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Masterclass du printemps – 13 mars 2010

La première masterclass de l’année couvrait deux thématiques principales après une mise en bouche sur quelques 2008 de bon rapport qualité prix : les vins de terroir gréseux et l’apogée des rieslings 2002 de l’appellation Alsace.

Thème 1 : Trois coups de cœur 2008

S’il y a des cépages qui magnifient idéalement le caractère sain et frais du millésime 2008 c’est bien le pinot blanc. Le simple vin acheté en litre au supermarché Simply Market de Strasbourg montre que l’équilibre est propre et net, et si on se permet de monter en gamme en allant sur les beaux terroirs, les vins sont sapides et délicieux cette année à table. Leur prix raisonnables en font de superbes rapports qualité prix. Dans les cuvées de terroir on peut citer également l’Auxerrois Vieilles Vignes H 2008 de Josmeyer, le Pinot Blanc Rosenberg 2008 de Barmès-Buecher, le Pinot Blanc Bergheim 2008 de Marcel Deiss, l’Auxerrois Trois Châteaux 2008 de Kuentz-Bas, et suffisamment d’autres références de vins délicieux, secs et de prix raisonnable pour vous encourager à déguster les pinots blancs 2008 lors d’une visite chez le producteur. Le même commentaire pourrait être fait des sylvaners 2008 issus des grands terroirs alsaciens, mais ce sera l’objet d’un article séparé.
Derrière les deux pinots blancs, le plaisir de gouter un riesling 2008 de grand terroir rappelle que sans salinité l’acidité est désagréable, mais qu’avec de la minéralité les grands vins

Pinot Blanc 2008 – Cave Vinicole d'Obernai (environ 4€ le litre en grande surface) : un pinot blanc simple et bien fait, aromatique au nez net, sec et léger en bouche avec de la pureté. Une bouteille de 1 litre qui permet de cuisiner avec une moitié de la bouteille, et de boire l’autre. Bien

Pinot Blanc Côtes de Ribeauvillé 2008 – Louis Sipp (7€) : issu de cépage pinot blanc plantés dans le Kirchberg, c’est un vin ample d’équilibre sec, minéral et croquant en bouche. Très Bien

Riesling Clos Saint Landelin 2008 – René Muré (18.4€ TTC en primeur, 23€) : un vin fruité au nez intense d’agrumes frais, ample et pur en bouche avec de la profondeur et une fine minéralité qui donne de la sapidité et adoucit la sensation acide. Une cuvée qui vieillira bien, et certainement un des plus grands rieslings réalisés par le domaine sur le Clos Saint Landelin. Excellent

Thème 2 : Les terroirs gréseux

Le grès est composé de sables de quartz durcis ou cimentés par des oxydes de fer. C’est donc une roche sédimentaire produite par la décomposition des granits anciens, compactée par des couches supérieures. Les formations de grès sur le massif Vosgien sont présentes à plusieurs ères géologiques, du Bundsandstein (Trias, début de l’Ere secondaire) qui a formé le fameux grès rose des Vosges, au grès du Permien (fin de l’ère primaire, -250 mio d’années) plus grossier, parfois volcaniques. Lorsque le grès affleure sur les terroirs du vignoble alsacien, il se situe généralement sur les fortes pentes proches de la montagne. Sa décomposition en sable donne un sol siliceux acide, drainant, conservant la chaleur. Du Sud au Nord, les principales zones de terroirs gréseux se situent :

  • Sur le secteur de Guebwiller (grès volcanique sur le Kitterlé) et de la Vallée Noble  (grès calcaire ou grès «  à Voltzia »)
  • Sur le Secteur d’Ammerschwihr ans le haut du Kaefferkopf
  • Sur le Secteur de Ribeauvillé, en inclusion dans le champ de fracture
  • Sur le Secteur de Epfig/Nothalten/Andlau, avec des dépôts volcaniques sur le Muenchberg
  • On trouve également quelques traces sur Obernai/Molsheim/Westhoffen

Les vins de terroirs gréseux ont généralement une salinité propre apportée par la silice, qui leur donne de la salinité. Moins amples que les vins de terroir calcaire, moins gras que les vins de terroir de marnes, ce sont des vins de grande finesse avec une amertume parfois prononcée en finale. Les vins récoltés tardivement sont souvent confits à cause de la réflexion solaire qui grille les raisins, rendant plus difficile l’installation du botrytis. Les rares sélections de grains nobles issues de botrytis donnent des vins somptueux.
Riesling et Pinot Gris donnent des vins élégants au nez souvent fumé, Gewurztraminer et Pinot Noir possèdent de la finesse avec de l’amertume parfois prononcée.

