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Bu et approuvé : de 2010 à 1964, le Top-10 des plus grands vins d’Alsace bus en 2013

Sans compter les vins de fête qui vont permettre de conclure l’année en beauté, retour sur les bouteilles débouchées et dégustées à table les plus marquantes de l’année 2013.
Dans mon échelle de perception, 38 vins ont obtenu la mention « Excellent » , qui signe les vins dont on parle encore longtemps les avoir dégustés, dont 19 vins d’Alsace et 19 hors Alsace : curieuse coïncidence des chiffres.
J’ai choisi d’en parler de dix particulièrement marquants, ils proviennent de millésimes jeunes et moins jeunes, et de cépages et terroirs variés. Qu’ils soient secs, doux, moelleux ou liquoreux, leur caractère exceptionnel tient à leur maturité physiologique qui leur donne un caractère abouti, ce qui les rend à la fois délicieux jeunes et de très longue garde. Le cépage n’est souvent qu’un support adapté au terroir, et que ce soit du riesling, du pinot gris, du gewurztraminer ou de la complantation, le résultat étant que les vins ont le caractère de leur origine.

Les 10 vins par millésime décroissant

  • Riesling Clos Windsbuhl 2010 – Zind-Humbrecht
  • Pinot Gris Grand Cru Muenchberg A360P 2009 – André Ostertag
  • Riesling Grand Cru Kessler Heisse Wanne 2008 – Dirler-Cadé
  • Grand Cru Schoenenbourg 2007 – Marcel Deiss
  • Riesling Herrenreben Cuvée Aurélie Sélection de Grains Nobles 2005 – Domaine Schoenheitz
  • Gewurztraminer Grand Cru Mambourg Vendanges Tardives « S » 2003 – Marc Tempé 
  • Riesling Stein 2001 – Jean-Pierre Rietsch 
  • Riesling Cuvée Frédéric Emile 1983 – Trimbach
  • Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles 1971 – Léon Beyer 
  • Gewurztraminer Sigillé 1964 – Domaine Baumann

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Riesling Clos Windsbuhl 2010 – Zind-Humbrecht : parmi mes obscurs objets du désir vinique, les lecteurs de longue date savent l’attachement que je porte au Clos Windsbuhl, ce terroir de calcaire Muschelkalk situé à près de 400m d’altitude à Hunawihr, comprenant différentes parcelles orientées de l’Est au Sud. Les 6 cépages plantés par le domaine Zind Humbrecht permettent d’y produire chaque année une grande quantité de vins secs, demi-secs, moelleux, voire liquoreux et même ultra-liquoreux. Une dégustation attentive chaque année permet toutefois de comprendre que le millésime a une influence forte sur le style des vins, et sur le cépage qui magnifiera le mieux le terroir. Si au Windsbuhl le millésime 2005 a produit un gewurztraminer VT d’anthologie, 2007 a produit un riesling mythique, auquel j’ai immédiatement pensé en dégustant juste après la mise le riesling 2010. Deux ans plus tard, j’avais hâte de le regoûter. Le premier nez est fermé, le vin présente un gaz carbonique bien présent, qu’il convient de retirer par un passage en carafe. Se dévoile alors un nez ouvert et intense, marqué par les agrumes frais, les fruits exotiques, la pierre à fusil, avec une légère réduction qui disparait à l’aération. La bouche se dévoile par paliers, avec une attaque franche, vive, mais aussi dense et mûre, qui laisse la place à un équilibre dense et puissant, complètement sec, avec une longue finale saline soulignée par une fine amertume. Déjà abordable jeune, voilà un pur sang de noble origine à faire pâlir nombre de grands blancs des terres calcaires de Bourgogne. Certainement bien parti pour égaler, voire surpasser le très grand 2007, voilà pour moi le plus grand vin blanc sec de l’AOC Alsace dans le millésime 2010. Excellent, voire plus

Pinot Gris Grand Cru Muenchberg A360P 2009 – André Ostertag : une belle bouteille de Muenchberg qui s’ouvre doucement après aération. L’élevage en barrique est discret et apporte une fine touche toastée au nez de froment et de fruits à noyau. La bouche est saline en attaque, dense et sèche avec du gras, évoluant sur un équilibre pur et ample. La chair se dévoile lentement, la finale se montre à nouveau plus acidulée. Encore jeune mais déjà accessible grâce à un bouche bien ouverte, c’est un vin excellent sur une terrine de foie gras, un saumon mariné voire des gambas au risotto comme dégusté ce soir là au restaurant La Vignette à Koenigshoffen/Strasbourg. Excellent

