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Les coups de coeur de l’hiver

17 mars 2007 –  La déustation des coups de coeur de l'hiver a été un grand moment. La revue des vins sélectionnés était très instructive : comment le groupe de participants allait-ils évaluer les vins présentés, sélectionnés lors des dégustations de ces derniers mois pour leur qualité ultime ou leurs remarquable rapport qualité prix ? De 5€ à 68.9€, les vins présentés n’ont laissé personne indifférent, même si le niveau de consensus fut très varié d‘une cuvée à l’autre. Lire le détail des appréciations des 14 vins.

Les dégustations alsaciennes depuis le mois de novembre 2006 ont permis de goûter plus de 2500 vins de plus de 260 producteurs. Parmi les cuvées dégustées, certains ont été des coups de cœur car ils se sont immédiatement montrés charmeurs et techniquement parfaits. D’autres se sont laissés découvrir lors de repas au cours desquels leurs qualités gustatives et leur excellente digestibilité ont été remarquées. Le propre d’un coup de cœur est de vouloir partager le vin avec d‘autres personnes, encore faut-il que le vin plaise effectivement aux autres. La dégustation avait pour but de faire découvrir quelques uns des coups de cœur de ce début d’année 2007, et de vérifier le niveau de consensualisme de chaque cuvée.

Les vins ont été servis à l’aveugle, seul le millésime et le type de terroir étaient mentionnés. Lorsque les vins présentés sont déjà en vente au domaine, les prix départ cave sont indiqués.

Crémant Brut Prestige – René Muré (Rouffach, 8.9€) : Les vins tranquilles de cette cuvée sont alimentés par une solera débutée il y a 8 ans, ce qui harmonise le style en mélangeant les jus du millésime le plus récent avec un mélange issu de millésimes plus anciens. Issue d’une majorité de pinot blanc et pinot noir, l’assemblage est complétée par du chardonnay, du riesling, de l’auxerrois et du pinot gris. Le nez est léger, discret avec des arômes de fleurs blanches et de fruits secs. L’attaque en bouche est franche et effervescente, avec une mousse légère et une belle acidité qui procurent beaucoup de fraîcheur. Le dégazage est progressif, laissant place à un vin mur assez dense. Un crémant équilibré, mûr et bien structuré avec un dosage modéré, facile à boire grâce à une acidité de qualité qui lui donne une élégante fraîcheur. La cuvée dégustée a été dégorgée le 30 janvier 2007. Très Bien
Avis du Groupe : Excellent-1 Très Bien-3 Bien-4 Bof-0 Beurk-0 : une mise en bouche très appréciée pour l’équilibre frais et net du crémant.

Sylvaner Duttenberg 2005 – Guy Wach (Andlau, 5.45€) : le nez est discret, floral avec une note d’herbe fraîche et d’amande. L’attaque en bouche est ample, puis le vin se montre dense, sec et gras avec une bonne acidité en fin de bouche. Le caractère légèrement épicé et la fine acidité mûre donnent un coté très désaltérant au vin. La fin de bouche est de bonne longueur, fraîche avec des arômes de pêche blanche, de fruits acidulés, de pistache et d’amande fraîche. Un sylvaner ample et bien charpenté qui vieillira bien. Déjà délicieux à table grâce à se pureté en bouche. Très Bien
Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-2 Bien-7 Bof-0 Beurk-0 : La rigueur et la droiture de ce vin sont salués par tous, mais le vin passe mieux à table qu’en dégustation simple.

Muscat Stierkopf 2005 – Pierre & Frédéric Becht (Dorlisheim, 6.3€) – Une cuvée issue exclusivement de muscat Ottonel récolté sur la partie basse plus argileuse du coteau argilo-calcaire du Stierkopf à Mutzig. Le nez est intense et net avec des arômes de raisin frais et de sureau. La bouche est dense, grasse et ample en attaque, puis offre une bonne profondeur avec un joli fruité et beaucoup de fond. La fin de bouche est nette et très pure. Un muscat déjà minéral qui exprime bien le terroir du Stierkopf, à réserver à la table. Les asperges se boiront quant à elles avec l’Edelzwicker « cuvée des asperges » spécialement préparée pour cette occasion par la maison. Très Bien
Avis du Groupe : Excellent-2 Très Bien-7 Bien-0 Bof-0 Beurk-0 :Ce sera le vin qui se goûtera le mieux de la dégustation relativement aux autres dégustations, avec de surcroît un rapport qualité prix remarquable qui en fait la bonne affaire de ce début d’année.

