L'Oenothèque Alsace

Le Blog des dégustations de la campagne 2010 – partie 1 – abonnés

Les visites et dégustation organisées prévues sur la première partie de l’année permettent de plonger dans la gamme de nombreuses maisons avec une attention particulière au millésime 2008, dernier mis en bouteille. Avant d’ajuster les notes et les commentaires de chaque vin, travail qui sera réalisé plus tard dans la saison, voilà un condensé des premières impressions semaine après semaine, afin de donner la primeur des premiers coups de cœur, information intéressante en particulier lorsque les vins sont déjà en vente.

14 mai 2010

Fin de campagne pour le guide B&D2011, avec quelques statistiques collectées après la remise des textes. Du 17 novembre 2009 au 18 avril 2010, ce sont 141 domaines alsaciens qui ont fait l’objet d’une visite ou d’une demande d’échantillons:

  • 76 domaines ont été visités dont 6 pour la première fois, ce qui inclut généralement une visite du domaine, du chai, et si le temps le permet (aux 2 sens du terme), un tour dans les vignes. Lors de ces visites,  en plus des quelques passages en cuverie pour goûter quelques 2009 en élevage, 1479 vins en bouteille ont été commentés, et 812 sélectionnés pour le guide.
  • 65 autres domaines ont été sollicités par email pour qu’ils présentent des échantillons, à l’aide de la dernière adresse communiquée au guide l’année dernière. 49 ont répondu, 16 n’ont pas répondu pour diverses raisons y compris des raisons techniques. Les domaines classés ont pu présenter 10 échantillons maximum, les  autres 4 échantillons. 353 vins ont été commentés, 157 sélectionnés.
  • Sur les 234 grands crus dégustés provenant de 127 domaines, 95 vins provenaient de 60 domaines non dégustés par ailleurs. En cinq mois, ce sont donc au final 2066 vins d’Alsace de 185 maisons alsaciennes qui ont été commentés, et 969 vins sélectionnés (représentant 115 maisons).

Retrouvez le détail des domaines dégustés cette année avec le nombre de vins dégustés et sélectionnés.

Parmi les grands moments qui ont marqué les dégustations, et en synthèse de ce qui a été écrit plus bas, quelques vins m’ont particulièrement marqués par leur qualité extrême:
– Le Riesling Clos Sainte Hune 2005 de Trimbach fera certainement une bouteille de légende dont on reparlera longtemps
– Le Riesling Grand Cru Kessler Heisse Wanne 2008 de Dirler-Cadé restera dans ma mémoire comme un des grands rieslings de grès du millésime 2008, à la fois fin et puissant, salin et très long.
– Le Riesling Grand Cru Schlossberg 2008 de Bott Geyl, un grand vin très réussi pour sa première année de production par le domaine (qui a racheté les vignes de Jean Schaetzel).
– Le Muscat Grand Cru Mambourg 2009 de Maurice Schoech, déjà en bouteille, un vin du Mambourg décliné sur le cépage muscat qui n’enlève rien de sa puissance.
– Le Pinot Gris Grand Cru Muenchberg 2008 d’André Ostertag, un vin droit élevé à la bourguignonne, très réussi dans le millésime 2008.
– Le Schoffweg 2008 de Marcel Deiss, un vin sec et puissant idéal dans un millésime comme 2008, qui démontre que les vins de gastronomie sont d’abord des vins de terroir avant d’être des vins de cépage.
– Le Gewurztraminer Sommerberg vin de Glace 2008 du domaine de l’Oriel, rare flacon à la pureté magnifique
– Le Gewurztraminer Grand Cru Mambourg Quintessence de grains nobles 2008 du domaine Weinbach, expression parfaite d’un grand terroir dans sa version liquoreuse. Le Mambourg qui a subi la grêle en 2007 renait de ses cendres pour produire un vin exceptionnel de pureté et de profondeur. Très rare et cher, à l’image des grandes cuvées de liquoreux de Moselle allemande.

D’autres vins m’ont séduit par leur extraordinaire rapport qualité-prix :
– Le Sylvaner Bollenberg 2008 du domaine François Schmitt (4.5€), un vin de terroir sec au caractère ample et profond
– Le Pinot Blanc Côte de Ribeauvillé 2008 de Louis Sipp (7€), originaire du Kirchberg de Ribeauvillé et parfaitement vinifié pour en faire un vin salin délicieux.
– Le Riesling Wolxheim 2008 (6.5€) et le Gewurztraminer Grand Cru Altenberg de Wolxheim 2008 (11.2€), deux vins secs de Clément Lissner qui expriment parfaitement leur noble origine
– Le Riesling Grand Cru Wineck-Schlossberg 2008 de Jean-Marc Bernhard (12€), magnifique de pureté
– Et nombre d’autres qui seront discutés dans les articles à venir

Semaine du 16 avril 2010

Après un jour de dégustation des vins du Bugey à Belley, trois journées ont été consacrées à la dégustation des 234 échantillons de Grands crus d’Alsace proposées par 127 maisons. 2 complantations, 3 muscats, 5 sylvaners , 33 pinots gris, 72 gewurztraminers et 119 rieslings des millésimes 2007 et 2008 ont été dégustés par ordre de grand cru, avec des résultats étonnants pour le gewurztraminer, et une nette domination qualitative de plusieurs grands crus réputés. Malgré tout, quelques nouveautés ont montré que la région est en mouvement.

