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Vente aux Enchères de vin d’Alsace Sigillés – 26 novembre 2011 au Château de Kientzheim

Le 26 novembre prochain à 16h aura lieu la troisième grande vente aux enchères publique de grands vins d’Alsace de millésimes anciens, organisée par la Confrérie Saint-Etienne. Près de 600 flacons de 2000 à 1947 seront mis en vente dans 110 lots thématiques de 2 à 6 bouteilles. Une opportunité unique d’acquérir des vins parfaitement bien conservés, rebouchés pour les plus anciens, avec quelques pépites par delà les étiquettes les plus connues. Petit revue du catalogue, et pour les abonnés du site, des commentaires plus précis sur quelques flacons dégustés récemment.

 

Après le succès des ventes organisées en 2006 et 2008,  la troisième vente promet de nouveau de proposer de nombreuses belles cuvées alsaciennes. Trois raisons à cela :

  • Les vins sont tous Sigillés, c'est-à-dire qu’ils ont franchi le cap de la sélection par la dégustation de la Confrérie Saint-Etienne d’Alsace
  • Les vins ont été conservés dans la même cave, au frais et à l'abri de la lumière
  • Les vins ont été rebouchés pour tous les millésimes antérieurs à 1977, ce qui a permis d’écarter les flacons oxydés ou bouchonnés

Trois points importants doivent être soulignés pour bien se préparer à la vente, même s’il faudrait parler plus en détail de chaque millésime.

Vin survivant ou vin abouti, la différence entre un vieux vin et un grand vin de millésime ancien

Malgré leur bon niveau qualitatif, les vins sont originaires de terroirs plus ou moins grands, ce qui conditionne leur capacité  se bonifier avec le temps. Pour comprendre la différence, il n’est rien de mieux que de mettre cote à cote deux vins que seul le terroir distingue. Par exemple, exercice déjà fait à Kientzheim, prenons les Riesling 1979 et Riesling Altenberg de Bergheim 1979 de la maison Gustave Lorentz. Si on écarte les risques de goût de bouchon ou de bouchage insuffisant qui peut provoquer une oxydation, les deux vins présentent un robe assez similaire, et un nez à peu près équivalent, autour de notes d’hydrocarbures, de fumée, la cuvée Altenberg possédant un petit surcroit de fruit et une plus grande complexité. C’est surtout en bouche que la différence va se faire sentir. La cuvée classique est nette, pas trop évoluée,  et possède encore un bel équilibre même si on sent l’ensemble fragile. La cuvée issue de l’Altenberg de Bergheim possède en revanche du caractère, une certaine force dans son équilibre profond et puissant, et surtout une bonne longueur en bouche. C’est là tout la différence entre un vin qui s’est bien conservé, à l’instar de quasiment tous les vins d’Alsace, et un vin de terroir qui s’est bonifié avec le temps et qui s’exprime 30 ans plus tard avec toute la splendeur de son origine. Cette nuance décrite, on comprendra qu’il ne faut pas rechercher la même chose dans une cuvée anniversaire de terroir moyen, qu’on achètera à prix raisonnable et qu'on appréciera à l’apéritif pour célébrer l’anniversaire d’un ami, et le grand vin qui a bien évolué et qui se montre redoutable à table, faisant jeu égal avec tous les plus grands vins du monde. La conservation est souvent le fait de la forte maturité du millésime, même si les années fraîches donnent souvent des vins légers et peu murs, qui préservent malgré tout leur acidité d’origine dans le temps.
Si l’appellation Alsace Grand Cru a permis de distinguer certaines nobles origines à partir de 1975 et 1983, les terroirs étaient rarement mentionnés avant ces dates, et les sélections issues de beaux coteaux étaient souvent proposés au Sigille de la Confrérie Saint Etienne pour signer leur grande réussite, sans autre mention sur l'étiquette. Quand on se souvient que dans les années 60 le sylvaner représentait encore un tiers des surfaces plantées en Alsace, on imagine facilement qu’un sylvaner Sigillé de 53, 57 ou 64 est certainement originaire d’un grand terroir. Idem pour les pinots et les muscats de ces grandes années.