Pinot Gris Hagel 2005 – André Rieffel (Mittelbergheim, 6.8€) : Le vin est issu d’une parcelle sur sol calcaire orientée Sud au Sud de Mittelbergheim. Le nez est net et pur mais initialement discret, marqué par des arômes de brioche et de sous bois avec une note de noisette. La bouche est grasse et sèche en attaque, assez profonde, acidulée et très équilibrée avec une grande sapidité. Un vin qui se boit très facilement et qui laisse une impression nette. La pureté de la cuvée est déjà ressortie mieux lors des précédentes dégustations, ici l’impression du vin rappelle plus un pinot blanc riche qu’un pinot gris sec. Bien
Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-0 Bien-9 Bof-0 Beurk-0 : Un vin qui se goûte moins bien que les fois précédentes, qui a obtenu un consensus d’appréciations parfait.

Chasselas Vieilles Vignes 2005 – Domaine Schoffit (Colmar, 8.1€) : un vin issu d’une parcelle de plus de 80 ans plantées au cœur de la Harth, travaillée pour donner de petits rendements (60hl/ha en 2005).  Le nez est floral, délicat et très pur avec des arômes de fleurs blanches qui rappellent par moment les notes de pétale de rose d’un jeune gewurztraminer. L’attaque en bouche est ample, puis la bouche se montre grasse et pure avec une belle matière, dans un style moelleux et délicat qui reste sec. L’acidité assez basse propre au cépage, la concentration élevée et un niveau d’alcool au dessus de 13% contribuent au caractère ample du vin. La finale est pure et très longue sur les notes florales du nez.. Un vin concentrée, tendre et d’une grande pureté. Un très très grand chasselas alsacien dans un grand millésime. Très Bien
Avis du Groupe : Excellent-2 Très Bien-5 Bien-2 Bof-0 Beurk-0 : grosse impression sur ce chasselas qui a été apprécié à l’aveugle.

Pinot Blanc Vieilles Vignes 2005 – Meyer-Fonné (Katzenthal, 5.8€) : une des meilleures cuvées goûtée lors de la dégustation au CIVA en décembre dernier parmi 170 pinot blanc 2005. Regoûté au domaine la veille, le vin se montre ample, mûr et bien structuré avec une bouche d’une grande densité. Malheureusement les deux bouteilles préparées pour cette dégustation se sont révélées bouchonnées.

Gewurztraminer Pfoeller 2005 – Klee Frères (Katzenthal, 7€) : Le nez est mur, net et intense avec des arômes de miel, de rose et de raisin sec. La bouche possède une attaque moelleuse, suivi par un équilibre souple, rond et très pur rehaussé par une belle acidité. La finale est épicée, chaleureuse et très longue. Un terroir argilo-calcaire sur un socle du Muschelkalk a produit un gewurztraminer profond et parfumé en 2005. A boire ou à garder 5 ans. (12.6% alc, 31g/l de sucre résiduel). Très Bien
Avis du Groupe : Excellent-3 Très Bien-5 Bien-1 Bof-0 Beurk-0 : une cuvée remarquable de précision et de concentration. Regoûtée après les deux gewurztraminers grand cru, elle ne faisait pas pâle figure, et son prix en fait une cuvée de superbe rapport qualité prix

Riesling Rothstein 2004 – Clément Lissner (Wolxheim, 5€) : un vin issu d’un terroir de grès sur Wolxheim, non loin des carrières royales. Le nez est minéral, de bonne intensité avec des fleurs blanches, des agrumes vertes et une note de silex. La bouche est  grasse, fine est minérale avec une belle salinité, du silex et de la fumée, évoluant sur des arômes d’écorce de pamplemousse. Un vin léger, sec et minéral qui possède une belle fluidité et se boit très bien actuellement, son acidité mure donnant beaucoup de longueur. Très Bien
Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-6 Bien-2 Bof-1 Beurk-0 : passer après un gewurztraminer riche était un challenge difficile que le groupe a bien passé, la finesse du vin et la maturité de son acidité ayant donné un équilibre très apprécié.

