Samedi 20 octobre 2007 – La soirée 2007 consacrée au pinot gris a tenu toutes ses promesses. Construits autour de vins en majorité secs, les accords avec les plats de saison ont démontré tout l’intérêt du cépage sur une cuisine riche en goûts. A condition de bien choisir son millésime et son terroir…
Si le « Tokay » à été rendu à la Hongrie, le Pinot Gris est toujours présent avec sa part d’incompréhension auprès des amateurs de Grands Vins d’Alsace. Elevé au rang de cépage noble mais partageant la vedette avec un muscat aromatique, un riesling minéral et un gewurztraminer souvent moelleux, le pinot gris a souvent de la peine à imposer sa typicité et reste cantonné au rôle de vin passe-partout, à la fois acide et moelleux de manière à plaire à la majorité des convives.
0. Pour se faire mettre en condition, deux vins récents du millésime 2006
Offrant des arômes de sous-bois, le pinot gris a du mal à supporter les déviations aromatiques liées à la pourriture grise. Le millésime 2006, chaud et pluvieux a causé beaucoup de souci aux vignerons et un tri sévère a du être réalisé prou conserver au pinot gris un fruité net. Les premières dégustations montrent que les pinots gris génériques 2006 de qualité médiocre pêchent quasiment tous par des arômes de champignon assez avancés. A coté de ces vins qui seront vite bus, les deux exemples dégustés ce soir montrent qu’en sélectionnant les bonnes cuvées, 2006 s’annoncent très prometteur grâce à un équilibre acide idéal pour les pinots gris, qu’ils soient secs ou moelleux.
Pinot Gris Hinterburg 2006 – Klee Frères : La robe est pâle, brillante. Le nez est frais, pur et floral avec une pointe de miel. La bouche est sèche, marquée par du gaz en attaque, puis de bonne densité avec un équilibre sec marqué par une belle acidité qui durcit légèrement la finale à ce stade. Un très beau pinot gris sec. Bien
Pinot Gris Grand Cru Sommerberg "Les Terrasses" 2006 – Gérard Weinzorn et Fils : La robe est d’un jaune doré très soutenu, avec une belle brillance. Le nez est intense, net et surmuri avec des arômes d’agrumes, de fruits à noyau mûrs et de miel. La bouche est moelleuse en attaque, puis reprend de la fraîcheur avec une acidité fine très présente qui donne un équilibre délicat et très net. Portée par le moelleux et l’acidité, la finale est longue et d’une grande finesse. Un beau sommerberg à la fois mûr et frais. Très Bien
1. Toast au Foie Gras de Canard d'Alsace, fleur de sel à la vanille, pêche poêlée
L’amuse bouche est une bonne occasion de gouter deux pinots gris d’équilibre différent, le premier sec et le second plus doux. Le pinot gris sec passe très bien avec le foie sans accompagnement, rehaussé de quelques grains de fleur de sel à la vanille. C’est l’accord que les amateurs de bourgogne réalisent régulièrement, délaissant les vins moelleux en recherchant le gras plutôt que le sucré. La puissance et le gras du pinot gris de Josmeyer sont remarquables, mais la culture alsacienne reste attachée à l’alliance du foie gras avec un vin moelleux : le pinot gris du Domaine Weinbach, plus riche et légèrement doux, se marie à merveille avec le foie rehaussé de pêche poêlée. Un Pinot Gris Sommerberg 2004 de Weinzorn se montre défectueux, un bon prétexte pour revenir sur la grande cuvée 2006 qui se montrera très avenante sur le plat. La gastronomie s’est adaptée aux vins alsaciens en déclinant le foie gras en plusieurs versions pus ou moins sucrées : en terrine servi avec des pêches ou des figues, ou poêlé avec du miel et des épices, le foie devient un plat régional et va chercher les pinots gros les plus riches, voire les vendanges tardives ou les sélections de grains nobles.
