L'Oenothèque Alsace

Chronique du 13/12/10 : quand le vin le plus intéressant n’est pas forcément le mieux noté

La sélection Alsace du guide Bettane&Desseauve 2012 se fera début 2011 au CIVA à Colmar, lors d’une dégustation ouverte à tous les producteurs, mais limitée à 6 cuvées par maison. Voilà quelques réflexions sur les vins les plus intéressants dans des gammes parfois longues, qui permettront aux producteurs de bien sélectionner leurs cuvées et aux lecteurs de bien comprendre les sélections finales.

Quatre catégories peuvent être utilisées pour évaluer la qualité d’un vin en fonction de son usage :

  • les vins de soif : légers, faciles à boire, les meilleurs possèdent une bonne pureté d’arômes et de texture ainsi qu’un équilibre harmonieux qui évite les excès d’acide, de sucre, d’alcool ou de concentration.
  • les vins de fruits : produits par un cépage unique ou par assemblage, ce sont des vins francs, nets, de bonne concentration, qui font de très bons compagnons de table
  • les vins de caractère : leur terroir d’origine ou leur procédé d’élaboration leur donne une originalité aromatique et gustative, leur qualité d’élaboration en fait des vins de caractère à ouvrir le weekend sur les repas gastronomiques.
  • les grands vins : produits sur les grands terroirs, ce sont les vins étendards qui combinent des qualités de fruit et un caractère original souvent marqué par le minéral. Rejoignant les grands vins du Monde, ils possèdent finesse, complexité ainsi qu’une grande longueur en bouche.

Les blancs secs ou moelleux, avec ou sans mention VT ou SGN, les rouges, les rosés, les crémants, peuvent tous potentiellement rentrer dans chacune de ces 4 catégories. S’il est intéressant de noter qu’il s’agit malgré tout d’une échelle dans la qualité des vins, les replis ne sont pas automatiques : un grand cru de qualité moyenne ne fera pas forcément un bon vin de fruit. Un pinot gris trop lourd pour avoir l’élégance et la netteté de bons vins de fruit n’en fera pas forcément un bon vin de soif. Des commentaires parfois entendus à propos de gewurztraminer grand cru « tellement riche qu’on dirait presque une vendange tardive »  en disent malheureusement long sur l’opinion de ceux qui pensent que l’échelle de qualité est parallèle à celle de l’intensité de tous les facteurs, sucre résiduel en tête…

Si la qualité intrinsèque de chaque cuvée va déterminer sa note dans une évaluation sur 20 ou sur 100, son intérêt et donc sa sélection dépend d’autres facteurs comme sa qualité relative aux vins des autres maisons, son prix et sa disponibilité. A qualité équivalente, un vin produit dans des volumes dix fois plus important et vendu deux fois moins cher qu’un autre aura d’autant plus d’intérêt à être mis en avant dans un guide d’achat. Les meilleures affaires sont du coup une combinaison intuitive de tous ces critères : une qualité et un prix adaptés à leur usage, liés à une bonne disponibilité de manière à ce que les conseils d’achats puissent être suivis d’achats réels. Ces vins intéressants résultat du travail exhaustif de dégustation en Alsace sont les « coups de coeur » régulièrement dégustés lors des dégustations et repas de l’Oenothèque Alsace.

De nombreux producteurs ont une gamme vaste qui échelonne la qualité et les prix sur un tarif de plusieurs dizaines de lignes. Mais en évaluant leur usage on se rend compte que les vins les plus chers du tarif ou les ceux qui récoltent les meilleures notes ne sont pas forcément les meilleures affaires, même si les producteurs en ont souvent une très faible compréhension. Lorsque je déguste des échantillons sélectionnés par les producteurs, je suis parfois surpris de ne pas retrouver les cuvées que j’ai le plus appréciées dans leur catégorie l’année précédente, certains s’entêtant à me présenter des grands crus ou des vendanges tardives sans grand intérêt alors qu’un de leur sylvaner,  riesling de lieu-dit ou pinot blanc de bon terroir sont des formidables vins de soif ou de fruit. A l’aube de la campagne du guide Bettane&Desseauve 2012, espérons que le caractère relatif de chaque cuvée sera pris en compte au moment de faire le choix.

Dans l’édition 2011 du guide Bettane&Desseauve, un nombre limité de cuvées a été retenu pour l’édition papier de la section Alsace, les autres cuvées étant accessible sur le Web. Il a donc fallu ne garder qu’une partie des vins sélectionnés, en mettant en avant les cuvées qui se démarquent des autres dans chaque gamme, au delà des simples notes accordées. Les producteurs en profiteront pour y lire une information très utile à leurs choix futurs, et les acheteurs bénéficieront d’une sélection pointue qui concentre toute l’expérience des dégustations passées.

Thierry Meyer