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Alsace, Gastronomie et Sucres Résiduels : une approche par l’exemple

3-Mai-2003, Restaurant la Taverne Alsacienne


Suite à la discussion sur les sucres résiduels et les vins d’Alsace, j’ai organisé une petite virée en Alsace avec une quinzaine d’amis, autour d’un dîner le samedi soir. Le pont du 1er Mai était propice à quelques visites supplémentaires, et plutôt que de visiter une cave et de goûter 30 vins samedi après-midi, nous avons visité quelques parcelles au soleil en profitant des paysages magnifiques du vignoble Alsacien en mai.



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Apéritif
Sylvaner Zellenberg 1999 – Marc Tempé
Sylvaner Grand Cru Rangen 1999 – Zind-Humbrecht
Sua Sponte 2000 – Elian Da Ros.


Petite cassolette d’Escargots à l’Ail des Ours
Auxerrois Ho Vieilles Vignes 2000 – Josmeyer
Auxerrois Vieilles Vignes 1999 – Marc Tempé


Interlude
Muscat  Moenchreben 1991 – Rolly-Gassmann
Muscat 1983 – Albert Boxler


Fricassée d’Asperges d’Alsace, Emulsion de Ciboulette
Muscat 2000 – Rolly-Gassmann
Muscat Moenchreben 2000 – Rolly-Gassmann


Rouget Barbet à la Tapenade d’Olives – Beurre de Tokay
Pinot Gris Réserve Personnelle 1998 – Trimbach
Pinot Gris Sainte Catherine 2001 – Domaine Weinbach
Pinot Gris GC Brand 1994 – Albert Boxler


Blanc de Saint-Pierre saisi à la plancha à l’aigre doux
Riesling Cuvée Frédéric-Emile 1995 – Trimbach
Riesling GC Muenchberg Vendanges Tardives 1995 – André Ostertag


Sandre braisé, Choucroute crue et arômes de Lard
Riesling GC Rangen 1993 – Zind-Humbrecht
Riesling GC Kanzlerberg 1990 – Gutave Lorentz
Riesling Tradition 1989 – Hugel et Fils


Sélection de Fromages
Gewurztraminer Roedelsberg 2000 – Marc Tempé
Gewurztraminer Cuvée des Seigneurs – Ribeaupierre 1985 – Trimbach
Gewurztraminer les Archenets 1988 – Josmeyer
Gewurztraminer GC Brand 1988 – Albert Boxler


Interlude
Meursault 1er Cru Gouttes d’Or 1992 – Domaine Buisson-Charles


Soupe d’Ananas et Fraises, sorbet Rhubarbe à la Verveine et balsamique vieux
Gewurztraminer Vendanges Tardives 1990 – Domaine Weinbach
Gewurztraminer GC Hatschbourg Sélection de Grains Nobles 1988 – Cattin
Gewurztraminer Vendanges Tardives 1983 – Gustave Lorentz


En fin de repas
Gewurztraminer Sélection – Grains Nobles 2000 – Albert Boxler
Riesling GC Sommerberg Vin de Glace 1996 – Albert Boxler


1.     Dégustations dans les vignes 


Le temps magnifique était propice à une visite dans le vignoble autour de Colmar. Le thème était les terroirs granitiques autour de Colmar. Un premier arrêt dans le Grand Cru Schlossberg à Kaysersberg a permis de goûter une sélection de rieslings du domaine Weinbach. EN continuant sur le Wineck-Schlossberg à Katzenthal  nous en avons profité pour découvrir les vins du domaine Vincent Spannagel. Enfin, le Collet du Brand offrait une vue magnifique et a permis de goûter des vins de la cave de Turckheim et un riesling de Zind-Humbrecht.


Riesling Grand Cru Schlossberg Cuvée Sainte-Catherine 2001 – Domaine Weinbach : Le nez est très floral et marqué par des fruits blancs. La bouche est ample et souple, sans que l’acidité soit très perceptible. L’ensemble est dense et sec sans être vif, encore très jeune.


Riesling Grand Cru Schlossberg Cuvée Sainte-Catherine 2000 – Domaine Weinbach : Le nez est un peu plus discret que le précédent, mais propose pus de netteté avec des arômes de miel, de chèvrefeuille et de raisin frais. La bouche est sèche et très dense, tout en gardant beaucoup de pureté. Un très grand Riesling


Riesling Grand Cru Schlossberg Cuvée Sainte-Catherine 1995 – Domaine Weinbach : La robe se fit plus dorée, le nez devient explosif avec de la pierre à fusil et des fruits secs. La bouche reste très minérale et dense, sèche avec beaucoup de matière qui le rend presque un peu lourd. Un millésime mur qui a atteint sa maturité.


