1996 de Jean-Claude Buecher (Wettolsheim) : La robe est profonde et d’un jaune doré intense. Le nez est très aromatique, dominé par des arômes de truffe qu’on trouve souvent en Alsace souvent sur des vins blancs du millésime 1996. A l’aération, des arômes de fumée, de cire et de coing apparaissent. La bouche est nette et ample en attaque, avec une mousse dense et riche qui dégaze lentement, laissant apparaître un vin doté d’une belle acidité, ample et minéral. La fin de bouche est longue avec des arômes de fruits secs. La grande matière et la pureté de ce vin sont impressionnantes, mais le vin évolue plu rapidement à l’aération que les champagnes. Vendu 8.2€ départ cave (jusque décembre 2006, le vin est malheureusement épuisé depuis peu !). Excellent
Note technique : 100% Pinot Blanc issu du Grand Cru Pfersigberg (sol brun calcaire sur calcaire dur). Dégorgé fin 2005.
Identification des participants : Crémant : 3 Champagne : 6
Avec un taux de reconnaissance de 33%, la cuvée a été majoritairement prise pour un champagne.
Classé 1er : 5 fois. Classé 2e : 2 fois. Classé 3e : 0 fois
4-Champagne Dom Pérignon 1996 (Epernay) : Le nez est évolué, avec des arômes d’encaustique et de feuille morte qui font penser à une altération due au bouchon. La bouche est franche en attaque, très fraîche avec une mousse très effervescente et délicate à la fois, évoluant sur un vin au fruit très prononcé, fin et élégant. Si on écarte la déviation du nez, on retrouve la finesse et la fraîcheur de la célèbre cuvée. Une deuxième bouteille ouverte à la fin de la dégustation aveugle confirmera la déviation, le nez du deuxième vin étant plus net sur des arômes de fruits secs et de fruits acidulés. Une cuvée qui s’ouvrira encore plus après aération. Vendu 110€ le millésime 1999 chez le caviste pour le millésime 1999, et 110e sur Internet pour le 1996. Très Bien
Identification des participants : Crémant : 4 Champagne : 5
Avec un taux de reconnaissance de 56%, il n’y a pas de reconnaissance claire de la région d’appellation. Est-ce l’évolution du nez qui a fait penser à un crémant ?
Classé 1er : 1 fois. Classé 2e : 3 fois. Classé 3e : 2 fois
5-Champagne Grande Année 1996 de Bollinger (Aÿ) : La dernière bouteille de la dégustation aveugle offre un nez net, fin et élégant, de bonne intensité avec des arômes de fruits secs, un léger boisé et une petite évolution. La bouche est ample, effervescente et riche, avec une belle acidité, un léger boisé et des notes d’agrumes mûres qui apparaissent une fois le gaz disparu. Toute la puissance et la richesse de Bollinger se retrouver dans cette cuvée à pleine maturité, qui vieillira encore quelques années. Vendu 74.9€ chez le caviste pour le millésime 1999 actuellement en vente. Très Bien
Note technique : 70% Pinot Noir, 30% Chardonnay, dont 75% de grands crus, 25% de premiers crus. Elevage 5 ans sur latte minimum.
Identification des participants : Crémant : 1 Champagne : 8
Avec un taux de reconnaissance de 89%, la région est très nettement identifiée
Classé 1er : 2 fois. Classé 2e : 2 fois. Classé 3e : 3 fois
Palmarès des Millésimé 1996
1er : Crémant d’Alsace Cuvée Fleur de Lys 1996 de Jean-Claude Buecher
2e : Champagne Grande Année 1996 de Bollinger
3e : Champagne Dom Pérignon 1996
4e : Champagne Brut Millésimé 1996 – Pol Roger
5e : Crémant d’Alsace Extra Brut "S" 1996 – Edgard Schaller
Le palmarès donne une synthèse des préférences, mais cette série est particulièrement homogène dans la grande qualité. A plus de 10 ans d’âge, crémants et champagnes se montrent magnifiquement bien avec une petite préférence pour la cuvée Fleur de Lys. A l’aération toutefois, les Crémants évoluent plus rapidement alors que les champagnes conservent une bonne intensité et une bonne netteté aromatique.
