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Masterclass de l’’Eté (18/08/2012)

La masterclass de l’été a permis de couvrir deux thématiques intéressantes, le nombre d’échantillons proposés permettant d’étudier chaque sujet en profondeur.
Thème 1 : Concentration et Terroir, deux dimensions indépendantes
Si les vins des 51 AOC Alsace Grand Cru sont souvent plus concentrés que ceux des AOC Alsace, c’est principalement du fait de la législation qui limite les rendements sur les grands crus : 60hl/ha pour les premiers au pire, 80hl/ha pour les seconds. Bien entendu, certains producteurs produisent de faibles rendements sur l’ensemble de leur domaine, et restent entre 20 et 40 hl/ha quelle que soit l’appellation. Pour autant, l’expression de la complexité d’un terroir et la concentration d’un vin sont deux éléments très distincts. Pour s’en rendre compte, rien de telle qu’une dégustation à l’aveugle de quelques paires de vin de concentration similaire mais de terroirs différents, pour se rendre compte que malgré les différences que l’on peut noter entre les arômes, la complexité en bouche fera quasiment toujours la différence, pour peu que le vin soit produit avec une qualité suffisante.
Thème 2 : Le Millésime 2000 est-il de grande garde en Alsace ?
Millésime au chiffre mythique, doublé d’une grande année à Bordeaux qui lui a donné ses lettres de noblesse, 2000 est un bon millésime en Alsace, qui n’a pas toujours produit de grands vins taillés pour la grande garde. A 12 ans d’âge, faut-il les conserver ou les terminer au plus vite ? La sélection de plusieurs cépages, terroirs et producteurs a permis de se rendre compte de la grande hétérogénéité du millésime, et de la nécessaire dégustation de tous les cartons encore fermés pour vérifier lesquels seront aptes à une garde complémentaire.

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Thème 1 : Concentration et Terroir, deux dimensions indépendantes

Si les vins des 51 AOC Alsace Grand Cru sont souvent plus concentrés que ceux des AOC Alsace, c’est principalement du fait de la législation qui limite les rendements sur les grands crus : 60hl/ha pour les premiers au pire, 80hl/ha pour les seconds. Bien entendu, certains producteurs produisent de faibles rendements sur l’ensemble de leur domaine, et restent entre 20 et 40 hl/ha quelle que soit l’appellation. Pour autant, l’expression de la complexité d’un terroir et la concentration d’un vin sont deux éléments très distincts. Pour s’en rendre compte, rien de telle qu’une dégustation à l’aveugle de quelques paires de vin de concentration similaire mais de terroirs différents, pour se rendre compte que malgré les différences que l’on peut noter entre les arômes, la complexité en bouche fera quasiment toujours la différence, pour peu que le vin soit produit avec une qualité suffisante.

Certains producteurs travaillant sur des terroirs classés grands crus sans pouvoir en tirer une quelconque originalité, ou travaillant sur des grands crus qui n’auraient peut-être pas dû recevoir un tel classement, continuent de proposer un échelonnement des rendements de manière à créer une gamine hiérarchisée reconnaissable, et de répondre ainsi à l’attente des consommateurs. De même qu’en Bourgogne on s’attend généralement à ce que le Bourgogne générique soit plus léger que le grand cru. A concentration égale, le terroir permet-il de s’exprimer malgré tout ? La question est intéressante, car en particulier lorsque les vins sont très jeunes, la concentration peut éventuellement masquer la complexité de la bouche, au profit du fruit. C’est le paradoxe de certains vins du Nouveau Monde, dont la concentration atteint celle des plus grands Bordeaux, mais dont la différence de complexité finit par se révéler après quelques années de garde.

A partir de là, vouloir comparer des terroirs à partir de vins produits selon des rendements différents peut s’avérer un exercice fortement biaisé. Dans les séries qui suivent, j’ai essayé de regrouper des vins de rendement équivalent, en particulier sur les vins de l’AOC Alsace – donc non  issus de grands crus-, qui ont été produits avec des rendements correspondant au maximum autorisé dans l’appellation Alsace Grand Cru.

