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Première visite au Domaine Valentin Zusslin (Orschwihr)

1er mars 2006


Situé entre Guebwiller et la Vallée Noble, Orschwihr est un des villages viticoles les plus au sud de l’Alsace et il y a plus d’une heure de route depuis Strasbourg. Le Pfingstberg est le Grand Cru local, un terroir marno-calcaro-gréseux, et la colline du Bollenberg toute proche offre de jolis coteaux d’orientations multiples sur un sol argilo-calcaire contenant une bonne dose de fer. Le trajet valait la peine, j’ai découvert un domaine produisant des vins mûrs d’une grande pureté, secs et gras à souhait, qui rappellent souvent les équilibres puissants de grands bourgognes blancs construits sur une matière concentrée plutôt qu’autour d’une simple charpente acide. Un domaine à découvrir absolument.



Valentin Zusslin a laissé depuis longtemps la place à son fils Jean-Marie, désormais accompagné de son fils Jean-Paul (en cave et dans les vignes) et de sa fille Marie (pour la partie commerciale et la gestion).  Les raisins sont récolté en plusieurs passages dans la parcelle, dans des botiches mais aussi des caissettes de 25kg pour les plus beaux crus, directement déversées dans le pressoir pour limiter la manipulation. Trente personnes travaillent ainsi parcelle par parcelle pour vendanger les 13 hectares du domaine. Le pressurage est suivi par 12h de décantation. Fermentation et élevage sur les lies sont pratiqués en cuve, mais aussi en foudre pour les rieslings et pinot gris. Les fermentations sont naturelles, souvent longues et complètes, avec fermentation malolactique quasiment sur toutes les cuvées. Un travail attentif et minutieux de la vigne à la cave, qui va bien au-delà de la biodynamie pragmatique pratiquée au domaine depuis 1997. On obtient un style très différent de l’équilibre acide/sucre qui fait le charme des cuvées de la maison Lucien Albrecht à quelques centaines de mètre de là.


Le domaine utilise des indices de dégustation pour caractériser le caractère moelleux et doux des vins, avec une échelle légèrement différente de celle de Zind-Humbrecht :




  • 1 : sec, fruité


  • 2 : sec, aromatique, ample


  • 3 : sec, concentration aromatique, puissant


  • 4 : ½ sec, aromatique, douceur plus marquée


  • 5 doux


  • 6 : moelleux, y compris VT et SGN

Dégustation en compagnie de Jean-Marie et Marie Zusslin. Les prix indiqués proviennent du tarif départ cave particuliers pour les bouteilles en vente.


Sylvaner Vieilles Vignes 2002 – Valentin Zusslin : La robe est jaune foncé avec des reflets verts. Le nez est mûr, floral avec des notes de muguet. La bouche est franche en attaque, dense et sèche avec une acidité présente et fondue dans une matière concentrée. La finale est assez longue, fraîche et nette. Un très beau sylvaner. Bien


Chasselas 2004 – Valentin Zusslin (7€, indice 1) : La robe est un peu trouble, jaune légèrement orangé. Le nez est moyennement intense, fruité avec des notes de miel. La bouche est grasse en attaque, souple et sèche avec une évolution un peu crayeuse sur la langue. La finale est assez longue et laisse le palais propre, prêt pour une autre gorgée. Vin non filtré.  Bien


Auxerrois Vieilles Vignes 2004 – Valentin Zusslin (6.8€, indice 2) : La robe est jaune dorée, très brillante. Le premier nez est ouvert, très mûr, évoluant sur des notes de miel de fleurs. La bouche est grasse en attaque, fruitée et aérienne, évoluant sur un style gras et très mûr mais sans lourdeur. La finale est longue avec des arômes de pralin. Un vin très représentatif du style mur et sec de la gamme, une caresse à boire. Très Bien


Auxerrois Vieilles Vignes 2003 – Valentin Zusslin (7€, indice 2) : Le nez est plus complexe, fumé avec des notes de silex. La bouche est ample en attaque, grasse et un peu chaude, avec une évolution légère, fruitée et très parfumée. Un superbe travail qui montre qu’en 2003 le millésime peut marquer les vins tout en donnant des cuvées de haut vol. Très Bien