Riesling Herrenreben 2004 – Henri Schoenheitz (Wihr au Val, 7.1€) : Issu de vieilles vignes sur coteau orienté plein Sud dans la vallée de Munster, le vin offre un nez fruité, net et pur sur les agrumes avec une touche fumée. La bouche est mure, acidulée en attaque et fraîche avec une note salée, puis concentrée et fraîche avec une belle définition sur les agrumes. La puissance du vin est étonnante et suggère une garde prévisible importante. Très Bien
Avis du Groupe : Excellent-0 Très Bien-1 Bien-4 Bof-4 Beurk-0 : cette cuvée a moins plu au groupe, la puissance et la vivacité du vin tranchant nettement avec le vin précédent. Un coup de cœur à partager la prochaine autour d’un poisson de rivière.

Muscat Grand Cru Altenberg de Bergbieten 2005 – Frédéric Mochel (Traenheim, 14.95€) : Un vin issu de muscat Ottonel. Le nez est ouvert et net avec des arômes de raisin frais et de fruits mûrs dont le sureau. La bouche est minérale, grasse et ample avec une légère pointe d’alcool, évoluant sur un équilibre très minéral et très concentré, ce qui donne une belle structure malgré une acidité moins marquée que sur un riesling grand cru Altenberg. Si une confusion reste possible à l’aveugle avec un riesling, la patte de l’Altenberg se ressent légèrement dan la minéralité fine et présente du cin. Un très grand vin de terroir. Excellent.
Avis du Groupe : Excellent-4 Très Bien-2 Bien-2 Bof-1 Beurk-0 : un grand vin superlatif qui est le moins consensuel de la dégustation. Avant d’être un muscat c’est d’abord un Alsace Grand Cru qui provient d’un terroir fortement marqué par une salinité spécifique. Comme le Rangen, les consommateurs apprécient plus ou moins.

Riesling Grand Cru Osterberg 2005 – André Kientzler (Ribeauvillé, 16.5€) : un énorme coup de coeur initial pour sa grande pureté et sa minéralité exceptionnelle. Malheureusement, la bouteille prévue pour cette dégustation était légèrement bouchonnée.

Riesling Grand Cru Wiebelsberg 2005 – André&Lucas Rieffel (Mittelbergheim) : Le nez est minéral, mûr avec des arômes de pamplemousse rose et de silex. La bouche est fine et riche en attaque, très minérale avec une salinité marquée renforcée par une acidité fine très présente. La texture granuleuse des sables gréseux se retrouve presque en bouche. Issu d’une grande parcelle sur la face orientée plein Sud du Grand Cru, voilà un vin ample et riche qui exhale une forte minéralité très typée. Remarquable maintenant et de grande garde prévisible. Excellent
Avis du Groupe : Excellent-2 Très Bien-5 Bien-1 Bof-1 Beurk-0 : La salinité est ici plus consensuelle que sur le Muscat Altenberg, ce qui donne une touche minérale très appréciée.

Riesling Grand Cru Rangen 2005 – Zind-Humbrecht (Turckheim, 68.9€) : Le nez est épicé, fumé avec des notes de pierre sèche. L’attaque en bouche est grasse, ample, puis plus resserrée, fermée et épicée, avec beaucoup de finesse, des notes toastées et des tanins légers en finale. La finale est sèche avec des notes de raisin sec. Grand vin de terroir qui se montre déjà très ouvert, mais qui sera de grande garde. Excellent.
Avis du Groupe : Excellent-3 Très Bien-2 Bien-3 Bof-1 Beurk-0 : A nouveau un terroir très marqué, difficile à appréhender à l’aveugle, les notes minérales perturbant le nez des dégustateurs.

