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Dîner chez Bernard en 57 vins

Dîner chez Bernard en 57 vins
24 Avril 2004

 




La venue de Patrick et Catherine Essa en Alsace en Avril dernier a été l’occasion pour Bernard Greder d’organiser un dîner dont lui seul a le secret. 15 personnes étaient autour de la table personnes dont des vignerons avec Seppi Landmann et Eric Rominger. Les vins étaient tous goûtés à l’aveugle.



Apéritif


Comme d’accoutumée, une belle sélection de snacks en tout genre à l’apéritif, à grignoter en dégustant quelques vins.


Sylvaner « Grand A » 2002 – Anne-Marie Schmitt : le nez est parfumé, citronné, assez minéral. La bouche est dense et sèche, sur des arômes d’amande verte et de citron. Un vin vif et sec, bien agréable


Muscat Glintzberg 2002 – Anne-Marie Schmitt : Le nez est marqué par de la fleur de sureau et du raisin frais. La bouche est ample avec une belle acidité, donnant un ensemble très frais.


Muscat 1983 – René Klein (St Hippolyte) : Le nez est fortement muscaté, avec de la menthe blanche, de la menthe poivrée et des épices. On sent le vieux muscat à plein nez. Pourtant la bouche reprend des arômes de raisin frais, et l’acidité très présente donne beaucoup de fraîcheur à la finale. Un vin en pleine forme, superbe.



Buffet froid


Une belle sélection de salades, saumons fumés, jambons secs, sauces diverses. Plusieurs séries de 3 rieslings se succèdent. Voir le Compte rendu ici



En transition pour passer aux rouges, Bernard nous fait goûter trois millésimes de son bordeaux supérieur fétiche…


Bordeaux Supérieur Château Lestrille Capmartin 1995 : la robe est rouge dense, légèrement tuilée sur les bords. Le nez est fumé, avec des arômes de poivron rouge. La bouche est riche avec des tanins gras, dense et fumée, avec beaucoup de maturité. Un vin bien fait


Bordeaux Supérieur Château Lestrille Capmartin 1990 cuvée prestige : la robe est plus tuilée que le premier vin. Le nez est épicé, chaud, toujours avec des arômes de poivron. La bouche est fine et mure, avec des tanins un peu secs. La finale est un peu métallique.


Bordeaux Supérieur Château Lestrille Capmartin 1988 : Le nez est fin et élégant, avec toujours ce mélange de poivron et de notes fumées. La bouche est fine, grasse, souple et légèrement évoluée. Peut-être le millésime le plus équilibré des trois vins.


Intéressante mise en bouche sur les bordeaux, qui rappelle que concentration et souplesse ne sont pas l’apanage des grands crus classés. L’artillerie lourde qui va suivre montrera que c’est sur la finesse et la complexité que sont bâtis les grands bordeaux.


Sur les différentes viandes servies, on commence par une série de 1991


Pauillac 1991 – Château Pichon Comtesse de Lalande : le nez est parfumé et fin, sur des petits fruits noirs murs et des notes de torréfaction. La bouche est fine et soyeuse, avec des tanins souples. Dur de croire qu’il s‘agit là d’un 1991. Un superbe vin fin et souple.


Saint-Estèphe 1991 – Château Montrose : Le nez est plus discret, mentholé. La bouche est plus ferme, dense, minérale et un peu tannique, avec des notes de torréfaction et des épices en finale. Un peu moins de finesse que le précédent.


Château Margaux 1991 : La robe est très dense. Le nez est toasté, mentholé avec des notes de café. La bouche est ronde et minérale, et reprend des notes de chocolat avec des tanins et un boisé perceptibles.


Pessac Léognan Château Haut Brion 1991 : Le nez est épicé, minéral et boisé avec des notes de tabac. La bouche est minérale et sèche avec des tanins fins et beaucoup de finesse.


Cette série de médocs 1991 montre que les plus grands vins sont loin d’être desséchés, et ont encore un beau potentiel. Mention particulière pour le Pichon-Comtesse 91 qui se compare aisément à bien des crus classés de 1990.


Saint-Estèphe Château Calon Ségur 1990 : Le nez est discret et un peu viandeux. La bouche est souple avec des tanins fins, des épices douces et une finale sur la viande séchée. Une belle maturité


Saint-Estèphe Château Cos d’Estournel 1990 (deux bouteilles) : La première bouteille est discrète au nez, et propose une bouche sèche, minérale, fine avec des tanins serrés. On pense à un problème de bouchon et on ouvre une autre bouteille. Celle-ci se révèle très parfumée au nez, avec des arômes de fruits rouges (fraise), de vanille et beaucoup de complexité. La bouche est grasse, ronde, minérale, et superbement équilibrée. Un Cos d’Estournel magique.


Pauillac Château Mouton Rothschild 1990 : Le nez est à nouveau un peu animal avec des arômes de fruits rouges cuits. La bouche est plus minérale, avec une amertume sensible, mais donne beaucoup de finesse. Un vin racé encore un peu sur la réserve. Moins facile à approcher que le Cos d’Estournel pour le moment


1990 est un grand millésime mais qui se présente différemment en fonction des crus. Les bouteilles à maturité sont superbes, d’autres demandent encore un peu de temps pour se faire.


Saint Julien Château Léoville Poyferré 1983 : Le nez est marqué par des arômes de cuir et d’herbes séchées. La bouche est souple, grasse, fine avec des tanins très fins et souples. Un vin très dense et très plaisant.


