L'Oenothèque Alsace

Masterclass Alsace de l’été 2009

Masterclass Alsace 20 juin 2009
La masterclass d’été organisée en juin dernier selon la nouvelle formule a couvert trois thèmes principaux : les rosés, les rieslings de terroir du millésime 2007, et l’évolution des rieslings demi-secs et moelleux en fonction de leur âge. Une belle dégustation riche en vin, mais très digeste et peu fatigante pour les participants. La prochaine masterclass sera un événement prestigieux autour des grands vins de terroir du millésime 2007.

Thème 1 : les rosés

Retour sur  un thème d’actualité ce printemps. J'avais prévenu quelques participants qu'avant d'aller manifester à Paris ou de signer une quelconque pétition en faveur de la protection des vins de Table rosé authentique et sans coupage – car c'est de vin de Table que le projet de Loi parlait – , mieux valait d'abord en boire une bouteille pour se faire une idée du produit.  Surtout qu'en hypermarché ces bouteilles ne coûtaient pas très cher. L’occasion de servir un de ces vins à la vingtaine de dégustateurs présents était trop belle.

Contrairement à l'idée qu'un amateur de vin peut se faire d'un vin à 2€ le magnum ou 1.5€ la bouteille, il faut bien voir que ces producteurs ont tout compris du marketing grande-consommation et des attentes des clients de supermarché, ce qui est compréhensible compte tenu des importants volumes produits : les atouts d'un vin grand public sont un nez net et franc sur le fruit et une attaque ronde. Tout le reste n'est que littérature réservée aux experts.

On ne sera donc pas surpris de voir en ces deux cuvées de VdT de France, un Vivarray rosé en bouteille plastique de 1.5l et un Vieux papes rosé  fermé en capsule à vis. Deux vins technologiquement bien faits, dotés de nez francs à défaut d'être intenses, et ronds en attaque. C'est après que les choses se gâtent, c'est à dire lorsque le consommateur lambda a déjà tout oublié : milieu de bouche creux, finale aigrelette dont on finit par se réjouir de sa faible longueur (pour peu que 0 puisse exprimer une quelconque longueur !). Le rosé le moins cher, en bouteille plastique, ne titrait officiellement que 11 degrés sur l'étiquette, et après 2 heures de dégustation d'autres bons vins, il commençait même à piquer, une expression que je pensais révolue depuis les débuts de la sommellerie en France dans les années 50, lorsque les sommeliers portaient le tastevin autour du cou pour constamment vérifier que le vin qu'ils achetaient en tonneaux ne partait pas en piqûre acétique.

Vivarray Rosé de Table de France (magnum bouteille plastique) : discret mais net au nez, léger et fluet en bouche avec une attaque plaisante, manque cruellement de corps, de longueur, et d’intérêt, mais pas de défaut majeur apparent. A boire sans aération, bien frais. Bof
Avis des participants : Excellent-0 Très Bien-0 Bien-0 Bof-7 Beurk-13

Vieux Papes Rosé de Table de France (bouteille verre capsule à vis) : à peine moins léger que le premier, ce vin offre des nuances fruitées discrètes au nez, mais reste sans caractère en bouche. Sans défaut technique apparent, c’est un vin à boire pour étancher la soif si l’eau vient à manquer. Bof
Avis des participants : Excellent-0 Très Bien-0 Bien-0 Bof-14 Beurk-6

Après cette en bouche, sans vouloir relancer une quelconque guerre entre les régions, deux pinots noir rosés d’Alsace ont rappelé que la consommation locale se satisfait très bien de la production alsacienne, avec une différence principale : en Provence on recherche souvent la fraicheur dans le rosé, avec des acidités plus importantes que sur les blancs. En Alsace les vins blancs ont suffisamment de fraîcheur pour satisfaire le besoin des consommateurs estivaux, et le rosé peut prendre un caractère plus vineux, à la manière d’un Tavel ou d’un Bourgogne rosé. Le 2008 de la cave de Beblenheim conserve toutefois l’acidité du millésime, qui le rend très digeste. Un muscat 2008 servi pas la suite rappellera que les premiers vins du millésime 2008 en bouteilles sont parfaits pour l’été : aromatiques et acidulés, ils offrent le caractère désaltérant recherché lorsque le thermomètre grimpe.

