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Week-end au vert entre amis – Yquem face à l’Alsace

17-18 février 2006


La venue d’amis bourguignons était le prétexte pour un week-end gastronomique avec quelques autres personnes. Après un dîner au restaurant vendredi et une visite chez Barmès-Buecher le samedi après midi, la pièce maîtresse du week-end était le dîner de samedi soir, prétexte à de nombreuses dégustations. Les plats et les vins ne sont que la partie visible d’une soirée très conviviale au cours de laquelle les discussions ont largement dépassé le cadre gastronomique.



Dîner Vendredi A la Taverne Alsacienne


En entrée, pour accompagner la salade de ris de veau, vinaigre aux truffes, on boit un beau riesling mûr.


Riesling Grand Cru Altenberg de Bergheim 1990 – Gustave Lorentz : la robe est jaune doré, brillante et profonde, avec de grosses larmes. Le nez est parfumé, légèrement citronné et pétrolé, avec des arômes complexes qui se dévoilent par palier avec l’aération : fleurs blanches, fumée, beurre, encaustique. La bouche est grasse en attaque, concentrée et assez fine, avec une bonne minéralité et une acidité qui apparaît progressivement. La fin de bouche est très longue, sur les sensations minérales un peu sèches et avec des arômes d’hydrocarbure et d’encaustique. De l’Altenberg de Bergheim qui se dévoile complètement dans ce riesling à maturité. Excellent


Essayé l’an dernier sur un riesling Frédéric-Emile 2000 de Trimbach, la salade de ris de veau  parfaitement donné le change au riesling 1990, les girolles et le vinaigre au truffe complétant arômatiquement un superbe accord gustatif intéressant entre le gras du ris et du vin.


Pour accompagner le dos de Skrei rôti, purée de topinambour et gambas, on fait un grand virage en Bourgogne.


Corton Charlemagne 1988 – Bonneau du Martray : La robe est plus pâle que le riesling, mais garde un apparence très visqueuse. Le nez est initialement très discret, puis se montre doucement avec des notes de fleurs blanches et d’encaustique très agréables qui apparaissent. Moins généreux que le riesling mais sur un autre registre. La bouche est très grasse en attaque, puis concentrée, elle gagne progressivement en puissance, et tel un rouleau compresseur, finit par envahir toute la bouche. L’acidité moins vive que celle du riesling vient accompagner le gras pour donner un support gustatif aux notes florales qui accompagnent la longue finale. Aucune aspérité ne vient troubler ce vin qui nous rappelle la « Force tranquille ». Dans un millésime pas toujours facile, voilà un vin parfaitement vinifié, qui est au mieux de sa forme dans sa 18e année. Excellent


Généralement c’est très difficile d’associer lors d’un même repas les grands vins d’Alsace et de Bourgogne, les contrastes trop violents se faisant au détriment de chacun des deux vins. Dans ce cas, si le Corton Charlemagne était un peu discret au démarrage, nous nous sommes laissés envahir par sa puissance et sa jeunesse en bouche. En revenant sur le riesling Altenberg nous nous trouvions face à un vin plus intense au nez, un peu plus acide en bouche, mais de puissance équivalente. Deux très grands vins à leur apogée, et un petit supplément de plaisir avec le Corton Charlemagne compte tenu du millésime délicat.


Remake de la fameuse dégustation de l’an dernier, qui avait montré un superbe accord entre le Corton Charlemagne et le skrei, cette année l’accord se fera de nouveau sur la texture du poisson et la purée de topinambour, mais le poisson se montrera un peu moins magique que le week-end précédent, avec une sensation un peu moins fine. Le poisson était différent, la cuisson un peu plus poussée que d’habitude ? Ce sont ces petites variations qui rendent magiques les moments ou tout se combine dans la perfection !


Déjeuner Samedi


En apéritif, un vin à la robe très brillante :


Muscat les Marnes vertes 2004 – Etienne Loew : le vin se montre très floral, avec des notes de fleur de sureau et de fruit de la passion qui évoquent le sauvignon. La bouche est grasse en attaque, fruitée et très croquante avec une acidité bien rafraîchissante, évoluant sur un registre plus sec et minéral. La fin de bouche est fraîche, fruitée et assez longue. Un vin parfait à l’apéritif ce jour-là. Très Bien


Sur un Baeckeofe servi avec une salade verte, je propose un rouge et un blanc.