Pauillac Château Latour 1983 : Le nez est marqué par des fruits blancs et par une certaine minéralité. La bouche est sèche, très fine et minérale avec des tanins un peu secs. L’équilibre est presque parfait dans un style propre à Latour.


Pauillac Château Lafite Rothschild 1983 : Le nez est plus corsé que Latour, avec des arômes mentholés et de la réglisse. La bouche est souple, acidulée, corsée avec des tanins très présents. Un style plus puissant que Latour, mais beaucoup de finesse et de précision.


Cette série de 1983 montre deux Pauillac très typiques et de très haute volée. Finesse, précision et une certaine austérité sont la marque de ces rands vins. Le Saint Julien est dans un style plus gras, plus flatteur pour certains, mais n’a rien à envier aux deux autres en terme de finesse.


Ces belles séries de vin on toutes en commun une grande finesse, et un profil aromatique qui ne donne pas forcément dans le flamboyant. Nul doute que lors de dégustations comparatives, certains vins du nouveau monde ou de régions à forte maturité ne paraissent plus immédiatement plaisant. L’autre remarque à faire est la régularité de toutes les cuvées dégustées. Tous les Grands Crus classés se valent-ils à partir d’un certain niveau ? Pour éviter de tirer des conclusions hâtives, Bernard sort un joker :


Saint-Emilion Château Cheval-Blanc 1990 : le nez est complexe, avec de la vanille et des fruits rouges. La bouche est très fine, corsée et épicée, avec des arômes de pain grillée, de caramel (certains disent carambar !), de fruits rouges frais. Les tanins sont sensibles mais bien fondus et l’impression générale d’équilibre est exceptionnelle. Consensus général pour dire que ce vin est clairement au dessus de tous les autres bordeaux bus ce soir-là.


Comment la bourgogne peut succéder à de tels vins?


Volnay 1er Cru les Angles 1999 – Lucien Boillot : le nez est marqué par des arômes de cerise griotte, chocolat, pain grillé. La bouche est souple et dense, avec des arômes de cerise noire, de tabac, un peu de fumée. Aromatiquement parlant le vin se montre très très bon, et ne souffre pas de venir après un Cheval Blanc 1990. En bouche l’équilibre est celui d’un vin jeune, la complexité de l’âge manque encore mais la structure est bonne.


Chambolle Musigny 1er Cru les Feusselottes 1999 – Christian Confuron : Le nez est plus léger sur cette cuvée, avec des arômes de kirsch. La bouche se montre plus creuse, acidulée, et moyennement complexe. On descend d’un étage avec ce flacon, pas au meilleur de sa forme.


Un dernier tour par Bordeaux avant de passer au fromage, pour comparer un 90 avec un 91 servi plus tôt:


Saint-Estèphe Château Montrose 1990 : Le nez est fruité, doux et légèrement épicé. La bouche est mure mais assez tannique, avec un bel équilibre entre le fruit et les tanins. L’ensemble est encore un peu fermé aujourd’hui, et certainement moins souple que le 91. A attendre sans se presser.


Sur le fromage, les vins blancs ont la priorité


Cotes de Nuits Village 2002  – R Dubois et fils : le nez est minéral et marqué par les agrumes ce qui fait penser à un riesling ! La bouche est acidulée et légèrement moelleuse, ce qui confirme cette impression.


Pinot Blanc Barrique 1996 – Seppi Landmann : la robe est jaune foncé. Le nez est  toasté avec des notes de pierre à fusil, la bouche se montre grasse avec une acidité fine. Un bel équilibre malgré le boisé un peu présent.


Puligny-Montrachet 1er Cru les Folatières 1991 – Domaine Leflaive : Le nez est plus complexe que les deux premiers vins, avec des notes de fruit jaunes, de miel et de tilleul. La bouche est grasse et fine avec une légère évolution en finale. Un vin très fin qui ne fait pas son âge.


Corton Charlemagne 2000 – Olivier Leflaive : Le nez est complexe et marqué par des notes de tilleul et de fleur d’acacia. La bouche est florale (fleur d’oranger) et minérale, jeune avec beaucoup de pureté. A  attendre encore un peu.


Gewurztraminer Grand Cru Schlossberg 2000 – Cave de Kaysersberg : le nez est marqué par le coing et beaucoup de fraîcheur. La bouche est légèrement moelleuse, avec des arômes de fruits jaunes. La pureté aromatique et l’acidité font plus penser à un pinot gris qu’à un gewurztraminer.


Gewurztraminer Klingsberg Cuvée Cécile 2002 – Anne-Marie Schmitt : Le nez est fruité et marqué par l’élevage. La bouche est sèche, acidulée avec des arômes d’épices. A garder encore.


Gewurztraminer Grand Cru Zinnkoepflé 2000 – Seppi Landmann : Le nez est clairement marqué par des notes de liche et de pain grillé. La bouche est minérale et moelleuse, avec beaucoup de vivacité. Un bel équilibre.


Riesling Grand Cru Zinnkoepflé Sélection de Grains Nobles 1995 – Eric Rominger : dernier vin de la soirée, il faut garder un peu d’attention avant de le boire sans retenue. Le nez est confit, surmaturé avec des notes d’abricot, de miel et de truffe. La bouche est acidulée et liquoreuse, avec des arômes de fruits jaunes confits. L’ensemble a beaucoup de fraîcheur avec une sensation moelleuse persistante.


La soirée se termine, tard dans la nuit comme à l’accoutumée, sur des vins fruités et moelleux. La fatigue est tant dans la tête que dans les papilles, mais le tour l’horizon des grands vins français est – une fois de plus – remarquable. Merci à Bernard et Patricia pour cette magnifique soirée.


Thierry Meyer