Pinot Noir rosé 2008 – Cave de Beblenheim (4.1€) : net au nez avec un fruité acidulé très net qui rappelle la groseille, c’est un vin gourmand qui sera parfait sur les tables estivales.  13.5/20 2009-2012 (6 g/l SR)
Avis des participants : Excellent-0 Très Bien-0 Bien-14 Bof-5 Beurk-1

Pinot Noir rosé 2007 – Domaine de l'Oriel (7€) : rosé de robe soutenue, fruité avec un nez de cerise et de petits fruits, vineux et légèrement doux en bouche avec de légers tanins en finale. 14/20 2009-2012 (6 g/l SR)
Avis des participants : Excellent-0 Très Bien-3 Bien-14 Bof-3 Beurk-0

Muscat 2008 – Maurice Schoech (5.8€) : un muscat aromatique marqué par la fleur de sureau, la violette et le raisin frais, sec en bouche avec le croquant du grain de raisin. A boire sur sa fraîcheur, c’est un vin désaltérant parfait en été. 14/20  2009-2012
Avis des participants : Excellent-0 Très Bien-9 Bien-11 Bof-0 Beurk-0

Thème 2 : Les rieslings de terroir du millésime 2007

2007 a connu une belle arrière saison plutôt sèche, qui a limité le développement de la pourriture noble et permis aux rieslings des grands terroirs de mûrir longtemps sans que le botrytis ne fasse rapidement monter les degrés potentiels et force  la vendange rapide pour éviter de se retrouver avec des maturités en sucre dignes de VT ou SGN. Si les vins surmuris étaient particulièrement faciles à boire jeunes, comme en 2005 ou 2002 par exemple, les 2007 se montrent également déjà très agréables à boire jeunes, grâce à leur grande maturité physiologique qui les rend sapides. L’acidité mûre qui charpente de nombreuses cuvées permet aux vins les plus corsés de garder un équilibre d’une grande finesse.

La première paire de vins montre un Altenberg ample et un Schoenenbourg de toute beauté, même si le groupe préfère le premier vin pour son gras. Le Schoenenbourg est toutefois perçu comme très gastronomique.

Riesling Grand Cru Altenberg de Wolxheim 2007 – Clément Lissner (~12€) : encore jeune, c’est un vin ample, profond et très marqué par le terroir. L’acidité magnifique rend le vin déjà agréable, mais il est parti pour une longue garde. 17.5/20 2010-2027
Avis des participants : Excellent-1 Très Bien-12 Bien-6 Bof-1 Beurk-0

Riesling Grand Cru Schoenenbourg 2007 – Cave de Ribeauvillé (~14.5€) : un vin élégant au nez d’agrumes mûrs et de poivre, salin et minéral en bouche avec une jolie définition. Un Schoenenbourg élégant particulièrement réussi en 2007. 17/ 20 2012-2022
Avis des participants : Excellent-1 Très Bien-7 Bien-12 Bof-0 Beurk-0

La deuxième paire montre un Pfersigberg  très intéressant, d’autant plus qu’il a été servi à l’aveugle après avoir été transvasé dans une bouteille neutre, qui ne comporte pas le goulot boursoufflé qui signe les vins de la cave Wolfberger, donnant des préjugés négatifs aux plus aguerris des dégustateurs. Parmi tous les rieslings grands crus produits, le Pfersigberg a donné les plus beaux résultats en 2007. Le Kastelberg voisin détonne par son équilibre marqué par le moelleux et ses arômes typiques, c’est un vin qu’on aime beaucoup ou pas du tout.