Riesling Grand Cru Wineck-Schlossberg 1999 – Vincent Spannagel : le nez est mur, marqué par des notes de miel et de caramel, avec un peu de pamplemousse. La bouche est riche et un peu moelleuse, mais conserve un bel équilibre.


Riesling Grand Cru Wineck-Schlossberg 1999 – Cave de Turckheim: le même vin s’exprime ici dans un registre différent, avec un nez plus simple qui reprend des arômes de pamplemousse, mais une bouche un peu plus maigre et plus acidulée que le précédent.


Riesling Grand Cru Wineck-Schlossberg 1997 – Vincent Spannagel : le nez est étrange, marqué par des notes mielleuse et une certaine évolution. La bouche est complexe mais un peu dissociée, manquant de netteté. Le vin ne convainc pas.


Riesling Grand Cru Wineck-Schlossberg 1996 – Vincent Spannagel: La robe se pare de beaux reflets verts. Le nez est bouqueté et marqué par une légère évolution : on sent du tilleul, des notes d’hydrocarbure discrètes et une coté beurré. La bouche est fine, sèche, avec une belle matière mélangeant du gras et une acidité fondue. Superbe.


Riesling Grand Cru Brand 1998 – Cave de Turckheim : La robe est pâle, le nez désagréable car marqué par le souffre. En bouche le vin est vif et un eu minéral, mais ne procure pas grand plaisir. Je me souviens des millésimes 96 et 90 qui ont marqué mes débuts d’amateur de vin, ils n’étaient pas des monstres de concentration mais avaient un bel équilibre dans un style sec.


Riesling Grand Cru Brand 2000 – Zind-Humbrecht : changement de style avec ce vin dont la brillance de la robe le rend quasiment fluorescent. Le nez est très bouqueté, avec des notes lactées qui se mélangent à du citron et du miel. En bouche le vin est onctueux, moelleux avec plus de 20g de SR, et exprime beaucoup de minéralité en finale. Aucune lourdeur n’est perceptible malgré l’énorme matière. Un infanticide car il faudra plusieurs années pour que l’ensemble se fonde. 


2.     Dîner


Le dîner était la pièce maîtresse de ce week-end. Le sujet était clair, comprendre les accords entre les blancs alsaciens et les plats, et voir si le sucre résiduel des vins représentait un paramètre important. Jean-Philippe Guggenbuhl de La Taverne Alsacienne a eu carte blanche, et nous a préparé quelque chose de fantastique comme à son habitude. Le contrat précisait un dîner pour 12 personne pour le prix de 90 euros par personne (plats, vins, eau et café compris). Les vins ont bien entendu été servis à l’aveugle. Le vigneron Jean Boxler de Niedermorschwihr et son épouse se sont joint à nous pour partager nos impressions. Les notes qui suivent sont mes impressions propres et ne reflètent pas forcément l’opinion de la tablée. Philippe Duffourd a bien voulu joindre un compte rendu qui montrera un autre point de vue.


Apéritif


Pour accompagner quelques amuses bouche, trois vins surprise. Le Sylvaner Zellenberg 1999 de Marc Tempé est frais et mur au nez, mais un peu réduit, sec et vif en bouche. On trouve le cépage difficilement (2gr/l SR). Le Sylvaner Rangen 1999 de Zind-Humbrecht est dans un stade étrange, avec un nez lacté, mentholé, légèrement réduit. La bouche est fumée, un peu moelleuse avec du CO2. On reconnaît la patte du Rangen sans trouver le cépage non plus. La bouteille n’est as au meilleur de sa forme, certains flacons étant repartis en fermentation on peut se demander si cette bouteille n’est pas en train de bouger. A regoûter. (~  10gr/l SR)


Enfin, pour sortir de l’Alsace tout en gardant un lien avec le vin précédent, on goûte un surprenant Sua Sponte 2000 d’Elian Da Ros. Le nez est anisé et boisé, et la bouche reprend une certaine lourdeur tout en associant des notes de fruits blancs, du bois neuf et un peu de sucre (15gr/l SR).  Cet assemblage de Marsanne et Roussanne ne convainc pas, est-ce dû au fait qu’il vient après deux vins plus vifs ?