Riesling Grand Cru Kessler Heisse Wanne 2008 – Dirler-Cadé : un vin magnifique issu d’un des plus grands terroirs d’Alsace (la fameuse Wanne au cœur du Kessler), et particulièrement réussi en 2008 au domaine. J’ai plusieurs fois proposé cette cuvée en dégustation, et c’est avec grand plaisir que j’ai enfin pu boire une bouteille entière avec des amis, sans en recracher une seule goutte ! Franc au nez avec des notes d’agrumes frais et de silex, salin en bouche avec une acidité intense mais mûre qui donne de la charpente, et un fruité cristallin dont on ne se lasse pas. La finale est salivante, avec une légère amertume sur cette bouteille. Une bouteille qui  devait accompagner une truitée fumée, mais qui a été ouverte un peu trop tôt dans le repas, et qui n’a pas laissé de répit à un saucisson corse passé par là. Un résultat indescriptible. Excellent.

Grand Cru Schoenenbourg 2007 – Marcel Deiss : Les grands vins de terroir sont souvent difficile d’accès sans un minimum d’explications et d’accompagnement, même s’ils se dégustent souvent très bien. Les marnes à gypse du Schoenenbourg historique produisent des vins de grande salinité, et lorsque la maturation est parfaite comme dans le très grand millésime 2007, le vin se présent abouti, long et complexe. Des arômes de fleurs, de fruits très mûrs, de plâtre et une note de citron confit laissent place à une bouche longue, saline, au moelleux présent mais complètement noyé dans la minéralité. N’y cherchez pas un riesling sec pour accompagner une sardine grillée, c’est bien de Grand Cru Schoenenbourg 2007 qu’on parle, avec un profil gustatif finalement proche de celui du Gewurztraminer du même terroir produit en 2007 par Vincent Sipp au Domaine Agapé, ou de celui du Riesling Jubilée 2007 de la maison Hugel. Sur la version Deiss on est cependant sur une cuvée très aboutie, surmurie comme quasiment tous les grands Schoenenbourg qui ont fait la réputation du cru (riesling SGN 76 de Hugel par exemple). Un vin extrême qui demande un plat riche en goût. Jean-Philippe Guggenbuhl nous a proposé un œuf poché à la truffe noire servi sur une mousseline au jus corsé, pour un accord magistral. Que tous ceux qi ont eu la chance de déguster ce Schoenenbourg tentent un accord d’une telle audace, ils comprendront peut-être mieux la personnalité du cru. Excellent

Riesling Herrenreben Cuvée Aurélie Sélection de Grains Nobles 2005 – Domaine Schoenheitz : certains trésors d’Alsace restent décidément bien cachés malgré l’insistance avec laquelle leurs adorateurs tentent de les mettre sur le devant de la scène. Ainsi le terroir granitique du Herrenreben, situé assez haut dans la vallée de Munster, permet au riesling de mûrir lentement et de développer une acidité franche sans jamais être malique, offrant des vins d’une grande densité, pointus et toujours élégants. Conséquence de l’altitude, la récolte forcément tardive permet lorsque le millésime le permet le développement d’un botrytis de qualité. Le Domaine Schoenheitz produit alors des vendanges tardives d’anthologie comme en 1998 ou plus récemment en 2007, et une rare sélection de grains nobles, comme en 1998 ou en 2005. Ce 2005 offre une robe citron claire, signe d‘une grande pureté de botrytis. Le nez est ouvert et intense et dévoile un florilège d’agrumes frais et confits dominés par la mandarine. La bouche est à la fois liquoreuse mais aérienne et soutenu par une acidité intense, résultat de la concentration d’une sélection de grains nobles qui a flétri rapidement. La finale est longue, saline, appelant une nouvelle gorgée. Vin de dessert par excellence, c’est le partenaire idéal de la tarte au citron ou dans notre cas de la tarte aux myrtilles. Un style proche des meilleurs TBA allemands, puissants mais sans aucune lourdeur. Excellent

