L'Oenothèque Alsace

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Rencontre avec Laurence Faller au Domaine Weinbach
22 Novembre 2005

Les derniers millésimes de Riesling Grand Cru Schlossberg et la dégustation du mois de Septembre au domaine m’ont beaucoup impressionné. Après une superbe dégustation de toute la gamme en septembre 2005 je suis revenu en Novembre au domaine pour discuter avec Laurence Faller de son travail dans les vignes et dans le chai, et nous en avons profité pour goûter ensemble … quelques rieslings.



Riesling Sainte Catherine 2004  – Domaine Weinbach : Le vin est issu de la partie basse du Grand Cru Schlossberg et de la prolongation jusqu’à route, sur un sol de granit recouvert de sables granitiques, assez profond. Le nez est très mûr comme toujours sur ces parcelles avec des notes de miel et d’agrumes. La bouche est sèche, dense, saline comme un Schlossberg avec une bonne minéralité. La finale est citronnée, presque piquante. La pourriture noble est souvent précoce, ce qui explique ce style surmaturé sec qui s’associe bine avec la fine acidité du terroir. Le vin titre 13.5 degrés d’alcool, ayant pratiquement fermenté tous ses sucres. Très Bien


Riesling Grand Cru Schlossberg Sainte Catherine 2004 – Domaine Weinbach : des parcelles de vieilles vignes acquises au début des années 90 permettent de faire une cuvée spéciale ainsi que les vins moelleux du Schlossberg. Ce 2004 a fermenté longuement, jusqu’en Juin 2005. Le nez est très élégant, pur avec une maturité parfaite du raisin qui donne des arômes très purs de riesling sans être marqués par le botrytis. La bouche reprend le toucher de bouche si particulier de cette cuvée, avec une grosse matière jamais grossière mais tout en finesse. Un vin unique dans la région sur un tel terroir, et une place méritée sur le podium des plus grands rieslings alsaciens. Excellent.


J’ai eu la chance de goûter tous les millésimes de cette cuvée produite entre 2004 à 1995, et ils se montrent tous de très haut niveau, avec beaucoup de régularité dans les appréciations. Seul le millésime 1996 m’a causé quelques soucis avec quelques flacons prématurément oxydés, défaut que je mets sur le compte de la mauvaise conservation du vin. Nous goûterons rapidement le millésime 2005 en train de finir sa fermentation, et je suis très impressionné par la manière dont on sent déjà la chair et la pureté de cette cuvée. Mais cette qualité n’est pas entièrement due aux nouvelles parcelles de vieilles vignes, le Riesling Schlossberg 1988 et le riesling Grande Réserve 1970 bus cet automne montrent un équilibre minéral très fort et une qualité des raisins exceptionnelle. 


Riesling Grand Cru Schlossberg Sainte Catherine « L’inédit » 2004 – Domaine Weinbach : une partie de la cuvée Ste Catherine est récoltée en légère surmaturité, donnant un vin demi-sec. Le nez est marqué par les agrumes confits, le fruit exubérant masquant un peu la complexité du vin. La bouche est grasse, légèrement moelleuse, avec une acidité très fine. La sapidité de ce vin est énorme, et il faut découvrir les fines notes de pralin derrière la finale citronnée pour se convaincre de ne pas tout boire dès la mise en vente prévue l’année prochaine, et d’attendre ce vin quelques années pour qu’il atteigne des sommets encore plus hauts. Excellent.


L’Inédit existe depuis le millésime 1997, et si sa réputation a un peu souffert de la vague anti-sucre résiduel qui a sévi en Alsace ces dernières années, espérons que la grandeur des vins demi-secs sera reconnue dans la région à leur juste titre, au même titre que les Goldkapsel allemands. Le millésime 2001 de cette cuvée bu l’année dernière lors des 24h du riesling était un des plus grands vins du week-end, et le 1999 en Magnum bu cette année lors de la même manifestation a beaucoup impressionné par son équilibre.