La région confirme son aptitude à produire de très grands vins, avec quelques leçons intéressantes à présenter à chaud :

1- La qualité moyenne des vins était très bonne, avec une forme de minéralité présente dans plus de 80% des vins. Le fait de demander aux domaines un seul vin par grands cru a permis de sélectionner les vignes et le millésime les plus aptes à produire un vin salin.
2- le taux de bouteilles à défauts techniques (état sanitaire, déviations lors de la vinif)  reste très faible, environ une dizaine de bouteilles sur les 234 dégustées.
3- le taux de bouteilles bouchonnées reste faible, de l’ordre de 6 sur 234 (sans déduire le nombre sensible de GC bouchés en synthétique…), mais si on ajoute toutes les bouteilles marquées par une déviation due au bouchage, on arrive à environ 33 flacons dont nous avons désiré regoûter une deuxième bouteille.
4- la suprématie du cépage gewurztraminer dans les grands vins de terroir a étonné, d’autant plus que le manque de maturité des rieslings de tous les vignerons qui cherchent à faire sec ne leur permet plus d’exprimer de manière aboutie la minéralité de chaque terroir. Que ce soit sur granit ou marnes voire calcaires, le gewurztraminer a produit de très grands vins de terroir.
5- le pinot gris et le muscat, faiblement présentés, ont donné des résultats variables : autant les 3 muscats se sont révélés superbes, autant les pinots gris étaient majoritairement  peu minéraux, et souvent déviant au niveau aromatique, principalement à cause d’un état sanitaire moyen.
6- le sucre résiduel, sujet maintes fois abordé, n'est pas un problème dans cette dégustation, par rapport à la dilution et au manque de maturité, handicaps beaucoup plus grands pour l’expression des terroirs. Les grands vins ne sont jamais sucraillons, que ce soit à 20, 50 voire 90 g/l de sucre résiduel.
7- la dégustation a permis de confirmer nombre de domaines connus, mais également de faire apparaître de nouvelles têtes (Halbeisen à Bergheim , Hueber à Riquewihr par exemple)
8- Quant à la qualité intrinsèque de certains terroirs, elle est en partie liée  au travail des vignerons qui les exploitent. En ne prenant en compte que les crus dont nous avions un minimum d’échantillons pour que cela soit représentatif, nous avons été impressionnés par le haut niveau de terroirs historiques comme les crus Brand, Hengst, Kirchberg de Barr, Mambourg, Schlossberg, Sonnenglanz, Wiebelsberg, Zinnkoepflé.  En revanche, des crus comme Eichberg, Pfersigberg, Rosacker, Steingrubler ont déçu par le niveau moyen et par l’absence de très grands vins présentés.

Parmi les meilleurs vins dégustés, on citera les crus suivants :

  • Gewurztraminer Grand Cru Marckrain  2008 – Laurent Barth
  • Riesling Grand Cru Schlossberg  2008 – Bott-Geyl
  • Grand Cru Altenberg De Bergheim 2007 – Marcel Deiss
  • Riesling Grand Cru Kessler Heisse Wanne 2008 – Dirler-Cadé
  • Gewurztraminer Grand Cru Altenberg De Bergheim  2008 – Emile Et Yvette Halbeisen
  • Riesling Grand Cru Hengst Samain 2008 – Josmeyer & Fils
  • Riesling Grand Cru Schlossberg  2008 – Albert Mann
  • Pinot Gris Grand Cru Rangen De Thann Clos Saint Theobald  Cuvée Schiste 2007 – Domaine Schoffit
  • Riesling Grand Cru Wiebelsberg Selection De Grains Nobles 2007 – Guy Wach
  • Gewurztraminer Grand Cru Furstentum  2007 – Domaine Weinbach
  • Gewurztraminer Grand Cru Mambourg Quintessence De Grains Nobles 2008 – Domaine Weinbach
  • Gewurztraminer Grand Cru Hengst Sélection De Grains Nobles 2008 – Zind-Humbrecht
  • Riesling Grand Cru Brand  2008 – Zind – Humbrecht
  • Riesling Grand Cru Rangen De Thann  2007 – Zind-Humbrecht

  

Semaine du 9 avril 2010 : Visites aux domaines

André et Lucas Rieffel (Mittelbergheim) : des vins parfaitement vinifiés et souvent de caractère sec, en particulier les crémants faiblement dosés.  Dégorgé début 2010, le Crémant d’Alsace Extra Brut Chardonnay 2005 (3g/l de dosage, 8€) est vineux et complexe, remarquable de pureté. La gamme 2008 est précise avec des acidités mûres. Derrière les rieslings et pinots blancs toujours délicieux on retiendra le Sylvaner Grand Cru Zotzenberg 2008 (10€) ou le Pinot Gris Grand Cru Kirchberg de Barr La Colline aux Escargots 2008 (20€), sec et élevé sous bois, digne successeur du grand 2007 avec un boisé mieux intégré.

Paul Blanck (Kientzheim) : la gamme est vaste , avec des génériques 2009 déjà en bouteille (muscat et pinot blanc superbes) et des grands crus 2007 de haut niveau. Les amateurs fidèles aimeront la version 2008 de l’Auxerrois Vieilles Vignes, le Chasselas 2009, ou le Pinot Gris Patergarten 2007 presque sec et très acidulé. Sur les terroirs classés, on notera le Riesling Grand Cru Schlossberg 2007 mais aussi Pinot Gris Grand Cru Schlossberg 2007, tellement marqué par le terroir qu’on en oublie le cépage, et sur une colline qui a subi la grêle en juin 2007, on appréciera le fabuleux Gewurztraminer Mambourg 2007, le sublime Gewurztraminer Grand Cru Furstentum Vendanges Tardives 2007, ou encore le somptueux Riesling Grand Cru Furstentum Sélection de Grains Nobles 2007.

Dégustation d’échantillons au CIVA à Colmar :

Domaine Agapé (Riquewihr) : Les 2009 présentés étaient tirés de cuve, donc difficiles à commenter. Déjà dégusté l’année dernière, le Riesling Grand Cru Rosacker 2008 confirme sa grandeur, et le Pinot Noir 2008 originaire de l’Osterberg est racé et parfaitement bien élevé.