Petite cassolette d’escargots à l’ail des Ours


Premier plat  haut en couleur puisque le vert de l’ail des ours est très brillant. Le coté terreux des escargots s’associe au parfum intense de l’ail des Ours pour donner un plat qui appelle de la minéralité. L’Auxerrois Ho Vieilles Vignes 2000 de Josmeyer se montre sec et vif, avec de la race. La bouche est florale, souple et grasse, semblant presque moelleuse, pourtant le vin est sec. La minéralité du terroir s’associe relativement bien avec l’escargot, pendant que le coté aromatique du cépage contrebalance la puissance de l’ail. En comparaison, l’Auxerrois Vieilles Vignes 1999 de Marc Tempé se montre plus explosif au nez avec des notes de bonbon anglais et de grillé. La bouche reste vive mais affiche un moelleux plus présent. La force de l’accord vient de la maturité du vin qui donne du répondant au plat, mais sans faire un accord parfait. Dans les deux cas, on reste quand même sur notre faim et le sucre résiduel n’en est pas la raison.  Le plat appellerait peut-être un vin à la fois minéral et plus évolué, gardant de la vivacité. Un nouvel essai devrait être tenté avec un riesling 95 ou un vieux muscat comme ceux goûtés ci-après.


Interlude


Pour faire un interlude avec le plat suivant et goûter quelques bouteilles emmenées par Jean Boxler, on prépare le plat suivant avec deux vieilles bouteilles. Le Muscat  Moenchreben 1991 de Rolly-Gassmann montre de l’évolution avec un nez discret marqué par des fleurs blanches. La bouche est sèche, fondue, et prend des notes de menthe verte et de fleurs fanées. Une belle complexité. Le Muscat 1983 d’Albert Boxler est plus mentholé au nez avec des traces de pétrole. E bouche il parait plus jeune que le précédent avec des notes de muscat, une grande souplesse et du gras. Un vin tout en finesse originaire du GC Brand. Les deux vins sont complètement secs.


Fricassée d’asperges d’Alsace, émulsion de ciboulette


Après cet interlude les assiettes arrivent avec des asperges croquantes à souhait, rehaussées par une émulsion toute légère. Pour les accompagner, le Muscat 2000 de Rolly-Gassmann propose un nez puissant, floral, de rose, qui fait penser à certains qu’il s’agit d’un Gewurztraminer !  La bouche est mure et muscatée, souple avec une acidité un peu réduite qui diminue la vivacité du vin Le vin parait quand même assez sec (4gr acidité, 13gr/l SR).  En comparaison, la cuvée spéciale de Muscat Moenchreben 2000 de Rolly-Gassmann parait beaucoup plus équilibrée. Le nez reprend des arômes de raisin frais, et la bouche semble plus vive et plus fraîche même si les chiffres (15gr/l SR, 5gr acidité). Au final, si le premier Muscat convient mieux à l’apéritif, le deuxième passe mieux sur les asperges à cause de sa fraîcheur. Le sucre résiduel est à nouveau un paramètre non significatif, l’émulsion de ciboulette s’en accommodant très bien dans les deux cas. La grande différence vient du fait que le muscat 2000 a fait une fermentation malolactique  que le Moenchreben n’a pas fait.


Rouget Barbet à la Tapenade d’olives – Beurre de Tokay


Les choses sérieuses commencent maintenant avec une trilogie de poissons comme jamais vu auparavant. La tapenade est discrète sur la peau du poisson et le beurre de tokay très parfumé. L’accompagnement appelle un vin légèrement moelleux. Le premier vin est sec : le Pinot Gris Réserve Personnelle 1998 de Trimbach est moyennement bouqueté avec des fruits jaunes. La bouche est sèche mais semble lactée, beurrée, on sent une certaine évolution. En finale on sent une pointe de sucre et une touche épicée qui s’associe bien au plat. (5 gr/l SR). En comparaison, le Pinot Gris Sainte Catherine 2001 du Domaine Weinbach tranche au nez avec un coté floral et très mur qui indique toute sa jeunesse. La bouche est précise et fine, moelleuse (10 gr/l SR). On sent encore un peu de CO2 et la richesse du vin s’associe bien avec le plat. En revanche, les arômes sont trop jeunes et floraux et font préférer le premier pinot gris. Pour finir un troisième vin est goûté. Le Pinot Gris Grand Cru Brand 1994 d’Albert Boxler est issu de jeunes vignes de 5 ans et présente un nez plus évolué que les deux premiers. La bouche est discrètement moelleuse avec beaucoup de finesse et de souplesse, tout en conservant une bonne acidité. L’ensemble est très équilibré. L’accord avec le plat se joue de nouveau sur des arômes et une texture en bouche. Les deux premiers vins ne sont pas idéaux, le vin de Trimbach manque un peu de corps et de moelleux et le vin de Weinbach domine trop par ses arômes floraux. Peut-être qu’un pinot gris un peu plus moelleux et plus âgé aurait fait un bon compromis (un vin charpenté dans un millésime comme 1994 ou 1990).