La première paire de riesling 2010 fait apparaître une différence de minéralité qui s’explique par la différence de terroir, plutôt calcaire dans le premier vin, granitique dans le deuxième. Malgré tout, la complexité tant aromatique que gustative s’exprime très rapidement sur le second vin, créant une échelle qualitative significative. D’un riesling de fruit gouleyant et très bien fait, on passe à un grand cru multidimensionnel. La deuxième paire concerne des sylvaners 2005, et se montre plus délicate à analyser. Le vin du Domaine Weinbach se montre extrêmement pur, légèrement évolué mais très net. Le vin d’Albert Seltz, originaire du Zotzenberg, se montre plus évolué au nez voire un peu moins net, et il faut vraiment se concentrer sur la finale pour se rendre compte de la différence de terroir. La troisième paire concerne de rieslings 2002 de concentration certainement égales, mais dont le premier est issu d’une maturation inaboutie, le botrytis ayant augmenté de manière rapide le degré potentiel d’alcool sans permettre aux raisins de mûrir parfaitement. Il en résulte un vieillissement prématuré qui empêche de comparer la minéralité des deux terroirs. On ne peut qu’être impressionné devant l’équilibre atteint par le Geisberg d’André Kientzler. Les deux dernières paires de vin conservent le millésime 2000, qui sera approché plus tard dans la deuxième thématique. Néanmoins, le vin de quasi plaine de Marc Tempé se montre bien fait mais sans avoir la salinité et la longueur du vin de Josmeyer, issu du grand cru Hengst. À plus de 12 ans d’âge, la démonstration se fait ici évidente. On termine sur deux pinot gris dont l’un de grande qualité est issue d’une très vieille vigne sur le terroir de graves du Herrenweg, alors que l’autre est issu du grand cru Pfersigberg, une réussite chez Wolfberger en général. Le caractère évolué de ce dernier, sa légèreté et son manque de caractère ne résistent pas longtemps à la concentration et à la profondeur du vin de Zind-Humbrecht.

On peut conclure qu’un vin de terroir originaire d’un grand cru nécessite une qualité minimale pour pouvoir exprimer le caractère particulier de son origine. Mais également qu’un vin de grande concentration (je n’ai pas parlé de hauts niveaux de sucre résiduel) peut se montrer très bon dans son expression fruitée.

Bien sûr ce genre d’exercice de comparaison montre clairement ses limites, l’ensemble des facteurs pouvant influencer à la fois la vigne mais aussi la récolte ou la vinification rendant les dégustations comparatives extrêmement délicates.

Notes individuelles sur les vins

Riesling Clos de la Folie Marco 2010 – Hering : la robe est pâle de nuance or blanc. Le nez est net, fruité, avec une bonne intensité. La bouche est dense, nette et acidulée, avec un caractère désaltérant extrêmement plaisant. Très Bien

Riesling Grand Cru Schlossberg 2010 – Domaine Weinbach : la robe est très brillante, de nuance or pâle. Le nez est fruité, intense et mûr, montrant une forte complexité avec des notes délicates de fleurs d’oranger, et de minéralité. L’attaque en bouche est saline, puis acidulée, concentrée et très nette, avec une finale très longue. Le vin se montre initialement encore légèrement austère, et s’il n’a pas la buvabilité ni le caractère désaltérant du précédent, qui présente un bon potentiel d’évolution sur les prochaines années. Très Bien

Sylvaner Réserve 2005 – Domaine Weinbach : passé une légère réduction, le nez est fruité, net et d’assez bonne pureté. La bouche est marquée par les graves du clos des capucins, carrée par son acidité, sèche avec une belle évolution. Un vin simple très bien fait, qui conserve encore tout son intérêt à table. Très Bien

Sylvaner Mittelbergheim 2005 – A. Seltz : le nez se montre également réduit, mais manque de netteté. La bouche est ample en attaque, de bonne concentration avec du gras, finissant avec une belle longueur mais aussi une légère amertume. L’ensemble donne une impression de profondeur, mais manque de netteté. Bien

Riesling Schenkenberg Vieilles Vignes 2002 – Domaine Seilly : la robée est dorée. Le nez est intense, marqué par des arômes de fruits jaunes, de miel, de fumée, dans un style évolué qui, légèrement oxydé. La bouche est riche en attaque, avec un léger moelleux, puis simple et revenant sur le caractère légèrement oxydé. La finale est courte. Un vin qui a certainement passé son apogée, le bouchage ne semblant pas être la cause de ce vieillissement. Bof

Riesling Grand Cru Geisberg 2002 – André Kientzler : la robe se montre or pâle. Le nez est très aromatique, avec des notes de poivre blanc, de pomme mûre, de fleurs printanières. L’attaque en bouche est cristalline, sèche et acidulée, puis le vin se montre ample, net avec une très belle salinité. Très belle longueur en finale. Excellent