Lucien Albrecht (Orschwihr) : Bon niveau des 10 échantillons dégustés dont un Gewurztraminer Cuvée Martine Albrecht 2008 remarquable de salinité. Le Pinot Noir Weid 2007 est un ton en dessous de 2005 et 2006, mais bien vinifié dans un millésime difficile pour ce cépage.

Domaine Becker (Zellenberg) : Les vins de la partie propre du domaine conduite en biodynamie sont de bonne précision en 2008, en particulier sur le grand Cru Froehn qui y voit là son meilleur représentant. Le sucre résiduel est partiellement compensé par les acidités élevées du millésime.  Le Muscat Grand Cru Froehn 2009 sera grand pour ceux qui auront la chance de l’attendre, et le Pinot Gris Grand Cru Froehn Vendanges Tardives 2008 est déjà facile à borie grâce à sa minéralité prononcée.

Emile Beyer (Eguisheim) : Le Pinot Blanc Tradition 2008 déçoit après le plaisir rencontré sur le 2007, sinon le Pfersigberg est à l’honneur avec des 2007 et 2008 magnifiques.

Dopff et Irion (Riquewihr) : Les vins restent d’un équilibre assez léger avec parfois des sucres résiduels plus présents que par le passé. Il faudra aller au Sud de Colmar pour trouver le Gewurztraminer Grand Cru Vorbourg 2008, une des réussites du millésime. Les pinots noirs 2007 sont secs voire asséchants, le manque de maturité n’étant pas compensé par la vinification.

Dopff au Moulin (Riquewihr) : les vins sont purs et faciles à boire avec des acidités arrondies, mais les terroirs peinent parfois à donner de la race aux vins, et la facilité du sucre résiduel donne des résultats parfois décevants. Les gewurztraminers sont réussis en 2008, en particulier le Gewurztraminer Grand Cru Sporen 2008.

Domaine Hébinger (Eguisheim) : quelques échantillons assez hétérogènes en qualité,  mais toujours un excellent Pinot Gris Grand Cru Pfersigberg 2008 originaire d’une belle parcelle.

Jean-Louis et Fabienne Mann (Eguisheim) : Le Pfersigberg décliné sur plusieurs cépages en sec ou liquoreux montre la grande maîtrise du domaine sur ce terroir. Profitez des dernières bouteilles du superbe Gewurztraminer Grand Cru Pfersigberg Sélection de Grains Nobles 2005.

Domaine Riefflé (Pfaffenheim) : en 2008 les vins d’assemblage blanc et rouge de l’appellation Cotes de Rouffach sont officiels et montrent la voix choisie par les vignerons du secteur pour valoriser leur terroir argilo-calcaire, mais le Steinert n’est pas en reste et j’ai beaucoup aimé le Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles 2007.

Domaine Schoenheitz (Wihr au Val) : une gamme 2008 très homogène sur tous les terroirs, en particulier un Riesling Holder 2008 très salin. Les amateurs de granit apprécieront.

Maurice Schoech (Ammerschwihr) : dégustation de certains 2008 qui sont déjà épuisés, à défaut de pouvoir goûter des 2009 en bouteille. Le Riesling 2008 est délicieux et très harmonieux avec une acidité fine. La cuvée Harmonie R 2008 originaire d’une complantation sur le Rangen commence à bien se goûter, et les plus pressés essayeront d’avoir quelques rares flacons du Muscat Grand Cru Mambourg 2009, grand vin de terroir et de grande garde qui sublime le muscat dans les millésimes chauds.

René et Etienne Simonis (Ammerschwihr) : Les vignes récupèrent en 2008, mais les vins conservent toujours un niveau de sucre résiduel important. Malgré ses 114 g/l de sucre résiduel, le Gewurztraminer Grand Cru Kaefferkopf cuvée Armand 2008 est magnifique de profondeur et bien équilibré.

Sylvie Spielmann (Bergheim) : quelques cuvées étranges qu’il faudra regoûter, mais un Gewurztraminer Grand Cru Kanzlerberg 2002 au caractère minéral affirmé, un très bon  Pinot Noir Réserve Bergheim 2008 qui montre que Sylvie a de bonnes connaissances des bourgognes rouges, et un excellent Riesling Grand Cru Kanzlerberg Sélection de Grains Nobles 2007 à boire ou à garder selon son humeur.

Domaine Trapet (Beblenheim) : Le domaine brille en 2008 par des vinifications impeccables, et des pinots blancs et rieslings techniquement secs. Le Pinot Auxerrois « OX » 2008 est délicieux à boire, set sur les grands crus à la production limitée, le Riesling Grand Cru Schoenenbourg 2008  est très grand, tout comme le Gewurztraminer Grand Cru Sporen 2008.

Cave coopérative de Beblenheim : la cave confirme d’année en année sa volonté réussie de monter en qualité, avec un vrai travail sur les sélections. Le Sylvaner vieilles Vignes 2008 originaire d’une parcelle proche du Sonnenglanz est à nouveau la cuvée à recommander, c’est un vrai vin de terroir sec (5 g/l SR) vendu 4.5€ départ cave, un prix aux antipodes du contenu de la bouteille. Les crémants sont au top grâce à la maîtrise de Patrick Lebastard, avec l’arrivée de la version 2005 de la cuvée prestige Sub Rosa, dont le premier dégorgements après 4 ans sur latte montrent les grandes qualités. Le Crémant Brut Rosé réalisé sans fermentation malolactique comme toujours ici, montre une belle robe saumon et des arômes francs de fruits rouges qu’on trouve trop rarement en Alsace. Grands crus et vendanges tardives sont de bon niveau.

Cave coopérative de Kientzheim : la sélection de 10 vins dans une gamme vaste est hétérogène, amis on trouvera quelques cuvées intéressantes comme le Crémant d’Alsace l’Exception fin et vineux, ou le Pinot Gris Grand Cru Furstentum 2008, minéral malgré un moelleux important. Au vu de mes expériences, l’usage de bouchon synthétique ne me laisse pas présager de bonne garde après 5 ans de conservation.

