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Masterclass Alsace du 18 septembre 2010 : Spécial Millésime 2008

Comme chaque année depuis 2008, la masterclass d’automne est consacrée aux vins du millésime précédent l’année précédente. Les vins étant mis en bouteille une année après la vendange, ils sont dégustés exhaustivement au printemps de l’année qui suit, ce qui permet d’en faire une synthèse compréhensible à l’automne. Après une série de grands vins de terroirs produits par le gewurztraminer en 2008 lors de la masterclass de juin dernier, la session du 18 septembre a porté sur les grands vins de terroir produits par d’autres cépages, mais également sur les vins de l‘AOC Alsace qui offrent une typicité alsacienne particulièrement marquée, et des rapports qualité prix exceptionnels lorsque l’excellence de leur terroir d’origine se complète d’un travail rigoureux dans la vignes et en cave pour produire un vin vendu à prix sage.

2008 est un millésime frais et tardif, conforme au cycle typique des années d’avant 2000. L’automne sec et frais après mi-septembre a favorisé un étalement des vendanges et permis surtout une maturation lente des cépages tardifs, sans que le botrytis vienne trop rapidement concentrer le jus dans les baies, faisant rapidement grimper le degré alcoolique moyen. Le temps frais a également permis de préserver les acidités importantes à majorité tartrique, en particulier sur la famille des pinots. Si on voit encore ça et là quelques problèmes de maturité sur des rieslings récoltés trop tôt, des rendements réduits sur le muscat qui a coulé, et quelques problèmes de pourriture autour de Colmar, les vins sont francs et nets avec de belles acidités dans tous les cépages.
Prix de vente départ cave (€), alcool (%), sucre résiduel(SR) et acidité totale exprimée en acide tartrique (AT) sont indiqués lorsqu’ils sont disponibles.

AOC Alsace 2008 : des vins de grande soif

L’ouverture aromatique, la franchise et la netteté des vins du millésime 2008 les rendent très typiques des attentes à avoir d’un vin de l’AOC Alsace : les meilleurs 2008 dans une gamme de prix raisonnable (moins de 7 € la bouteille pour cette dégustation) sont de parfaits ambassadeurs du style alsacien. On oubliera momentanément le pinot noir qui a donné de belles cuvées aux arômes de cerise griotte très typiques de l’Alsace, dont le Pinot Noir les Princes Abbés 2008 de Schlumberger déjà dégusté lors d’une session précédente.
On débute par deux pinots blancs francs et droits, au point de faire douter de leur cépage à l’aveugle : s‘agirait-il de rieslings ? Le riesling dégusté par la suite est sans équivoque très marqué par le cépage, et ces deux pinots blancs sont de parfaits compagnons de table, même si leur élaboration est aux antipodes : une maturité parfaitement ajustée pour le vin de Neumeyer, et une vinification nette ont donné un vin sec de grande pureté. Sur le vin de Rominger, la maturité et l’élevage sont plus ambitieux, donnant un vin plus complexe qui n’a pas fermenté tous ses sucres et qui  nécessite un peu d’aération. Les trois sylvaners qui suivent montrent que ce cépage peut produire de superbes vins de table, avec une gradation croissante dans la concentration. Le délicieux mais simple Mittelbergheim de Haegi est très facile à boire dans la plus pure tradition des sylvaners de soif, le Bollenberg est plus ample avec une profondeur marquée, quant aux Vieilles vignes de Sipp-Mack c’est un vin ambitieux qui mériterait de figurer ailleurs que tout en haut du tarif du domaine, parmi les cuvées considérées comme « d’entrée de gamme ». Les AOC Alsace 2008 furent les vins de soif de l’été 2010, ils passeront sans problème l’hiver et seront tout aussi savoureux à l’été 2011.

