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Les vieux millésimes de Zind-Humbrecht à la Confrérie Saint Etienne

Dégustation de vieux millésimes à la Confrérie Saint-Etienne : Les vins du domaine Zind-Humbrecht ont-ils un style particulier ?
15 Octobre 2005
Dans le cadre de la journée consacrée au domaine Zind-Humbrecht

Dans le cadre de  la journée consacrée au Domaine Zind-Humbrecht, la dégustation de vieux millésimes allait explorer une question que tout le monde a en tête : les vins du domaine Zind-Humbrecht ont-ils toujours eu ce style particulier qui les distingue depuis les années 90 ? Pour se faire nous avons pris deux cépages, riesling et gewurztraminer, et deux millésimes d’âge et de réputation différentes : 1988 et 1972 pour le riesling, 1991 et 1969 pour le gewurztraminer. Dans les quatre sections, nous allons goûter trois vins de l’Oenothèque de la Confrérie, à l’aveugle, pour vérifier si nous arrivons à reconnaître le vin du domaine Zind-Humbrecht.




Photo : les douze joyeux participants dans la salle capitulaire, sous le regard des grands Maîtres de la Confrérie, dont Léonard Humbrecht, Grand Maître en 1993 (deuxième à partir de la gauche)


Première série, les Rieslings en 1988

Riesling 1988 – Klipfel : La robe est dorée. Le nez évoque les fruits secs, les agrumes, mais laisse apparaître une légère oxydation. La bouche est grasse, sèche, assez dense, avec des notes de vieux vin en finale. Un bon vin légèrement dégradé, peut-être un problème de bouchon. A regoûter, si le vin persiste dans ce style, à finir rapidement. Bien
Appréciations du Groupe : Excellent-0 Très Bien-0 Bien-4 Bof-6 Beurk-1


Riesling Grand Cru Schlossberg 1988 – Domaine Weinbach : La robe est assez pâle. Le nez est minéral, fumé et mentholé avec des notes d’ananas et d’encaustique. La bouche est équilibrée, jeune et aérienne, très minérale en milieu de bouche. La fin de bouche est légèrement beurrée, renforçant le caractère élégant. Un vin en pleine apogée que l’aération va encore améliorer, peut encore se garder 10 ans au top. Très Bien
Appréciations du Groupe : Excellent-0 Très Bien-4 Bien-6 Bof-1 Beurk-0


Riesling Grand Cru Brand 1988 – Zind-Humbrecht : La robe est pâle avec des reflets verts. Le nez est parfumé, minérale avec des notes de pierre et de fruits exotiques. La bouche est moyennement intense, avec encore un peu de gaz à l’ouverture, et des notes anisées, d’agrumes et d’encaustiques dans la longue finale. Un vin mûr et sec, dans un style précédent du Schlossberg, ayant aussi au moins 10 ans à son optimum. Très Bien
Appréciations du Groupe : Excellent-0 Très Bien-5 Bien-4 Bof-2 Beurk-0


Le millésime 1988 a produit de grands vins de garde, même si les rieslings n’ont pas la concentration de ceux produits en 1989 ou 1990. Si la première bouteille est douteuse, les deux autres sont magnifiques d’équilibre. Pas de grosse différence de style.


Avis du Groupe : Tous les participants préfèrent les deux derniers vins au premier, ensuite les préférences sont distribuées si quatre personne les apprécient de manière égale, 4 personnes préfèrent le vin de Faller et 3 celui de Zind-Humbrecht.


Deuxième série : les Rieslings en 1972

Riesling 1972 – Wunsch et Mann: La robe est pâle avec des reflets verts. Le nez est discret, un peu déséquilibré,  évoque des notes d’anis et d’infusion avant de disparaître rapidement. La bouche est âgée, assez grasse, avec une acidité fine et très présente qui rattrape l’équilibre général. L’absence de faux goût et l’acidité tiennent ce vin en équilibre, mais il a dépassé son apogée et devrait être bu, même si son évolution restera lente et que le vin ne bougera pas beaucoup dans les 5 prochaines années. Bof
Appréciations du Groupe : Excellent-0 Très Bien-0 Bien-3 Bof-7 Beurk-1


Riesling 1972 – Zind-Humbrecht : La robe est pâle avec des reflets verts. Le nez est un peu plus jeune que le précédent, avec des notes d’agrumes et d’encaustique, évoluant sur des fruit secs. La bouche est très vive, citronnée avec des notes de citron vert très envahissantes. Le vin est encore assez riche et légèrement épicé mais son acidité le pénalise en dégustation seule. Un vin pas encore en bout de course, qui pourrait bien se marier avec un plat bien choisi. Quelques années de plus (dix ?) ne le changeront probablement pas beaucoup. Bien
Appréciations du Groupe : Excellent-0 Très Bien-2 Bien-7 Bof-2 Beurk-0