Bouteilles complémentaires
La révélation du programme de chaque série a permis de discuter voire de regoûter certains vins. En fin de dégustation, deux autres crémants ont été dégustés à l’aveugle pour déterminer si les participants pourraient reconnaître leur région d’origine.
Le Crémant Brut Médaille d’Or en Magnum de Seppi Landmann (Soultzmatt), issu du millésime 1997, se montre très équilibré et d’une jeunesse redoutable face aux 1996 dégustés. La bouteille était destinée à illustrer la technique de dégustation en début de session, mais le premier magnum était bouchonné. La bouteille de secours a été dégustée après la dégustation aveugle. Le nez est superbe, très jeune avec des arômes de fruits à chaire blanche, et une pointe de miel et de fruits secs. La bouche est tendre, souple avec une mousse délicate qui dégaze lentement, laissant place à un pinot blanc à peine évolué. La note florale en finale fait penser à un crémant d’Alsace, mais quelle jeunesse ! Le groupe reconnaît le style alsacien tout en constatant une évolution nettement moindre par rapport à tous les 1996 dégustés. Une conservation remarquable et un bon potentiel de vieillissement. Vendu 30.5€ départ cave (magnum uniquement). Très Bien
Le Crémant Brut Sigillé de Ginglinger-Fix (Voegtlinshoffen) est issu d’un assemblage de chardonnay, pinot gris et pinot noir du millésime 2004. Dégorgé en avril 2006, son nez est dominé par des fruits mûrs, voire compotés qui rappellent le pinot gris. La bouche est délicate, tendre et moelleuse en attaque, avec une mousse délicate et moelleuse qui laisse place à un vin mûr et gras. L’ensemble du groupe identifie le style alsacien dominé par les fruits mûrs. Une typicité alsacienne que confirme le Sigille de qualité décerné par la Confrérie Sainte Etienne. Vendu 7.3€ départ cave. Très Bien
Analyse statistique des résultats
Les taux de reconnaissances sont calculés pour chaque vin dégusté, en gardant à l’esprit que si chacun avait attribué des régions au hasard, le taux serait de 50% en moyenne. Ainsi, un taux de reconnaissance très supérieur à 50% indique qu’il y a une probabilité significative que le style soit reconnu, alors qu’un taux très inférieur à 50% indique une reconnaissance erronée.
La diversité des reconnaissances chez les participants montre des écarts importants. Notons que le nombre de vins dont la région a été reconnue varie d’un participant à l’autre. Sur 14 vins dégustés, on constate le nombre de succès suivants chez les participants : 4, 5, 5, 8, 8, 9, 10, 11, 12.
Une analyse intéressante à faire dans ce genre de dégustation, est celle des préjugés des participants. Par exemple sur l’ordre des vins dans chaque série, ou du lien entre le classement et la région.
Le premier vin de chaque série a été jugé en majorité être du crémant, quelle que soit la région d’origine de la bouteille. De même, le dernier vin de chaque série a été identifié majoritairement comme un champagne. Faut-il y voir un biais dans l’analyse des participants, qui se basaient plus en cas de doute sur un service par ordre croissant de prix ?
Indépendamment du palmarès des vins basés sur leur vraie origine, il faut regarder le classement des vins par rapport à leur région estimée par les participants. Parmi les 24 vins classés premiers dans les 3 séries par les 8 participants, 19 sont identifiés comme des champagnes contre 5 comme des crémants. Dans la réalité, 5 seulement de ces vins sont des champagnes et 19 sont des crémants. Parmi les 24 vins classés second dans les 3 séries par les 8 participants, 20 sont identifiés comme des champagnes contre 11 comme des crémants (le nombre supérieur à 24 vient des ex-aequo). Dans la réalité, 12 seulement sont des champagnes et 19 sont des crémants.
Il y a donc un lien fort entre qualité et appartenance au champagne, les dégustateurs ayant tendance à identifier (souvent à tort) les meilleurs vins de chaque série comme étant du champagne. La question est de savoir s’il y a une causalité derrière cette corrélation et dans quel sens cette causalité est établie. Est-ce parce que le meilleur vin de chaque série se doit d’être un champagne, ou est-ce parce que le vin a été d’abord identifié comme un champagne qu’il est mieux classé ? Je serai intuitivement en faveur de la première hypothèse.
