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Visite de la maison Faiveley (Nuits Saint Georges)

7 Février 2004


Rendez-vous à Nuits St Georges le samedi 7 février pour visiter le domaine Faiveley. Le domaine est souvent identifié comme négociant, mais 80% des raisins vinifiés sont issus de ses propres vignes, en grande partie située en Cote Chalonnaise (90ha). Danièle Perrenoud (oenologue de la maison) et Manuela Montero (assistante personnelle de François Faiveley) nous reçoivent. Après un passage au labo d’oenologie, nous visitons la cuverie, comprenant plusieurs dizaines de cuves pour accueillir les différentes appellations. L’ensemble est très grand en comparaison d’un domaine bourguignon de taille moyenne. Un système de rails au plafond permet à une machine à piger téléguidée de venir enfoncer les chapeaux dans toutes les cuves de rouge. Tout est d’une grande propreté avec beaucoup d’espace pour circuler entre les cuves.



Le domaine réalise depuis longtemps des vinifications « longues » sur base d’une vendange égrappée à 100% : longue macération, long pressurage, long élevage, tout ceci donne des vins extraits qui semblent souvent durs dans leur jeunesse et nécessitent quelques années de garde pour s’assouplir. Cette philosophie semble un peu caricaturale, et la dégustation nous montrera que ce n’est peut-être pas si simple que cela.


Nous faisons ensuite un tour dans la cave pour admirer les pièces de vin en élevage. Les galeries sont immenses, et on, note la différence de quantité des différentes cuvées en lisant les marques sur les pièces. Si le Musigny produit en général une pièce par an (et carrément rien du tout en 2003), si le Chambolle 1er cru les Fuées a produit 2 pièces en 2003, en revanche le Clos de la Maréchale fournit quasiment 200 pièces chaque année. 10ha de premier cru en Cote de Nuits vinifié par un seul producteur, la chose est assez étonnante pour la Bourgogne Au détour d’une allée on tombe sur des grilles fermées où dorment quelques vieux flacons. Musigny 59, Clos de Vougeot 34, Corton 28, Chambertin Clos de Bèze 47, il reste là encore de quoi faire l’une ou l’autre dégustation. J’essaye tant bien que mal de jouer à McGyver avec mon couteau Suisse, un chewing-gum et une carte de visite pendant que mon ami Philippe fait diversion, mais rien à faire, les grilles resteront bien fermées et les bouteilles inaccessibles 🙂


Les autres bouteilles plus récentes sont empilées dans d’immenses galeries et attendent d’être étiquetées puis expédiées. Il y aurait de quoi se perdre si la lumière venait à tomber ! Enfin, nous arrivons dans un caveau de dégustation où nous attendent quelques bouteilles. Nous goûtons des vins provenant de vignes du domaine (en propriété ou en fermage comme le clos de la maréchale):


Bouzeron 2002 – Faiveley : un aligoté bien né : robe claire avec des reflets verts. Le nez est mur, marqué par des notes de buis et de mousseron. La bouche est moyennement dense, assez grasse et acidulée. La finale est un peu vive.


Mercurey « Domaine de la Croix Jacquelet » 2000 – Faiveley : l’appellation phare du domaine en quantité. La robe est jaune pâle. Le nez est marqué par des notes d’acacia et de tilleul, de réglisse et d’anis. La bouche est plus anisée, sèche avec une finale un peu amère. Le vin est plus complexe que le Bouzeron mais peut-être moins facile à boire aujourd’hui.


Mercurey 1er Cru « Clos des Myglands »2000 – Faiveley : une parcelle de 6.3 ha plantée de vignes d’âge moyen de 37 ans. La robe est rubis brillant. Le nez est marqué par des arômes de fraise des bois, de cassis et mure, de pain grillé, avec un coté lacté. La bouche est plus sur les fruits noirs et la ronce, dans un style fruité que viennent perturber des tanins un peu secs. L’acidité est également présente, je me demande s’il s’agit d’un vin à boire sur le fruit malgré les tanins ou à attendre en espérant que le fruit ne disparaisse pas.


Chambolle Musigny 1r Cru « Les Fuées » 1997 – Faiveley : La robe est assez claire mais un peu trouble. Le nez est fumé, avec des arômes de noyau de cerise, de pain grillé et de torréfaction. La bouche est marquée par des arômes de ronce, avec des tanins fins et une légère amertume en finale.


Nuits Saint Georges 1er Cru Clos de la Maréchale 1995 – Faiveley : Presque 10 hectares pour ce cru. La plaque en fer portant la mention « Propriétaire Mugnier – Exploitant Faiveley »  a été retirée de la porte d’entrée du clos, pour marquer le retour chez Mugnier de ce cru longtemps exploité par le domaine Faiveley. Pour autant, les premiers vins du domaine Mugnier seront ceux du millésime 2004 et ne seront pas à la vente avant 2006. En attendant, le domaine Faiveley a suffisamment de stocks dans les derniers millésimes pour assurer une commercialisation jusqu’en 2010, dit-on. C’est vrai qu’avec 250000 bouteilles d’un même vin, commercialement on peut en faire des choses. De tous les millésimes produits dans les années 90, 1995 est probablement le seul que je n’aurais pas osé déguster. Goûté en demi-bouteille il y a 3 ans, le vin était fermé et très tannique. Mais c’est une assez bonne surprise qui nous attend : la robe est rouge-noir avec des reflets tuilés. Le nez est assez discret, avec quelques fruits rouges. La bouche montre une trame très serrée, avec un grain assez gros et des tanins un peu secs. Le fruit est encore sur la réserve, ce qui donne une fin de bouche plus épicée que souple. A regoûter dans quelques années.


