Compte rendu des vins dégustés en Février 2008 à différentes occasions, dont un Sublime Champagne Krug 1988
Collioure 2004 – Piétri-Géraud : un rouge souple marqué par le grenache mur qui lui donne beaucoup de finesse. Tendre et corsé à la fois, passe très facilement à table. L’aération lui donne des notes de chocolat noire et de pruneau très typées. Très Bien
Lussac Saint Emilion Château la Grande Clotte 2000 : un bordeaux que j’apprécie beaucoup, qui a donné un vin réussi en 2000 : mur, franc avec des notes de cassis au nez, le vin se montre tendre en bouche avec un très joli fruité, de la densité et une finale sur des tanin murs. Plaisant à boire. Très Bien
Riesling Clos Windsbuhl 1999 – Zind-Humbrecht : ma dernière demi-bouteille de ce flacon qui a déjà procuré tant d’émotions. Le nez gagne en complexité avec l’âge, finement floral sur les fleurs d’acacia avec note beurrée. La bouche est ample, puissante, d’une grande pureté avec du gras. Superbe expression pour un vin parfait à table sur des poissons riches. Excellent. 18.5/20
Champagne Krug 1988 : si enfoncer les portes déjà largement ouvertes du monde des grands vins de grande notoriété est un exercice parfois lassant par le caractère répétitif des commentaires (inéluctablement) élogieux qu’il génère, il faut souligner que le plaisir de la dégustation ne fait quant à lui souffrir le dégustateur d’aucune lassitude. Contrairement à la plupart des meilleurs crémants de France et de Luxembourg, qui brillent par une bonne densité mais surtout par un fruité jeune éclatant de fraîcheur, un grand champagne s’exprime par la puissance de son goût, la complexité de son bouquet, la finesse de son équilibre, en un mot par la noblesse qu’il gagne au vieillissement. Le long élevage sur latte étant souvent suivi par une période parfois toute aussi longue de conservation en cave. Les amateurs de vieux champagnes apprécient souvent la complexité du bouquet, mais sont également prêts à accepter une forme d’évolution qui se traduit parfois par un caractère oxydatif, voire un fléchissement de la structure en bouche. Le goût dit « anglais » du rancio que prennent les vieilles dames de Champagne plait plus ou moins, mais dans tos les cas il traduit quand même une évolution marquée.
Seuls les plus grandes cuvées dans les grandes années savent combiner idéalement la noblesse d’un beau vieillissement avec une structure parfaitement conservée. Si 1988 est exemplaire des millésimes capables de produire ces grands vins de garde, Krug 1988 est peut-être un des plus beaux exemples pour illustrer la perfection d‘un champagne à maturité. La robe paille trahit autant l’élevage en barrique que le vieillissement en bouteille, et si le bouchon de ce flacon (acheté en 2001) est déjà fortement chevillé, la bulle très fine est encore très présente : partant énergiquement et longtemps du fond du verre, formant un train d’enfer qui remonte à la surface pour animer une collerette d’une belle persistance. Le premier nez est discret, légèrement renfermé, avec des notes de fruits secs et de cuir qui appellent de l’aération. Quelques minutes plus tard, la paille, le moka, la vanille et la noisette, mais surtout des arômes d’agrumes (chair et zeste) envahissent le nez, formant un bouquet d’une élégance et d’une fraîcheur rare pour un champagne de presque 20 ans d’âge. L’attaque en bouche est vive, puis sans que l’acidité prenne le dessus, la forte densité équilibre immédiatement cette fraîcheur pour donner un ensemble tonique, puissant et profond. La bouche prend à nouveau un caractère fin et sec en finale, grâce à cette acidité remarquable de précision. La longueur en bouche est remarquable, l’acidité servant de support pour faire ressortir les notes de fruits secs et d’agrumes. L’impression générale est immanquablement dominée par cette combinaison idéale de fraîcheur gustative et de complexité aromatique : la jeunesse de la structure et la noblesse du bouquet se renvoient la balle, appelant une gorgée de plus, puis encore une autre…
Bien sur, en 1988, les maisons à avoir produit de belles cuvées sont nombreuses: Bollinger, Henriot, Veuve Cliquot, Dom Perignon, Billecard-Salmon et j’en passe. Mais au risque de paraître horriblement superficiel (et en même temps furieusement tendance par les temps qui courent ), l’étiquette et la forme généreuse de cette cuvée apportent un petit plus non négligeable pour créer l’événement.
Voilà un beau flacon se partage à deux, pour fêter un beau moment. Ce fut le cas ce soir, et les verres désormais vides appellent plus les bons souvenirs que les regrets. Entre les centaines de vins d’Alsace, du Jura et de Savoie que j’ingurgite actuellement chaque semaine en préparation de la prochaine édition du guide B&D, une petite pause de ce genre est tout à fait salutaire !
Thierry Meyer
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