Pinot Blanc Zellenberg 2000 – Marc Tempé : la robe est dorée. Le nez est discret, légèrement évolué avec des arômes de menthe sèche. La bouche est dense en attaque, nette avec du gras, laissant voir une bonne concentration. La finale reste malgré tout relativement courte. Très Bien

Auxerrois « H » Vieilles Vignes 2000 – Josmeyer : la robe se montre or pâle. Le nez est fruité, malheureusement marqué par un léger Liège. L’attaque en bouche est acidulée, sèche et complexe, évoluant sur un équilibre concentré, croquant avec une belle netteté. Dommage que le liège vienne gâcher l’équilibre en bouche. Sans le problème de bouchon, Très Bien

Pinot Gris Vieilles Vignes 2000 – Zind-Humbrecht : la robe se montre à la fois dorée et brillante. Le nez est intense, avec des notes de miel de fleurs, de noisette, de pain grillé. La bouche est en attaque, ronde avec un moelleux très miellé et intense, évoluant sur un équilibre gras qui finit sur une longue finale grillée. Un vin qui évolue très bien compte tenu de son origine, et qui reste encore marquée par la surmaturité. Très Bien

Pinot Gris Grand Cru Pfersigberg 2000 – Wolfberger : la robe est dorée, mais cette fois terne. Le nez évoque un vin vieux, évolué, sans fruit. La bouche est maigre, moelleuse et légère, avec une évolution sur des arômes de fruits à l’eau de vie. Le vin clairement passé son apogée. Non noté

Thème 2 : Le Millésime 2000 est-il de grande garde en Alsace ?

Millésime au chiffre mythique, doublé d’une grande année à Bordeaux qui lui a donné ses lettres de noblesse, 2000 est un bon millésime en Alsace, qui n’a pas toujours produit de grands vins taillés pour la grande garde. A 12 ans d’âge, faut-il les conserver ou les terminer au plus vite ? La sélection de plusieurs cépages, terroirs et producteurs a permis de se rendre compte de la grande hétérogénéité du millésime, et de la nécessaire dégustation de tous les cartons encore fermés pour vérifier lesquels seront aptes à une garde complémentaire.

Par-delà les célébrations du passage nouveau millénaire, en théorie le millésime 2000 est très grand en Alsace. Millésime idéal jusqu’au mois de juin, puisque le printemps fut chaud et sec, donnant une floraison précoce autour du 6 juin. Les rendements annoncés étaient relativement important. Les mois de juillet et août ont été mitigés, le mauvais temps entraînant le développement de quelques foyers de pourriture. Le millésime a alors connu des variations dans le niveau de maturation des raisins d’une parcelle à l’autre, et le beau temps qui a permis une vendange sous de bons auspices a surtout permis aux raisins de passeriller, sans que le botrytis ne se développe trop.
Dès les premiers mois, le millésime était supposé grand pour le riesling, hypothèse qui ne s’est pas révélée complètement vraie par la suite, en particulier par comparaison avec le millésime 1999 ou le très grand millésime 2000. Gewurztraminer et pinot gris ont malgré tout très bien réussi, en particulier lorsque le botrytis est venu concentrer le jus dans les baies, donnant des cuvées moelleuses liquoreuses ayant conservé une forte acidité.

Pour bien comprendre les caractéristiques d’un millésime, le mieux est de chercher à comprendre ce qui caractérise les vins les moins bons et les meilleurs vins. Le défaut principal rencontré en 2000 est la dilution, qui empêche souvent de nombreuses cuvées de vieillir harmonieusement. Ensuite, certains vins ont été récoltés trop tôt, et manquent de maturité physiologique. Exemple fréquent rencontré avec le pinot noir, qui est parfois à la fois haut en alcool mais vert du côté des tanins. D’autres raisins ont été récoltés trop tard, l’exposition complémentaire au soleil pour pallier à une maturation déficitaire ayant surtout entraîné une baisse de l’acidité, donnant des vins manquant de structure.
Les meilleurs vins sont denses, riche et frais avec de bonnes acidités, ils présentent une palette aromatique fraîche telle que l’appellation Alsace est supposée en livrer chaque année. Les meilleurs vins moelleux et liquoreux sont atteints de pourriture noble, et pas uniquement de passerillage.
La dégustation a commencé avec quelques mauvaises surprises, puis s’est poursuivie avec une revue de quelques grands terroirs ayant produit de belles cuvées. On peut déplorer un nombre important de bouteilles bouchonnées sur cette série. Globalement, une grande partie des vins aurait dû être terminés depuis longtemps ; heureusement quelques cuvées sortent du lot et sont visiblement taillés pour une très grande garde.

