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Les coups de coeur Alsace de l’automne 2008

6 décembre 2008
La dernière session de la saison était entièrement consacrée aux blancs, avec une sélection de 18 vins dégustés par paire, qui allaient permettre de se poser une dernière fois avant les fêtes la question essentielle : qu’est-ce qu’un coup de cœur ? Chaque paire de vin a été goûté à l’aveugle, et les notations ont été données sans connaître l’appellation ou le prix de chaque vin. Les styles variés des cuvées ont fait apparaître des différences d’appréciation entre les participants, au point de se demander si les vins qu’on apprécie le plus seront forcément les vins qui plairont à la majorité des convives des tables des réveillons de fin d’année.  Lire le compte rendu détaillé avec les appréciations des 13 participants.

Deux crémants pour débuter

Le crémant est une affaire de style, et entre l’équilibre frais et floral typique des cuvées d’auxerrois, et une cuvée plus vineuse produite à partir de pinot noir et de chardonnay conservés longtemps sur latte, chacun trouve son compte. A noter que les grandes cuvées de crémant se caractérisent par un élevage long sur latte, qui les rapproche souvent des champagne : autre similitude, leur le prix a tendance à se rapprocher de la région voisine également !

Crémant d'Alsace – Damien Kelhetter (6.9€) : Issu de pinot auxerrois du millésime 2005, le vin est toasté au nez, structuré et dense en bouche avec de la fraîcheur. 14/20
Avis des participants : Excellent-0 Très Bien-0 Bien-11 Bof-2 Beurk-0

Crémant d'Alsace cuvée Paradoxe Extra Brut 2005 – Jean-Claude Buecher (13€) : Assemblage de chardonnay du Rotenberg et de Pinots Noir des granits de Walbach, voilà une nouvelle cuvée très prometteuse dont il faudra suivre les dégorgements successifs. Sur la version dégorgée en septembre 2008, le nez est mûr avec des arômes de fruits à chair blanche et de fruits rouges, la matière est dense en bouche avec une mousse compacte et de la vinosité.  Malgré l’absence de dosage, le crémant se boit facilement car il possède du gras. 15.5/20
Avis des participants : Excellent-0 Très Bien-4 Bien-6 Bof-3 Beurk-0

Deux 2007 pour déterminer son style de prédilection

La comparaison entre deux vins de style opposés était une belle occasion de comprendre ses préférences. Le vin de Loew est très typique du style alsacien, aromatique, acidulé et gourmand en bouche avec une pointe de rondeur qui équilibre la fraîcheur. L’ensemble a du relief et se montre très gouleyant. Le chasselas de Paul Blanck est une sorte antithèse, discret au nez et plus léger en bouche avec un équilibre marqué par la finesse et la salinité. Les amateurs de l’un aiment généralement moins l’autre. Dégustant les vins de Savoie pour le Guide Bettane&Desseauve, je trouve que les trois grands chasselas alsaciens (Blanck, Kientzler, Schoffit) ont produit de superbes cuvées en 2007 qui n’on rien à envier aux meilleurs vins des rives du Lac Léman.

Chasselas 2007 – Paul Blanck (environ 6€) : un nez floral très ouvert, une bouche souple et saline avec de la chair, le vin est gourmand et très pur avec des fruits mûrs en finale. Un vin savoureux à boire. 14.5/20 2009-2012
Avis des participants : Excellent-0 Très Bien-1 Bien-4 Bof-8 Beurk-0

Alsace 2007 – Domaine Loew (6.5€) : Assemblage de muscat en majorité puis de riesling, pinot gris et gewurztraminer, le vin est muscaté au nez, puis riche et frais malgré un léger moelleux. L'ensemble se goûte quasiment sec et fera un parfait vin d'apéritif. 14/20 2008-2012
Avis des participants : Excellent-0 Très Bien-5 Bien-4 Bof-3 Beurk-1

Deux pinots gris 2007 (presque) secs

Le cépage pinot gris a produit des vins particulièrement réussis en 2007 pour peu que les vins aient été élevés sur lies. L’absence de botrytis a conservé des nez très purs,  et l’acidité élevée proche de certaines rieslings permet d’avoir des équilibres quasi secs même avec une pointe de sucre résiduel. J’avais un peu peur de comparer le vin de Mélanie Pfister à celui de Guy Wach car ce dernier était légèrement plus doux, mais au final l’équilibre du premier a tout autant charmé l’audience, peut-être car les vins ont été goûtés sans connaître le millésime. Pinot gris 2007, une piste à suivre pour trouver de grands vins de gastronomie.