Gewurztraminer Grand Cru Pfersigberg 2005 – Paul Ginglinger (Eguisheim, 12.5€) : Le nez est ouvert, net et fruité, avec des fruits exotiques, de la mangue, évoluant sur des notes fumées. La bouche est moelleuse avec du gaz en attaque, puis riche et acidulée avec une évolution moelleuse et fondue sur des notes d’abricot. La finale est minérale sur des arômes d’agrumes confits, avec une note fumée et de légers tanins. Le sucre est encore assez présent dans cette cuvée, moins fondu que dans le Hengst qui a suivi. Un vin de grande garde, d’exceptionnel rapport qualité/prix. Très Bien.
Avis du Groupe : Excellent-3 Très Bien-3 Bien-3 Bof-0 Beurk-0 : un vin bien apprécié, mais la richesse en sucre l’a rendu moins consensuel que le Pfoeller

Gewurztraminer Grand Cru Hengst 2005 – Zind-Humbrecht (Turckheim, 68.9€) : Le nez est discret, fumé avec des notes de pétale de rose, de cuir et de pralin. La bouche est moelleuse en attaque, puis concentrée, minérale et très fine, avec beaucoup de profondeur, du gras et de légers tanins en fin de bouche. L’équilibre entre la puissance et la finesse est remarquable, surtout pour un vin si jeune. Si la profondeur du terroir s’exprime bien dans ce vin issu de vieilles vignes, le caractère épicé et fumé du Hengst se montre encore discret, ce qui lui donne un charme quasi universel. Un grand vin d’exception. Comme le Riesling Rangen, le prix est élevé en comparaison des autres vins d’Alsace mais sur la scène internationale des grands vins blancs, il s‘agit toutefois d’un bon rapport qualité/prix. Excellent, voire plus
Avis du Groupe : Excellent-5 Très Bien-3 Bien-1 Bof-0 Beurk-0 : un vin très apprécié, mais pas aussi consensuel que le pinot gris Kitterlé qui a suivi.

Pinot Gris Grand Cru Kitterlé 2005 – Domaines Schlumberger (Guebwiller, 19.3€) : Le nez est très intense, fumé et grillé avec des notes de grain rôti. L’attaque est moelleuse riche et onctueuse avec de la finesse, puis la bouche évolue sur un équilibre poivré, acidulé et très fin, avec une belle acidité mure. La bouche est minérale et salée avec des notes de miel et de caramel en finale. La fin de bouche est longue et revient sur des notes fumées. Le pinot gris est un excellent révélateur du terroir du Kitterlé dans ses parcelles les plus pentues. Plus que le riesling peut-être,  il donne un équilibre riche qui met en avant la salinité propre du terroir. Avec le millésime 2005, Alain Freyburger signe là un des plus beaux Kitterlé jamais produit. Excellent, voire plus
Avis du Groupe : Excellent-8 Très Bien-0 Bien-0 Bof-0 Beurk-0 : appréciation parfaite et unanime, chose très rare dans les dégustations réalisées en groupe. Si c’est un grand vin dans l’absolu, le rapport qualité prix est exceptionnel.

A défaut d’avoir un thème spécifique à l’origine des vins, la dégustation a virevolté d’un cépage à l’autre, en parcourant l’Alsace du Nord au Sud. Le style du millésime 2005, majoritaire sur la dégustation, a été clairement perçu par son coté pur et mur, donnant des vins amples et charpentés. L’Alsace a produit de grands vins dans ce millésime, que ce soit des vins secs ou moelleux.

Outres les deux cuvées bouchonnées, certains vins se sont mal exprimés : le Pinot Gris Hagel 2005 était dans un mauvais jour, tout comme le Riesling Herrenreben 2004. Malgré une journée peu propice à la dégustation (proximité d'un noeud lunaire le 19 ?), d’autres ont été quasi unanimement reconnus comme de grands vins, comme le Muscat Stierkopf 2005 de Pierre&Frédéric Becht, le Gewurztraminer Pfoeller 2005 de Klee frères, le Gewurztraminer Grand Cru Hengst 2005 de Zind-Humbrecht ou le Pinot Gris Grand Cru Kitterlé 2005 de Schlumberger. Chacun est une réussite exemplaire dans la région, combinant une forte personnalité avec un noble terroir d’origine dans un grand millésime. Malheureusement ces cuvées sont produites en petite quantité et il faudra se dépêcher pour s’approvisionner car les stocks vont baisser rapidement.

Thierry Meyer

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