Blanc de Saint-pierre saisi à la plancha à l’aigre doux


Deuxième poisson avec une sauce aigre-douce, ce qui va permettre de goûter deux rieslings à l’opposé l’un de l’autre. A noter que le poisson est cuit deux minutes à 280 degrés dans un four ou l’humidité est contrôlée et affichée à 80%. La chair est cuite et moelleuse en même temps, un délice. Le premier vin, Riesling Cuvée Frédéric-Emile 1995 de Trimbach est déjà ouvert, avec un nez complexe et évolué qui reprend des notes fruits jaunes, de botrytis et une pointe de pétrole. La bouche est vive et citronnée, acidulée et montre un peu d’évolution. Un très grand riesling sec qui entre dans sa période de maturité. Il se marie bine avec le poisson et supporte la sauce aigre-douce en s’effaçant un peu. L’idéal serait un vin de la même race mais avec un peu de SR.  Zorro arrive et il se nomme Riesling Grand Cru Muenchberg Vendanges Tardives 1995 d’André Ostertag.  Le nez est marqué par la minéralité du terroir et par des notes de surmaturité et de miel, avec une pointe d’évolution. La bouche est moelleuse, grillée et citronnée, avec des arômes de citronnelle. Sur le plat, c’est l’accord parfait pour mon palais. Un moment d’anthologie tant pour le plat que pour le vin. Le vin de Trimbach mériterait un autre accompagnement, et c’est pour moi la première fois que le moelleux du vin entre en compte dans le choix du meilleur accord.


Sandre braisé, choucroute crue et arômes de lard


Le nirvana est atteint, ou pas encore ? Dernier de la série de poissons, on va encore monter d’un cran dans cette « approche par l’exemple ». La choucroute est croquante et le lard se sent dans le beurre blanc même si les lardons ont été retirés. Le sandre vient compléter l’ensemble avec une cuisson parfaite et un mariage très heureux avec a choucroute. Le plat alsacien classique est ici revisité en travaillant la texture, un tour de force du chef ! Pour accompagner ce plat exceptionnel, trois vins exceptionnels. Tout d’abord, le Riesling Grand Cru Rangen 1993 de Zind-Humbrecht laisse apparaître une robe très dorée, puis un nez mielleux, fumé et évolué. La bouche est surmurie, moelleuse avec encore un peu de gaz. C’est très complexe et fin, mais les arômes fumés du terroir sont un peu masqués par la surmaturité et le coté moelleux. (22.5g/l SR). Le vin est presque trop puissant. Le second vin se déguste très bien seul. Le Riesling Grand Cru Kanzlerberg 1990 de Gustave Lorentz propose une robe plus clair que le précédent, un nez encore jeune, avec des notes d’agrumes mais également un peu crémeuses et évoluées. La bouche est vive, citronnée, avec beaucoup de gras et de finesse. Pourtant il s’agit d’un vin complètement sec. Le gras du vin vient à merveille s’associer avec le beurre blanc, et les notes d’agrumes se marient bien avec la choucroute. Un très bel accord. Enfin, pour rechercher un équilibre différent, nous goûtons exceptionnellement un troisième vin. Le Riesling Tradition 1989 de Hugel et Fils parait très jeune et propose une forte minéralité au nez et en bouche. Ce style plus austère mais très droit surprend un peu en dégustation simple, mais se marie étonnement bien avec le plat grâce à la structure acide de la choucroute. On est sur un accord de textures, même si le coté minéral du vin s’associe aussi bien avec les arômes de lard. Sur ce trio de vins, le sucre résiduel handicape un peu le premier vin car il domine le plat. Les deux autres vins sont intéressants car ils proposent des accords réussis mais sur des dimensions différentes.


