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Alsace et Fruits de Mer, l’accord parfait ? – 06 février 2010

Si les vins d’Alsace ont toujours eu un franc succès dans les tavernes alsaciennes partout en France, réputées pour leur banc à huître plus que pour leur foie gras, les grands vins d’Alsace sont également de très bons partenaires des fruits de mer, crustacés, coquillages et autres mollusques. La mer a recouvert par deux fois ce qui représente aujourd’hui le fossé rhénan, déposant des sédiments marins qui ont créé les couches calcaires et marno-calcaires qu’on retrouve aujourd’hui sur les collines sous-vosgiennes dans la mosaïque des terroirs viticoles d’Alsace. L’association entre les vins issus de terroirs calcaires et les produits de la mer n’étant plus à démonter, il fallait lui donner une démonstration forte avec les vins d’Alsace. La sélection de vins a parfaitement rempli son rôle, avec comme chaque diner, de très bon s moments et de très grands moments de dégustation…

En amuse bouche, soupe de moules crémée

Les moules très parfumées voyaient leur goût encore rehaussé par la crème, formant un ensemble onctueux très savoureux, parfaite mise en bouche qui fit saliver les convives. Les deux vins secs du millésime 2008 se sont montrés à la hauteur du plat, avec d’un coté un Gentil de Hugel parfaitement exécuté dans le millésime, et un sylvaner sec qui révéla contre toute attente son grand terroir d’origine, le Bollenberg. Le sylvaner fut la surprise de la soirée, sa pureté, sa profondeur et sa concentration, ainsi que son aptitude à table ont étonné. La crème étant à la fois grasse et acide, c’était également intéressant de constater la différence d’accord sur les textures, le Gentil allant associer sa fraîcheur avec le gras de la crème, alors que le Bollenberg  révélait plutôt le caractère acidulé de la crème.

Gentil Hugel 2008 – Hugel et Fils : franc et doté d’une acidité nette, c’est un vin dense et sec qui possède du croquant. Un parfait compagnon de table. Très Bien

Sylvaner Bollenberg 2008 – François Schmitt : un vin ample et acidulé de grande pureté, qui possède la profondeur du Bollenberg. Sec et gras avec une finale épicée, c’est un vin de terroir exceptionnel. Excellent

En entrée, 6 Huîtres de Trois Provenances Françaises

La variété des huîtres dégustées fut tout aussi intéressante que les vins qui les accompagnaient :

  • Marennes Fine de Claire #3 de Gillardeau : une huître de marque réputée, au goût puissant et iodé, qui possède un fondant remarquable en bouche. Une personnalité qui surpasse les deux autres, pour ceux qui aiment ce style.
  • Cancale #3 : une huître parfumée, nette et douce avec un goût de noisette très plaisant, parfaits pour les non-initiés qui ne mangent que peu d’huîtres.
  • Bretagne Fine de Claire #3 : une huître grasse et charnue, qui reste délicatement salée et très fine. Facile à manger

Le Sylvaner Clos de la Folie Marco se montrait moins avenant que d’ordinaire, l’envie étant surement trop forte pour les participants de tester le sylvaner Bollenberg sur les huîtres. Il possédait toutefois une bonne tenue et se mariait très bien avec les huîtres de Cancale. Le grand riesling Altenberg de Wolxheim se montrait très puissant, minéral avec une tendance à écraser les huîtres de Cancale et de Bretagne si on ne les badigeonnait pas de vinaigrette à l’échalote, en revanche l’accord de texture et de minéralité était très bon sur les Gillardeau.  L’idéal aurait été d’avoir 6 huîtres de chaque sorte et de ramener 6 vins supplémentaires lors d’une soirée consacrée aux accords huîtres et blancs d’Alsace. On y pensera l’année prochaine…

Sylvaner Clos de la Folie Marco 2008 – Domaine Hering : originaire d’une parcelle en contrebas du Kirchberg, c’est un sylvaner au nez de fleurs blanches, sec et élégant en bouche avec de la salinité. Parfait à table ou en toute occasion. Bien

Riesling Grand Cru Altenberg de Wolxheim 2008 – Clément Lissner : un vin sec de tout beauté, éclatant de minéralité en bouche avec une pureté remarquable et une profondeur importante. Le fruité et la salinité forment un ensemble complexe qui signent la grandeur retrouvée de ce terroir très réputé. Très Bien

Pour faire le lien avec le poisson, Petite Salade d'Hiver : Mâche, Barbe de Capucins et Homard, Vinaigrette à la Mangue

Un plat travaillés comme je les aime, tout en finesse et servi tiède avec une grande complexité d’arômes. La barbe de capucin, sorte de chicorée, apporte de l’amertume, et la vinaigrette à la langue rehausse la texture fine et charnu du homard. Le Riesling donne l’impression que le plat était préparé pour lui : la cuvée Frédéric Emile est magnifique en 2004, avec des notes d’agrumes fines qui enrobent une texture pure et saline. L’équilibre du plat et du vin sont parfaits et forment un accord tant de texture que d’arômes. Moins classique pour les alsaciens mais plus courant pour les bourguignons, le pinot gris Muenchberg élevé en barriques en partie neuve provient d’une parcelle sur le rebord du cru, possédant une dose importante de calcaire dans le sol. L’ensemble est proche de la perfection, et si on isole le homard et un peu de sauce en oubliant le reste, l’accord est tout simplement divin. Un homard de 1kg, une bouteille de A360P 2007, et voilà un diner aux chandelles quasiment finalisé !