Riesling Bollenberg 2003 – Valentin Zusslin (8.4€, indice 3) : la robe est jaune citron, avec un bel éclat. Le premier nez est fruité, assez intense avec des arômes de pêche mûre, gagnant en intensité à l’aération. La bouche est grasse et un peu perlante en attaque, évoluant sur un équilibre gras, un peu tannique et très parfumé. Les tanins sont un peu asséchants en finale mais avec le gaz donnent une belle fraîcheur au vin. Une belle réussite. Très Bien


Riesling Clos Liebenberg 2002 – Valentin Zusslin (10.4€ indice 3) : Le Clos Liebenberg est un clos situé en marge du Grand Cru Pfingstberg, sur une vigne en terrasse orientée sud-est. La robe est jaune dorée, brillante. Le nez est mûr, initialement marqué par des fruits jaunes, évoluant sur des notes minérales. La bouche est grasse en attaque, dense et sèche avec une acidité qui se manifeste progressivement. La fin de bouche est puissante, longue et parfumée. Un très beau vin qui arrive doucement à maturité. Rapport qualité/prix exceptionnel. Très Bien


Riesling Bollenberg 2004 – Valentin Zusslin : La robe est brillante mais très concentrée, au point de troubler la limpidité du vin. Le nez est fumé, minéral, évoluant sur des notes florales. En bouche l’attaque est ample, grasse, sèche et fruitée avec une bonne concentration, évoluant sur un équilibre gras et  parfumé qui persiste longtemps en bouche. L’acidité est à nouveau très mure et se manifeste progressivement en fin de bouche pour accompagner la sensation de puissance. Encore un peu jeune, sec et gras (4g/l de sucre résiduel). Très Bien


Riesling Clos Liebenberg 2004 – Valentin Zusslin : Le premier nez est fermé, légèrement fumé, prenant de l’ampleur à l’aération avec des arômes d’agrumes. La bouche est franche en attaque, grasse et assez vive à la fois, avec une acidité un peu plus présente que dans les autres vins, qui donne un surcroît de nervosité au vin. La fin de bouche est à la fois mûre et flamboyante, brillante comme une finale d’orchestre symphonique. On sent une forte minéralité dans ce vin encore un peu sur la réserve mais doté d’un très gros potentiel (13.8% alcool, 6g/l de sucre résiduel). Très Bien


Riesling Grand Cru Pfingstberg 1999 – Valentin Zusslin (13€, indice 3) : Le nez est complexe, passant par palier par des arômes de fleur d’acacia, de camphre, d’hydrocarbures et de fumée. La bouche est grasse, ample et sèche, moyennement concentrée et avec une finale très pure qui reprend les arômes du nez. Un petit peu de puissance en plus en finale et on aurait été au panthéon des grands vins. Une bouteille qui n’en reste pas moins exceptionnelle, avec un très bon rapport qualité/prix. Très Bien


Riesling Grand Cru Pfingstberg 2001 – Valentin Zusslin (14€, indice 4) : Le nez est parfumé, mûr et expressif, avec des notes de bouillon blanc qui laissent place rapidement à du bonbon fruité. La bouche est grasse et légèrement moelleuse, finement acidulée, évoluant sur un équilibre plus sec et minéral. Le 2001 a plus d’ampleur que le 1999 mais un équilibre demi-sec qui va demander un peu de patience pour que le vin atteigne son apogée. Gros potentiel. Très Bien


Pinot Gris Clos du Liebenberg 2003 – Valentin Zusslin (11.5€, indice 3/4) : Le nez est très parfumé, mûr avec des arômes de fleur séchée et de caramel salé. La bouche est grasse et très fine en attaque, élégante avec une forte sapidité, évoluant sur un équilibre gras soutenu par une acidité assez présente. La finale est longue avec des arômes floraux. Un des plus beaux pinots gris 2003 dégustés à ce jour. Belle réussite dans un millésime difficile pour ce cépage. Très Bien


Muscat Ottonel Cuvée Marie 2003 – Valentin Zusslin (10.4€, indice 3) : La robe est pâle et brillante. Le nez est parfumé, florale avec des notes de lilas blanc, évoluant sur des arômes de citronnelle. La bouche est grasse, sèche et très florales, évoluant sur un équilibre puissant, un peu marqué par l’alcool. La fin de bouche est longue. Un muscat sec (4g/l de SR) et puissant. Bien