Notes individuelles sur les vins

Riesling Tradition 2000 – Hugel et Fils : la robe est claire, mais le nez se montre étrange, à la fois animal est oxydé. La bouche est sèche, acidulée et déséquilibrée, avec une légère oxydation. Une bouteille malheureusement défectueuse, car la matière était belle. Non noté

Riesling Grand Cru Frankstein 2000 – Beck-Hartweg : le nez est léger, discret, avec une note anisée. La bouche est légère, diluées, sans structure acide réellement présente, et avec une finale marquée par les fruits à l’eau de vie. Un vin léger et peu murs qui a probablement souffert de la sécheresse sur ce cru granitique très drainant, sans aucune mesure avec ce que la maison produit depuis quelques années. A dépassé son apogée depuis longtemps. Bof

Riesling Grand Cru Schoenenbourg 2000 – Dopff au Moulin : le nez se montre discret, mais net, avec des arômes de fumée, d’amande et de miel. La bouche est ample en attaque, fruitée, puis propose cet équilibre à la fois suave et minéral qui caractérise les vins du Schoenenbourg, avec sur cette cuvée une bonne densité. Bonne longueur en finale. Un cru taillé pour la garde. Très Bien

Riesling Clos Häuserer 2000 – Zind-Humbrecht : la robe est dorée, le nez est très minéral, avec des arômes de silex, de caillou concassé, et une note d’écorce d’orange. La bouche est sèche, dense en attaque, puis élégante, portée par une belle acidité. Le terroir de ce clos situé en contrebas du grand cru Hengst aime bien les millésimes chauds, capable de faire mûrir leurs raisins correctement sans attendre l’installation du botrytis. Grande réussite en 2000. Excellent

Pinot Gris Réserve Personnelle 2000 – Trimbach : malgré l’équilibre dense et sec de cette cuvée, ainsi que la longueur que semble offrir, le bouchage est défectueux et la bouteille complètement bouchonnée. Non noté

Pinot Gris Grand Cru Kitterlé 2000 – Domaines Schlumberger : une cuvée riche à la robe dorée, au nez de miel, de pralin, de fruits confits avec une note torréfiée. L’attaque en bouche est liquoreuse, puis le vin se montre aérien, minéral, intense. Toute la puissance du terroir gréseux et volcanique du Kitterlé s’exprime dans ce vin de surmaturité, qui commence doucement sa très longue carrière. Excellent

Gewurztraminer Grand Cru Wineck-Schlossberg 2000 – Vincent Spannagel : un très beau vin très élégant à la robe or pâle très brillante, marqué au nez par des arômes de citron, de mélisse, ainsi que des notes de fleurs blanches. La bouche est élégante, saline et aérienne en attaque avec un léger moelleux, puis très pure, cristalline, avec des notes fruitées marquées par les agrumes confits qui accompagné la longue finale. Un vin de granit très réussi, qui semble à son apogée en ce moment. Excellent

Gewurztraminer Altenbourg 2000 – Domaine Weinbach : une cuvée qui se montre profonde et riche, mais malheureusement également fortement bouchonnée. Non noté

Riesling Grand Cru Kastelberg Sélection de Grains Nobles  2000 – Guy Wach : la robe se montre ambre, très brillante. Le nez est marqué par des arômes de safran, de coing, de miel et de noisette. La bouche est liquoreuse en attaque, puis aérienne, dense et tannique avec une liqueur fondue, donnant un équilibre très digeste porté par la salinité du terroir. Un vin magnifique à boire pour lui-même en attendant de trouver le plat qui le magnifiera encore plus. Excellent

On peut citer quelques autres Vins liquoreux de légende produits en 2000, une information intéressante pour ceux qui cherchent à encaver ce millésime pour célébrer un anniversaire

  • Riesling SGN « S » 2000 de Hugel et Fils
  • Pinot Gris SGN Hors Choix de Trimbach
  • Pinot-Gris Clos Jebsal SGN 2000 de Zind-Humbrecht
  • Les Pinot Gris Herrenweg, Pinot Gris Rosenberg, Riesling Herrenweg et  Muscat Ottonel SGN 2000 de Barmès-Buecher, avec respectivement. 138, 389, 501 et 354 g/l de sucre résiduel
  • Pinot Gris SGN Cœur de Tries 2000 de Louis Sipp
  • Gewurztraminer GC Zinnkoepflé SGN L’Esprit 2000 de Jean Marie Haag

Thierry Meyer

Pour connaître la signification des appréciations (Bien, Très Bien…) et des notes chiffrées, cliquer ici