L'Oenothèque Alsace

Le Domaine Zind-Humbrecht autour d’un dîner dégustation

Découverte des vins du domaine Zind-Humbrecht autour d’un dîner dégustation
15 octobre 2005, Restaurant la Taverne Alsacienne

Après la dégustation de vieux millésimes à la Confrérie Saint Etienne, la soirée s’est poursuivie au restaurant.


Probablement le domaine viticole le plus connu à l’étranger, un vigneron dont Robert Parker dit qu’il est le plus grand producteur de vin blanc au monde, le nom de Zind-Humbrecht évoque une catégorie de vins plutôt inaccessibles. De nombreuses personnes hésitent à venir visiter le domaine, et les prix de vente souvent élevés des vins rebutent plus d’un amateur qui aimerait goûter le temps d’un week-end une sélection de grandes bouteilles. L’idée d’un dîner à 16 convives permettant de partager les coûts a permis de faire le tour des différentes gammes du domaine pour un prix raisonnable. Revue de détail…




Photo : les bouteilles font la queue en attendant leur tour de table !


En amuse bouche, un trio de gourmandises comme on les aime : un guacamole au poivron rouge, un mille-feuille d’aubergine aux trompettes de la mort surmonté de caviar d’aubergine, et une mousse de volaille cuite au tandoori.

ZIND 2002 – Zind-Humbrecht : Un assemblage de 50% de pinot auxerrois, 15% de pinot Blanc, et 35% de chardonnay. La robe est jaune doré, brillante avec un disque épais. Le nez est parfumé, avec des fruits jaunes et un coté herbacé/épicé. La bouche est riche, finement acidulée, grasse avec beaucoup de finesse et de minéralité. La finale est longue. Un vin à l’équilibre sec (11 g/l de SR, Indice 2), riche et parfait à table. Très Bien
Appréciations du Groupe : Excellent-0 Très Bien-8 Bien-4 Bof-0 Beurk-0


Muscat Grand Cru Goldert 2003 – Zind-Humbrecht : Une cuvée issue de 90% de Muscat d’Alsace et 10% de Muscat Ottonel. Le nez est muscaté, pur avec des notes de raisin frais. La bouche est ronde et fruitée, avec une acidité assez basse et une impression légèrement moelleuse (15g/l de SR, Indice 3). Un vin encore très jeune, dont le terroir ne ressort pas encore. Très Bien
Appréciations du Groupe : Excellent-0 Très Bien-2 Bien-5 Bof-5 Beurk-0


Les deux premiers vins représentent une bonne approche de deux millésimes récents, avec d’un coté la richesse du Vin de Table ZIND et la finesse du Muscat Goldert.


Avis du groupe : La position un peu solitaire du ZIND servi en premier et son prix élevé par rapport à un pinot blanc normal donnent l’impression à beaucoup que le vin est doté d’un mauvais rapport qualité prix. Cette impression renforce l’appréciation moyenne du muscat Grand Cru Goldert, à peine plus plaisant que le précédent, et doté d’un léger moelleux. Goûtés côte à côte, les deux vins ne se valorisent pas mutuellement auprès des dégustateurs sans trop d’expérience avec les vins du domaine.


En premier plat, des noix de Saint-Jacques poêlées servies avec une purée de rutabaga, des chips de pomme de terre rouge et une émulsion de cèpes accompagnant des cèpes poêlées. 

Pour introduire le style surmaturé sec des rieslings, nous commençons par un 1996.


