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Grands vins d’Alsace et d’ailleurs

Dîner sur le thème des grands vins d’Alsace et d’ailleurs

17 Septembre 2005

 


Suite de notre journée alsacienne avec un groupe d’amateurs venant de toute l’Europe. Après la mise en bouche au Domaine Weinbach, les travaux pratiques ont eu lieu au restaurant la Taverne Alsacienne. L’idée était de goûter l’élite des vins d’Alsace face à d’autres grands vins des autres régions, et de se faire une idée du potentiel qualitatif de la région.


 




Sur les amuses bouches, deux cuvées Brut, sèches et denses, avec un peu plus de vivacité et de complexité pour le champagne.


Crémant Extra Brut « S » – Edgard Schaller (Mittelwihr) : Le nez est parfumé, prenant de l’ampleur au réchauffement, avec des notes de biscuit et de fruits secs. La bouche est sèche, assez simple avec une légère évolution. Bien


Champagne Brut Premier – Roederer : le nez est plus complexe et un peu plus évolué que le crémant. La bouche est plus fruitée, sèche, avec une bonne longueur en fin de bouche. Bien


En entrée, une assiette composée de raviole et croquette de foie gras, polenta à la truffe noire va appeler deux rieslings. Deux vins moelleux très distincts en fait. Le riesling allemand au style épuré fait un malheur sur la polenta aux truffes, laissant le riesling alsacien faire la fête au foie gras. Le choix des vins n’est décidément pas qu’un choix de cépage.


Riesling Vendange Tardive 1995 – Hugel et Fils : La robe est dorée. Le nez évoque les fruits jaunes et le miel, avec des notes fumées à l’agitation. La bouche est confite, assez moelleuse avec une légère évolution, et termine sur des notes de pain grillé. Un bel équilibre sur la surmaturité. Très Bien


Longuicher Maximiner Herrenberg Riesling Kabinett 1995 – Carl Schmit-Wagner : Le nez est parfumé, avec des arômes de citron, poire et un peu de houblon. La bouche est fraîche, moelleuse avec du gaz et une bonne acidité, et prend des notes mentholées derrière une évolution assez perceptible. Le vin est encore très jeune, reste très minéral et digeste, mais semble manquer de complexité en comparaison avec le riesling alsacien surmaturé. Bien


Ensuite, sur un dos de Cabillaud rôti, avec Saint-Jacques et fricassée de potiron et champignons des bois, c’est le tour des blancs secs. Cette fois on est proche de l’extase, avec des accords fabuleux sur des vins très grands. Dans les deux cas, les Saint-Jacques et les champignons apportent un peu de minéralité, tandis que le potiron harmonise la bouche en faisant un bon liant de texture. Malgré une forte attirance pour le Clos Windsbuhl, en comparaison j’avoue un léger faible pour le bourgogne, mais bon, ce Puligny les Pucelles est un vin parmi les très grands dans un très grand millésime !


Riesling Clos Windsbuhl 1999 – Zind-Humbrecht : Le nez est complexe, mûr, fumé et grillé, avec des notes de fruits exotiques et d’orange. La bouche est fine, très minérale, avec un équilibre sec et gras qui ressemble assez à celui du bourgogne. Proche de la perfection ! Excellent


Puligny-Montrachet 1er Cru les Pucelles 1999 –Domaine Leflaive : Le nez est très complexe, beurré, grillé, avec des notes de fleurs blanches et d’anis. La bouche est grasse, très pure, dense avec les mêmes notes d’anis en finale. Le vin est encore jeune mais propose un équilibre en bouche quasi-parfait ! Que c’est grand la bourgogne quand c’est top ! Excellent


Drôle de coïncidence, des clients à une table voisine sont aussi en train de goûter un Puligny Pucelles de Leflaive avec un vin de Zind-Humbrecht, mais en 1998. Nous échangeons quelques verres, ce qui nous permet de goûter un autre vin de Zind-Humbrecht :


