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Le Gewurztraminer 1992 à la Confrérie Saint Etienne


Séminaire de vieux millésimes à la Confrérie Saint-Etienne
Le cépage Gewurztraminer en 1992
20 Octobre 2005

Dans le cadre des séminaires de vieux millésimes ouverts au public la soirée du 20 octobre était consacrée au Gewurztraminer dans le millésime 1992. Malgré son acidité plus faible en moyenne que dans le riesling ou le sylvaner, le gewurztraminer est doté d’un potentiel de vieillissement important, comme en témoignent certaines cuvées fréquemment rencontrées (Cuvée des Seigneurs de Ribeaupierre chez Trimbach ou Cuvée des Comtes d’Eguisheim chez Léon Beyer). Si l’opinion publique se base généralement sur la région de Bordeaux pour évaluer la qualité des millésimes, 1992 ne restera pas dans les annales comme une grande année.




Pourtant, le Centre d’Information du Vin d’Alsace à Colmar écrivait en mars 1993 :


« Millésime 1992 – Un potentiel exceptionnel


Une floraison particulièrement précoce début juin accompagnée d’une fécondation parfaite. Donc d’emblée des formations exceptionnellement nombreuses et bien conformées annonciatrices d’une récolte généreuse.
Un été chaud et sec ayant favorisé une végétation luxuriante et saine.
Quelque pluies dans les tous premiers jours de septembre attendues par tout le monde et spécialement bienvenues dans les terres ayant épuisé leurs réserves hydriques.
La véraison commencée dès la fin du mois d’août a ainsi pu se poursuivre par une maturation excellente et rapide qui a conduit le Comité Régional d’Experts des Vins d’Alsace à décréter le début des vendanges :




  • dès le 21 septembre pour l’appellation Crémant d’Alsace


  • dès le 30 septembre pour les appellations Alsace et Alsace Grand Cru

Les vendanges qui se sont étalées tout au long des 3 premières semaines d’octobre ont confirmé le potentiel de cette récolte 1992 tant sur le plan quantitatif que qualitatif.
Le plein des trois appellations a pu être réalisé cette année avec un volume AOC de 1290000 hl en augmentation de 16% sur la moyenne des cinq dernières années pour une moyenne Alsace qui s’établit à 1100000 hl.
Les richesses en sucre des raisins sont proches de celles des excellents millésimes 1989 et 1985 avec des acidités légèrement plus basses. Autant dire que sauf dans les situations sensibles à la sécheresse et dans les vignes trop chargées, de très belles réussites ont été constatées dans tous les cépages, notamment la famille des Pinots, particulièrement beaux cette année. »


Bref, une année chargée ou il fallait éclaircir les vignes au début de l’été pour éviter la dilution d‘une charge trop importante (contrecoup de la vigne suite aux gelées de 1991 ?), que des acidités basses allait alourdir encore plus. Le rendement moyen de la région se monte à 94hl/ha.


Nous allons déguster une douzaine de vins, en séparant les Alsace Grand Cru des Alsace, et en triant chaque groupe par sucrosité croissante, de manière à se concentrer sur le sucre sur les Alsace et pouvoir se pencher sur les terroirs plus en détail sur les Grands Crus.


Gewurztraminer Cuvée Particulière 1992 – Pierre Sparr (Sigolsheim) : La robe est jaune citron, avec un bel éclat et un disque brillant. Le nez est assez parfumé, épicé avec de discrètes notes d’agrumes à l’agitation. La bouche est grasse, légèrement évoluée, avec une présence de gaz encore perceptible. L’acidité basse, des notes de camphre en finale et une dégradation du nez au bout d’une demi-heure d’aération annoncent un vin qui amorce son déclin. A boire sans trop tarder, idéalement dans les 5 ans à venir. Bien


Gewurztraminer 1992 – Josmeyer (Wintzenheim) : la robe reste jaune citron assez dense, avec des reflets dorés. Le nez est épicé, complexe, avec des notes de foin coupé. La bouche est sèche, grasse, un peu épicée, faiblement acide et finissant sur des notes alcooleuses. Le vin possède un équilibre similaire au précédent mais évolue favorablement à l’aération, sans oxydation et avec l’apparition de notes de réglisse en bouche. Un vin stable qui devrait rester dans ce style pur pendant encore 10 ans. Bien


Deux vins secs qui vont montrer l’aspect variétal sur le millésime 1992, avec une légère évolution.