Cave coopérative de Pfaffenheim : la gamme peine à décoller sur les grands crus et contre toute attente c’est le Grand Cru Zinnkoepflé 2008 qui se montre le plus salin, surtout en pinot gris.

Autres échantillons des domaines non classés : parmi les autres échantillons dégustés, un superbe Grand Cru Kaefferkopf 2008 de Frédéric Geschickt.

Semaine du 2 avril 2010 : Dans le Jura

Dans le Jura pour des visites, des dégustations d’échantillons et une grande dégustation de 73 vins jaunes goûtés à l’aveugle un jour, puis regoûtés  le lendemain après aération, dans un ordre différent. Un exercice qui confirme la difficulté d’évaluer des vins jaunes tirés de cuve ou mis en bouteille depuis moins d’une année.

Semaine du 26 mars 2010 : Visites aux domaines

Gilbert Beck (Dambach la Ville) : Gilbert et Laurence ont abandonné le projet de Maison des Grand Cru d’Alsace il y a plus de 5 ans maintenant, et ont pu se consacrer à leurs propres vignes.  Les pinots noirs sur le vignoble de schistes d’Albé produisent de bons flacons, et le rosé Cuvée des Ripailleurs 2008 n’est pas le moins intéressant. Le Crémant d’Alsace Brut du Rempart (7€) est également une bonne affaire car franc et faiblement dosé.  Avec les rieslings on entre dans le monde du granit, avec des équilibres tendres qui ne cherchent ici pas l’acidité trop pointue sur le grand cru Frankstein. Les millésimes 2007 et 2005 seront de garde, quant au Riesling Grand Cru Frankstein 2002, c’est la bonne surprise avec un caractère floral sur la fleur d’arnica qui traduit bien le caractère floral du terroir. Après une heure de carafe et servi pas trop glacé, c’est un vin surprenant de pureté. Dommage que la production récente soit bouchée en synthétique, laissant augurer des gardes délicates après 5 ans de stockage.

Léon Beyer (Eguisheim) : une visite très intéressante qui confirme après celle de l’année dernière que le domaine est entré à partir du millésime 2007 dans le 21e siècle, avec des vins au style pur, secs avec du gras, et parfois une fine salinité. Adieu le caractère austère voire épicé et asséchant des anciens vins qui nécessitait 10 ans de garde avant d’être agréables, ici même le Riesling Cuvée des Comtes d’Eguisheim 2008 – probablement le meilleur produit depuis longtemps – est déjà très plaisant jeune ! Quelques 2009 sont déjà prêts à la vente, dont le Sylvaner 2009 qui est toujours réussi, et surtout le Muscat Réserve 2009, croquant et charnu  la fois. Pinots gris et gewurztraminer subissent le même traitement, même si j’avoue prendre peu de plaisir à boire ces cépages lorsqu’ils sont complètement secs dans la gamme générique, les vins manquant de gras et de salinité pour équilibrer le caractère asséchant que leur donne l’absence de sucre résiduel. VT et SGN sont toujours proposés dans des millésimes  à maturité, de 2004 à 1983. Les Quintessences de SGN 1998 sont magistrales dans un équilibre fruité très pur.

Albert Boxler (Niedermorschwihr)  : Le millésime 2008 est très réussi, avec un style différent que  2007. Le Sommerberg enregistre la plus grande réussite en 2008 là ou le Brand était en tête en 2007, les vins de ce dernier terroir méritant plus de garde pour s’ouvrir en 2008. On ouvre le bal une fois de plus avec un délicieux Sylvaner 2008, puis on salue la salinité du Riesling Grand Cru Sommerberg « E » 2008, enfin on encavera le rare Muscat Grand Cru Brand 2008 de grande garde. Revers de la médaille, les références sont rapidement épuisées à l’export et le domaine n’a pas les meilleurs grands crus au tarif, mieux vaut donc tenter sa chance chez les cavistes.

Ernest Burn (Gueberschwihr)  : Situé sur le haut du Goldert, le Clos Saint Imer a besoin de soleil pour transformer son acidité malique en tartrique, d’où les récoltes tardives et les sucres résiduels souvent présents. La gamme générique conserve toutefois trop de moelleux par rapport à la minéralité, ce qui alourdit les vins.  Il faut rester sur le Goldert avec des cuvées magnifiques, en particulier le Muscat Grand Cru Goldert Clos Saint Imer Vendanges Tardives 2007 ou le Gewurztraminer Grand Cru Goldert Clos Saint Imer Vendanges Tardives 2007. En attendant que ces vins soient à la vente, les 2005 offrent des qualités similaires à des prix qui restent raisonnables.

Fleith-Eschard (Ingersheim)  : Le millésime 2008 sera l’occasion de lancer la nouvelle identité des vins du domaine et un étiquetage enfin cohérent.  Après de très beaux 2006, 2007 semble un peu en retrait avec des vins qui se sont actuellement refermés, et il faut passer à 2008 pour retrouver une salinité rafraichissante sur les vins. Plutôt que d’hésiter entre riesling, sylvaner ou pinot blanc, on sautera sur l’Edelzwicker 2008  d’une grande buvabilité, sur le Muscat 2008  toujours aussi croquant, ou sur le délicieux Pinot Noir Steinweg 2008 aux accents de fruits rouges très alsaciens. Les amateurs de grands crus sauteront sur les deux réussites du Furstentum, le Pinot Noir « F » 2005 et dans quelques années le Pinot Gris Grand Cru Furstentum 2008.