Pinot Gris Tradition 2007 – Domaine Pfister (8.4€) : un pinot gris sec très droit, floral au nez avec une touche de coing et de froment, dense en bouche avec de la salinité. Originaire de vignes sur les terrains marneux de Furdenheim. 15/20 2010-2017 (7 g/l SR)
Avis des participants : Excellent-1 Très Bien-6 Bien-5 Bof-1 Beurk-0

Pinot Gris Duttenberg 2007 – Guy Wach (8€) : le vin issu de la vieille parcelle située sur la face opposée du Grand Cru Moenchberg a été élevé et mis en bouteille séparément en 2007, produisant un vin dense de caractère sec, ample et gras avec une légère douceur en finale. A garder quelques années pour en faire un grand vin de gastronomie. 15/20 2010-2017 (12 g/l SR)
Avis des participants : Excellent-1 Très Bien-5 Bien-6 Bof-1 Beurk-0

Trois rieslings de terroirs granitiques 2007

Trois vins dans cette « paire », et une expression magnifique de la finesse des terroirs granitiques. Entrée en matière avec un assez discret Grand Cru Kaefferkopf, 2007 étant la première année où ce terroir accède à l’AOC Alsace Grand Cru. Le vin est assez facile à boire jeune, les lentilles d’argiles du terroir apportant surement du gras. Le Rittersberg est un vin beaucoup plus tendu, d’une grande finesse avec une définition de la salinité en bouche remarquable. Du travail d’orfèvre réalisé par Jean-Paul Schmitt qui signe là un grand millésime. Pour mettre tout le monde d’accord, la cuvée Sainte Catherine, issue de la partie basse du Schlossberg dont une majorité en appelaltion Grand Cru, impressionne par sa concentration et sa minéralité. 2007 nous réserve décidément de très beaux moments.

Riesling Grand Cru Kaefferkopf 2007 – Klee Frères (8€) : Un riesling puissant au nez ouvert marqué par les fruits à chair blanche et les fleurs printanières, ample en bouche avec une belle fraîcheur. Concentré et minéral avec du gras, c'est un vin de caractère qui évoluera bien. Superbe rapport Qualité Prix 15.5/20 2009-2017
Avis des participants : Excellent-0 Très Bien-6 Bien-5 Bof-2 Beurk-0

Riesling Rittersberg Réserve Personnelle 2007 – Jean-Paul Schmitt (12.9€): la cuvée réserve est produite avec des vignes de plus de 60 ans : un nez discret sur le poivre blanc et les fruits à chair blanche laisse place à une bouche dense, saline et de bonne tension avec des arômes de fruits acidulés. Une belle minéralité pour ce vin à la longue finale. 16/20 2009-2017
Avis des participants : Excellent-2 Très Bien-9 Bien-2 Bof-0 Beurk-0

Riesling Cuvée Sainte Catherine 2007 – Domaine Weinbach (environ 28€): Issu en grande partie de la partie basse du Schlossberg, c’est un vin riche au nez de fruits frais et de fleurs avec une pointe fumée, dense et gras en bouche avec une acidité mûre intense, une forte salinité et une pointe d’alcool en finale. 17/20 2010-2020
Avis des participants : Excellent-5 Très Bien-5 Bien-3 Bof-0 Beurk-0

Deux rieslings demi-secs sur terrain granitique

Après les 2007, l’occasion était trop bonne de montrer deux équilibres magistraux dans un registre demi-sec, produit par un Claude Weinzorn en très grande forme. Le Brand est originaire d’une parcelle de vieilles vignes idéalement située au cœur du cru, tout comme le Sommerberg récolté à maturité de vendange tardive. A ce stade, le Brand impressionne beaucoup plus par sa minéralité qui rend l’équilibre presque sec, le Sommerberg étant encore très riches. Dans les deux cas,  la pureté aromatique et gustative de ces deux vins les place parmi les plus grands rieslings demi-sec du millésime.

Riesling Grand Cru Brand 2006 – Domaine de l'Oriel (environ 15€): récolté en surmaturité, le vin offre un nez d’écorce d’agrumes et de fumée, une bouche légèrement moelleuse avec une grande sapidité. Une grande réussite pour un vin demi-sec de toute beauté. 17/20 2009-2026 (26 g/l SR)
Avis des participants : Excellent-3 Très Bien-10 Bien-0 Bof-0 Beurk-0

Riesling Grand Cru Sommerberg Cuvée Arnaud 2006 – Domaine de l'Oriel (env 20€): produit les meilleures années avec les plus vieilles vignes du Sommerberg, le vin a été récolté à maturité de vendange tardive, avec un nez miellé aux notes d’agrumes et une bouche très saline, ample avec une moelleux très fondu. La finale est longue sur la pêche mûre. Une très grande réussite 18/20 2010-2026 (11.4% alc., 49 g/l SR)
Avis des participants : Excellent-2 Très Bien-4 Bien-7 Bof-0 Beurk-0

Retour sur les terroirs calcaires en quatre vins

Après tous ces vins de granit, le retour ers des sols plus calcaires permet de retrouver une certaine profondeur et de l’ampleur dans un style de vin différent. Le pinot gris d’Hervé Gaschy est remarquable de pureté et montre un beau travail d’élevage, tout comme les deux Pfersigberg 2005 de Christian Beyer, à l’acidité typique du cru bien prononcée. Le Sporen, puissant et profond, se démarque par un style moins consensuel.