Gewurztraminer Felsen 1992 – André Gueth (Walbach) : la robe est jaune citron assez pâle. Le nez est discret lorsque le vin est froid, puis devient malheureusement un peu liégeux au réchauffement. La bouche est fruitée, moelleuse avec des notes de miel, mais est gâchée par les notes de liège. Un vin plus riche que les deux précédents, issu de faibles rendements sur le terroir granitique de la vallée de Munster, malheureusement un peu bouchonné. Semble doté d’un bon potentiel de vieillissement autrement. Non Noté


Gewurztraminer Cuvée Personnelle 1992 – Kuentz-Bas (Husseren-les-Châteaux) : la robe prend des nuances pailles et des reflets dorés. Le nez est très mur, avec derrière des notes florales des arômes de miel, de nougat, de fruits jaunes, évoluant vers des notes grillées et de pierre à fusil. La bouche est moelleuse, dense avec une légère évolution. Le sucre préserve un équilibre en rondeur qui laisse présager une bonne évolution sur les 15 prochaines années. Un vin très riche, probablement issu des sols très calcaires de la région de Husseren. Bien


Les deux vins sont plus riches, le sucre aidant à stabiliser un peu leur équilibre, tout en les rendant plaisant en dégustation pure.


Gewurztraminer 1992 – Gustave Lorentz (Bergheim) : La robe est jaune citron avec un bel éclat. Le nez est puissant, épicé, riche et un peu animal par moment. La bouche est riche, dense et assez moelleuse même si l’équilibre général est assez sec à cause de la puissance en bouche. Une légère amertume est perceptible en finale, ainsi qu’un coté alcoolique. Le vin semble puissant et provient probablement d’un joli terroir marno-calcaire autour de Bergheim, mais son évolution rapide à l’aération laisse à penser qu’il ne se développera pas beaucoup avec l’âge. A boire dans les 5 ans. Bien


Gewurztraminer Burgreben Réserve Exceptionnelle 1992 – Eblin-Fuchs (Zellenberg) : la robe est éclatante, avec des nuances jaune doré. Le nez est un peu réduit, avec des notes florales de rose et des notes plus fumées / grillées. La bouche est puissante, avec des tanins perceptibles et une richesse minérale très présente. Le vin semblerait austère si le moelleux ne venait adoucir l’ensemble. Le vin ne fait pas l’unanimité par son style, et sa tenue à l’oxydation suggère qu’il vaudrait mieux boire les bouteilles dans les 10 prochaines années. Le terroir marno-calcaire du Burgreben est généralement réputé pour ses rieslings puissants. On retrouve cette sensation de puissance sur ce gewurztraminer. Un style que j’aime beaucoup. Très Bien


Cette série permet de faire une bonne transition vers les Grands Crus, on voit clairement que la puissance et la minéralité du vin sont des paramètres indépendants de la richesse en sucre. Avec ces 6 vins en préalable aux grands crus, le risque de ne se concentrer que sur le sucre résiduel est ainsi écarté.


Gewurztraminer Grand Cru Kirchberg de Barr 1992 – Klipfel  (Barr) : la robe est jaune dorée très foncée, avec des nuances brunes. Le nez est intense mais cassée, avec des arômes  de pomme blette et des notes oxydées assez marquées. La bouche est grasse, riche avec une bonne dose de sucre, mais souffre de son caractère oxydé. Le bouchon est mouillé sur 3mm avec des cristaux de tartre, et ne semble pas avoir de problème d’élasticité. Une bouteille à regoûter.