Pinot Blanc La Tulipe 2008 – Gérard Neumeyer (5,75€) : de robe or pâle, c’est un vin ouvert au nez floral, gras et sec en bouche avec une bonne pureté. La légère pointe de gaz apporte de la fraîcheur à la finale.14.5/20 2010-2015 (3 g/l SR)

Pinot Blanc 2008 – Eric Rominger (6,4€) : la robe est or blanc, brillante. Le premier nez est marqué par une légère réduction qui donne des notes grillées rapidement relayées par des arômes plus floraux. En bouche c’est un vin sec qui possède du fruit, de la chair et une fine salinité avec du gras. Parfait à table tous les jours. 14.5/20 2010-2015 (7 g/l SR)

Riesling Vieilles Vignes 2008 – Cave de Ribeauvillé (6,6€) : un vin élégant au nez de fleur d’acacia, pur et charnu en bouche avec une acidité fine intense et une légère amertume en finale. Un vin friand, très typé riesling pour amateurs de vins droits et francs. 14.5/20 2010-2015

Sylvaner Mittelbergheim 2008 – Domaine Haegi (4,2€) : un sylvaner sec et léger au nez de fleurs blanches qui possède du fruit et du gras, avec une fine acidité qui le rend délicieux à l’apéritif ou à table. Facile à boire et faible en alcool, c’est un équilibre qui rend le vin désaltérant. 14.5/20 2010-2014 (12.2%, 3g/l SR, 6.3 g/l AT)

Sylvaner Bollenberg 2008 – Cave François Schmitt (4,7€) Originaire d’un beau terroir calcaire et élevée sur ses lies, c’est un vin ample et acidulé de grande pureté, qui possède la profondeur du Bollenberg. 15/20 2009-2018

Sylvaner Vieilles Vignes 2008 – Sipp Mack (6€) : originaire pour partie de vignes sur l’Osterberg, c’est un vin ample et gras qui possède de la sapidité, pur en bouche avec une légère salinité. Bel équilibre très harmonieux 14.5/20 2010-2018 (12%, 2g/l SR, 6.5 g/l AT)

AOC Alsace Grand Cru 2008 : les grands vins de terroir du millésime

Si 2008 s‘est rapidement annoncée comme un grand millésime apte à produire des grandes cuvées, le profil climatique de l’année est très différent de celui de la grande année 2007. Les maturations furent plus longues en particulier pour avoir des acidités mûres, et températures plus fraîche oblige, le riesling a eu plus de difficulté à murir sur les terrains les plus profonds.
Sur les terrains drainants (granit, grès, volcan) les vins ont muri rapidement, donnant des degrés potentiels élevés malgré une acidité encore très forte. Toutes les cuvées de riesling récoltées sur le Schlossberg par le domaine Weinbach dépassent les 9 g/l d’acidité totale en tartrique. Les domaines récoltant tardivement ont eu un peu de botrytis, donnant des vins marqués par une légère surmaturité. Sur les terres de marnes ou de calcaire, ont mûri lentement, et certains rieslings récoltés à moins de 13 degrés potentiels manquant de maturité pour être parfaitement aboutis. Les grandes réussites sont toutefois somptueuses, en particulier sur le Rosacker, le Pfersigberg ou le Vorbourg. Mais dans la plupart des cas, les plus grands vins ont été produits par le gewurztraminer et le pinot gris, quand ce n’est pas la complantation. Les muscats grands crus ont souffert de la coulure au printemps, qui a fortement modifié l’équilibre traditionnel muscat d’Alsace/muscat Ottonel de certaines cuvées, et chez meilleurs producteurs comme Kientzler pour son muscat Kirchberg ou Mochel pour son Muscat Altenberg, les cuvées sont un ton en dessous des millésimes précédents, quand le domaine n’a tout simplement pas revendiqué l’AOC Alsace Grand Cru.

La dégustation début par quatre rieslings de terroirs légers, qui se goûtent ce jour admirablement bien, faisant apparaître la forte salinité que leur confère leur noble origine mais aussi une parfaite maturité du raisin. Puis les deux pinots gris montrent les différences de terroir, avant de passer sur un trio de vins plus doux voire carrément liquoreux, qui n’en perde malgré tout pas leur minéralité : la fine salinité du pinot gris Sommerberg de Claude Weinzorn est remarquable et rend le vin vraiment gourmand, la puissance domptée de l’Altenberg chez Deiss donne une forte impression d’harmonie, quant au Mambourg Quintessence de Grains Nobles du domaine Weinbach c’est tout simplement un vin de liqueur très puissant, qui n’en conserve pas moins une trame terroir prononcée en bouche. Dans la plupart des cas, les vins sont encore discrets au nez et mériteront une garde en bouteille de quelques années, ou un carafage de quelques heures pour une consommation immédiate. Mais leur expression en bouche est déjà remarquable.