Riesling Grand Cru Pfersigberg 2007 – Cave Wolfberger : Un Pfersigberg mûr au nez de fleurs blanches, sec et élégant en bouche avec une fine salinité. 15.5/20 2010-2022
Avis des participants : Excellent-1 Très Bien-5 Bien-14 Bof-0 Beurk-0

Riesling Grand Cru Kastelberg Vieilles Vignes 2007 – Guy Wach (15.1€) : la vigne de plus de 82 ans a produit un vin ample au nez épicé, profond en bouche avec du gras et un léger moelleux qui devra se fondre après quelques années de garde. Grand potentiel de bonification 17.5/20 2012-2027 (15g/l SR)
Avis des participants : Excellent-2 Très Bien-10 Bien-8 Bof-0 Beurk-0

Après ces deux premières paires, deux pirates ont été servis. Le sylvaner vieilles vignes 2007 cache derrière son prix ridiculement bas un vin de terroir issu d’une parcelle argilo-calcaire proche du Sonnenglanz, produit avec des rendements dignes d’un grand cru. Malgré la petite faiblesse en structure et les arômes qui surprennent ceux qui s’attendent à un riesling, le vin tient son rang au milieu de tous ces grands crus. Le vin est cependant éclipsé par le pinot blanc de Boxler, exemple magnifique de que peut donner ce cépage sur un millésime comme 2007 qui offre une cycle de maturation long sans botrytis. Le profil aromatique

Sylvaner Vieilles Vignes 2007 – Cave de Beblenheim (4.5€) : originaire d’une parcelle de plus de 30 ans sous le grand cru sonnenglanz, c’est un vin sec au nez floral, tendre en bouche avec de la pureté et une finale sur l’amande mûre. 14/20 2009-2013  (3g/l)
Avis des participants : Excellent-0 Très Bien-1 Bien-16 Bof-3 Beurk-0

Pinot Blanc B 2007 – Albert Boxler (11€) Produit à partir de pinots blancs sur le Kirchberg, au sein du grand cru Brand,  le vin est très marqué par le terroir avec un nez de fleurs blanches et de silex, puis riche et très salin en bouche avec une grande longueur. Un grand vin de terroir à la longue finale, grande réussite en 2007. 17/20 2009-2017
Avis des participants : Excellent-3 Très Bien-11 Bien-6 Bof-0 Beurk-0

La dernière paire de 2007 fera la part belle à la salinité, avec un riesling originaire du même lieu dit que le pinot blanc précédent, qui se montre plus compact mais également plus fermé. La comparaison avec le pinot blanc tourne à l’avantage du vin qui ne revendique pas l’AOC Alsace Grand Cru, et sur une consommation rapide son prix presque deux fois plus bas en fait une excellente affaire. Ce qui est intéressant c’est den constater que gusttivement les deux vins sont quasiment identiques. Le Fronholtz d’André Ostertag est affuté comme une lame de rasoir, non pas par une acidité malique forte mais par la précision de la salinité en bouche.

Riesling Grand Cru Brand K 2007 – Albert Boxler (~18€) Issu des parcelles sur le lieu-dit Kirchberg du grand cru Brand, c’est un vin au nez floral, riche en bouche avec une pointe fumée en finale. Encore fermé, c’est un vin qui méritera d’être conservé. 17.5/20 2012-2027 (4 g/l)
Avis des participants : Excellent-1 Très Bien-6 Bien-13 Bof-0 Beurk-0

Riesling Fronholtz 2007 – André Ostertag (~18€) : un riesling intense au nez d’agrumes frais, dense en bouche avec du gras et des amers nobles en finale. L’acidité est très présente et renforce la salinité du vin. Superbe. 17/20 2010-2022
Avis des participants : Excellent-3 Très Bien-6 Bien-11 Bof-0 Beurk-0

Pour finir la thématique et aborder la suivante, nous terminons avec deux rieslings de 2005 pour sentir le contraste avec le millésime 2007. Les notes fumées et miellées sont plus présentes, signe de la surmaturité du millésime, et le vin perd son caractère printanier qui signe les jeunes rieslings pour gagner en complexité. Superbe Altenberg de Wolxheim qui démontre une nouvelle fois le grand potentiel de ce terroir, en particulier sur une bouteille achetée au supermarché à Strasbourg. Quant au Kirchberg de Barr, cela devient difficile de reconnaître le cépage tant le vin est marqué par le terroir. Les deux vins étaient marqués par une très légère douceur qui a fini par se fondre après quatre années de garde.