Riesling Grand Cru Rangen 1998 – Zind-Humbrecht : le nez est minéral, iodé, avec des notes de coquille d’huître et de beurre. La bouche est dense, souple, grasse et minérale, avec un léger moelleux perceptible aux plus sensibles. Sinon, les 30 g/l de sucre paraissent presque inaperçus dans le contexte d’un repas. Excellent





Photo : Une table ronde et de beaux verres de pinot


Sur le dos de biche aux légumes de saison, deux pinots noirs de très bon niveau. Quelques domaines alsaciens arrivent à produire des vins similaires aux pinots noirs de bourgogne,  même si ce ne devrait être une fin en soi. Une belle similitude qualitative sur ces deux vins rouges.


Pinot Noir Rodern 1999 – Rolly-Gassmann : le nez est parfumé, évoque la cerise, la ronce, avec des traces de goudron. La bouche est souple, fondue, jeune avec des tanins encore très présents mais fins. Un style très bourguignon pour ce vin dense et mur. Très Bien


Volnay 1er Cru Santenots 1999 – Rossignol-Jeanniard : Le nez est assez similaire à l’Alsace, avec des notes de cerise plus mûre et de ronce. La bouche est sèche, avec une acidité assez présente, mais beaucoup de finesse. Un concentré de pinot, dans un style un peu plus pur que l’Alsace. Très Bien




Photo : l’unique végétarienne du dîner a eu droit a une jolie fricassé de légumes et champignons servie dans deux mignons potirons…  j’ai tenté un « Ich bin ein vegetarien » auprès du chef mais rien n’est arrivé 🙂


Les fromages variés (Ossau Irati, Tomme de chèvre, Abondance, Gruyère Fribourg et Roquefort) et le dessert vont permettre de tester les deux vins liquoreux de la soirée. Avantage net au riesling, dont la pureté et la droiture n’a d’égal que la quantité de botrytis. Le sauternes est peut-être issu d’une bouteille légèrement défaillante ?


Riesling Clos Saint Landelin Sélection de Grains Nobles 1990 – René Muré : la robe est d’une teinte vieil or très brillante, de toute beauté. Le nez est complexe, minéral avec des notes de camphre, de fruits jaunes, de beurre. La bouche est très bien équilibrée, avec une grosse liqueur très dense et fine, une acidité bien présente et un ensemble très fondu. La fin de bouche est bien évidemment très longue. Il manque un je-ne-sais-quoi pour provoquer la grande émotion, mais cela reste une très belle bouteille. Très Bien


Sauternes 1986 – Château de Fargues : La robe est jaune citron foncé avec des reflets dorés. Le nez est initialement assez marqué par de l’acidité volatile, puis reprend de la complexité avec des notes de pêche, d’écorce de mandarine et de chocolat, un peu masquées par un boisé encore assez présent (surtout en comparaison du riesling qui n’en a pas).  La bouche est liquoreuse, un peu brutale avec une forte acidité. Le vin semble déséquilibré, et parait un peu lourd en comparaison du riesling. Bien


En Conclusion

L’Alsace produit de grands vins, mais ne joue pas les leaders sur toutes les catégories. Pour les mousseux et le pinot noir, la distance est assez grande lorsque l’Alsace cherche à ressembler aux régions leader. La région ne devrait d’ailleurs pas chercher à produire du bourgogne ou du champagne. Les rieslings sont en revanche à leur aise, face à un riesling allemand, un sauternes ou même face à un grand bourgogne blanc. Dans ces cas, la qualité est souvent au moins aussi bonne, et le rapport qualité prix est en général remarquable. Hors de question de tirer des conclusions aussi générales que hâtives sur base d’un seul dîner, mais c’est agréable de voir que la région sait jouer dans la cour des grands. En particulier je crois qu’il est difficile de faire des comparaisons avec les vins légèrement doux, pinot gris, gewurztraminers, et riesling demi-secs. A part des vouvray demi-secs, il y a peu de grands vins dans un style similaire qui permettraient une comparaison valable.


Thierry Meyer