Riesling 1972 – Preiss-Henny : La robe est pâle. Le nez évoque un vieux vin avec des notes de cave, de poudre à fusil, de tabac et d’encaustique. La bouche est creuse derrière une acidité fine et très présente, on sent encore un léger gras en finale. Voilà un vin probablement en bout de course, survivant grâce à son acidité, mais au nez fatigué. A finir. Bof
Appréciations du Groupe : Excellent-0 Très Bien-2 Bien-7 Bof-2 Beurk-0


L’année 1972 est une des plus mauvaises des 40 dernières années, avec une maturation très lente (les vendanges ont début fin octobre seulement), et des rieslings qui ont un peu peinés à mûrir. Le bon état sanitaire de la vendange et la forte acidité des vins a permis au riesling de se conserver longtemps malgré tout.


Avis du Groupe : Si le premier vin se goûte moins bien que les deux suivants, les préférences divergent sur ces deux derniers. 5 personnes ont la même appréciation des deux derniers vins, 3 personnes préfèrent le Zind-Humbrecht, 3 personnes préfèrent le Preiss-Henny. Pas de distinction particulière de style détectable.





Photo : Les Rieslings 1988 et 1972


Troisième série : les Gewurztraminers en 1991

Gewurztraminer Harth 1991 – Robert Karcher : La robe est jaune paille, assez dorée. Le nez est assez parfumé, complexe avec des notes de rose, de fruits exotiques, de coing et de miel. La bouche est ronde, dense, parfumée avec un bel équilibre. La finale est un peu courte mais douce sur de subtiles notes de pêche. Le coté aérien et fondu de ce vin le rend très séduisant, mais ce beau plateau de maturité ne se prolongera peut-être pas trop longtemps. A boire dans les 5 ans pour profiter de son élégance, même s’il se conservera 5 ans de plus. Très Bien
Appréciations du Groupe : Excellent-2 Très Bien-1 Bien-2 Bof-6 Beurk-0


Gewurztraminer Grand Cru Hengst 1991 – Zind-Humbrecht : La robe est jaune citron foncé, avec des reflets dorés. Le nez est très parfumé, avec des notes de mie de pain, de miel, et des arômes grillés. La bouche est moelleuse, riche et puissante, avec une légère évolution et des notes de fraise en finale. C’est le seul vin du domaine Zind-Humbrecht qui se distingue par son style des deux autres dans les quatre trios de vins que nous goûterons cet après-midi. Le terroir du Hengst ne se dévoile qu’à moitié, on est encore sur des notes très variétales. 20 ans de garde ne lui feront pas peur avec une telle richesse et une elle densité. Excellent
Appréciations du Groupe : Excellent-2 Très Bien-2 Bien-6 Bof-1 Beurk-0


Gewurztraminer Cuvée Particulière S.P.S. 1991 – Pierre SPARR : La robe est jaune dorée. Le nez est un peu vieux, avec des notes de fruits exotiques, d’encaustique, de cire, de fruits secs et de foin. La bouche est fine mais un peu aqueuse, avec un peu de gras en finale (notes beurrées). Un vin plaisant mais qui est en train de perdre son élégance étant sur la pente descendante. A boire dans les 5 ans pour profiter de son équilibre. Bien
Appréciations du Groupe : Excellent-0 Très Bien-2 Bien-4 Bof-5 Beurk-0


L’année 1991 est une année difficile, si la région a échappé aux gelées qui ont frappée les autres régions, les intempéries de fin septembre / début octobre ont dilué les moûts et accéléré le pourrissement. L’année a souvent produit des vins gouleyants à l’évolution rapide, et cette difficulté se retrouve dans l’évolution marquée de deux des trois vins dégustés. Le style Zind-Humbrecht, riche et mûr, apparaît nettement sur ce trio, avec un gewurztraminer Hengst en début de carrière. Mais l’origine noble de ce vin joue beaucoup, et il ne faut pas pour autant tirer de conclusion généraliste hâtive. J’ai bu en l’an 2000 trois Gewurztraminer 1991 du domaine Zind-Humbrecht, dotés d’une surmaturité similaire mais au potentiel de garde moins grand : un Heimbourg assez évolué sur des notes d’écorce d’orange, un Clos Windsbuhl dans un style très riche sur des fruits confits (avec de fortes variations d’évolution entre les bouteilles) et un Herrenweg épicé, grillé et quasiment sec. Je ne sais pas comment ils se seraient goûtés le week-end dernier.


Avis du Groupe : La présence d’une forte différence de style va permettre à tous les participants de reconnaître facilement à l’aveugle ce qu’ils supposent être le style du domaine Zind-Humbrecht. Malgré tout, deux personnes préfèrent le style moins sucré du vin de Robert Karcher, et une préfère celui de Pierre SPARR.