Riesling Gueberschwihr 1996 – Zind-Humbrecht : La robe est dorée. Le nez est parfumé, avec des agrumes et du miel, dans une légère évolution marquée par des notes d’encaustique. La bouche est sèche, assez vive, riche avec du fruit et une légère amertume en finale. Un bon riesling sec à maturité, originaire des terroirs argilo-calcaires de Gueberschwihr. Pas besoin de la garder plus longtemps, il ne se bonifiera plus. Bien
Appréciations du Groupe : Excellent-0 Très Bien-4 Bien-6 Bof-2 Beurk-0


Riesling Grand Cru Brand 1998 – Zind-Humbrecht : La robe est dorée. Le nez est minéral, un peu fumé, avec des notes d’anis. La bouche est sèche, assez vive, avec une bonne acidité accompagnant une surmaturité sensible en finale. Un vin dégusté régulièrement depuis 2001, qui atteint doucement son apogée. Superbe tension entre un nez très mur et une bouche quasi sèche (8g/l de SR). Très Bien
Appréciations du Groupe : Excellent-7 Très Bien-4 Bien-1 Bof-0 Beurk-0 


Riesling Grand Cru Rangen 1998 – Zind-Humbrecht : La robe est dorée. Le nez est parfumé, avec des arômes de fruits exotiques et de miel. La bouche est minérale, légèrement moelleuse (34g/l) avec des notes de fruits jaunes en finale. La fine acidité renforce la finesse de ce vin encore jeune pour que le terroir s’exprime clairement au niveau des arômes. La surmaturité est ici balancée par une bonne acidité, donnant un équilibre presque sec. Excellent
Appréciations du Groupe : Excellent-7 Très Bien-5 Bien-0 Bof-0 Beurk-0


L’exemple de ces deux grands crus est intéressant. Les deux vins sont récoltés à maturité équivalente (15.2%-15.3% potentiels), sauf que le premier va transformer plus de sucre que le second, et que l’équilibre final va être très différent (14.8% alc et 8g de sucre pour le premier, 13.1% alc et 32g/l de sucre pur le second). La volonté de ne pas intervenir sur les fermentations soit par du levurage intensif soit par un contrôle des températures donne des vins aux sucres très variables. Ce qui ne veut pas forcément dire no plus que le domaine recherche systématiquement la surmaturité. Le riesling Gueberschwihr 96 est récolté à 12.2 potentiels, et termine sec avec 12.2% d’alcool.


Avis du groupe : Le passage d’un muscat 2003 un peu doux à un riesling sec de 1996 est difficile pour certains. Pourtant il s’agira du seul vin techniquement sec de toute la soirée ! Les deux Riesling 98 ont été les deux vins les plus appréciés de la soirée, preuve que le sucre n’est pas le seul critère d’appréciation. Des petites préférences par ci par là pour l’une des deux cuvées mais dans l’ensemble c’est un plébiscite. Le plat a su mettre les deux vins en valeur, avec une préférence du Rangen pour les Saint-Jacques et du Brand pour les cèpes.


Pour accompagner les vins plus corsés, une volaille grillée servie avec un jus au pruneau 

Pinot Noir Wintzenheim 2001 – Zind-Humbrecht : La robe est un peu trouble, rouge foncé avec des reflets violets. Le nez est grillé et toasté, avec des notes de viande séchée qui rappellent certaines syrah du sud de la vallée du rhône. La bouche est corsée, assez souple avec une acidité assez présente, et termine sur des notes épicées. Un style déconcertant pour un pinot noir à l’élevage ambitieux. Bien
Appréciations du Groupe : Excellent-0 Très Bien-0 Bien-3 Bof-8 Beurk-1


Gewurztraminer Grand Cru Hengst 2001 – Zind-Humbrecht : Le nez est parfumé, floral (jasmin, rose) et minéral. La bouche est puissante, riche et minérale, grasse avec des notes de truffe blanche très agréable. Les 22g/l de sucre résiduel apportent une légère douceur sans qu’on sente vraiment de moelleux. La fin de bouche est un peu chaude. Voilà un vin où le terroir domine un peu le cépage, un vin à éviter à l’apéritif en famille, qui se montre ici remarquable à table. Très Bien
Appréciations du Groupe : Excellent-4 Très Bien-2 Bien-5 Bof-1 Beurk-0