Hypothèse confirmée par le classement spécifique d’un des participants, un des seuls non-alsaciens à avoir participé à la dégustation. En regardant son classement et ses estimations de région série par série, il apparaît que les vins classés en premier sont identifiés comme des champagne, et les vins classés en dernier comme des Alsace. Et ce de manière systématique, même si dans le cas de la série des Brut les deux premiers de son classement sont des crémants, pris à tort pour des champagnes.
Tentative de conclusions
Il serait bien entendu facile de ne retenir de cette dégustation que les trois premières places au palmarès attribuées à des crémants, et de fanfaronner entre alsaciens sur ce succès local qui ressemble fortement à de l’auto-satisfaction. Pourtant une analyse plus détaillée apporte quelques éléments de réponse plus objectifs.
Les champagnes se distinguent habituellement des crémants par trois critères. Une plus grande patine due à l’utilisation de vins plus vieux et à des élevages sur latte plus longs, une plus grande vinosité due à la proportion plus grande de pinot noir dans les assemblages, et un supplément de race du au terroir.
La dégustation suggère fortement qu’en choisissant des assemblages riches en pinot noir, en choisissant des élevages sur latte de 24 mois et plus, et en cherchant des millésimes anciens, on gomme les différences entre crémant d’Alsace et Champagne. L’éventuelle différence de race avec les terroirs crayeux de la champagne se compense également en choisissant des terrains calcaires en Alsace (Grand Cru Pfersigberg pour la cuvée Fleur de Lys de Jean-Claude Buecher, ou encore Strangenberg pour la Cuvée Prestige de la cave Bestheim non dégustée ce jour mais qui déjà fait couler beaucoup d‘encre).
Malgré cette absence de différence en dégustation aveugle, deux écarts importants subsistent entre les deux régions.
Premièrement, la notoriété de la Champagne reste très importante, même en Alsace. Elle est entretenue par une importante communication de la part des grandes marques : Bollinger, Roederer, Moët&Chandon… Le Champagne reste la référence au point que les dégustateurs identifiaient souvent la meilleure cuvée de chacune des trois séries comme un champagne (19 fois sur 24, 24 étant le produit de 3 séries et de 8 participants qui ont proposé un classement), alors que les champagnes ne représentaient que 5 cuvées sur les 24 têtes de série. Le préjugé étant que le meilleur de chaque série devait être un champagne. Sur un thème proche, l’habillage des bouteilles de crémant maque parfois d’élégance par rapport au champagne. Complément idéal des efforts qualitatifs du produit, des efforts pourraient être réalisés pour faciliter le positionnement haut de gamme. Car cela fait plusieurs dizaines d’années que des crémants se positionnent en tête lorsqu’il sont placés au milieu de champagnes dans des dégustations à l’aveugle.
La seconde différence importante concerne les écarts importants de prix. Autour de 8€ départ cave pour le crémant, autour de 35 euros prix caviste pour le champagne, les prix reflètent l’offre disponible en Alsace, les écarts étant évidemment un peu moindre ailleurs. L’offre de crémant haut de gamme alsacienne pêche peut-être par ses prix trop bas. Le prix est un signal fort pour afficher l’ambition de qualité d’une cuvée, et à moins de 7€ la bouteille, c’est difficile de différencier les meilleures cuvées. La cuvée millésimée de René Muré est à ce titre un cas intéressant. A 14.5€ le flacon départ cave, c’est un des crémants les plus chers de la région, même si au regard de sa qualité et de son coût d’élaboration, c’est un excellent rapport qualité/prix. Mais son positionnement en prix explique peut-être en partie son grand succès commercial. Quel amateur de vin oserait servir un crémant à 6 euros lors d’un repas entre amateurs au cours duquel des vins rouges à plus de 15 euros sont consommés ? A l’heure où la guerre des prix fait rage sur le crémant, le moment est peut-être venu de remonter le prix des meilleures cuvées pour afficher sans honte leur qualité. Sans même vouloir se rapprocher du prix des grandes cuvées de champagne, il y a encore une marge de progression pour le Crémant d’Alsace et ce ne serait pas choquant que plusieurs cuvées de prestige alsaciennes osent dépasser la barre psychologique des 10€ le flacon. Ce ne serait que leur rendre justice, sans attendre que les guides et autres magazines ne mettent en avant de manière aléatoire quelques unes des meilleures cuvées de la région, créant de manière immédiate des ruptures de stock.
