Le bilan de l'année passée se double généralement de quelques perspectives sur l'année à venir. Avec un peu de retard, vous trouverez donc quelques réflexions personnelles sur les domaines, les millésimes et les autres sujets à suivre tout particulièrement en 2012.
Les domaines à suivre en 2012
Si la décennie passée a vu l'émergence de nouveaux domaines, gérés par de jeunes talents qui ont étudié l'oenologie, et travaillé dans les exploitations à l'étranger, les jeunes talents n'apparaissent pas par dizaines tous les ans, mais ne sont pas la seule source de domaine à suivre.
Un phénomène qui me semble important depuis plusieurs années est la réorientation stratégique de grandes maisons, qui redécouvrent les vertus des vins de qualité exploitant au mieux les grands terroirs sur lesquels ils sont produits, après avoir dépensé beaucoup d'énergie dans les années 80 à vouloir augmenter la production, et étendre la distribution de leurs produits en France à l'étranger.
Depuis le millésime 2005 qui a servi de déclencheur de nombreuses maisons, on peut donc suivre le retour à une production haut de gamme de maisons de producteurs négociants historiques comme Gustave Lorentz à Bergheim, Dopff au Moulin à Riquewihr, ou encore Klipfel à Barr. Les millésimes 2007 et 2008 ont permis à ces maisons de montrer qu'elle savait les terroirs et le savoir-faire pour produire des grands vins, en particulier sur leurs grands crus respectifs (Altenberg de Bergheim, Schoenenbourg, Kirchberg de Barr).
On suivra également les caves coopératives les plus dynamiques, qui recentrent une partie de leur production sur la valorisation de leurs meilleurs terroirs, produisant alors de très bons vins au rapport qualité prix exceptionnel. La cave de Ribeauvillé a souvent été cité en exemple ces dernières années, mais on peut également citer la cave Wolfberger, la cave de Hunawihr, la cave de Beblenheim, la cave de Turckheim ou la cave du Roi Dagobert à Traenheim. Si leur outil de production leur permet de produire des vins techniquement irréprochables, la taille des surfaces cultivées leur permet de consacrer quelques hectares des meilleurs crus à la production de vins de haute qualité. Il faudra certainement encore de nombreuses dégustations à l'aveugle, et un travail important des attachés de presse pour confirmer le retour en grâce de ces maisons dont il était parfois de bon ton pour les amateurs débutants en quête de légitimité de dénigrer la production.
Neuf millésimes à suivre en 2012
Le millésime 2011 est un millésime fruité très précoce, ce qui a permis des mises en bouteille dès le mois de décembre 2011. On trouve dans certains linéaires déboutées de ce millésime depuis le mois de janvier 2012, et si ce ne sont pas forcément les meilleures cuvées mises en bouteille si précocement, on se fera plaisir avec leur caractère primeur. En particulier, lorsque viendra la saison des asperges prochainement, on se rappellera qu'un auxerrois, un sylvaner, ou un riesling primeur du millésime 2011 possèdent souvent les des arômes floraux voir muscaté que possèdent certains muscats. Les vignerons aiment d'ailleurs souvent-un pichet de la cuve pour accompagner les asperges, et ce n’est pas souvent du muscat…
Le millésime principal qui sera sur les marchés en 2012 sera le millésime 2010. Riche, mur et de très bon état sanitaire, c'est un millésime qui a produit des vins faciles à boire jeune, frais et fruité. On recherchera les muscats, les auxerrois, les pinots gris et les pinots noirs, qui offriront ce plaisir gourmand d'un blanc sec fruité facile à boire jeune. 2010 est surtout un millésime marqué par une acidité élevée, qui semble avoir beaucoup de succès auprès de certains amateurs et de journalistes échaudés par les excès passés de sucre résiduel dans les vins. Le balancier se dérègle malheureusement du mauvais côté à nouveau, cette recherche de l'acidité maximum se faisant souvent au détriment de la maturité, de la complexité, et de l'équilibre général du vin.
Ainsi, le millésime 2009 fut parfois décrié comme étant moins vif, moins frais voire mon par certains, jusqu'à ce n'avait pas les excès d'acidité que l'on a pu rencontrer en 2008 ou en 2010. Malgré tout, de nombreux vins du millésime 2009 possèdent des niveaux d'acidité, d'alcool et de sucre semblable aux meilleures cuvées de 2005, voire 2007. Si on évite soigneusement certains auxerrois ou certains pinot gris déséquilibrés par une surmaturité évidente, on trouvera sur les beaux terroirs des vins équilibrés, souvent aptes à une grande garde. Les vendanges tardives sont souvent très réussies sur les meilleurs grands crus.
Il sera intéressant de suivre le millésime 2008, en particulier sur les grands crus issus de riesling qui ont bénéficié de deux années de bouteille et commencent tout doucement à s'apprécier à table. Les vins ne se sont certainement pas encore refermés, contrairement à ceux du millésime 2007, qui commence tout doucement à faire le dos rond après leur période gourmande des premières années en bouteille. On ouvrira malgré tout quelques vendanges tardives ou sélections de grains nobles du millésime 2007, pour profiter une dernière fois de leur fruit et de leur fraîcheur, avant de les enfermer en cave pour quelques dizaines d'années.
Les premières dégustations horizontales du millésime 2006 réalisées l'année dernière à l'occasion des masterclass ont montré que de nombreux vins avaient évolué de manière assez rapide, et qu'il fallait boire sans tarder. Nous continuerons cette année à investiguer ce millésime, dans tous les cépages et toutes les appellations, mais si vous avez des cartons de six bouteilles encore fermées de ce millésime, ce serait une bonne idée que de les ouvrir et de goûter le vin pour juger de son évolution.