Pierre Frick (Pfaffenheim) : dans la gamme des vis produits, il ne faut jamais oublier le crémant, toujours très digeste. Le Crémant d’Alsace Extra Brut 2007 est rafraichissant voire désaltérant. Dès qu’on va sur les équilibres plus salins, les vins deviennent délicieux. Le Sylvaner Bihl 2007 est sec et charnu avec de la salinité, le Riesling Bihl 2008 un peu plus acidulé. Si le Muscat Grand Cru Steinert 2006 est très réussi, que dire du Muscat Grand Cru Steinert vendanges Tardives 2008  qui vieillira bien. Les amateurs de vins nature se précipiteront sur le Pinot Blanc de Noir 2009 qui fera un délicieux rosé cet été.

Paul Gaschy (Eguisheim) : Rencontre avec Hervé Gaschy et re-dégustation de certains 2007 qui m’avaient déçus l’année dernière , en particulier à cause de leur acidité perçue comme modérée. Peu d’amélioration, en particulier sur les pinots blancs 2007. En 2008 on gagne un peu en fraîcheur sans craindre de se déchausser les gencives. C’est sur les grands crus qu’on trouvera les vins les plus salins, en particulier le Pinot Gris Grand Cru Hengst 2008, magnifique de minéralité dans un style proche de celui d’Albert Mann, et surtout sur le Gewurztraminer Grand Cru Pfersigberg 2008, peu sucré et très salin. Le meilleur rapport qualité prix en Crémant d'Alsace, ou plutôt, le moins cher des grands crémants est sans conteste le Crémant Extra Brut. Millésime 2005, dégorgé fin 2009, non dosé, c'est un crémant à la complexité et à la vinosité digne d'un bon champagne. Vendu 6.6€ départ cave, une affaire à ne pas manquer.

Paul Ginglinger (Eguisheim)  : De retour de ses vacances au Chili avec une petite semaine de retard, Michel a pu me faire gouter les 2009 en élevage, avec des styles amples et charnus bien réussis sur Eguisheim. Le Pinot Noir Les Rocailles 2009 sera grand. Coté 2008, le Pinot Noir  Les Rocailles 2008 est probablement un des plus grands produits, avec une acidité mûre qui est bien associée aux tanins gras. Certaines références sont déjà épuisées, et il faut absolument goûter le Riesling Drei Exa 2008, déjà salin et facile à boire. Les grands crus sont égaux à eux même, Eichberg et Pfersigberg sont très réguliers mais je serais content de pouvoir y déceler un petit plus de minéralité.

Ginglinger-Fix (Voegtlinshoffen)  : Eliane Ginglinger continue de produire de magnifique vins, malgré son mandat de présidente du syndicat des vignerons indépendants d’Alsace qui lui prend du temps. Après une bonne réussite en 2007, le millésime 2008 est parfaitement bien récolté et vinifié. Coup de cœur pour le Sylvaner 2008 (5.3€) au nez muscaté et la bouche saline et charnue qui parait moelleuse malgré ses 0.3 g/l de sucre restant. Forte impression pour le Muscat 2008 (6.2€, sec) charpenté et minéral, trahissant son origine partielle du grand cru Hatschbourg, et une bonne impression régulière sur le Pinot Noir 2008 (7€). Les prix sont très compétitifs, trop bas même pour qu’on ait envie de découvrir ces trésors cachés.

Clément Klur (Katzenthal) :  Clément Klur produit des vins charnus, tendre avec des acidités souvent peu marquées. Il faut les millésimes comme 2007 ou 2008 pour produire des vins franc, à l’image du Voyou de Katz 2008 , un assemblage de sylvaner, riesling et muscat d’équilibre sec qui se boit très facilement. Les grands crus du Wineck Schlossberg manquent de peps et de salinité, et le pinot noir Klur 2008 est gourmand et fruité.

Louis Scherb (Gueberschwihr) : Le Domaine Louis Scherb à Gueberschwihr a pris un nouveau départ sous la houlette d'Antoine Burner, qui passe à la viticulture biologique et biodynamique. La belle parcelle de Riesling sur le Goldert fut la première en biodynamie, et si 2006 et 2007 en annoncent le potentiel, le Riesling Grand Cru Goldert 2008 est le premier grand vin produit par la nouvelle génération. A 10€, ce sera une belle affaire, tout comme les pinots gris et gewurztraminers 208 produits sur le même terroir… Ne pas oublier pour autant le célèbre Sylvaner Vieilles Vignes 2008 (4.3€)  issu d’une parcelle attenante au grand cru Goldert.

Stentz-Buecher (Wettolsheim) : le domaine possède une gamme de vins  qui exploite les beaux terroirs sur Wettolsheim, mais malgré des matières premières, ne joue pas encore dans la cour des grands. Les vinifications sont parfois trop appuyées sur le boisé, et l’usage plus que modéré du soufre à la mise donne à certains vins un caractère légèrement oxydatif. Malgré tout le Pinot Noir « Old Oak » 2008 originaire du Steingrübler reste très bon, le Riesling Grand Cru Steingrübler 2008 est charnu avec une acidité pas trop forte qui souligne la délicate salinité du vin, quant au Pinot Blanc Vieilles Vignes Elevé en barrique 2007, il vient d’une vigne hors d’âge sur le Hengst  et produit un vin de garde.

Après avoir terminé l’Alsace, la semaine prochaine sera passée dans le vignoble du Jura, alternant dégustations syndicales et visites de vignerons. 

Semaine du 19 mars 2010 : les visites ont été  complétées par deux jours de dégustation d’échantillons au CIVA à Colmar. Le reste des échantillons sera dégusté en avril, la semaine prochaine étant consacrée à des visites.

Visites :
Léon Boesch (Westhalten) : une dégustation de la plupart des 2008 dans un style plus abouti que les 2007. Si les vins du Zinkoepflé sont très bons, on retiendra surtout les cuvées moins prestigieuses, dont le Muscat Tradition 2008 (9.2€) originaire en majorité du Zinnkoepflé, ou le délicieux Pinot Blanc Klevner 2008 (7€), sec et salin.