Pinot Gris Fondation 2004 – Josmeyer : La robe est jaune pâle avec des reflets paille. Le nez est typé d’un pinot gris sec, discret avec des arômes de fruits secs et une pointe fumée. L’attaque en bouche est droite, sèche sans excès d’acidité, puis le vin se montre dense, pur et très net jusque dans la longue finale. Un vin remarquable dans son équilibre sec et mûr, à garder. Très Bien
Pinot Gris Cuvée Laurence 2004 – Domaine Weinbach : La robe est jaune doré, plus brillante. Le nez est plus immédiatement ouvert que le vin précédent, intense et fruité avec des arômes de fruits mûrs autour des fruits à noyau (pêche, abricot) et du miel. La bouche est moelleuse en attaque, puis riche avec une bonne acidité qui souligne la chaire du fruit sans renforcer le caractère moelleux. Un vin déjà ouvert, à boire sur son fruit ou à garder pour qu’il gagne en complexité aromatique. Très Bien
2. Trio d'entrées autour de la mer : St-Jacques et Cèpes, Galette de Thon, Sandre Lardé
L’exploration des terroirs alsaciens demandait bien entendu une entrée en plusieurs bouchées, pour pouvoir essayer plusieurs accords. Summum de la minéralité, l’association de saint jacques et de cèpes montre une nouvelle fois son excellence sur les vins de terroir calcaires. Le calcaire coquillier du Clos Windsbuhl procure un accord idéal dans lequel les Saint-Jacques et les cèpes font littéralement exploser le vin en bouche, et vice versa. Le Schoenenbourg de Marc Tempé, vin sec élevé en fût, et longtemps austère après sa mise en bouteille, dévoile enfin toute sa complexité. C’est un vin à boire à table pour en comprendre tout l’intérêt, et s’il se marie bien avec les Saint-Jacques la galette de thon lui convient très bien. Le Pinot Gris Réserve Personnelle 2001 de Trimbach était absent ce soir : une première bouteille bouchonnée a été suivie par une bouteille également défectueuse, au goût étrange qu’une longue aération n’a pas réussi à faire partir. Dommage pour cette cuvée référence de pinot gris (originaire en grande partie du Grand Cru Osterberg), souvent oubliée des amateurs éblouis par les rieslings haut de gamme de la maison, mais qui a sa place au panthéon des grands pinots gris secs de la région, comme l’avait démontré les différents millésimes dégustés l’année dernière. Le Pinot Gris Réserve 2003 servi en remplacement de dernière minute montre un bel équilibre mais manque de fond pour faire jeu égal avec les plats et les autres vins.
Pinot Gris Réserve 2003 – Trimbach : la robe paille laisse place à un nez de bonne intensité, aux arômes de fleurs séchées avec une pointe fumée. La bouche est ample, sèche avec une belle matière qui termine sur une note de réglisse. Un vin qui manque de minéralité par rapport aux autres mais qui se présente bien dans un millésime réputé difficile pour ce cépage. Bien
Pinot Gris Clos Windsbuhl 2000 – Zind-Humbrecht : La robe est intense, dorée avec des reflets vieil or. Le nez est intense, ouvert et complexe avec des arômes de truffe, de noisette et de fruits secs avec une note fumée. La bouche est ample, sèche et minérale avec beaucoup de profondeur, évoluant sur un caractère sec très fruité qui termine sur une longue finale dominée par de l’abricot. Un terroir calcaire d’exception associé à un équilibre sec (11g/l de sucre résiduel) ont fait naître ce vin extraordinaire. Excellent
Pinot Gris Grand Cru Schoenenbourg 1998 – Marc Tempé : la robe est jaune pâle avec des reflets dorés. Le nez est initialement floral mais très discret, puis prend de l’intensité et de la complexité à l’aération avec des arômes de fleur d’acacia, de moka et de fumée. La bouche est puissante, dense et ample en attaque avec beaucoup de profondeur et un caractère sec renforcé par l’élevage en barrique. La finale est longue et très agréable pour un vin hors norme. Excellent
3. Volaille Souvaroff, risotto au parmesan, ratatouille et Purée de Potimarron
Souvent conseillé, mais malheureusement trop rarement appliqué, l’accord entre une volaille préparée et le pinot gris se montre ici clair comme un cas d’école. La volaille farcie au foie gras et aux champignons des bois est servie avec une sauce qui a beaucoup réduit, presque sirupeuse, qui se fait rapidement absorber par le risotto. La volaille a du goût, mais l’assemblage avec l’accompagnement ne fait pas peur au pinot gris Furstentum qui se marie très bien tant au niveau de la texture que des arômes. Le Clos Liebenberg, terroir gréseux d’une grande finesse situé en marge du grand cru Pfingstberg, est quant à lui complètement submergé devant tant de richesse, mais en ne conservant que la volaille et en évitant le risotto et la sauce, on retrouve un équilibre magnifique dans lequel la finesse du vin se marie très bien avec la chair de la volaille. Le choix de l’accompagnement permettra donc d’adapter le plat au vin. En plus de l‘inhabituel millésime 2003, le dernier pinot gris était un 1983 du terroir de l’Altenbourg situé sous le Furstentum. L’équilibre sec et la profondeur d’un vin parfaitement conservé 24 ans plus tard s’associe très bien avec le plat, réalisant un équilibre entre le trop et le trop peu de puissance. Dans les trois cas, le poivron de la ratatouille est à éviter, car il apporter une amertume qui casse l‘équilibre du plat. Le poivron fait en revanche un formidable liant lorsque le plat est servi avec un vin rouge, par exemple un rouge de Loire ou de Bordeaux.