Sélection de Fromages


Munster et autres fromages de caractères vont faire leurs preuves avec une sélection de gewurztraminers. Le Gewurztraminer Roedelsberg 2000 de Marc Tempé est encore très jeune avec un nez de rose et liche, et une bouche sèche, acidulée, et un peu chaude en finale. Les arômes se fondent bien avec le Munster. (2gr/l SR). Le deuxième vin est un peu pus discret. Le Gewurztraminer Cuvée des Seigneurs de Ribeaupierre 1985 de Trimbach a un nez plus évolué presque lacté, et une bouche qui donne l’impression d’être encore plus sèche que le précédent. Le dernier vin est plus marqué par la minéralité et va s’associer mieux avec les fromages à pâte pressée cuite. Le Gewurztraminer les Archenets 1988 de Josmeyer semble encore jeune et apparaît comme très minéral tant au nez qu’en bouche. La bouche parait sèche et légèrement épicée. Le sucre n’est pas un facteur discriminant, au profit de la minéralité des vins. Pour finir, on goûte le Gewurztraminer Grand Cru Brand 1988 d’Albert Boxler , avec un nez équilibré sur le liche, et une bouche fraîche marquée par la rose. On lui donne 10 ans d’âge en moins.


Interlude


Avant de passer du desserts pour ne pas convertir les convives de manière définitive aux vins d’Alsace on se re-étalonne le palais au bourgogne. Le Meursault 1er cru Gouttes d’Or 1992 du Domaine Buisson-Charles a un nez très fin, marqué par des notes terpéniques et une légère évolution. La bouche est sèche et surtout grasse, avec beaucoup de pureté. La finale est longue. Le vin surprend un peu car il sort de l’équilibre de tous les vins bus précédemment. Le même repas pourrait être fait au bourgogne blanc et proposerait certainement d’intéressants accords. La question des accords n’est dès lors pas tant de choisir une région que de choisir le bon cru dans une région. On se dit que cela confirme aussi l’adage qui recommande de faire un menu gastronomique avec des vins dune région en évitant de mélanger les origines.


Soupe d’ananas et Fraises, sorbet Rhubarbe à la verveine et balsamique vieux


Un dessert complexe, proposant plusieurs parfums et textures. Les vins vont proposer des accords différents. Le Gewurztraminer Vendanges Tardives 1990 du Domaine Weinbach a un nez marqué par la rose et le miel. La bouche est fumée, épicée, et riche, le moelleux ne se sentant pas trop par le botrytis au profit d’une rondeur et d’une douceur caractéristiques des VT et SGN du domaine. Un bel accord avec les fraises. Le Gewurztraminer Grand Cru Hatschbourg Sélection de Grains Nobles 1988 de Cattin est un peu lacté au nez et beaucoup plus liquoreux en bouche avec le coté un peu acidulé qu’apporte le botrytis. L’ananas s’accorde à merveille avec ce vin, ainsi que la réduction de balsamique. Le dernier vin est surprenant. On sent de la banane au nez  du Gewurztraminer Vendanges Tardives 1983 de Gustave Lorentz, ainsi qu’un peu d’évolution. La bouche est souple et moelleuse en ayant un fondu agréable. La verveine lui donne du répondant, mais le vin est un peu coincé entre l’ananas et les fraises.


En fin de repas


Pour finir le repas, deux beaux flacons  apportés par Jean Boxler. Tout jeune, le Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles 2000 d’Albert Boxler  est mielleux au nez, et possède beaucoup de finesse en bouche. Le sucre est très bien intégré et la bouche est très fine avec beaucoup de précision. La finale dégage des arômes de fruits exotiques. Enfin le Riesling GC Sommerberg Vin de Glace 1996 d’Albert Boxler est issu d’une toute petite vendange réalisée le 25 décembre 1996. Le nez a beaucoup de volatile, puis regorge de miel et de fruits jaunes. La bouche est liquoreuse, fine et acidulée, et possède une finale très longue. Les 25 gr/l d’acidité et 380gr/l de sucre résiduel proposent un équilibre remarquable comme on en trouve dans les grands vins de Moselle.


Conclusions


Le plaisir de partager en tel repas autour d’une table d’amis l’emporte bien entendu sur tout le reste. Néanmoins, en se penchant sur les notes de dégustation, on voit que la question des sucres résiduels n’est peut-être pas primordiale lorsqu’on envisage un accord mets/vins. Dans un seul cas le sucre était vraiment gênant, et encore il s’agissait plus de la densité du vin. Au contraire, l’age des vins qui détermine son caractère plutôt floral ou évolué, l’acidité et la structure en bouche, la minéralité sont des paramètres beaucoup plus importants dans le choix du vin. Indépendamment des cépages, on pourrait se dire que c’est d’abord important de choisir un terroir et un millésime, ensuite un cépage et un niveau de sucre. Cela relativise les débats sur les sucres résiduels dans les vins Alsaciens.


Thierry Meyer