Pinot Gris Grand Cru Hengst 2006 – Paul Gaschy (10.5€): Un beau pinot gris d’équilibre demi-sec, récolté sans surmaturité, à la bouche profonde, ample et d’une grande pureté. Un vin de gastronomie à prix très sage. 16/20 2008-2016
Avis des participants : Excellent-1 Très Bien-9 Bien-3 Bof-0 Beurk-0

Riesling Grand Cru Pfersigberg 2005 – Emile Beyer (12.5€) : un grand riesling de terroir au nez de fleurs blanches et de fumée, sec et droit en bouche avec une fine minéralité. La fin de bouche est longue et plus sèche. 16.5/20 2008-2020
Avis des participants : Excellent-5 Très Bien-5 Bien-3 Bof-0 Beurk-0

Gewurztraminer Grand Cru Pfersigberg 2005 – Emile Beyer (13€): un vin surmuri à l’équilibre légèrement moelleux, profond et puissant en bouche avec une longue finale sur de beaux amers. 16/20 2008-2020
Avis des participants : Excellent-5 Très Bien-8 Bien-0 Bof-0 Beurk-0

Gewurztraminer Grand Cru Sporen 2006 – Domaine Trapet (40€): Le vin se montre moelleux avec une bonne pureté, évoluant sur des notes fumées et des fruits exotiques. Remarquable de profondeur. 16.5/20 2009-2021
Avis des participants : Excellent-2 Très Bien-8 Bien-3 Bof-0 Beurk-0

VT et SGN pour terminer

L’excellence des vins botrytisées du millésime 2005 a été démontrée durant toute cette année, avec une sélection de cuvées remarquables. Je ne comprends pas  pourquoi certaines guides des vins continuent d’affirmer que 2005 est une bonne année sans plus en Alsace, que ce soit pour les vins secs ou moelleux. A ce petit jeu, le premier vin vient nous rappeler que les VT produites sur des grands crus peuvent déjà jeunes porter la patte de leur terroir d’origine. Le Hengst n’est pas masqué par le moelleux, et c’est un vin de garde et de terroir qu’il faut encaver plutôt que de boire l’année prochaine sur un dessert. Le Gewurztraminer SGN aurait besoin d’une garde similaire pour s’exprimer, mais il possède un enrobage moelleux tellement puissant et élégant et une acidité typique du Pfersigberg qu’il se boit magnifiquement bien. On pourrait disserter pendant des heures, photos et témoignages à l’appui, sur les qualités très variées de la pourriture noble. Sur cette cuvée, force est de constater que le botrytis est très noble, avec une unanimité que seuls les très grands vins savent recueillir. Le riesling SGN, pourtant lauréat doré du concours des rieslings du monde, montre ses limites après un tel gewurztraminer, et rappellera que certaines sélections de grains nobles s’apprécient sans complexe jeunes.

Gewurztraminer Grand Cru Hengst Vendanges Tardives 2005 – Paul Buecher (21€) : la puissance du Hengst s’est livrée dans cette vendange tardive au nez de pralin et de fruits confits, à la bouche moelleuse, ample et d’une grande profondeur. Superbe expression du terroir et grande vendange tardive au potentiel de garde important. 17/20 2009-2020
Avis des participants : Excellent-8 Très Bien-4 Bien-1 Bof-0 Beurk-0

Gewurztraminer Grand Cru Pfersigberg Sélection de Grains Nobles 2005 – Jean-Louis et Fabienne Mann (30€ en 50cl) : Le nez sur les agrumes confits est très élégant, la bouche liquoreuse est très profonde avec une note de pralin dans la longue finale. Un vin remarquable de pureté et de précision. 17.5/20 2010-2025
Avis des participants : Excellent-13 Très Bien-0 Bien-0 Bof-0 Beurk-0

Riesling Sélection de Grains Nobles 2002 – Frey-Sohler (39.3€ en 75cl) : Riesling de grande concentration, aux arômes d’agrumes confits, qui possède beaucoup de pureté en bouche avec une finale longue sur le pamplemousse rose. A boire jeune pour apprécier son fruité caractéristique. 15/20 2008-2012
Avis des participants : Excellent-0 Très Bien-2 Bien-10 Bof-1 Beurk-0

Après ce magnifique tour d’horizon des vins d’Alsace, l’impression d’ensemble fait apparaître quelques stars de la dégustation. Le pinot gris 2007 de Pfister, le riesling Sainte Catherine 2007 de Weinbach, le Riesling Brand 2006 de Weinzorn ou le gewurztraminer Pfersigberg SGN 2005 de Mann ont su capturer l’attention du groupe pendant un instant, et c’est cette impression de longue durée qui marque le coup de cœur. Si derrière chaque grand vin il y a un bon terroir, notons cette fois encore que le talent du vigneron/vinificateur fait la différence et permet d’atteindre les sommets, cette catégorie ultime où les vins frôlent le temps d’une dégustation  la perfection. Rappelons à ce titre qu’au niveau de prix où ces Alsace sont proposés, on est sur un rapport prix/plaisir tout à fait exceptionnel.

Thierry Meyer

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