Chaque début d'année est l'occasion de tirer le bilan des 12 mois précédents, en particulier dans le monde du vin où chacun aime à se remémorer ses grandes émotions. Concernant l'Alsace, je résumerai l'année en trois sujets particuliers : le vin d’Alsace qui m’a procuré l'émotion la plus mémorable, le vigneron alsacien qui m'a le plus impressionné, enfin l'événement du monde du vin en Alsace qui m’a le plus marqué…
Le vin d’Alsace qui m’a procuré l'émotion la plus mémorable en 2011
Le Gewurztraminer Grand Cru Mambourg Vendanges Tardives 2008 de Marc Tempé sera mon vin de l’année : depuis ses premiers millésimes des années 90, Marc Tempé produit un des vins les plus impressionnants sur le Grand cru Mambourg. Profond et charnu, chaque millésime possède une minéralité intense, le caractère sauvage et fumé du cru, et cette longueur incroyable qui a fait du Mambourg un terroir réputé depuis plus d'un millénaire. Si chaque année est une réussite majeure, la volonté de récolter des raisins à parfaite maturité physiologique entraîne les différences dans la présence ou non de surmaturité, donnant des vins de style parfois très différent. En 2008, la parcelle de vieilles vignes a été récoltée en surmaturité, pour obtenir une vendange tardive d'exception. Le nez est marqué par les épices, des notes fumées, et une pointe de fruits confits mêlée de notes vanillées. La grande richesse de l'attaque en bouche, supportée par un moelleux important, est très rapidement dominée par une importante minéralité, elle-même soutenue par une forte acidité. L'ensemble est tonique, croquant et charnu, et ne laisse personne indifférent. Dégusté sur un biscuit aux framboises et aux pêches, accompagné d'une crème pâtissière à la vanille, c'est certainement l'accord parfait avec cette cuvée dans sa prime jeunesse. Par delà l’idée qu’on se fait d’un gewurztraminer vendanges tardives, c’est bien le Grand Cru Mambourg qu’il faut retenir dans le nom de ce vin. Un vin qui décoiffe par la force qu’il dégage.
Le vigneron alsacien qui m’a le plus impressionné en 2011
Impressionné par les échantillons dégustés à l’aveugle en 2010 et 2011 je suis cette année allé à Ribeauvillé rendre visite à Paul Fuchs, du Domaine Henry Fuchs. Paul a repris les vinifications du domaine à partir du millésime 2007, et muni d’une volonté farouche de vinifier des vins représentatifs des terroirs de Ribeauvillé, mais également de produire des grands vins, il a mis tout son savoir faire tant dans les vignes qu’en cuverie. Elevage en foudre ou en pièce et travail sur les lies ont permis d’obtenir dès 2007 des vins secs possédant une pureté, une finesse et un gras intéressant, que ce soit sur le simple sylvaner ou l’auxerrois, ou sur les grands crus. Un domaine à suivre de près car il est dans sa phase ascendante, et il y a encore du vin à vendre.
L'évènement du monde du vin en Alsace qui m’a le plus marqué en 2011
La manifestation des vignerons indépendants d’Alsace devant leurs collègues du Languedoc lors d’un salon organisé à Colmar en décembre 2011 m’a fortement marqué. Les vignerons indépendants d’Alsace se sont émus devant les risques que présentent selon eux la fin de l’exclusivité alsacienne de la production en France de cépages comme le riesling ou le sylvaner. Quelle mécompréhension du monde du vin globalisé que cette lutte d’un autre âge. Car si le Languedoc fait à jamais des tentatives de produire des cépages rhénans, ce sera certainement dans de rares terroirs possédant la fraîcheur du climat nécessaire à l’expression idéale de ces cépages. Ou alors ce sera un prétexte pour produire en masse et à bas coûts des vins médiocres qui pourront concurrencer les plus médiocres des vins alsaciens. Mais surtout, en voulant lancer une lutte fratricide entre vignerons indépendants de France, le vigneron indépendant d’Alsace ne se rend visiblement pas compte que les pays de l’arc Alpin, Allemagne, Autriche, République Tchèque, Slovénie, Slovaquie, voir Hongrie plantent du riesling en masse, représentant une toute autre menace commerciale, surtout dans les pays combinant faibles coût de main d’œuvre et rendements élevés. Cette manifestation anachronique contre les vignerons indépendants du Languedoc montre que plus que jamais, une région viticole est confrontée à une concurrence mondiale, et qu’à défaut d’être ouvert et informé sur ce qui se passe ailleurs, il sera difficile de résister commercialement à des régions qui possèdent des plans de développement plus ambitieux.
Thierry Meyer