Riesling Cuvée Frédéric Emile 2004 – Trimbach : intégrant la parcelle historique au-dessus du domaine et à cheval sur les grands crus Geisberg et Osterberg, ce riesling présente un nez déjà ouvert de fleurs blanches avec une note fumée, puis se montre  fin et minéral en bouche avec une acidité fine. Une cuvée facile à boire jeune, sans l’austérité des millésimes plus anciens. Belle maturité combinée à une fermentation malolactique peut-être ? Très Bien

Pinot Gris Grand Cru Muenchberg A360P 2007 – André Ostertag : un vin impressionnant de puissance, combinant le gras et la densité d’un pinot gris mûr sans surmaturité élevé sur lies en barriques, avec la force et la violence du terroir gréso-volcanique du Muenchberg. Profond, long et d’une grande minéralité, c’est un exemple d’un des plus grands vins secs produits en Alsace en 2007.  Excellent

En plat, Coquilles Saint Jacques de la Baie d'Erquy, Purée de Pomme de Terre à la Truffe Noire Tuber Melanosporum

Pour être complet dans la série des fruits de mer, après les moules, les huîtres et le homard, la coquille saint jacques s’imposait. Coquillage charnu d’une texture très fine laissant une impression nacrée en bouche, c’est un met qui accompagne les vins de terroir calcaires puissants. Légèrement rôtie sans être trop cuite, lorsqu’on ajoute une purée à la truffe noire, c’est la porte ouverte aux vins botrytisés légèrement évolués. Les premiers plats du repas ont eu la bonne idée de ne pas être trop lourd, c’est donc avec appétit que nous attaquons le plat, et pour une fois, personne ne s’est plein d’avoir trop de purée dans son assiette ! Deux grands vins de terroir vont accompagner le plat. Le Mambourg de Marc Tempé est toujours magnifique lorsqu’il est récolté en surmaturité, et sur le millésime 1997, le terroir transcende le cépage pour offrir un Mambourg puissant et fondu. Le Hengst de Josmeyer se montre plus fin, plus net aromatiquement, mais donne une sensation plus sur la réserve. Certains parleront d’un vin inabouti, corseté dans une forme de déni de faire un vin moelleux par dépit, d’autres parleront d’une finesse typique du domaine.

Riesling Grand Cru Mambourg Vendanges Tardives 1997 – Marc Tempé : un vin de récolte tardive issu d’un terroir marno-calcaire riche en argile et en fer. Le nez est délicieusement complexe, avec des fleurs séchées, du pétrole, du miel d’acacia, une note de truffe blanche qui exprime toute la complexité animale du cru. La bouche est profonde, avec une énorme matière, du gras et une texture riche qui reste soyeuse. L’équilibre se présente demi-sec grâce à des tanins en fin de bouche. Quelle race ! Excellent

Riesling Grand Cru Hengst Vendanges Tardives 1995 – Josmeyer : Dominé par les zestes d'agrumes au nez, avec une note de cuir et de fumée déjà très présente, le vin se montre d'une droiture sans faille en bouche. Le gaz carbonique et les notes de zeste apportent une fraîcheur surprenante sur un vin de cet âge. C'est légèrement moelleux, mais la finesse de l'acidité et la profondeur minérale qui s'exprime sur une trame d'agrumes confits donne une sensation inouïe de puissance et de finesse. Très Bien

En dessert, Gratin d'Agrumes

Riesling Clos Windsbuhl Vendanges Tardives 2000 – Zind-Humbrecht : La robe pâle annonce un bon état sanitaire, le botrytis se mêlant au passerillage pour offrir un nez franc et ouvert sur l’abricot, le pamplemousse et l’ananas rôti, qu’aucune évolution ne vient perturber. La bouche est moelleuse, profonde et rehaussée par une acidité intense qui se manifeste en fin de bouche, allongeant la finale tout en donnant un caractère salin presque sec. Longue finale pour ce vin droit dans ses bottes, qu’on boirait presque à l’apéritif comme une gourmandise rafraîchissante et acidulée. Le vin est encore jeune, il a un potentiel de garde énorme, et ses 64g/l de sucre restant sont déjà bien fondus. Excellent

Grand Cru Schoenenbourg 1998 – Marcel Deiss: contraste saisissant entre la carrure du Windsbuhl et la suavité des gypses du Schoenenbourg. Initialement vendu comme un  riesling SGN, l’étiquette ne mentionne plus que le cru et le millésime, faisant abstraction du cépage et de la mention SGN car c’est bien un vin du Schoenenbourg que nous dégustons, plus qu’un riesling grains nobles. Derrière la pureté des arômes, c’est surtout la pureté cristalline de la bouche qui surprend, la douceur de l’acidité rejoignant le moelleux bien intégré. Excellent

En surprise de fin de repas, un vin servi à l’aveugle

Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles 1983 – Hugel et Fils : la robe dorée annonce un vin au nez complexe, dominé par les épices et les fruits confits avec une pointe d’agrumes et  d’encaustique. La bouche est très liquoreuse pour un vin de cet âge, mais possède sur ce flacon une note tubéreuse moins noble qui pourrait provenir d’une oxydation due à un bouchage perfectible. Une belle cuvée qu’il faudra regoûter.  Très Bien

Un diner d’anthologie qui a ravi les convives qui ont pu partager en toute simplicité leurs impressions et leurs émotions. La période d’après les fêtes de fin d’année est propice à ce genre de diner, puisque la saison bat son plein pour les produits de la mer, mais les prix sont beaucoup moins élevées que lors des fêtes de fin d’année. Un diner à organiser l’année prochaine et à proposer en bon-cadeau pour Noël ?

Thierry Meyer

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