Pinot Gris Clos Liebenberg 2003 – Valentin-Zusslin : La robe est or blanc, intense et cristalline. Le nez est délicat, de bonne intensité avec des arômes de fraise des bois très subtils, juste rehaussés par une pointe d’alcool à l’agitation. La bouche est fine, pure et minérale avec un équilibre sec (moins de 5g/l de sucre résiduel) qui rehausse le caractère minéral. Un vin subtil parfait à table sur des mets fins. Très Bien
Pinot Gris Grand Cru Furtsentum 2003 – Paul Blanck : La robe est jaune doré, profonde. Le nez est mur, avec des arômes de fruits mûrs et une note de vanille ramenée par le cépage, puisque le vin n’a pas vu de barrique. La bouche est ample en attaque, puis souple et profonde avec un moelleux légèrement perceptible mai complètement absorbé par le gras et la profondeur du vin. Un vin extrême dans l’alliance entre puissance et finesse qu’il procure, qui appelle des mets riches. Excellent
Pinot Gris Altenbourg 1983 – Paul Blanck : le nez est net, légèrement évolué avec des arômes de menthe sèche et d’épices, évoluant sur des notes de fruits compotés et de miel sec à l’aération. La bouche est sèche, fine en attaque avec une bonne acidité, puis évolue sur cet équilibre sec et fin en conservant un caractère désaltérant. Derrière le caractère remarquable d’une si bonne longévité, voilà un vin d’un style différent que les pinots gris les plus récents, mais qui a bien vieilli et qui possède l’assise pour accompagner un repas. Bien
4. Clafouti tiède à la Poire, Sorbet à la Quetsche
Le dessert se devait de permettre de goûter des vins plus moelleux, et plutôt que de s’égarer dans des vendanges tardives souvent servies, ce sont les sélections de grains nobles qui ont eu la vedette. Les trois cuvées, de style très différentes, se sont bien complétées sans se neutraliser, et au jeu de l’accord avec le clafouti, c’est le millésime 2005 qui s’est montré le plus agréable, avec une douceur dans l’imposante liqueur qui s’en alla caresser la texture finement granuleuse de la poire. Le 1998 a montré un équilibre fin avec une note de fruits rouges typique du millésime qui supportait le sorbet à la quetsche. Quant au 1989, d’une très grande puissance, c’est un vin extrême dans la concentration, qui rappelle les meilleures cuvées produites dans ce millésime chez Hugel, Zind-Humbrecht ou Weinbach. Une poêlée de quetsches lui aurait peut-être convenu, mais c’est un vin à boire enfin de repas, pour lui, même si les mignardises au chocolat de fin de repas ont adoré jouer avec la liqueur du vin en bouche. A tous les âges, ces trois pinots gris ont montré que l’assemblage d’une liqueur finement botrytisée avec une bonne acidité donnait des équilibres d’une fraîcheur remarquable.
Pinot Gris Clos du Letzenberg Sélection de Grains Nobles 2005 – Domaine du Manoir : La robe est jaune ciron, intense et profonde. Le nez est très mûr, avec une pointe d’acidité volatile rapidement suivie par des arômes de pralin d’une grande pureté. La bouche est riche, mûre et enveloppée par une liqueur ample qui apporte beaucoup de rondeur, sans aucune aspérité et avec un équilibre remarquable. Tel un jeune premier, la fraîcheur et la pureté d’un vin délicieux à boire dès à présent annoncent un vin qui va beaucoup gagner au vieillissement ces prochaines années. Excellent
Pinot Gris Grand Cru Wineck-Schlossberg Sélection de Grains Nobles 1998 – Vincent Spannagel : Le granit salin du Wineck-Schlossberg a produit une cuvée très intéressante. La robe est jaune doré intense. Le nez évoque le miel, les fruits rouges, la datte et les fruits confits avec une pointe d’acidité volatile. La bouche se montre fine et délicate avec une liqueur présente d’une grande finesse, soutenue par une bonne acidité. L’ensemble montre une légère évolution qui apporte de la patine, mais en même temps le sucre reste très marqué et il faudra surveiller l’évolution du vin. Très Bien
Pinot Gris Sélection de Grains Nobles 1989 – Pierre Frick : la robe est foncée, de nuance cuivrée, brillante et intense. Le nez est très mur avec un superbe botrytis, sur des arômes de datte, de fruits confits, d’abricot sec, de coing et de fumée. La bouche est intensément liquoreuse en attaque avec beaucoup de puissance, puis acidulée avec une légère évolution qui atténue la force de la liqueur. Un vin très concentré et d’une grande pureté dans un grande millésime. Avec sa richesse et son équilibre qui le place d’emblée parmi les plus grandes sélections de grains nobles du millésime 1989, ce vin dévoile l’extrême concentration que peut atteindre un pinot gris atteint de pourriture noble. Excellent
Le dîner était une bonne occasion de redécouvrir le pinot gris dans sa meilleure expression, autour de plats dont la richesse était accordée à la puissance de chaque vin. En mettant de coté le caractère moelleux, les terroirs apportent la même échelle de puissance et de complexité que l’on retrouve sur des rieslings de terroirs différents. C’est certainement plus délicat d’apprécier les variations de terroir sur un vin moelleux lorsqu’on est habité à faire l’exercice avec des rieslings secs, mais l’accompagnement de plats riches compense le moelleux éventuel et permet de comprendre l’intérêt qu’il y a à chercher la bonne expression du pinot gris.
Thierry
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