Gewurztraminer Bollenberg 2004 – Valentin Zusslin (8.9€, indice 4) : Le premier nez est ouvert, très floral, gagnant en complexité et intensité à l’aération avec des notes épicées. La bouche est grasse, très élégante, sèche et très pure. La fin de bouche est longue et très parfumée sur des arômes de géranium. Un vin sec superbement équilibré, fin et déjà bien ouvert. Très Bien


Gewurztraminer Bollenberg « La Chapelle » 2002 – Valentin Zusslin (14.5€, indice 3) : La robe est jaune doré, avec beaucoup de brillance. Le nez est foral avec des notes intenses de surmaturité. La bouche est grasse, concentrée et très mûre, évoluant sur un équilibre sec et un peu chaud avec des notes forales très intenses en finale. Une cuvée issue d’une très jeune vigne récoltée en surmaturité, qui a fermenté complètement ses sucres. Bien


Gewurztraminer Bollenberg « Prestige » 2003 – Valentin Zusslin (11.5€ indice 5) : Un nom spécial pour distinguer une cuvée à mi-chemin entre la cuvée Bollenberg sèche et la VT. Le nez est très parfumé avec des arômes de géranium, de fraise et de pain grillé typiques du millésime. La bouche est puissante en attaque, ronde et très agréable, passerillée avec un moelleux très fondu. La finale est longue et marquée par des notes florales. Une cuvée encore un peu jeune, qui gagnera en équilibre et en complexité avec quelques années de garde. Bien


Gewurztraminer Vendanges Tardives 2000 – Valentin Zusslin (22€, indice 6) : Le nez est complexe, floral sur le muguet, puis marqué par des arômes de miel, évoluant à l’aération sur des notes de pierre à fusil. La bouche est moelleuse, très grasse avec une impression de mâcher du miel de fleur liquide, tout en gardant une certaine fraîcheur grâce à une petite amertume en finale. Un vin élégant, déjà ouvert mais de grande garde. Très Bien


Cette première dégustation est vraiment impressionnante. Les vins ont beaucoup de pureté, une attaque moelleuse sans être sucrée, un équilibre quasiment toujours sec en bouche et une trame acide qui dessine les différentes origines des vins. Bollenberg, Pfingstberg et Clos Liebenberg possèdent des sols suffisamment différents pour marquer les vins de leur empreinte. Si 2004 a produit une vendange mûre et équilibrée, les vins du millésime 2003 sont souvent remarquables de minéralité et d’équilibre.


Le caractère gras donne souvent un moelleux qui peut s’apparenter à de la sucrosité pour les palais habitués à des vins secs et vifs que le sucre vient généralement adoucir. Avec une telle concentration et une telle pureté des vins, le sucre résiduel n’est ici pas nécessaire pour atténuer une acidité excessive ou des goûts végétaux, tanniques ou amers.


Le domaine joue clairement dans la cour des grands sur les 3 derniers millésimes. Où sont les éventuelles pistes d’amélioration ? Comment le domaine peut se rapprocher encore plus de l’élite des vignerons alsaciens ? Par rapport à Josmeyer, le caractère gras et surmaturé est un peu plus marqué dans les vins, avec des acidités moins vives qui rendent les vins plus faciles à boire très jeunes. Par rapport à Marcel Deiss, les vins ont encore un peu de minéralité et de concentration à gagner. Je crois finalement que le style maison se rapproche un peu de celui des vins du Domaine Barmès-Buecher : aux différences de terroir près, les pratiques en vigne et en cave sont assez semblables (vinification en demi-muids, suppression de la table de tri au profit d’un tri à la vendange, élevage long sur lies), et le style gras et sec des vins souvent similaire en 2004.


A ce niveau de qualité, les prix sont vraiment compétitifs, et représentent une bonne alternative aux stars de la région. Les 100 000 bouteilles produites sont aujourd’hui en grande partie vendues dans la restauration alsacienne ou exportées hors de France. Il serait temps que les amateurs remplissent leur propre cave avec ces cuvées !


Pinot Gris, Pinot Noir, Crémant et le fameux Riesling Pfingstberg 2002 restent à goûter lors d’une prochaine visite.


Thierry Meyer



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