Riesling Grand Cru Kessler Heisse Wanne 2008 – Dirler-Cadé (18,5€) : originaire du cœur du Kessler, c’est un vin très minéral, fin et élégant avec une forte salinité en bouche. Encore jeune au nez avec des arômes de pêche blanche et de citron, la franchise du nez est déjà exemplaire. Le millésime 2008 combine une bonne maturité du raisin avec un équilibre parfaitement sec, donnant un très grand vin du Kessler 19/20 2012-2028 (13.4%, 5 g/l SR, 9.1 g/l AT, vigne 50 ans d’âge, plus vieille parcelle du domaine, densité 7000pieds/ha).

Riesling Grand Cru Schlossberg 2008 – Bott-Geyl (21,5€) :  c’est un vin au nez ouvert sur les agrumes frais et la violette avec une pointe de pierre à fusil, dense et cristallin en bouche avec une longue finale sur la fleur d’oranger. Grande réussite pour première cuvée du domaine, depuis la reprise des vignes de Jean Schaetzel. 18.5/20 2012-2023 (13%, 8 g/l SR, 9.1 g/l AT)

Riesling Grand Cru Kastelberg 2008 – Domaine Marc Kreydenweiss (45€) l’expression parfaite du vin racé sur un noble terroir de Schistes de Steige, associant forte minéralité avec un équilibre sec et acidulé, à la finale longue marqué par de légers tanins. Un très grand vin de terroir de grande garde mais déjà abordable jeune. 19/20 2012-2038 (4000 bouteilles produites, élevage dans un foudre de 24hl et un demi-muid)

Riesling Grand Cru Rangen de Thann 2008 – Zind-Humbrecht (65,70€) : un vin sec magnifique de pureté et de minéralité, épuré en bouche avec une très longue finale épicée.  Digne successeur du 2007. 19,5/20 2013-2028 (13%, 4g/l SR, 6.3 g/l AT, 30hl/ha, récolte tardive de raisins sains)

Pinot Gris Grand Cru Muenchberg 2008 – André Ostertag (42€) : récolté très mûr et vinifié presque sec, c’est un vin très minéral de grande intensité. Le long élevage en barrique pour moitié neuve a apporté du gras à un vin ample et profond. Un vin de grande garde. 19/20 2012-2028 (8g/l SR)

Pinot Gris Grand Cru Hengst 2008 – Josmeyer (35€) : un vin ample  et profond au nez de fruits mûrs avec une pointe de vanille, très pur en bouche et légèrement moelleux avec une fine salinité en finale. 18.5/20 2012-2028

Pinot Gris Grand Cru Sommerberg Les Terrasses 2008 – Claude Weinzorn (15€) : un Sommerberg moelleux marqué par la mangue et l’abricot au nez, fin et acidulé en bouche avec une finale saline. La trame minérale combinée à un fruité pur et exotique donne un vin délicieux jeune qui sera parfait sur un dessert aux fruits. 18/20 2011-2018 (12%, 58 g/l SR, 8.26 g/l AT, 40hl/ha, récolte le 24.10.08 à 15.3% pot)

Altenberg de Bergheim 2008 – Marcel Deiss (58€) : un vin qui se présente jeune dans une simplicité évidente fruité et très mûre, mais dont la bouche possède déjà les attributs des très grands vins de terroir : ampleur, minéralité et profondeur sur un style demi-sec acidulé. Très Grand vin, de grande garde. 19.5/20 2013-2038 (12.1%, 79 g/l SR, 6g/l AT)

Gewurztraminer Grand Cru Mambourg Quintessence de Grains Nobles 2008 – Domaine Weinbach : robe jaune doré avec un bel éclat. Nez de pâte de fruits, d'écorce d'agrumes, toucher de bouche remarquable, citronné et dense, d'une grande pureté. Belle fraîcheur, très buvable. 20/20 (10.5%, 245 g/l SR, 6.9 g/l AT)

Découvrir le millésime en deux séries permet de se caler le palais sur une sélection de vins très aboutis, cette notion de maturité parfaite au niveau physiologique étant importante en 2008 pour avoir de grands vins. Après 2007, 2008 a également produit sont lot de grands vins, et il faudra goûter  les meilleurs 2009 pour savoir si nous sommes en présence d’une trilogie comparable à 1988-1989-1990.

Thierry Meyer

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