Dirler-Cadé (Bergholz) : grâce à une sélection j’ai évité de goûter les 40+ cuvées de la gamme issue de la fusion des domaines Dirler et Cadé. 2008 est un beau millésime qui transcende les rieslings. Les pinots gris ont fermenté longtemps, et quelques blocage de maturité sur les gewurztraminers ont permis de créer des vins plus secs que d’habitude. 2008 n’a pas la puissance de 2007 mais la salinité est là, en particulier sur les grands cru gréseux de Guebwiller.  Une nouvelle fois le Pinot Réserve 2008 (6.9€) est délicieux et représente une bonne affaire pour qui cherche de bons vins à boire tous les jours. Coté terroirs, le Muscat Grand Cru Spiegel 2008  est somptueux, et plus encore qu’en 2006, le Riesling Grand Cru Kessler Heisse Wanne 2008 issu d’une parcelle au cœur du Kessler a donné un vin somptueux, probablement le plus grand riesling produit sur le Kessler depuis 1990. Déjà proposé à la vente à 18.2€ départ cave, c’est un rapport qualité prix tout simplement exceptionnel. Le Gewurztraminer Grand Cru Kessler 2008 n’est pas en reste et représente certainement la plus belle réussite du domaine sur ce cépage.

Eric Rominger (Soultzmatt) : une gamme très lisible en 2008 avec des génériques francs et salins, des vins du Schwarzberg, terroir de grès des Vosges, fumés avec une fine amertume, et un grand cru Zinnkoeplé qui a produit des vins charnus. Je ne suis en général pas fan des pinots gris produits sur le Zinnkoepflé car ils sont trop doux pour être vraiment minéraux, mais Eric et Claudine m’ont convaincu du potentiel de ce cépage avec leur 2008 déjà très salin. A noter la Cuvée Z 2008 produite en 2008, c’est un vin d’assemblage issu d’une jeune vigne à majorité de gewurztraminer, vinifié sec et élevé sous bois.

Sipp-Mack (Hunawihr) : Je n’étais pas passé au domaine depuis la séparation de Jacques et Vincent, ce dernier quittant le domaine familial pour créer le Domaine Agapé à Riquewihr. Historiquement marqué par des équilibres assez moelleux, en 2007 et 2008 les vins prennent une tournure plus sèche avec de la minéralité. Originaire en partie de l’Osterberg, le Sylvaner Vieilles Vignes 2008 vendu moins e 6€ sera le vin à consommer sans scrupule, tout comme le Gewurztraminer Tradition 2008 à l’équilibre sec et épicé. Comme chez Vincent Sipp, 2008 signe une très grande année pour le Riesling Grand Cru Rosacker 2008, à l’équilibre sec et très minéral.  Bien que ce vin soit parti pour 20 ans de garde, le boire jeune permet de l’associer à des plats de poisson ou crustacés crus (sushi, carpaccio de saint jacques ou langoustines etc …)

Echantillons des domaines classés :

Bernhard&Reibel (Chatenois) : les meilleures cuvées ont un peu déçu, avec des vendanges tardives 2007 qui manquent d’éclat. Les terroirs du Hahnenberg, Ritterberg et Weingarten ont donné de beaux rieslings, pinots gris et gewurztraminers, même si les plus pointilleux des dégustateurs trouveront des déviations sur les vinifications. On sent le potentiel que pourrait atteindre le domaine avec une minéralité exacerbée, une meilleure gestion de la maturité et une pureté plus grande. A  niveau, la bonne affaire est le Sylvaner 2008 parfaitement sec.

E. Boeckel (Mittelbergheim) : une gamme qui s’étoffe progressivement, l’amélioration qualitative des dernières années est flagrante. Un premier Sylvaner Mittelbergheim Vieilles Vignes 2009  déjà en bouteille montre le grand potentiel de ce cépage en 2009. Issu du lieu-dit Stein, le Riesling Clos Eugénie 2005 est déjà ouvert mais se gardera 15 ans encore, quant au Pinot Gris Grand Cru Zotzenberg 2008, c’est la surprise car ce cépage ne donne souvent que des pseudos-vendanges tardives sans intérêt ; en 2008 c’est un vin presque sec et minéral qui exprime toute la force du terroir. Le Pinot Noir Les Terres Rouges 2008 fut goûté à partir d’un échantillon tiré du fût, mais il confirme la grande qualité du millésime 2008, en attendant le grand 2009.

Fernand Engel (Rorschwihr) : Xavier Baril produit des vins techniquement bien faits, certains diront trop techniques.  Les 2008 présentés étaient souvent marqués par une légère réduction qui les refermait coté arômes et leur donnait des fins de bouches asséchantes. Les Pinot Gris Vendanges Tardives 2007 et Gewurztraminer Vendanges Tardives 2007  offrent plus de tension et de minéralité avec des moelleux bien intégrés.

Remy Gresser (Andlau) : seuls 6 échantillons presents dont un délicieux Pinot Blanc « Saint André » 2008, sec et salin, et surtout un excellent Pinot Gris Grand Cru Wiebelsberg 2008. Issu d’une vigne de 10 ans d’âge, c’est la grande réussite en 2008, qui démontre que le riesling n’a pas le monopole des grès du Wiebelsberg. Avec le magnifique Riesling Grand Cru Kastelberg 2007, les efforts de travail des vignes en biodynamie portent leurs fruits en 2007 et 2008

Domaine Haegi (Mittelbergheim) : Mittelbergheim mériterait une virée de quelques jours pour en appréhender la trop discrète activité des vignerons. Les vins présentés sont très salins et se dégustent très bien. On débute par un superbe Sylvaner Mittelbergheim 2008 sec,  puis par un Riesling Brandluft 2007 à l’acidité qui fait saliver, et on finit en apothéose avec le Sylvaner Grand Cru Zotzenberg 2008, vin de garde charpenté et très mûr à encaver.