Quatrième Série : les Gewurztraminers 1969

Gewurztraminer « Sélection » 1969 – Coopérative Vinicole d’Eguisheim : La robe est jaune citron, brillante. Le nez est parfumé, assez évolué avec des aromes de cire et des notes de ferme pas très agréables. La bouche est à l’opposé, jeune, grasse, beurrée, avec des fruits jaunes en finale. L’équilibre est parfait pour ce vin de 36 ans qui vieillit admirablement. Si le nez n’évolue pas plus, la bouche devrait se tenir encore une dizaine d’année. Un beau flacon et surtout une belle émotion. Très Bien
Appréciations du Groupe : Excellent-0 Très Bien-6 Bien-4 Bof-1 Beurk-0


Gewurztraminer Kaeferkopf 1969 – Sick-Dreyer : La robe est jaune citron, un peu dorée. Le nez est parfumé, assez jeune avec des notes de miel, d’agrumes, de fruits exotiques, de pain grillé. La bouche est grasse, sèche avec une concentration moyenne, puis termine sur des notes d’anis et de foin coupé avec une finale un peu amère. Un vin très typé gewurztraminer, au nez très jeune qui se montre plus flatteur que la bouche qui semble fatiguer un peu. Devrait encore bien se boire dans les 5 ans à venir. Très Bien
Appréciations du Groupe : Excellent-0 Très Bien-5 Bien-3 Bof-3 Beurk-0


Gewurztraminer 1969 – Zind-Humbrecht : La robe est jaune citron. Le nez est un peu fumé, vert avec des notes de tabac, dans un style vieux. La bouche est sèche, assez acide, évoluée avec un peu de gras. L’équilibre est encore bon mais la puissance du vin est atténuée. L’acidité le maintient frais, mais la richesse en bouche diminue. Un vin moyen qui ne devrait pas se dégrader plus dans les 5 ans à venir. Bien
Appréciations du Groupe : Excellent-0 Très Bien-3 Bien-5 Bof-3 Beurk-0


Le millésime 1969 est une grande année mûre en Alsace grâce à une bonne arrière-saison. Les rendements faibles ont permis de produire des vins fins et mûre, mais surtout profité au gewurztraminer qui a produit des vins riches et aptes à la garde.  Les trois vins ont de beaux restes, avec des équilibres en bouche qui sont remarquables pur ce cépage, et confirment une nouvelle fois la grande capacité de garde des vins alsaciens.


Avis du Groupe : La petite déception de la faible performance du vin de Zind-Humbrecht (seulement deux personnes trouvent que c’est le meilleur) est vite éclipsée par l’émotion que suscite le vin de la cave d’Eguisheim (une seule personne lui préfère le vin de Sick-Dreyer). Cette cuvée « Sélection » d’une époque où la cave d’Eguisheim ne compte que 200 coopérateurs contre plus de 850 aujourd’hui) remet bien des préjugés en question, et rappelle encore une fois le mystère du vieillissement des grands vins.




Photo : Les gewurztraminers 1991 et 1969. Honte à celui qui a déchiré l’étiquette du vin de Zind-Humbrecht 🙂


Conclusions et commentaires généraux

Sur les vins : Le style Zind-Humbrecht, inimitable sur des pinot-gris ou des rieslings à partir du milieu des années 90, semble être un phénomène assez récent. Est-ce la patte d’Olivier Humbrecht, qui a commencé à reprendre les rennes du domaine à cette période ? Il faudrait en tout cas remettre cette réputation dans son contexte historique, car les dégustations de millésimes récents (1999-2003) semblent montrer que les vins gagnent en acidité et finesse, avec des équilibres souvent secs. Une fois de plus, l’immense richesse et diversité de l’Oenothèque de la Confrérie Saint-Étienne nous a permis d’aborder un thème par l’exemple, et  une fois de plus les surprises et les enseignement furent au rendez-vous.


Sur le groupe : onze personnes sur les douze ont bien voulu noter leurs impressions à l’aide de l’échelle subjective (Beurk – Bof – Bien – Très Bien – Excellent)  suffisante dans bien des cas pour se faire une idée de l’orientations des avis. Globalement, l’échelle des notes varie fortement. L’impression se dégage que les notes élevées sont attribuées en moyenne à des dégustateurs plus expérimentés, ou ayant plus l’habitude de goûter des vieux vins pour être précis. Cela renforce la conviction que la dégustation et l’appréciation des vieux vins nécessitent un certain apprentissage, et qu’ouvrir une vieille bouteille lors d’un repas n’est pas forcément source de plaisir gustatif pour tous les  palais.


Suite des festivités avec un dîner consacré aux vins du Domaine Zind-Humbrecht.


Thierry Meyer