Gewurztraminer Grand Cru Brand 1992 – Dopf au Moulin (Riquewihr) : La robe est jaune citron très pâle, avec des reflets verts. Le nez est parfumé, un peu évolué avec des notes d’encaustique. La bouche est fine, élégante avec une acidité présente, finissant sur des notes d’agrumes et avec une belle amertume. Le terroir granitique donne de l’élégance au gewurztraminer (à l’image de la même cuvée bu dans le millésime 1994), mais le millésime est un peu faible pour cette cuvée à boire sans plus tarder. Bien


Gewurztraminer Grand Cru Vorbourg 1992 – HEIM (Westhalten) : HEIM est la marque commerciale de la cave viticole de Westhalten avant sa fusion dans le groupe Bestheim. La robe est jaune paille assez clair. Le nez est très agréable, parfumé, épicé et très mur. La bouche est riche, dense, avec une bonne acidité perceptible. On perçoit encore un peu de gaz, ce qui ajoute à la sensation de fraîcheur de l’équilibre. Une belle adéquation de terroir et de cépage, le sol marno-calcaire avec des plaquages de loess en surface du Vorbourg donne ici un vin puissant et mur, qui gardera son équilibre au moins 15 ans encore. Très Bien


Gewurztraminer Grand Cru Zinnkoepflé 1992 – Seppi Landmann (Soultzmatt) : La robe est jaune doré. Le nez est assez parfumé, fruité avec des notes de coing, d’abricot, d’ananas et de miel, dans un style très élégant. La bouche est ronde, grasse en donnant une sensation un peu plate par rapport au précédent, mais pas dénuée de charme. L’élégance est directement appréciable, et  le vin ne parait pas son âge au niveau des arômes qui restent très jeunes. Une bonne combinaison du style pur des vins du domaine, et des arômes exotiques du Zinnkoepflé et de son sol calcaro-gréseux. Un vin de garde qui tiendra encore 15 ans au moins. Une belle association dans un style très différent du Vorbourg voisin. Bien


Gewurztraminer Grand Cru Goldert 1992 – François Erhart (Wettolsheim) : La robe est dorée, assez intense, avec beaucoup de brillance. Le nez est riche et épicé, très légèrement oxydé avec une évolution perceptible. La bouche est riche et mielleuse, avec une structure acide bien présente. Le Gewurztraminer règne en maître sur le calcaire Oolithique du Grand Cru Goldert, et donne un équilibre sucre/acide remarquable. Si l’évolution et la très légère oxydation sont peut-être dues au bouchon, on a là un vin capable de rester sur cet équilibre une bonne dizaine d’années. Très Bien.


Gewurztraminer Grand Cru Furstentum 1992 – Domaine Weinbach (Kaysersberg) : la robe est jaune dorée, brillante. Le nez est assez parfumé, mur, épicé et riche. La bouche est très moelleuse, du niveau d’une vendange tardive, mais possède également beaucoup de concentration et de puissance. Les notes de fruits jaunes sont complétées en fin de bouche par des notes plus subtiles de tilleul, verveine et thé. Un vin très corsé et dense, qui magnifie son terroir marno-calcaro-gréseux, même si sa concentration et sa richesse ne conviennent pas à tous les types de mets. Le vin arrive à maturité, s’assagit un peu derrière sa forte concentration, et se goûtera de manière plus fine sur les 25 prochaines années. Très Bien


Une belle dégustation pour un jeudi soir ! J’ai particulièrement bien apprécié le coté progressif de la sélection des vins, avec des vins de plus en plus minéraux et avec des sucres variables, qui montrent que les grands crus ne sont pas forcément plus sucrés que les autres, mais qu’ils ont un surcroît de finesse et de minéralité, surtout en bouche. Le profil des gewurztraminers en 1992 est très variable d’un domaine à l’autre, et la qualité du terroir se révèle assez facilement, en particulier le lien entre la richesse du vin et le caractère calcaire du sol. On sent que la qualité sanitaire des vins est très bonne, sans faux goût, et qu’avec une quantité un peu plus faible de récolte, on aurait eu une année exceptionnelle pour le gewurztraminer.


Thierry Meyer




  • Château de la Confrérie St-Etienne


  • 1 Grand’rue


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