Gérard Neumeyer ( Molsheim) : Après de grandes années 2005 et 2007 qui feront oublier 2003, 2004 et 2006, 2008 se présente très bien. Le Sylvaner est encore un peu doux à ce stade, on se tournera vers le Pinot Blanc La Tulipe 2008 sec et gras en bouche. Les trois vins du Grand Cru Bruderthal ont été récoltés très mûrs et mériteront quelques année de garde.

Guillaume Rapp (Dorlisheim) : une dégustation un peu décevante, le domaine présentant des vins de 07 comme l’année passée, signifiant des ventes qui ne décalent pas ? Les auxerrois et gewurztraminer ont gagné en moelleux et sont moins avenants qu’avant, heureusement il reste le superbe Crémant d’Alsace Brut  faiblement dosé, et le très bon savoir faire  sur le botrytis avec les Gewurztraminer Vendanges Tardives 2007 et surtout Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles 2006 .

Jean-Paul Schmitt (Scherwiller) : après 2007, nouveau grand chelem sur le millésime 2008 avec une série de vins originaires du Rittersberg qui s’ils restent parfois légers possèdent toujours de la finesse et de la pureté. Les Riesling Rittersberg Les Pierres blanches 2008 et Riesling Rittersberg Réserve Personnelle 2008 particulièrement bien réussis gagneront à être encavés quelques années, quant au Pinot Noir Rittersberg Grande Réserve 2008, il est malheureusement déjà facile à boire jeune.

Autres échantillons des domaines non classés : parmi les autres échantillons dégustés, une forte impression sur le Riesling Grand Cru Zotzenberg Sélection de Grains Nobles  2007  de Fernand Seltz, doté d’un botrytis magnifique. Le guilleret Riesling Vendanges Tardives 2007  de Louis Hauller suit le millésime 2005 dans la continuité, avec un équilibre moelleux sur l’ananas frais qui rend le vin délicieux jeune à l’apéritif ou au dessert. A 7€, le Riesling Bouquet de Clémence 2008  de François Bléger continue d’être une très belle bouteille à boire dès à présent, et la beauté concerne le flacon autant que  son contenu. Enfin, le Crémant d’Alsace Rosé 2008 du domaine Allimant-Laugner montre qu’on sait produire de beaux crémants rosés en Alsace,  sans qu’ils tombent dans l’excès de réduction ou de sucrosité.

Semaine du 12 mars 2010 : une semaine de visites centrées sur le Nord de l’Alsace.

Romain Fritsch (Marlenheim) : Exploitant quasiment toutes ses parcelles sur le Grand Cru Steinklotz, Romain a pris son bâton de maréchal pour aller convaincre ses collègues de aire un grande vin d’assemblage sur le grande cru. Ou plutôt 3 : un blanc sec composé au minimum de 70% de riesling, un blanc moelleux composé au minimum de 70% de gewurztraminer, et un rouge issu de pinot noir, dans lequel Romain ajout historiquement toujours 5% de gewurztraminer. Après avoir mis en exploitation des pinots noirs sur la meilleure partie du grand cru, Romain a su tirer parte de la notoriété ancienne du Steinklotz pour conserver  de l’espoir dans le développement du cru, fortement encouragé par le soutien de la maison Arthur Metz. J’ai donc dérogé à mon principe de ne gouter que des vins en bouteille pour aller déguster les pinots noirs 2009 en cuve, foudre ou barriques, et la tentative d’assemblage finale entre des vins des trois contenants s’est montrée très très prometteuse. Sur le reste de la gamme, le Pinot Noir se montre superbe en 2005, 2007 et surtout 2008, et les blancs se montrent en retrait malgré un très bon Gewurztraminer Grand Cru Steinklotz 2007.

Domaine Hering (Barr) : Les premiers 2009 sont déjà en bouteille et donc dégustés, en particulier un Sylvaner Clos de la Folie Marco 2009 aussi délicieux que le 2008, avec un supplément de gras. Sur le Kirchberg de Barr c’est dans le Clos Gaensbroennel que le meilleur vin est produit, et on recherchera dès sa sortie d’incroyable Gewurztraminer Grand Cru Kirchberg de Barr Clos Gaensbroennel 2008 à la minéralité déjà affirmée. Le Riesling Grand Cru Kirchberg de Barr Cuvée Emile Gustave 2005 récolté en surmaturité se montre déjà parfaitement adapté à la table sur des plats riches.

Domaine Klipflel (Barr) : La dégustation portait sur l’ensemble de la gamme, mais elle fut limitée aux produits maison, donc les grands crus et les Cuvée Louis de la gamme Alsace. Si la gamme générique est bien faite en restant simple, on retiendra tout de même pour leur grande buvabilité les Pinot Blanc Cuvée Louis Klipfel 2008  et Sylvaner Cuvée Louis Klipfel 2008. Les Grands Crus 2008 sont du même haut niveau que les 2007, avec un grand Muscat Grand Cru Kirchberg de Barr 2008 et surtout un superbe Riesling Grand Cru Kastelberg 2008. La gamme issue d’achats doit certainement être moins bonne que la gamme Cuvée Louis. Le domaine est peut-être en train de changer d’époque, après l’essor commercial impulsé sous la houlette d’André Lorentz qui a battu le pavé national et international pour positionner ses vins d’Alsace dans toutes les brasseries, son fils Jean-Louis  relance une ambition plus haut de gamme, bénéficiant en particulier des 12 hectares de vignes propres sur le grand  cru Kirchberg de Barr, dont 3.5 dans le célèbre Clos Zisser. Les vins des années 40-50-60 sont là pour témoigner de la grandeur de ce terroir,  à l’image de l’excellent Sylvaner Grande Réserve 1959 dégusté sur pace.