Les grandes années sont rarement universelles pour tous les cépages

La notion de millésime peut recouvrir un caractère universel lorsque le climat est sec et ensoleillé, mais lorsque l’humidité et la fraîcheur automnale s’en mêlent, la résistance au botrytis et le cycle de maturation différent de chaque cépage entraine des différences dans le résultat final. On appréciera donc par exemple plutôt les rieslings en 1979 et les pinots gris en 1978, les pinots auxerrois et les muscats  en 1977, et les gewurztraminers en 1976.
Les grandes années ont l’avantage d’avoir produit des vins avec des raisins mûrs et sains dans tous les cépages, les millésimes anciens des années 40-50-60 ayant de plus souvent connu des rendements minuscules du fait de l’absence de traitements chimiques généralisés. D’une manière générale les très bonnes années sont 1990, 1989, 1985, 1983, 1976, 1971, 1966, 1964, 1961, 1959, 1957, 1953, 1949, 1947, 1945, 1942. On y trouve des vins souvent riches et de grande garde. Les autres années sont plus sensibles au terroir et au cépage. Une année comme 1982, fraîche et humide, a donné des rieslings encore fringants et peu évolués sur des terroirs drainant comme le Brand, le Schlossberg, le Kaefferkopf ou le secteur de Scherwiller. A contrario, une année tardive comme 1984 a permis de produire des gewurztraminers  presque secs, mais encore équilibrés, épicés, et agréables. Dans tous les cas, malgré la variation forte entre les millésimes, il y a toujours un secteur en Alsace qui est privilégié, que ce soit le Nord ou le Sud ; des vallons épargnés par les pluies diluviennes, ou des coteaux venteux où la pourriture ne se développe pas aussi rapidement qu’ailleurs. C’est la force du filtre du Sigille que de trier les cuvées les plus réussies chaque année, et à défaut de retrouver des cuvés typiques de chaque millésime, l’acheteur de la vente trouvera des vins bien nés. L'exmple est flagrant avec le muscat en 1980, qui a été anéantit par le mauvais temps au printemps et le reste de l'année. Deux caves coopératives ont réussi à rassembler les raisins de quelques parcelles ayant réussi à produire du raisin malgré tout, ce quia doné deux jolies cuvées encore agréabes à boire aujourd'hui. C'est le miracle du Sigille…

L’excitation de la vente et les prix d’adjudication

Il y a donc de belles opportunités d’acquérir de beaux flacons alsaciens dans des millésimes rares, à condition de venir à la vente et d’enchérir. La vente attire des alsaciens, des étrangers, des amateurs et des restaurateurs, mais aussi des cavistes et surtout des vignerons. Certains envoient un homme de paille pour aller discrètement récupérer quelques vieux millésimes qui ne sont plus disponibles dans la cave du domaine, voire pour acheter quelques beaux crus d’un vigneron voisin sans se faire remarquer. La magie des enchères c’est aussi cette excitation qui fait que certains lots intéressent plus particulièrement de nombreux acheteurs, entrainant une hausse des prix parfois surprenante de la part de connaisseurs, pour des cuvées qui semblent anodines au commun des amateurs..

Le mieux est de se fixer un budget, et de ne pas atendre les derniers lots pour tout dépenser, car c'est généralement ce que font nombre d'acheteurs, résultant par des surenchères importantes de la part de ceux qui ne veulent pas repartir les mains vides. Les meilleures affaires des ventes précédentes concernaient souvent les 20 premiers lots. Dans tous les cas, si d’aventure vous vous retrouvez à payer un prix élevé pour le lot qui aura suscité votre convoitise, dites vous  que la vente se fait au profit de la Confrérie Saint Etienne, qui pourra ainsi financer en partie les nécessaires travaux d’entretien du Château de Kientzheim. Plutôt que d’enrichir un spéculateur, vous aurez donc contribué à la conservation du patrimoine alsacien, en échange d’une partie infime du trésor de sa cave. Et d‘un bon moment passé au Château

Voir le catalogue de la vente et les conditions de vente derrière les liens. La vente se poursuit par un diner autour des vins anciens de l’oenothèque, malheureusement la liste des vins servis n’est pas connue.

Pour les abonnés : lien vers les commentaires détaillés de certaines bouteilles dégustées récemment.

Thierry Meyer