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Le Millésime 1980 à la Confrérie Saint-Etienne

Le millésime 1980 dans l’Oenothèque de la Confrérie Saint-Étienne
18 Août 2005, Château de Kientzheim


Dans le cadre des dégustations de vieux millésimes organisées mensuellement par la Confrérie Saint Etienne, la séance d’août 2005 était consacrée au millésime 1980. Le jeune conseiller et vigneron Philippe Gisselbrecht, animateur de la dégustation, rappelle que 1980 est un millésime moyen, un peu à l’image de ce qu’à vécu le reste de la France, de la Bourgogne au Bordelais. Les rendements moyens étaient de l’ordre de 45-50 hl/ha en Alsace, soit une baisse de quasiment 50% par rapport au généreux millésime 1979. L’année fut froide (avec de la coulure au printemps), et les vendanges très tardives se déroulèrent fin octobre et  début novembre. Le temps sec de septembre et le froid d’octobre ont donné très peu de pourriture grise, la récolte saine a donc donné des vins francs, à l’acidité assez élevée. Peu de muscat a été produit, les caves coopératives ayant réussi à produire un vin en sélectionnant les parcelles. Le tour d’horizon du millésime va nous permettre de goûter différents cépages de producteurs membres de la confrérie.


En 1980 quasiment toutes les bouteilles sont de contenance 70cl, les grands crus ne sont pas tous reconnus et apparaissent comme des lieux-dits, et certains producteurs de l’époque n’existent plus.



Riesling Kastelberg 1980 – Fernand Gresser : La robe est jaune beurre assez dense, comme la majorité des vins blancs de cette dégustation qui ne seront jamais très colorés ou dorés. Le nez est évolué, avec des notes de tomate, de fenouil, de houblon, évoluant vers de la menthe séchée. La bouche est assez grasse, vive et âgée, avec un fruit assez présent en finale (abricot sec). Le vin est assez fin avec une finale un peu chaude. Un vin vieux qui rappelle certains chenins secs, mais qui s’écroule au bout de trente minutes d’aération. De beaux restes. Bof


Riesling Réserve Personnelle 1980 – Kuentz-Bas : Le nez se fait plus intense sur cette cuvée, avec des arômes complexes de pain grillé, de terre, un léger pétrole, et un peu d’acétate. La bouche est plus grasse et plus fine avec une acidité qui domine l’équilibre sans être aussi présente que dans le vin précédent. La bouche possède quelques arômes de fruits exotiques, mais on revient sur de la noix en finale. L’équilibre est un peu meilleur que le précédent à cause du gras en bouche. Bien


Riesling Médaille d’Or Macon 1980 – Paul Ginglinger : Belle robe pâle de teinte beurre avec de discrets reflets dorés. Le nez est assez parfumé, semble moins vieux que les trois autres rieslings goûtés. La bouche est grasse, équilibrée avec une pointe d’agrume et d’encaustique. La finale est un peu végétale et tire plus sur le vieux vin, avec de l’allonge grâce à une acidité fine. La matière est un peu limite et le vin tient sur des béquilles de papier malgré son joli gras. Il tombe aussi rapidement à l’aération. Bof.


Riesling Brand 1980 – Zind Humbrecht : Le nez est parfumé, avec des notes d’écorce d’orange et de fruits exotiques. La bouche est grasse, finement acidulée, avec une bonne richesse. L’équilibre est sur le fruit, les notes de vieux vin apparaissant plus en fin de bouche. Le surcroît de maturité a permis un vieillissement très harmonieux, sans que le vin ne soit au niveau des vins produits cette depuis le milieu des années 90. Bien


Une assez jolie série de rieslings qui montre de beaux restes dans ce millésime, l’acidité ayant permis une bonne conservation même 25 ans après.


Muscat 1980 – Cave Viticole de Sigolsheim : L’étiquette ornée d’un couple d’alsaciens n’a pas changé depuis plus de 20 ans. Le nez est intense, avec du raisin frais, de la menthe séchée, de la réglisse et des notes beurrées à l’aération. La bouche est fraîche, riche et mentholée, légèrement grillée, avec une acidité agréable, du gras et de beaux arômes de menthe en finale. Le vin est encore sur un bon équilibre pour qui apprécie les vieux muscats, et dispose d’une finale assez longue. Le cépage réussit visiblement très bien dans ce millésime, pour ceux qui ont pu en produire. Très Bien