Gewurztraminer Grand Cru Mambourg Vendanges Tardives « S » 2003 – Marc Tempé : Pour clôturer notre repas de mars à la Taverne Alsacienne, rien de tel qu’un vin de caractère, profond et minéral, qui étonne par sa fraîcheur. La robe est éclatante, légèrement dorée sans excès de nuances topaze, signe d’un botrytis de grande pureté. Le nez est ouvert, parfumé, marqué par le miel, le citron, les fruits confits, mais aussi les épices (girofle en tête) et une pointe fumée. La bouche est franche en attaque, soutenue par une pointe de gaz carbonique, puis ample et profonde, moelleuse mais avec une énergie incroyable. L’ensemble est riche et puissant mais conserve une acidité élevée et une minéralité intense qui se traduit par une longue finale, et une énorme sapidité. On le boit sans peine. Le Grand Cru Mambourg est un des plus anciens reconnu en Alsace, puisqu’on parle de lui avant l’An 1000. Son sol marno-calcaire profond et riche en fer en font un terroir apte à produire des vins puissants, pour peu qu’on arrive à extraire son caractère. Marc Tempé a dans son patrimoine viticole plusieurs vieilles parcelles de Riesling et Gewurztraminer, dont une vieille vigne plantée avant la 2e guerre mondiale sur le lieu-dit « Steinigerweg », produisant une cuvée « S » lorsque les raisins sont vinifiés et élevé à part. Sachant que la colline du Mambourg a été le siège d’affrontements violents lors de la bataille de la poche de Colmar en 1944, on comprend que les vignes survivantes – en contrebas du cimetière militaire désormais situé sur le haut du coteau – sont très robustes. Marc Tempé est à la recherche de maturités physiologiques optimales, et partisan des élevages longs sur lies. En 2003 la récolte fut contre toute attente tardive, et l’élevage a duré plus que 3 ans avant la mise en bouteille. Le domaine a produit de nombreuses cuvées très abouties en 2003, qui présentent 10 ans plus tard des acidités impressionnantes et des équilibres parfaits là où la plupart des cuvées récoltées trop tôt « pour préserver la fraîcheur » sont fatiguées. Les vins du Mambourg se présentent majestueux, aboutis, taillés pour la longue garde, et fabuleux à déguster par leur équilibre entre puissance et finesse. Le Mambourg est un grand Seigneur parmi les terroirs d’Alsace, et comme de plus en plus de vignerons arrivent à en extraire le caractère dans des vins puissants et équilibrés, il revient sur le devant de la scène. Excellent

Riesling Stein 2001 – Jean-Pierre Rietsch : un terroir calcaire peu connu par rapport à son Grand Cru Zotzenberg de voisin à Mittelbergheim, mais qui semble lui voler la vedette lorsqu’on plante du riesling. Ce 2001 est à maturité, complexe et encore jeune au nez avec des notes fumées, des arômes de fruits mûrs et une pointe d’agrumes confits qui signe la présence de botrytis. Le vin présente un caractère épuré en bouche, ample, profond avec une grande harmonie et une fine acidité. Le léger moelleux (environ 8g/l SR) est fondu. Pas de fatigue du vin, un équilibre tout en finesse pour ce grand vin. Excellent