Le Champagne Dom Pérignon 1996 était la star annoncée de la dégustation, et ce fut malheureusement un rendez vous manqué. La première bouteille servie à l’aveugle n’a pas convaincu mais compte tenu de l’état de son bouchon fortement chevillé, nous avons ouvert une deuxième bouteille plus tard qui se montrait nettement plus jeune et élégante, en particulier après un peu d’aération. Quoi que d’un style différent, elle aurait sûrement fait jeu égal avec la cuvée Fleur de Lys, ce qui n’enlève rien de la superbe de ce crémant.
Finalement, on peut se demander s’il faut chercher à produire des crémants d’Alsace qui ressemblent à des champagnes ? L’exercice portait ici sur les cuvées prestige et sur le haut de gamme dans les deux régions. Il a montré qu’il n’était pas forcément nécessaire de ressembler à un champagne pour être bien apprécié, quelques cuvées ayant été bien classées tout en ayant été identifiées comme du crémant. L’Alsace a une carte importante à jouer avec un style de crémant léger et aromatique, qui joue la finesse et da fraîcheur de ses pinots. Mais de même que pour les vins tranquilles, l’Alsace a besoin d’une élite qui porte haut les couleurs de la région. Tous les buveurs de vin mousseux connaissent Dom Pérignon et quelques autres grandes marques de champagne, même s’ils n’en boivent pas. L’émergence d’une élite alsacienne ne peut que renforcer l’attrait pour le reste de la production alsacienne, qui se montre aujourd’hui d’une étonnante homogénéité dans la qualité.
Remarques sur le choix des vins et la méthode de dégustation.
L’offre de champagnes chez les cavistes couvre en majorité les grandes maisons, souvent des négociants. Il existe de nombreux petits producteurs indépendants qui proposent des cuvées de bonne qualité à prix moins importants, mais ces producteurs sont peu distribués par les cavistes. La dégustation ne visait donc pas à établir un classement général des régions, juste de faire quelques constats sur la dégustation à l’aveugle.
Le service des champagnes a été en partie effectué avec une carafe pour masquer la forme et la couleur de la bouteille, qui aurait pu donner des indices aux participants les plus perspicaces. Certains se sont d’ailleurs doutés dans la série des 1996 que Dom Pérignon se cachait parmi les deux cuvées servies en carafe… Le passage même rapide en carafe a diminué la quantité de gaz carbonique dans les vins, les rendants plus souples que s’ils avaient été servis en bouteille. Cela a pu brouiller les pistes de ceux qui pensaient différencier les champagnes des crémants par une pression supérieure des premiers.
Pistes pour les prochaines dégustations
D’autres dégustations de crémant et de champagne mériteraient d’être organisées. Sur le thème des élevages courts d’abord, une sélection de champagnes de petits producteurs, issus d’un seul millésime et ayant été élevés 24 mois sur latte seulement, devrait rapprocher encore plus le style des champagnes de celui des crémants d’Alsace.
Une autre idée est de faire une dégustation dans une gamme de prix spécifique, et de déguster des champagnes et crémants d’Alsace à moins de 15 euros uniquement. Cela devrait faire ressortir encore plus le bon rapport qualité prix des crémants.
Enfin, les participants de cette dégustation étaient an majorité alsaciens, et le classement d’un des deux non alsaciens est suffisamment différent des autres pour qu’on cherche à comprendre quelle est la perception du crémant en dehors de l’Alsace. Une connaissance de la clientèle hors Alsace est la clé pour comprendre comment leurs goûts sont plus ou moins adaptés aux styles des crémants, et comment ils dégustent le crémant comparativement au champagne.
Thierry Meyer
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