Danièle et Manuela nous ont transmis leur amour pour le domaine et ses vins, on ressort enthousiaste quant à l’énergie qui est consacrée à la production de vin.


En complément de cette visite, et pour essayer de mieux cerner le style Faiveley par rapport au fruit et à la garde des vins, nous ouvrons quatre autres bouteilles à la maison :


Savigny les Beaune 1999 – Faiveley : Un vin très coloré, avec des notes de torréfaction au nez ainsi qu’un peu de cassis. La bouche est riche et souple, le vin se boit très bien maintenant.


Nuits Saint Georges Les Argillats 1997 – Faiveley (récolte du domaine) : vendue sans son appellation en NSG générique, le bouchon annonce son origine. Le nez est plus fin, parfumé avec des notes de fraise. La bouche est tout en finesse avec beaucoup de souplesse et un fruit qui s’affiche clairement. Quelle différence avec un clos de la maréchale 1995 !


Morey Saint Denis 1990 – Faiveley : une appellation dont on dit qu’elle produit des vins un peu plus durs que les autres, et un millésime mur qui a bien vieilli. Si les vins de la maison Faiveley gagnent au vieillissement, cette bouteille a visiblement quelques années de trop dans les pattes. Le nez est marqué par du cuir, du kirsch et un peu de cassis. La bouche est assez creuse, acidulée avec des tanins encore assez forts. L’amateur de bourgogne que je fus il y a 8 ans aurait certainement apprécié ce style, mais depuis que j’ai pris goût à du pinot plus fruité, je n’ai plus tellement d’attirance. Une bouteille sortie de la cave à Nuits aurait peut-être été différente, il faut avouer que ce flacon a connu quelques déménagements qui ne l’ont pas aidé à vieillir dans le calme et la sérénité.


Clos de Vougeot 1990 – Faiveley (récolte du domaine). Après avoir ouvert mes deux bouteilles de ce cru dans le millésime 1993 pour me rendre compte que les vins étaient bouchonnés, je me suis dit que ce week-end était le moment parfait pour ouvrir mon unique bouteille de 90. Acheté il y a 4 ans à Colmar, la bouteille semble bien conservée. La robe est très foncée et très dense. Le nez est puissant et complexe, avec de la suie, des fruits noirs, des épices. La bouche est dense avec beaucoup de finesse, la race d’un grand vin est évidente, tant par la minéralité de la bouche que par la précision sentie en bouche. Un vin qui arrive tout doucement à maturité mais qui a encore de longues années devant lui. Une sensation presque aussi plaisante que le Chambertin Clos de Bèze 90 du domaine bu il y a un an et demi.


Au final, si mon impression sur le domaine est très bonne, celle sur les vins est plus mitigée. Le désir d’extraire tout ce que le raisin a de bon à donner donne des vins rouges souvent durs, et parfois en goûtant des vieux millésimes on ne voit pas très bien ce que la garde apporte dans l’équilibre final, un peu comme si l’apogée du vin ne durait que quelques années et qu’il y avait une petite fenêtre optimale entre un vin trop jeune et un vin trop vieux ? Malgré cela, il est difficile de généraliser : certains vins se boivent très bien jeunes, et proposent une belle expression fruitée du pinot noir. D’autres vieillissent avec merveille. Je me souviens de Corton Clos des Cortons 1989 et 1988 de toute beauté, et du Clos de la Maréchale 1992 qui se montre sous un beau jour en ce moment.


Le domaine a tout ce qu’il faut pour produire et commercialiser de grands vins, qu’il serait peut-être possible de boire un peu plus jeunes. La demande de la restauration est grande, et les amateurs n’ont peut-être plus envie d’attendre 15 ans un vin, surtout que si la bouteille est mal conservée cela donne une catastrophe. Mais toute transformation doit se faire avec précaution, tant les volumes commercialisés sont grands. Le risque de voir sa clientèle ne plus suivre est grand, et mieux vaut agir par petites touches. L’éraflage total est il nécessaire sur tous les rouges ? Les longues cuvaisons sont-elles tout le temps bénéfiques ? Avec les quantités produites par certaines cuvées, il devrait y voir la possibilité de faire un ou deux essais par-ci par-là, non ? Ah ce que j’aimerais avoir Monsieur Faiveley avec par exemple messieurs Duband, Lechenaud, Gouges, et leur faire goûter leurs vins à l’aveugle dans différents millésimes pour entendre leurs commentaires.


Thierry Meyer