Gewurztraminer Herrenweg 1989 – Zind-Humbrecht : Pour clôturer l’épisode Pinot Noir, on déguste un autre style de gewurztraminer. La robe est dorée. Le nez est légèrement évolué, avec des notes de miel, d’épices, d’encaustique. La bouche est assez moelleuse, épicée avec une acidité bien présente, mais propose un fondu général très agréable. les notes de miel en finale rappellent que ce vin a encore quelques belles années devant lui. Un vin un peu moins complexe que le Hengst, mais plus facile d’accès. Très Bien
Appréciations du Groupe : Excellent-1 Très Bien-8 Bien-2 Bof-0 Beurk-0


Le Pinot Noir est venu troubler une journée consacrée majoritairement aux vins blancs, et le style extrait de ce 2001 détonne fortement avec la finesse des rieslings précédents.


Avis du groupe : le Pinot Noir ne passe pas, et c’est sur les deux gewurztraminers qu’il faut se concentrer. Le Hengst est moins consensuel que le Herrenweg, et au final, moins bien apprécié en moyenne. On retrouve la difficulté de faire goûter un grand vin de terroir, surtout le Hengst, à des amateurs manquant de repères. Le Herrenweg apporte un style plus classique, plaisant de manière uniforme, même s’il ne suscite pas la même émotion chez ceux qui ont apprécié la puissance du Hengst.


En entremets, à la place du fromage, un surprenant gâteau de foie gras aux pommes caramélisées au vinaigre de muscat

Gewurztraminer Clos Windsbuhl 2003 – Zind-Humbrecht : La robe est jaune citron. Le nez est frais, initialement marqué par des notes de fermentation, puis devient plus floral avec du jasmin et développe des arômes d’agrumes. La bouche est ronde, grasse et moelleuse avec beaucoup de pureté. La forte minéralité rend ce vin très sapide, formant un bel équilibre avec les arômes du nez qu’on retrouve en bouche. On peine à croie qu’il y a 62g/l de sucre tant le vin procure de fraîcheur. Un vin au gros potentiel, mais déjà très équilibré et plaisant à boire dès aujourd’hui. Excellent.
Appréciations du Groupe : Excellent-3 Très Bien-6 Bien-3 Bof-0 Beurk-0 


Pinot Gris Clos Windsbuhl 2001 – Zind-Humbrecht : La robe est jaune doré. Le nez est intense sur des arômes de fruits jaunes, de fruits confits et de fumée. La bouche est moelleuse, finement acidulée, avec beaucoup de surmaturité, sans jamais devenir lourde. Le fort taux de (bon) botrytis permet de garder une bonne acidité qui rend les 70g/l de sucre résiduel très digestes. Le vin est d’une finesse incroyable, et d’une précision à seulement 4 ans d’âge. Excellent, voire plus.
Appréciations du Groupe : Excellent-7 Très Bien-1 Bien-2 Bof-1 Beurk-0



Nous avions initialement pensé à un aligot au parmesan râpé pour accompagner les vins du Clos Windsbuhl, puis l’idée de ce gâteau de foie gras a fait tilt. Le calcaire Muschelkalk du Clos Windsbuhl réussit autant au pinot gris qu’au riesling et au gewurztraminer, sa forte minéralité donnent des vins toujours fins et équilibrés, même s’il y a du sucre résiduel. Personnellement je trouve que c’est le pus beau terroir du domaine par cette versatilité qui donne des styles différents de millésime en millésime, et par cette finesse qu’on retrouve d’année en années. Ici, deux vins approchant les 70 g/l de sucre résiduel sont dégustés sans que personne ne parle de VT. La matière et la richesse des deux cuvés sont telles que le sucre passe inaperçu dans les analyses.


Avis du groupe : Le groupe est assez consensuel sur le haut niveau des deux vins, avec une petite préférence pour le pinot gris 2001. Dans les deux cas, la finesse et l’élégance des vins font mouche.