Selon le niveau de moelleux et de puissance, les vins des terroirs de grès s’accordent particulièrement avec les poissons de rivière ou de lac, les abats, les desserts aux fruits…
La sélection de vins dégustés couvre plusieurs zones géographiques et plusieurs cépages. L’élégance et la rigueur du Riesling Andlau laisse place à un pinot gris Fronholz tout aussi droit et fin, et après le décevant riesling Muenchberg on termine les rieslings sur un Kessler de toute beauté. Le pinot Gris Cos Liebenberg se montre dans une forme moyenne avec un petit manque de netteté au nez qui trahit peut-être le botrytis du millésime 2005, quant au Kessler 2001 version gewurztraminer, c’est la démonstration même du vin de dessert élégant et précis.

Riesling Andlau 2008 – Marc Kreydenweiss (12.5€) : un vin élégant au nez initialement marqué par l’élevage sur lies qui prend un fruité net après aération, salin et acidulé en bouche avec une longue finale. Un vin techniquement sec de grande précision. Très Bien

Pinot Gris Fronholz 2007 – André Ostertag (env 27€) un pinot gris ample et riche, intense au nez, gras en bouche avec un léger moelleux qui équilibre parfaitement la forte acidité du vin. A garder quelques années. Très Bien (12 g/l SR)

Riesling Grand Cru Muenchberg 2007 – Julien Meyer (20€) : deux flacons malheureusement oxydés, loin de la bouteille dégustée quelques semaines auparavant, pur, puisant et très minéral. Dommage.

Riesling Grand Cru Kessler Heisse Wanne 2006 – Dirler-Cadé (18€) les parcelles au cœur du grand cru donnent une cuvée à part revendiquée de plus en plus systématiquement par le domaine. 2006 a donné un vin au nez mûr d’une grande netteté, minéral et cristallin en bouche avec une finesse incomparable. Le sucre résiduel dont chacun aime à parler est très discret et complètement fondu dans la forte salinité. Excellent (17 g/l SR)

Pinot Gris Clos Liebenberg 2005 – Valentin-Zusslin (15€) : un vin élégant au nez de noisette et de fumée, pur et légèrement doux en bouche avec une salinité qui lui apporte de la finesse. Très Bien (9 g/l SR)

Gewurztraminer Grand Cru Kessler 2001 – Domaines Schlumberger  (19.15€ le millésime 2004) : un vin à maturité au nez explosif de fleurs et de fruits à noyau avec une pointe fumée, tendre en bouche avec de la densité, un moelleux fondu et une acidité fine. Un vin de dessert d’une grande jeunesse. Excellent

Thème 3 : L’apogée des rieslings 2002 de l’appellation Alsace

Pour comprendre l’évolution des rieslings 2002 il faut se rappeler le style qu’a pu donner l’association de ce cépage et de ce millésime. Le riesling est un cépage tardif, qui nécessite un cycle de maturation lent et une vendange après les autres cépages. Ce faisant, il est exposé aux risques de manque de maturité si l’année est trop froide, et au développement de pourriture plus ou moins noble si l’humidité s’installe.
2002 est un millésime précoce alternant soleil et humidité tant au printemps qu’à l’été ou l’automne, donnant un état sanitaire hétérogène au moment des vendanges. On reste loin des dégâts causés par le millésime 2006 mais le millésime et connu pour sa grande hétérogénéité de styles.
Si les cuvées récoltées tôt avec des niveaux d’acidité élevés furent considérées comme de grande garde, la qualité de leur acidité conditionne aujourd’hui leur évolution. A l’opposé, les cuvées très mûres furent très aromatiques jeunes, donnant des vins très plaisants. Les excès étant mauvais, les vins récoltés trop tardivement manquaient parfois de netteté, et ceux récoltés trop tôt manquant de maturité, manque que certains vignerons ont compensé en laissant du sucre résiduel au moment de la vinification. La combinaison d’acide malique et de fruité légèrement doux a donné des vins très plaisants jeunes, aux arômes d’ananas qui es rendaient délicieux à l’apéritif ou sur des desserts légers.
Huit ans après, comment ces vins ont-ils évolué ? En dégustant un riesling 2002, il faut chercher à comprendre :

  • quel est son niveau de maturité
  • s’il y a du botrytis, bon ou moins bon
  • si le vin est concentré et comment se présente son équilibre sucre/acide
  • si le vin est porté par le fruit ou si une trame minérale prend le relais.