Riesling Grand Cru Altenberg de Wolxheim 2005 – Cave du Roi Dagobert (9.75€) : un vin assez profond, avec du minéral, des fleurs blanches au nez, très classique avec une légère douceur qui a fini par se fondre. Un beau terroir mis en avant par un beau millésime. 15.5/20 2009-2015
Avis des participants : Excellent-2 Très Bien-12 Bien-6 Bof-0 Beurk-0

Riesling Grand Cru Kirchberg de Barr 2005 – Hering (~12€) : le vin est encore jeune avec un nez de fleurs blanches très net, mais la pureté et la profondeur en bouche signent déjà un grand vin de terroir, avec du gras et de la densité. La finale est longue. 16/20 2009-2020
Avis des participants : Excellent-3 Très Bien-16 Bien-1 Bof-0 Beurk-0

Thème 3 : Rieslings demi-sec ou moelleux et apogée

Les vins de terroir ont leur apogée, ou plutôt traversent plusieurs périodes de leur plateau de maturité. Ainsi, les rieslings de surmaturité passent par un stade jeune ou ils regorgent d’agrumes confits, d’abricot, et d’équilibre moelleux et acidulés qui en font des vins délicieux à boire à l’apéritif ou sur un dessert aux agrumes. Beaucoup plus vieux, ils prennent la patine du temps et développement des arômes complexes qui associent le miel à la cire, à l’encaustique, aux fleurs séchées et aux notes minérales. Entre ces deux états, le passage d’une catégorie à l’autre se fait au bout de quelques années, période de transition plus ou moins longue comme les trois vins dégustés le montrent. C’est intéressant de comprendre comment les vins encavés vont évoluer, et de les déguster régulièrement pour comprendre vers quel usage gastronomique les diriger.

Riesling Grand Cru Sommerberg Cuvée Arnaud 2004 – Domaine de l'Oriel (20€) : produit les meilleures années avec les plus vieilles vignes du Sommerberg, le vin est riche avec une palette aromatique complexe sur les agrumes confits, très salin en bouche avec un léger moelleux et une acidité fine. Un vin remarquable de finesse et de précision, qui arrive à maturité. 17/20 2009-2019
Avis des participants : Excellent-1 Très Bien-12 Bien-7 Bof-0 Beurk-0

Riesling Grand Cru Mambourg Vendanges Tardives 1997 – Marc Tempé : autre registre avec ce vin de réclte tardive issu d’un terroir lourd riche en argile et en fer. Le nez est délicieusement complexe, avec des fleurs séchées, du pétrole, du miel d’acacia, une note de truffe blanche qui exprime toute le complexité du cru. La bouche est profonde, avec une énorme matière, du gras et une texture riche qui reste soyeuse. L’équilibre se présente demi-sec, et le vin se présente très gastronomique. Ris de veau, cote de veau, volaille, quenelles de brochet, bouchées à la reine, tout y passera sans que le vin bronche. Très loin des agrumes confits du précédent, mais quelle race ! Excellent
Avis des participants : Excellent-2 Très Bien-13 Bien-5 Bof-0 Beurk-0

Riesling Sélection de Grains Nobles 1995 – Hugel et Fils : La robe est dorée, vieil or. Le nez est parfumé, avec du citron confit, du pamplemousse, de l’abricot, du miel et des notes fumées, gagnant en complexité à l’aération. La bouche est moelleuse (88g/l de SR), acidulée, très pure, avec beaucoup de finesse qui le rend très digeste. La fin de bouche est très longue sur des notes de pamplemousse sucré qui rappellent l’amertume du terroir. Très bon à boire après 14 ans de garde, le sucre des agrumes confits commence à se dissiper et l’équilibre gagne en fondu. Les arômes sont encore jeunes, et si le vin est aujourd’hui à un tournant, il aura encore de belles années devant lui. Arrivera-t-il dans 20 ans au niveau de perfection du fameux Riesling SGN 1976 ? Excellent
Avis des participants : Excellent-11 Très Bien-6 Bien-3 Bof-0 Beurk-0

Thierry Meyer

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