 



Photo : Un joli quatuor de pinot gris


En dessert de saison, une poire pochée à la gelée de coing

Pinot Gris Clos Jebsal 1996 – Zind-Humbrecht : Le nez est parfumé, avec des notes de coing et de fruits jaunes. La bouche est moelleuse (49g/l), assez acide avec une belle tension acide/sucre qui va accompagner les arômes du nez jusqu’en fin de bouche. L’équilibre est à nouveau remarquable pour cette cuvée qui arrive à maturité sans avoir pour l’instant la complexité du Clos Windsbuhl. Très Bien.
Appréciations du Groupe : Excellent-2 Très Bien-8 Bien-1 Bof-0 Beurk-0


Pinot Gris Clos Jebsal Vendange Tardive 2000 – Zind-Humbrecht : Le nez est parfumé, surmûri avec des notes de miel, pralin, de fruits confits et de discrets arômes de cendre. La bouche est corsée, moelleuse (46g/l) avec une bonne acidité, dans un style plus mûr que le précédent mais sans en avoir la fraîcheur. Un vin plus complexe que le 96 mais qui se goûte moins bien lorsqu’il est servi juste après. Très Bien
Appréciations du Groupe : Excellent-1 Très Bien-5 Bien-3 Bof-3 Beurk-0 


Pinot Gris Rotenberg Sélection de Grains Nobles 2000 – Zind-Humbrecht : Un dîner qui termine en beauté sur cette Sélection de Grains Nobles. La robe st dorée, assez foncée. Le nez est assez discret, avec du miel, de l’abricot, des arômes de grain rôti. La bouche est assez liquoreuse, épicée avec une belle acidité qui diminue la perception des 153g/l de sucre. La bouche termine sur des notes de miel assez longues. Une belle précision pour ce jeune vin déjà accessible, à garder quelques années pour que les arômes se fondent doucement. Très Bien
Appréciations du Groupe : Excellent-4 Très Bien-7 Bien-0 Bof-0 Beurk-0


Le Clos Jebsal 96 ajouté au dernier moment n’a pas été un choix très judicieux, sa fraîcheur aromatique a un peu occulté le Jebsal VT 2000. Il rappelle quand même que 1996 est un millésime qui arrive tout doucement à maturité, et si vous avez lu le chapitre précédent, vos imaginez les vins qui ont pu être produits sur le Clos Windsbuhl cette année ! Si les deux premiers vins ont un sucre résiduel assez similaires, le Jebsal 96 titre 12.5% d’alcool alors que le Jebsal VT titre 14.5% d’alcool, preuve que le VT a été récolté avec des degrés potentiels plus élevés. A sucre résiduel égaux, on retrouve donc plus de surmaturité et une acidité un peu plus basse dans la vendange tardive.


Avis du groupe : La sélection de grains nobles a enthousiasmé le groupe par sa concentration, sa finesse et sa pureté aromatique, bref toutes les qualités qui caractérisent les SGN du domaine. Au vu du nombre restreint de bouteilles dégustées ce soir-là, ce fût un régal car les papilles n’étaient pas trop fatiguées.




Photo : une belle table, les mines sont réjouies en fin de repas.


Conduire une formule 1 n’est pas évident, a fortiori lorsqu’on sait juste rouler à bicyclette. Je me suis fait cette remarque à plusieurs reprises pendant le dîner, tant la complexité des vins pouvait parfois nous échapper dans une telle série. Lorsqu’on regarde la distribution des appréciations entre les participants, on trouve que globalement les appréciations sont d’autant plus élevées que les participants connaissaient les vins du domaine. Il peut soit s’agir d’un a priori favorable, bien que les autres participants aient aussi toutes les bonnes raisons d’avoir un a priori favorable sur un vigneron de ce calibre. Ou alors cette tendance traduit le fait que les vins du domaine ne sont pas directement accessibles dans toute leur complexité, et que les prix annoncés donnent du coup une impression mitigée de rapport qualité-prix médiocre. Dans ce sens, les amateurs qui rêvent d’une bonne bouteille et qui craquent un beau soir pour un grand vin de terroir peuvent se retrouver un peu déroutés par ce qu’ils auront dans le verre.


Thierry Meyer