A ce niveau de perfection, on se demande comment faire encore plus fin ? Pas de problème. C’est l’heure de goûter la VT 2002…


Riesling Grand Cru Schlossberg Vendange Tardive 2002 – Domaine Weinbach : le nez est parfumé, dominé par le fruit avec des notes de citron confit. La bouche est très complexe, combinant une acidité très fine avec un moelleux complètement intégré, donnant un équilibre aérien incroyable quand on sait que le raisin a été récolté à maturité de grain noble. On est pourtant à 95g/l de sucre résiduel pour une acidité de 9 g/l exprimée en tartrique. La finale revient sur des notes d’agrumes, de rhubarbe, miel et de truffe, et pour notre plus grand plaisir, elle est d’une grande longueur. On n’est qu’en 2005 et il est un peu tôt pour parler de vin du siècle, mais je suis prêt à parier que dans 30 ans on parlera encore de cette cuvée. Excellent


Tant qu’à être dans des vins moelleux, on va finir sur un gewurztraminer et un pinot gris, dans deux styles différents, mais très marqués par leur terroir.


Gewurztraminer Grand Cru Furstentum Vendanges Tardives 2000 – Domaine Weinbach : le nez est très mûr, solaire et pas tellement botrytisé, avec des notes de miel, de raisins secs et de fumée. La bouche est très fine, très fruitée avec une bonne vivacité, l’acidité donnant un coté crayeux sur la langue. On sent encore un peu l’alcool en finale, le vin doit se faire attendre un peu avant de s’exprimer complètement. Très Bien


Pinot Gris Altenbourg Sélection de Grains Nobles 2002 – Domaine Weinbach : Le nez est parfumé, marqué par des arômes de miel et des notes de champignon frais. La bouche est liquoreuse, tendue comme un arc par une acidité très présente qui donne beaucoup de finesse. A nouveau on est sur un équilibre superlatif (156 g/l de sucre résiduel, 10g/l d’acide en tartrique), mais avec une telle pureté gustative et aromatique que l’impression d’ensemble est aérienne. Si les arômes de fruit dominent encore une manière dense, l’imposante longueur de la finale en dit long sur le potentiel que peut atteindre ce vin au vieillissement. Excellent


Que ce soit en 2001, 2002 ou 2004, les grandes années se succèdent en ce début du 21e siècle et permettent au domaine de monter son savoir-faire, tant sur les cuvées prestige que sur l’ensemble de la gamme qui est très homogène. Ce qui est un peu dommage, c’est qu’en venant goûter les vins au domaine, chacun imagine une échelle qualitative croissante, et on a peut-être tendance à considérer le Sylvaner 2004 comme une bonne « entrée de gamme », un bon vin gouleyant, peut-être même un peu cher. Il faudrait pouvoir commencer par goûter des vins d’autres domaines pour remplacer la barre où elle est réellement, et se rendre compte qu’en 2004 on commence très haut. L’impression est assez similaire à celle des vins du domaine Josmeyer, qui ont atteint un niveau de pureté, de finesse et de minéralité sans précédent. On ne parle plus à ce niveau de meilleur vin d’Alsace, les comparaisons se font au niveau de la production mondiale. Tiens, dans les deux domaines cités, ce sont des femmes qui dirigent le chai. Coïncidence ?


On a envie de parler de locomotive du vignoble, mais il faudrait pour cela que la locomotive ait des wagons à tirer. Les vignerons alsaciens ont-ils jamais goûtés ces vins ? J’ai le bon souvenir d’avoir partagé un Riesling Schlossberg Sainte Catherine 1996 avec un vigneron qui produit du Riesling Schlossberg. Ce fut un grand moment, le vigneron voyant dans ce vin tout ce qu’il cherchait à faire, et se demandant comment il pourrait un jour y arriver. On reparle souvent de cette dégustation, même trois ans plus tard. Les ténors de la viticulture alsacienne s’impliquent heureusement dans la formation des vignerons, et en 2006 Laurence Faller participera à une courte formation donnée par le CFPPA de Rouffach, intitulée « Vinification et élevage de « grands » vins blancs d’Alsace. ». Tout un programme.


Théo Faller n’est malheureusement plus là pour goûter les vins, mais ce soir là, en quittant le Clos des Capucins, je n’ai pu m’empêcher de penser à lui. Les parents espèrent généralement que leurs enfants feront aussi bien, voire mieux qu’eux. Je suis sûr qu’il serait très fier du résultat atteint par les vins du domaine, et de la notoriété mondiale que le domaine continuera de renforcer dans le futur grâce à la qualité des vins produits. Chapeau bas.


Thierry Meyer


 


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