Etienne Loew (Westhoffen) : avant de déguster les 2009 en bouteille, la dégustation des 2008 en bouteille a démontré la belle homogénéité de la gamme, en particulier les rieslings d’équilibre secs. Le Vérité de Sylvaner 2008 est délicieux mais depuis longtemps épuisé, tout comme le Pinot Gris Bruderbach Clos Marienberg 2008 à l’équilibre demi-sec. Le Gewurztraminer Grand Cru Altenberg de Bergbieten 2008 est majestueux, mais il ne faudra pas louper l’exceptionnel Gewurztraminer Ostenberg Sélection de Grains Nobles 2007 , aux arômes typiques d’agrumes et de raisin frais.

Domaine du Manoir (Ingersheim) : Une très belle production en 2008 pour ce domaine qui exploite de manière exclusive le Clos du Letzenberg. Les vignes prennent de l’âge et à l’instar des vins issus des jeunes vignes plantées sur le Heimbourg voisin par Olivier Humbrecht,  les vins du Clos commencent à posséder une certaine minéralité. Sachant qu’on est sur la même veine géologique que le grand cru Hengst, le potentiel est bien là.  Le Pinot Gris Clos Du Letzenberg 2008 est le plus salin à ce stade, mais on appréciera la pureté et la qualité de l’élevage sous bois du Pinot Noir Clos du Letzenberg 2008 . Issu de passerillage sur ce terroir venteux qui sèche les raisins, les Gewurztraminer Clos Du Letzenberg Vendanges Tardives 2007  et Pinot Gris Clos Du Letzenberg Sélection de Grains Nobles 2007 sont au niveau des meilleures années produites comme 1994.

Frédéric Mochel (Traenheim) : La gamme 2008 est de haut niveau avec dans l’Appellation Alsace un Muscat 2008 remarquable de croquant et de densité. Sur le Grand Cru Altenberg de Bergbieten Riesling et Gewurztraminer brillent de tous feux en 2008, avec un Riesling Grand Cru Altenberg de Bergbieten Cuvée Henriette 2008 très salin et un Gewurztraminer Grand Cru Altenberg de Bergbieten 2008 à l’équilibre quasi sec. Malgré l’absence de revendication de son origine, le Gewurztraminer Vendanges Tardives 2008 sent l’Altenberg à plein nez, et propose un équilibre minéral qui n’a rien à voir avec le caractère sucré qu’on recherche généralement. Petit bémol, le Muscat Altenberg de Bergbieten 2008 ne se goûtait pas très bien, vu sa richesse je suspecte une fermentation malolactique qui est en train de démarrer dans certaines bouteilles. Le vin ne sera pas proposé à la vente avant d’en avoir le cœur net. Les magnifiques 2005-2006-2007 étant épuisés depuis longtemps au domaine, on se rattrapera sur le millésime 2009 qui s’annonce très bon.

Rolly-Gassmann (Rorschwihr) : L’incroyable marathon de dégustation que demande le parcours de la gamme est intéressant car il ne fait pas tellement le yoyo qualitatif. Il y a autant de terroir dans un Auxerrois Rotleibel que dans un Muscat Moenchreben ou un Gewurztraminer Oberer Weingarten. Les premiers 2008 sont en vente dont un Riesling 2008 (7€) particulièrement sec, ou un Sylvaner Weingarten 2008 (7.5€) à peine marqué par de la douceur. Le Muscat Moenchreben 2008 sera la bouteille de l’hiver 2010 car pas encore en vente, mais sa fraicheur en fera un must à l’été 2011. Les gewurztraminers souvent superbes ont profité du savoir faire maison dans les années délicates, avec en particulier un Gewurztraminer Kappelweg Vendanges Tardives 2006 remarquable de minéralité, et un Gewurztraminer Haguenau Sélection de Grains Nobles 2000 à parfaite maturité.

Domaine Seilly (Obernai) : Marc Seilly poursuit son chemin avec des vins du Schenkenberg qui gagnent en pureté et en netteté dès 2006 et surtout 2007.  Le Muscat Schenkenberg 2007 est délicieux, le Riesling Schenkenberg Vieilles Vignes 2003 est remarquable de profondeur avec un bon vieillissement à venir, et le Gewurztraminer Schenkenberg Sélection de Grains Nobles 2005 est majestueux dans l’expression fine d’écorce d’agrumes et de pralin. Dommage que les prix soient moins bon-marché qu’ailleurs, mais  c’est un juste retour des choses et ce sont souvent les vignerons qui manquent d’ambition.

Vincent Stoeffler (Barr) : Oscillant entre Barr et Ribeauvillé, la gamme est homogène en 2008, avec de nombreux vins faciles à boire comme ce Muscat 2008 dense et frais  ou ce Pinot Gris 2008 issu de pinot à petits grains. Le Pinot Gris Grand Cru Kirchberg de Barr 2008  est travaillé sur un équilibre demi-sec bien plus plaisant sur ce cru que les vins proches d’une vendange tardive. Quant au Pinot Noir XXC 2008  originaire du Kirchberg, il succède avec brio au grand 2005. Coté Ribeauvillé, le Riesling Muhlforst Vendanges Tardives 2007  est un délice mêlant puissance et moelleux, et la gamme des crémants fait partie de ce qui se fait de mieux dans la région.

Zind-Humbrecht (Turckheim) : retour rapide au domaine pour finaliser les notes de dégustations prises en partie sur des vins avant la mise. Toujours une aussi belle homogénéité dans le millésime, avec quelques vins qui se sont vraiment ouverts depuis la mise comme le Riesling Clos Häuserer 2008, ou le Pinot Gris Rotenberg 2008 qui se goût encore mieux. Les vins du Goldert sont étonnement ouverts, et le Riesling tutoie les sommets.

Lire la partie 2 – de novembre 2009 au 5 mars 2010
  

Thierry Meyer

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