Pinot Noir Clos Du Sonnenbach 2004 – Gilbert Beck : La robe est rubis clair, assez brillante. Le nez est fruité sur des fruits rouges, cerise et bonbon anglais dans un style qui rappelle un gamay en vinification carbonique. La bouche est fruitée, souple avec peu de tanins et une acidité assez modérée. Est-ce la cheminée qui renvoie des fumées au point qu’on ne reconnaît plus le boisé du vin ? Je suis très surpris par cette bouteille. Bien


Riesling Grand Cru Muenchberg 2002 – Armand Landmann : Le nez est assez parfumé, sur des arômes de fruits acidulés. La bouche est sèche et vive, légèrement minérale, évoluant sur la fraîcheur avec une fine acidité qui rappelle de loin le Cru. La finale est un peu courte. Un vin bien fait qui peine à arriver au niveau d’un grand cru. Un bon vin de cépage, vu le prix autour de 7 euros en grande surface, une bonne affaire. Je ne reconnais cependant pas le vin goûté en novembre dernier, la cuvée « Vieilles Vignes » est visiblement d’un autre niveau. Bien


Dîner Samedi


En apéritif, pour accompagner un kouglof salé de toute beauté, on goûte une paire de champagne que j’avais mi de coté depuis un certain temps dans l’espoir de les boire cote à côte.


Champagne Grande Année 1990  – Bollinger : la robe se fait jaune doré avec des reflets orangés. La bulle est très fine et le cordon assez faible. Le nez est parfumé, marqué par des arômes de fruits secs, des épices et un certain rancio qui marque l’âge du vin. La bouche est assez fine en attaque, dense et marquée par une acidité présente, qui combinée au rancio donne un équilibre riche et sec. L’effervescence est mesurée, on goûte surtout le vin à ce stade. La fin de bouche est longue, portée par l’acidité et les arômes de fruits secs. Le vin est loin de décliner mis est entré dans une phase d’évolution qui ne plait pas à tout le monde. Je bois ici ma dernière bouteille, et je suis content d’avoir pu déguster ce champagne à 6 reprises ces 8 dernières années, et suivre sa lente évolution. Une conservation dans une cave fraîche aurait certainement ralenti son évolution, même si les bouteilles dorment dans le bas de mon armoire à vin depuis 1999. Une belle sortie de piste. Très Bien


Champagne RD 1990 – Bollinger : La robe est jaune avec des reflets dorés, possède une bulle assez nerveuse et un cordon persistant. Le nez est parfumé, brioché avec des notes florales, évoluant vers des notes plus complexes d’épices. La bouche est fraîche en attaque, dense et équilibrée, évoluant sur un registre frais avec une acidité qui sert de squelette à une belle matière. La fin de bouche est parfumée, sur des arômes de fleurs blanches et de noisette fraîche. Une bouteille dégorgée en Septembre 2003 qui a conservé son caractère frais, ce champagne est encore dans sa prime jeunesse. La cuvée RD prend le relais du Grande Année pour les années à venir, et montre l’intérêt du dégorgement tardif après un long élevage. Cette bouteille déjà goûtée le jour de l’an se montre remarquable. Excellent


Avec des Saint Jacques poêlées aux morilles et jus de truffe, on s’essaye au grand écart Bourgogne-Alsace une fois de plus, mais un des protagoniste nous laisse malheureusement tomber. L’association du Pinot Gris Rangen et des Saint-Jacques aux morilles est parfaite, le coté sous-bois du pinot gris et la minéralité du Rangen donnant le change à tous les ingrédients. Le Pinot Gris Rangen 95 se déguste quand même assez difficilement seul pour les non-initiés, le coté amer, fumé et tourbé de la fin de bouche tranchant avec un premier nez fruité et une attaque en bouche assez mielleuse. Un vin de gastronomie à manipuler avec précaution. Je ne suis pas sur que ce soit l’accompagnement idéal d’un foie gras par exemple.


Pinot Gris Grand Cru Rangen 1995 – Zind-Humbrecht : la robe est jaune dorée, très concentrée et brillante. Le nez est parfumé, sur des fruits jaunes, avec des notes fumées, presque tourbées. La bouche est moelleuse et fine en attaque, puis le fruit et la liqueur laissent place à une forte minéralité avec un caractère sec en bouche qui génère de l’amertume en finale. L’impression de caillou cassé est très nette en finale pour ce vin qui laisse une forte empreinte en bouche.  Très Bien


Meursault 1er Cru Perrières 1997 – Jean-Michel Gaunoux : Le vin possède une robe profonde, or blanc avec de belles jambes, évoquant une bonne concentration. Le nez est malheureusement un peu oxydé, masquant un peu les autres aromes floraux. On retrouve cette oxydation en bouche avec une acidité qui se fait sensible. Bouteille défectueuse.


Après les efforts de la journée, la faim se fait sentir. Le rable de lapin en sauce, servi avec des spaetzlés, va caler les estomacs et servir de support à une dégustation de grands vins rouges issus de cépages moins fréquents que le pinot noir, le merlot ou le cabernet sauvignon. Généralement considérés comme des cépages fermes, la Syrah du Côte Rôtie, le tempranillo du Ribera del Duero et le tannat du Madiran vont montrer leur capacité à produire de grands vins rouges lorsque le millésime est grand et que le vin est suffisamment âgé.