Quelques exemples :

Riesling Les Princes Abbés 2002 – Domaines Schlumberger (8.75€ le 2006) : le vin est franc au nez, marquant une bonne maturité sans surmaturité, et la bouche se montre sèche, encore charpentée avec des notes muscatées. Une cuvée qui évolue bien et qui se conservera encore quelques années, ce qui se comprend bien compte tenu de la forte proportion de grands crus gréseux que contient cette cuvée. Bien

Riesling Bouquet de Clémence 2002 – François Bléger (9€) : le vin a pris des notes fumées avec un fruité en retrait, et la bouche se montre fatiguée sur ce flacon. La légère douceur qui était équilibrée par l’acidité dans la jeunesse du vin se montre plus présente et désagréable, montrant que le terroir léger et sablonneux qui a engendré cette cuvée n’a pas permis une bonne évolution. L’équilibre d’un raisin pas complètement mûr mais botrytisé a évolué très loin du style délicieusement fruité et acidulé qui a permis à cette cuvée d’obtenir une médaille d’Or au concours des Rieslings du Monde … en 2004. Si les deux bouteilles dégustées sont représentatives de la cuvée, le vin a passé son apogée. Le millésime 2008 reste à 7€ toutefois hautement recommandable, mais il sera à boire dans les 4 ans à venir. Bof

Riesling Andlau 2002 – Guy Wach (7.5€ le 2008) un vin très fin qui présente après 8 ans une très belle salinité qui trahit son origine noble dans le bas du grand cru Wiebelsberg. La maturité est bonne sans excès, l’acidité est en partie due au terroir, ce qui lui donne un grain très fin et une fraîcheur remarquable. 2007 et 2008 ont produit des vins similaires au succès mérité. Très Bien

Riesling Saint-Hippolyte 2002 – Marcel Deiss (20€ le 2007 désormais générique) : produit sur les granits de saint Hippolyte, le vin se présente moins bien que jeune, sa corpulence et sa vivacité étant amoindris par des arômes flous et une légère oxydation sur les deux flacons dégustés. Le vin se montre moins plaisant que par le passé ou son caractère aromatique marqué par les agrumes contribuait à en faire un vin tonique très plaisant. Les cuvées de riesling Saint Hippolyte et Bergheim sont désormais assemblées et donnent une seule cuvée de riesling,  très réussie en 2007 et 2008. Bien

Riesling Herrenweg 2002 – Zind Humbrecht (28.5€  le millésime 2008) : Le vin est issu d’un terroir chaud et précoce, donc récolté confit et légèrement botrytisé en 2002. Le vin était marqué par un équilibre demi-sec dans sa jeunesse avec ses 14 g/l de sucre résiduel, mais 8 ans plus tard les notes d’hydrocarbure et de fruits jaunes forment un équilibre fondu très plaisant. La bouche est saline, mûre et bien définie, avec une perception moelleuse qui s’est complètement estompée. Un vin à boire voire à terminer, pour ne pas rompre son charme. Les 2007 et 2008 sont superbes. Très Bien

Riesling Zellenberg 2002 – Marc Tempé (13.5€ le millésime 2007) : un vin d’une bonne fraîcheur, récolté en surmaturité pour qu’il soit parfaitement mûr. Les agrumes et le miel dominent le nez avec une pointe fumée qui marque une légère évolution. La bouche est encore légèrement douce, tendue par une acidité franche, avec une légère note beurrée en finale. Un vin agréable, qui se tiendra certainement encore 5 ans. Le terroir marnocalcaire avec des inclusions de galets et de grès façon poudingue est certainement plus propice à la production régulière de gewurztraminers épicés, mais le riesling réussit également bien lorsqu’il est récolté à bonne maturité. Il conserve alors des amers caractéristiques en finale, comme ici sur des arômes de mandarine. Le 2007 plus franc est magnifique. Très Bien

Les vins ont parfaitement illustrés la grille de lecture, en ajoutant une note de terroir qui fait évoluer leur équilibre en fonction de leur origine. En faisant le tri dans votre cave, finissez rapidement les vins qui n’iront pas plus loin dans le vieillissement, et profitez sans attendre des cuvées qui se présentent sous leur meilleur jour. Les cuvées les plus fraîches conviendront à des poissons grillés voire à l’apéritif, les plus confites à des poissons en sauce.

Thiery Meyer

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