Muscat 1980 – Cave Viticole de Bennwihr : le nez est un peu plu fatigué, avec de la vieille menthe, du houblon, et un coté vieille cave qui fait penser à un sac en toile de jute. La bouche est grasse, mentholée, assez riche, moins fine et élégante que le vin précédent, mais propose à mon avis une tenue au vieillissement qui reste supérieure à celle des rieslings. Bien


Tokay Pinot  Gris 1980 – Fernand Gresser : le nez est assez parfumé, avec des fruit secs (abricot), du beurre, du miel. La bouche est encore assez jeune, assez riche avec des arômes de pomme et d’écorce de mandarine. Le vin possède un joli équilibre sucre/acide avec un beau fondu, et étonne par sa fraîcheur. Je ne m’attendais pas à ce que le pinot gris se montre si jeune encore. Bien


Tokay Cuvée Exceptionnelle 1980 – Bott Frères : Le nez est assez discret, légèrement évolué avec des notes fumées. La bouche est tenue par un sucre assez présent et un peu moins fondu que dans le vin précédent, donnant une complexité moyenne à l’ensemble. C’est en revanche la forte minéralité de ce vin qui ressort en milieu de bouche, le terroir de la région de Ribeauvillé distingue ce vin de tous les autres dégustés lors de cette séance. Particularité très remarquée par les dégustateurs sensibles à cette sensation gustative. Bien


Gewurztraminer 1980 – Hugel et Fils : Le nez est agréable, très floral avec des notes de rose et de fruits secs, très pur. Quelques notes de champignon apparaissent à l’aération. La bouche est élégante, grasse, avec beaucoup de rondeur sans que le sucre ou l’acidité ne dominent. L’équilibre souple et parfumé rappelle celui des gewurztraminers plus jeunes du domaine, et donne un coté intemporel à ce vin. Pour donner un exemple, en comparaison avec un gewurztraminer Seigneurs de Ribeaupierre 1976 voire 1981 de Trimbach, le vin parait beaucoup plus jeune. Remarquable performance qui exprime bien la constance du domaine sur plusieurs générations. Les jeunes gewurztraminers du domaine ont souvent tendance à décevoir ceux qui cherchent du sucre et de la puissance, pourtant voilà un exemple qui confirme leur bonne tenue à la garde. Très Bien


Gewurztraminer 1980 – Kuehn : la robe se fait pour une fois plus sombre, plus dorée aussi. Le nez est assez discret, plus évolué et épicé avec du foin coupé, du pralin, des notes de café, de l’encaustique et de fruit secs. La bouche fait vieille, avec un sucre fondu beaucoup plus présent que le vin de Hugel, et un peu d’alcool en finale. Le sucre ne favorise visiblement pas la garde, et si le vin possède encore un bon équilibre, c’est à cause de sa fraîcheur. Bien


Pinot Noir 1980 – Jules Muller : un ancien domaine de Bergheim qui a été repris par la maison Lorentz. L’étiquette ovale et noire présente une dame avec un faucon sur un cheval, pas très habituel. La robe est rouge acajou, assez claire, avec du dépôt. Le nez évoque un vieux vin rouge, avec de la tomate, de la suie, de la viande séchée, sans qu’on puise reconnaître le cépage (certains vieux bordeaux ont un profil aromatique similaire). Malgré cela, la bouche est surprenante, vieille mais assez souple, sur des arômes de fruits cuits, sans faux goût de madérisation ou de rafle. Le vin termine sa très longue pente descendant, mais la bouche souple laisse à penser qu’entre 5 et 15 ans ce fut probablement un très beau vin, soyeux et fruité. Un hommage posthume probablement bien mérité. Bof


Pinot Noir 1980 – Marcel Deiss : la robe est rouge un peu plus foncé, avec des reflets acajou. Le dépôt est également visible. Le nez est parfumé, grillé avec des notes d’eau de vie de framboise sauvage et de prunelle, de cuir, de champignon et de viande séchée. Loin des archétypes de pinot noir bourguignon, un nez qui étonne. La bouche est fruitée, reprend les arômes d’eau de vie de framboise, avec des tanins très fins et fondus. Un vin qui tient encore un peu debout, surprenant par son style, qu’on aimerais également avoir connu plus jeune. Bien.


Le niveau atteint par les vins dépasse mes attentes, je suis surpris de voir autant de vins encore assez bien structurés, et quelques merveilles comme le gewurztraminer de Hugel ou le muscat de la cave de Sigolsheim. Seuls les pinots noirs ont vraiment souffert du vieillissement, mais la bourgogne n’offre probablement pas mieux dans ce millésime en 2005.


Thierry Meyer


Les séminaires de vieux millésimes sont ouverts au public (membres et non membres de la confrérie), Voir le programme ici: