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Dîner autour de vieux millésimes d’Alsace

28 octobre 2006 – Taverne Alsacienne : à la veille de la vente aux enchères de la Confrérie Saint-Etienne qui a connu un succès mémorable, le dîner a permis de déguster un échantillon de quelques vins anciens issus de l’Oenothèque de la Confrérie Saint-Etienne. De 1987 à 1966, les 11 vins se sont montrés remarquables de jeunesse et ont créé la surprise en se mariant très bien avec les plats.

Si la dégustation de vieux millésimes tient parfois plus de l’exercice intellectuel que du plaisir des sens, le propre des grands vins anciens est de présenter des qualités organoleptiques irréprochables. Certaines robes terne et ambrées évoquent souvent  une oxydation prématurée, que des arômes de pomme blette, de cire voire de vinaigre viennent confirmer. La qualité du bouchage et du stockage est à mettre en cause dans ce cas bien plus que la faible capacité du vin à vieillir harmonieusement. Le dîner allait permettre de passer en revue quelques vins âgés de bonne tenue, en se concentrant sur les qualités de chaque flacon.

Sur les amuses-bouche

Un assortiment d’amuses bouche va nous permettre de faire connaissance avec le monde des vins âgés, et de comparer deux muscats.

Sylvaner Réserve de la Confrérie 1966 : pour mettre les esprits au clair, cette première bouteille servie à l’aveugle va en étonner plus d’un. La robe est jaune doré, clair et brillante. Le nez est frais, de bonne intensité, avec des notes épicées. La bouche est fraîche, jeune et de bonne densité, avec une bonne acidité et une bonne longueur. La fin de bouche prend des arômes d’amande et de fleur séchées. Un vin qui parait très jeune, le groupe lui donne 15 ans maximum. Dans les années 60, le vignoble ne s’était pas encore beaucoup étendu en plaine et le sylvaner était le cépage majoritairement planté. Probablement originaire d’un beau coteau, ce vin a été parfaitement conservé. A 40 ans dans un millésime de grande maturité, c’est un vin qui se tiendra encore de nombreuses années. Très Bien
Avis du Groupe : Excellent-3 Très Bien-4 Bien-4 Bof-0 Beurk-1 : Des avis positifs à part un, pour ce vin qui va mettre à mal nombre de préjugés.

Muscat Réserve Personnelle 1987 – Kuentz-Bas (Husseren les Châteaux) : Le premier muscat est issu du grand cru Pfersigberg. La robe de nuance or blanc prend des reflets argentés. Le nez est très intense, avec des arômes de buis, de silex et de bourgeon de cassis qui rappellent un jeune sauvignon. L’aération va faire apparaître des notes florales élégantes. La bouche est fraîche, légèrement acidulée en, attaque, puis dense et sèche avec une bonne densité. Une telle fraîcheur sur un muscat de 20 ans étonne. Le muscat étant récolté tôt, la marque du millésime est souvent différente que pour les autres cépages. En outre, comme c’est un cépage délicat, les vendanges sont souvent triées avec plus de soin. Les cuvées Sigillées sont magnifiques au vieillissement. Très Bien
Avis du Groupe : Excellent-2 Très Bien-4 Bien-6 Bof-0 Beurk-0 : la cuvée impressionne vraiment, surtout qu’après un 1966 elle parait encore plus jeune

Muscat N°II 1969 – Louis Sipp (Ribeauvillé): La robe est jaune de nuance vieil or, claire et brillante. Le nez est mûr et frais à la fois, avec des senteurs de feuille de tabac, d’épices et de pralin. La bouche est dense, sèche et grasse avec une belle acidité mûre. La finale est très longue associant un peu d’amertume minérale à une touche épicée. Une belle bouteille qui semble plus fatiguée que celle dégustée il y a deux ans. Elle décline un peu. Très Bien
Avis du Groupe : Excellent-1 Très Bien-6 Bien-3 Bof-2 Beurk-0 : dur de passer après le tonique 1987, néanmoins les 18 ans d’âge en plus paraissent peu prononcés.

Le début du dîner nous aura ouvert l’appétit avec des vins anciens de toute beauté.

En entrée, Fleischschnaka de Volaille aux Epices Tandoori

Le premier plat va nous permettre de découvrir deux pinots blancs secs de toute beauté.  Le gras de la volaille et de la pâte ira chercher la texture du cépage, alors que les épices seront parfaites sur les vieux millésimes.

Pinot Blanc 1988 – Paul Blanck (Kientzheim): la robe est jaune dorée, très pure avec un bel éclat. Le nez est parfumé, délicat, avec des notes de thé vert, de fruits secs et un toasté discret qui rappellent un bourgogne 1988. La bouche est sèche, concentrée avec une acidité fine, finissant sur une légère amertume. La finesse du millésime 1988 avec la précision d’une cuvée 100% auxerrois, on obtient une cuvée à parfaite maturité, parfaite à table. Bluffant sur les épices tandoori. Très Bien
Avis du Groupe : Excellent-3 Très Bien-6 Bien-3 Bof-0 Beurk-0 : Le style sec et peu évolué plait beaucoup

Pinot Blanc 1981 – Josmeyer (Wintzenheim) : La robe est or pâle avec des reflets verts. Le nez est discret, fumé et grillé avec une légère réduction. La bouche est grasse en attaque, dense avec une bonne concentration et une acidité fondue, possédant un bon équilibre. La finale est fruitée avec une légère amertume, de bonne longueur. Un vin à l’équilibre superbe, possédant encore de la chair. Très Bien
Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-6 Bien-5 Bof-1 Beurk-0 : le coté initialement réduit du vin a donné une sensation moins plaisant initialement, pourtant le vin est plus concentré et plus mûr encore que le précédent.

Filet de barbue rôti, Risotto aux Champignon des Bois

L’expérience du riesling 74 montrera que lorsqu’un vin est abîmé, il n’y a plus rien à faire. Les deux rieslings 1976 de Zind-Humbrecht vont monter deux profils de vins différents après 30 ans de vieillissement, mais tous les deux vont se marier à la perfection avec le plat. Le Réserve ira peut-être plus chercher les champignons alors que le Grand Cru sera magnifique sur la chair du poisson.

Riesling Kaefferkopf 1974 – Sick-Dreyer (Ammerschwihr) : les deux bouteilles testées sont oxydées, passées. La robe jaune or foncée et les nez oxydées ne permettent pas de faire grand-chose pour sauver ces flacons. Le magnifique flacon dégusté il y a deux ans faisait partie d’un autre lot apparemment.
 
Riesling Grand Cru 1976 – Zind-Humbrecht (Turckheim) : La robe est jaune doré, dense et très brillante. Le premier nez est un peu poussiéreux, évoluant rapidement à l’aération sur un registre plus franc avec des arômes de citron vert, d’écorce d’agrume, de noisette et de pétrole. La bouche est vive en attaque, sèche et dense, évoluant sur une belle minéralité. La finale est courte, sèche avec des arômes d’écorce d’agrumes et d’herbe séchée. Il s’agit du premier vin produit à partir du Clos Häuserer planté en 1972, dans le bas du Grand Cru Hengst. Un vin très structuré qui a déjà atteint un bon niveau de vieillissement. A boire dans les 5-10 ans. Très Bien
Avis du Groupe : Excellent-1 Très Bien-6 Bien-1 Bof-2 Beurk-1 : des appréciations variables en fonction du goût des dégustateurs pour les vieux rieslings

Riesling Réserve « Grand Cru » 1976 – Zind-Humbrecht : La version Réserve correspond à l’actuel Riesling Gueberschwihr, la mention grand cru étant apposée après dégustation aux meilleurs vins de la cave. Le nez est discret, sur des arômes d’agrumes dont le pamplemousse, évoluant à l’aération sur un registre plus floral. L’attaque en bouche est fine avec une belle acidité, puis le vin pend du gras Apparemment les vignes de Gueberschwihr ont moins souffert de stress que celles du Herrenweg, mais le vin reste quand même délicat avec moins d’ampleur que le précédent.
Avis du Groupe : Excellent-1 Très Bien-6 Bien-3 Bof-1 Beurk-0 : des appréciations variables en fonction du goût des dégustateurs pour les vieux rieslings

Assortiment de fromages

L’assiette de fromage va permettre de jouer avec deux vins aux profils différents, mais difficile de résumer tous les accords réalisés avec la feuillette de Bourgogne, la tête de Moine, le Beaufort, le Munster fermier ou le Stilton anglais. Mais l’exercice est passionnant, et un plateau de fromage pourrait se révéler être le meilleur moyen d’apprécier un vieux flacon.

Gewurztraminer Sélection 1969 – Cave Vinicole d’Eguisheim (Wolfberger) : La robe est jeune doré intense, encore très claire. Le nez est net, floral avec des arômes de miel, d’épices et de pin avec quelques notes discrètes d’évolution. La bouche est grasse et moyennement moelleuse avec un coté épicée qui se développe progressivement. Le vin se montre aérien avec une fin de bouche est assez courte, sur des épices douces. Le vin a encore une superbe tenue mais se montre moins avenant que l’an dernier. Bien
Avis du Groupe : Excellent-4 Très Bien-4 Bien-2 Bof-0 Beurk-0 : le vin fait une grosse impression à cause de son coté fondu, et du plaisir qu’il apporte sur les fromages.

Gewurztraminer 1968 – Paul Ginglinger (Eguisheim) : la robe est jaune dorée très intense avec des reflets ambre. Le nez est de bonne intensité, complexe et fondu avec des arômes de raisin sec et de miel. Le nez gagne en netteté et en intensité après aération de quelques minutes, avec des arômes d’abricot sec. La bouche est souple à l’attaque, puis très pure avec une acidité présente combinée à une matière bien concentrée, donnant un équilibre aérien qui laisse apparaître des arômes de miel et de fleurs séchées. Il y a peut-être du sucre dans ce vin, mais il est tellement fondu qu’on ne le sent pas. La fin de bouche est nette, légèrement amère avec une pointe d’alcool, et possède une longue persistance sur des notes plus évoluées de feuilles de tabac et d’encaustique. Un vin bien né dans un millésime très difficile, qui 38 ans plus tard se retrouve porté par son fruit et sa minéralité. Un très beau flacon dans l’absolu, et un miracle pour le millésime. Très Bien
Avis du Groupe : Excellent-1 Très Bien-4 Bien-1 Bof-2 Beurk-0 : un vin de bouche plus que de nez, moins consensuel que le précédent

Gewurztraminer Cuvée des Comtes d’Eguisheim 1971 – Léon Beyer (Eguisheim) : La robe est de nuance vieil or, avec des reflets ambrés. Le nez est très mur et légèrement évolué, avec un festival complexe de rose fanée, de raisin sec, de pralin, d’abricot sec, mais aussi une touche alcooleuse qui évoque l’eau de vie de framboise. On retrouve ce coté alcooleux en bouche, la densité du vin et son caractère sec mettent en avant ce caractère eau de vie qui gène un peu. La finale est fruitée avec des arômes de pêche et de caramel.  Un vin qui aurait gagné à fermenter moins longtemps et à conserver plus de sucre résiduel. Bien
Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-1 Bien-5 Bof-1 Beurk-1 : après les deux précédents gewurztraminers le consensus est plus grand sur ce vin.

Figues Rôties, Sorbet Citron

Pour finir un tel dîner il est important de remonter à la surface avec un millésime plus jeune. Un 1986 qui va paraître bien jeune à coté des vins des années 60 et 70 bus jusqu’ici.

Tokay Pinot Gris Réserve Personnelle 1986 – Hugel et Fils (Riquewihr) : la robe est jaune doré, très claire et brillante. Le nez est mûr et frais avec des arômes de fruits exotiques, de fruits secs et de sous bois, mais semble un peu fatigué. A cause d’un bouchon moyen ? L’attaque en bouche est ample, puis le vin se montre sec, fruité et encore jeune avec des notes acidulées qui rappellent la quetsche. Un vin acidulé encore très jeune, qui termine sur une légère amertume, confirmant peut-être un bouchon plus très étanche. A regoûter. Bien
Avis du Groupe : Excellent-1 Très Bien-1 Bien-1 Bof-2 Beurk-0 : les avis sont très variés chez les participants qui ont encore la force de prendre des notes de dégustation…

Un dîner très intéressant, qui a mis en valeur des vins souvent encore en pleine forme. Il n’y a pas de grande région viticole sans vieux millésimes, et l’Oenothèque de la Confrérie Saint-Etienne est une richesse énorme du patrimoine alsacien. Puisent de tels dîner avoir peu plus souvent auprès d’un public plus large, pour remettre les vins d’Alsace à une place qu’ils n’ont jamais perdue auprès des grands vins blancs du monde.

Thierry Meyer

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