Riesling Cuvée Frédéric Emile 1983 – Trimbach : parmi les vins qui ont marqués l’incroyable weekend gastronomique de mars 2013, il y en a un qui a mis tout le monde d’accord lors du déjeuner à la Taverne Alsacienne. Alors que le chef Jean-Philippe Guggenbuhl nous avait préparé son fameux filet de sole gratiné aux nouilles fraîches (façon Fernand Point), j’ai immédiatement pensé que la cuvée Frédéric Emile de Trimbach était de nature à compléter le classicisme de la recette avec un autre grand classique. Produit par une parcelle de vigne jouxtant le domaine et située à cheval sur les délimitations actuelles des Grands Crus Osterberg et Geisberg, mais aussi complétée par une parcelle de Geisberg appartenant au couvent de Ribeauvillé, la cuvée est produite à plus de 50 000 bouteilles, un volume important en Alsace pour un cru de ce niveau de qualité. Une sorte de Dom Perignon alsacien qu’on souhaiterait voir plus souvent… La taille de cette cuvée la rend disponible en France et partout dans le monde, mais permet également de conserver des millésimes anciens en cave. Pour avoir pu déguster quasiment tous les millésimes produits depuis 1976, l’évocation du plat ne m’a pas fait hésiter un instant sur le millésime à choisir: ce sera 1983. 2005, 2001, 1999 ou 1990 sont encore un peu jeunes, 1993, 1988, 1985 un peu austères. Restait 1989, mais je n’en ai pas bu depuis longtemps et n’en ai plu en cave… 1983 possède la maturité, le gras, et cette fine patine qu’apporte l’évolution sur une vendange saine mais mûre. Une grande VT et une fabuleuse SGN ont été produites en 1983, mais j’ai toujours eu une préférence pour la cuvée standard. La robe se montre dorée mais conserve ses reflets verts, avec un disque épais et des grosses larmes qui dessinent un jambage épais dans le verre. Le bouquet de ce vin trentenaire est parfait, mêlant miel, tilleul, fleurs séchées, beurre, fumée, épices, douces et cire avec une netteté et une symbiose. Même si le goût du vin et le terroir s’apprécient en bouche, on sent malgré tout qu’on n’est pas en Allemagne, pas en Autriche, mais pas plus à Bergbieten, Turckheim, Wettolsheim ou Thann : le nez à lui seul annonce « Ribeauvillé ». La bouche possède un caractère en ligne avec le nez, possédant du gras, de la finesse, une bonne densité, une acidité modérée mais suffisante car c’est le caractère de l’Osterberg qui apporte l’ossature au vin et lui permet de conserver un caractère aérien. La finale possède une bonne longueur et reprend la complexité aromatique du bouquet. Un vin typé, abouti, à maturité, qui possède la puissance juste pour créer un accord parfait avec un plat de légende. Sur le filet de Sole aux Nouilles de Jean-Philippe Guggenbuhl (puisque c’est bien lui qui mérite désormais l’hommage), je crois qu’on atteint des sommets inégalés en matière d’accord met et vin. Si ce n’est pas encore fait, la famille Trimbach devrait faire un pèlerinage à Ingersheim rien que pour apprécier ce plat (sur commande seulement) et l’accord avec ce 83. Excellent

Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles 1971 – Léon Beyer : un grand vin d’Alsace dans une année immense.  Cette cuvée originaire de grands terroirs autour d’Eguisheim montre ce qu’un beau botrytis peut produire comme vin de grande garde. La robe est jaune or mais sans tomber dans les nuances cuivrées. Elle conserve un bel éclat, et une brillance telle qu’on pourrait croire à des reflets fluorescents. Le nez est une magnifique combinaison complexe de miel et de citronnelle, de fruits jaunes, de verveine et de notes fumées, marquant une évolution sans perdre de sa fraicheur initiale. La bouche se montre ample et moelleuse avec une liqueur fondue à ce stade, évoluant sur des notes beurrées avec une belle pureté. La finale est longue et laisse une empreinte parfumée très agréable en bouche. Toujours au niveau de sa légende, voilà assurément un grand vin d’Alsace du 20e siècle que tout amateur de grands vins devrait avoir dégusté. Excellent

Gewurztraminer Sigillé 1964 – Domaine Baumann : le bouchon d’origine possède encore de l’élasticité, c’est un bon signe. La robe se monte encore très claire, jaune citron avec des reflets dorés, sans trace d’oxydation. Le nez est envoûtant, mélangeant les épices douces, le papier d’Arménie, la mélisse, le citron confit, le miel, avec des notes fumées et des traces de fleurs séchées qui trahissent les presque 50 ans de ce vin. La bouche est sèche, ample avec du gras, une acidité moyenne qui ne nuit pas à l’harmonie d’ensemble. La fin de bouche est de bonne longueur, avec une note anisée et des traces de menthe sèche. Une cuvée sans indication d’origine, dont la profondeur et le Sigille de la Confrérie Saint Etienne permettent de penser qu’il s’agit d’un vin de noble origine, Sporen certainement. Un vin parfait sur des fromages affinés, Munster et Epoisses, mais qui aurait également supporté des gambas flambés ou un curry. Les gewurztraminers de terroir des grands millésimes des années 60 (61, 62, 64, 66, 67, 69) sont mon péché mignon, et une fois de plus on s’est régalé, après un premier échec sur un Clos Zisser 1967 malheureusement bouchonné. Excellent

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