On fera de même avec les millésimes 2004 et 2003, qui possède tous les deux un déséquilibre qui peut potentiellement diminuer la garde des moins bonnes cuvées. Ceux qui ont encavé des pinots noirs 2003 en pensant qu'une année de forte maturité combinée à un élevage sous bois serait garant d'une grande garde, devront également regoûter le vin s’ils ne l'ont pas fait depuis longtemps, pour juger de la pertinence d'une garde supplémentaire. Certaines cuvées ont malheureusement perdu de leur superbe, et évolue assez rapidement, avec des tanins secs qui ne se disparaîtront pas avant le fruit.
Le millésime 2005 semble être le millésime à boire en 2012. Si les cuvées génériques ont probablement survécu jusqu'à ce stade, il faudra penser à les terminr. En revanche, les grands crus qui s'était refermés il y a quelques années s'ouvrent à nouveau et prennent enfin l'équilibre qu'ils avaient juste avant la mise en bouteille. On découvrira donc ce grand millésime sur des terroirs calcaires, marneux, ou granitiques, que ce soit sur des vins secs, des vins demi sec, moelleux ou liquoreux.
Trois sujets à suivre en 2012
L'année 2012 sera passionnant à suivre d'un point de vue économique, puisque utiliser dans, les vins d'Alsace doivent trouver une nouvelle place sur les marchés à l'étranger, mais aussi dans le reste de la France. Indépendant de la qualité du vin qui a fait de gros progrès en Alsace ces dernières décennies, c'est aujourd'hui le positionnement marketing des vins de la région qui est à discuter, et lançant les vignerons doivent aujourd'hui aller au-delà de la simple promotion des sept cépages alsaciens.
Les volumes produits par les bonnes cuvées
La dualité habituelle pour l'amateur de vin consiste à penser que les vins produits en grandes quantités sont de piètre qualité, et que les meilleurs vins d'un point de vue qualitatif sont issus de petite production, de petits producteurs exploitant de petites parcelles, produisant de petits rendements. Cette petitesse combinée expliquant probablement aussi pourquoi ces vins sont vendus à des petits prix…
Si produire entre 1000 et 4000 bouteilles de grands vins et relativement courant en Alsace chez de nombreux producteurs, lorsqu'on passe la barre des 20 000, les 50 000 voir des 100 000 bouteilles, il ne reste malheureusement plus beaucoup de cuvées haut niveau qualitatif suffisant. Pourtant, les bordelais, les bourguignons où les ligériens ont réussi à combiner qualité et quantité, ce qui leur permet à juste titre d'aller chasser les marchés étrangers, en leur permettant d'investir des frais de prospection puisque derrière il y aura du vin à vendre. Par exemple, la cuvée de riesling Frédéric Émile de la maison Trimbach, et produite à plus de 40 000 bouteilles chaque année, ce qui en fait – et de loin – le meilleur riesling alsacien produit à ce niveau de quantité. Une production de qualité en quantité suffisante permet de développer un nom de cuvée, de commercialiser le vin dans plusieurs pays, et d'alimenter tant les particuliers que les cavistes ou la restauration. Face a la difficulté de gestion d'une gamme étagée sur six voir sept niveaux qualitatifs différents, cépage par cépage, la question se pose clairement de combiner qualité et quantité de manière différente, afin d'être mieux armé pour aborder les marchés étrangers.
Dans cette optique, les dégustations réalisées continueront de mentionné lorsque cela est possible les quantités de vin produites, car cette information devient intéressante à la majorité des lecteurs.
Les terroirs des 51 nouvelles appellations
La loi créant autant d'appellation d'origine que de grands crus permet désormais d'avoir 51 appellations Grand cru différentes en Alsace, contre une seule appellation chapeau suivie par le nom de 51 lieu-dit auparavant. Il y a donc une légitimité à comparer les crus entre eux, dans leur typicité, mais aussi dans leur complexité, et in fine et dans leur qualité. Certains grands crus ont une forte notoriété du fait de l'important travail réalisé par certains vignerons produisant des vins sur ces crus, mais aussi à cause de leurs qualités intrinsèques. D'autres grands crus ont le même potentiel qualitatif, et s'ils ont parfois connu lors de gloire il y a très longtemps, il possède aujourd'hui plus ou pas encore la notoriété nécessaire pour refléter leur gros potentiel.
Les accords mets&vins
Ainsi, il faut espérer que la presse généraliste gastronomique arrête de parler de la notion de « riesling grand cru » pour citer un vin d'Alsace apte à accompagner un poisson noble. Le développement de la personnalité de chacune de ces nouvelles appellations grand crues passera par une recherche des accords met et vins capables de sublimer la minéralité de chaque cru, sans trop s'attacher sur le cépage qui lui sert de support. Il s'agit d'un travail de grande envergure, et si quelques sommeliers comme Frédéric Voné, ou des producteurs comme Jean-Michel Deiss ou Étienne Sipp s'y sont déjà attaqué, une grande partie de la région est malheureusement encore à la traîne, et n'est pas capable d'associer idéalement les mets adéquats aux vins des meilleurs terroirs, car personne ne s’est jamais posée la question, se contentant de boire bon en mangeant bien.
Riche des 10 années les dégustations que j'ai pu faire dans le vignoble, je pense être idéalement placé pour analyser ce phénomène, et proposer des articles mettant en perspective tous ces sujets à suivre.
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Thierry Meyer