Côte Rotie la Chatillonne 1988 – Vidal-Fleury : la robe est couleur café avec des nuances rouges qui côtoient des notes plus tuilées. Le nez se dévoile par paliers, dans la registre des syrahs mûres, passant de l’olive noire au lard fumé, à la réglisse et aux fruits rouges. En bouche l’attaque est franche, fruitée et assez pure, avec beaucoup de finesse et une bonne concentration. L’acidité est assez marquée et les tanins gras et fins restent très discrets. La fin de bouche est longue sur des notes fumées. La maturité du vin, sa finesse et son bouquet à ce stade d’évolution lui donnent un équilibre remarquable. Si le vin se montre un peu fermé samedi, il serait encore plus charmeur le dimanche midi. Probablement un des plus grands millésimes de cette cuvée, à parfaite maturité. Excellent


Ribera Del Duero – Valbuena 5 anos 1989 – Vega Sicilia : Un registre très différent pour ce vin. La robe est pus dense, profonde, rouge foncé  avec des reflets café. Le vin est très gras et dessine de grosses larmes sur les parois du verre. Le nez est initialement discret et met du temps à prendre de l’intensité, puis se montre très plaisant : eucalyptus, fruits rouges, vanille, fumée, évoluant sur un équilibre plus réglissé. La bouche est grasse en attaque, très pure, concentrée avec des tanins gras et très discrets, évoluant sur cette souplesse dans un registre très corsé, sans aucune aspérité. Du début à la fin, la bouche est saisie par cette concentration charmante, qui donne beaucoup de longueur à la finale. Un vin finalement très ouvert, et plus flatteur que je ne le pensais. L’âge lui a fait du bien. Excellent


Madiran Cuvée Prestige 1989 – Château Montus : Le vin peut-être le plus ingrat de la soirée. La robe est un peu plus  claire, un peu plus évoluée que les autres. Le nez est initialement un peu animal, mais prenant des notes épicées et de fruits noirs à l’aération au point de ressembler à un grand Médoc. L’attaque en bouche est assez sèche, assez corsée et épicée, évoluant sur un registre minéral qui rappelle un Pauillac. La fin de bouche est réglissée, assez longue et laissant une impression de richesse. Le vin manque d’un poil de netteté pour rejoindre le firmament des deux autres, et s’éventera rapidement pour ne plus être très agréable  le lendemain. Une belle cuvée à maturité. Très Bien


Après cette longue dégustation, en dessert une tarte flan/abricots servira de support à une dernière paire de vin, offrant une superbe comparaison.


Pinot Gris Clos Jebsal Sélection de Grains Nobles 1999– Zind-Humbrecht 1/2b: la robe est jaune dorée, très brillante avec des reflets ambre. Le nez est parfumé, assez complexe avec des arômes de fruits jaunes, de fruits confits, de miel et de grain rôti, conservant une grande intensité. L’attaque en bouche est liquoreuse, très concentrée avec une acidité assez présente, laissant une impression très concentrée ans aucune lourdeur. La fin de bouche est très longue, la langue étant submergée par le sucre et l’acidité et très parfumé sur les fruits confits. Le terroir du Jebsal peine encore à se montrer, mais l’équilibre est déjà remarquable. Excellent, voire plus


Sauternes 1999 – Château d’Yquem 1/2b : La robe est jaune citron très dense avec des reflets dorés. Le premier nez est marqué par de l’acidité volatile, puis est marqué par le bois, avec des arômes toastés, vanillés, lactés. Des notes d’écorce d‘agrumes se dégagent après une grande aération. La bouche est moelleuse en attaque, très concentrée avec une acidité qui donne un coté agrumes confits en bouche. Le vin est monumental de finesse et d’équilibre, la liqueur étant très fine. La fin de bouche est très longue sur la langue, on sent une forte concentration de botrytis, mais persiste un peu trop sur le boisé. Il aurait fallu carafer longuement ce vin encore trop marqué par le bois. Gros potentiel. Très Bien


Une fin de repas grandiose, les demi-bouteilles se vidant rapidement malgré notre désir de boire les deux vins par toutes petites gorgées. Les arômes des deux vins vont nous marquer le palais toute la nuit.


 


Pour le déjeuner de dimanche, outre les fonds de bouteille de la veille, on réédite le succès de la chandeleur, les fameuses « Crêpes au Zind » avec des galettes de blé noir, jambon-champignon-fromage-œuf.


Vin de Table ZIND 2003 – Zind-Humbrecht : le nez est floral avec des notes de fruits à chair blanche mûr qui apparaissent à l’aération. La bouche est aérienne, moelleuse en attaque, très fruitée, évoluant sur une bonne fraîcheur avec une longue finale florale. Le vin est riche, un peu moelleux, mais d’une fraîcheur telle qu’on en boit volontiers de grandes gorgées ! Très Bien


Un week-end chargé mais qui restera dans les mémoires.


Thierry Meyer