L'Oenothèque Alsace

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Découverte des vins d’Alsace à table en deux jours

28 novembre 2006 : un des programmes privés typique de l’Oenothèque Alsace consiste à faire découvrir l’Alsace à un groupe d’amateurs de vins. En deux jours et trois repas, la sélection des mets et des vins de trois restaurants a parfaitement rempli sa mission. Découverte de la ballade gourmande à Barr, Ingersheim et Colmar, en 10 plats et 14 vins.

Déjeuner au Château d'Andlau

Le premier déjeuner a lieu au Restaurant du Château d’Andlau à Barr. Mené par Christian Boulard, la cuisine est gourmande bien présentée, mis c’est surtout ma carte des vins encyclopédique qui fait référence, avec une très large section réservée à l’Alsace, tellement large que les vins sont classés non pas par cépage mais d’abord par commune, du nord au Sud de l’Alsace. Le menu sera une bonne introduction aux accords mets et vin avec une belle comparaison entre des vins plus ou moins corsés, qui dominent plus ou moins le plat.

Coquille de Fruits de Mer à la Normande
Sur le premier plat, le sylvaner montre une belle élégance, avec un équilibre salin qui va à merveille sur le plat. Quelques gouttes de riesling grand cru confirmeront la trop grande concentration de ce dernier vin sur l’entrée.

Sylvaner Vieilles Vignes 2004 – Emile Boeckel : la robe est jaune doré, clair. Le nez est intense, net et mur, avec des notes fruitées. La bouche est souple en attaque, puis plus sèche, saline avec beaucoup de finesse. Les coquillages apprécient cette cuvée originaire du Zotzenberg (l’appellation Grand Cru ne sera donnée au sylvaner qu’à partir du millésime 2005). Bien

Feuilleté de Grondin à la Crème de Persil
Le poisson servi généreusement avec un accompagnement riche va faire la part belle à un très beau riesling qui va chercher un bel accord de textures et de minéralité, donnant de la longueur en bouche à l’ensemble.

Riesling Grand Cru Kirchberg de Barr 2001 – Vincent Stoeffler : la robe est jaune doré, avec des reflets orangés. Le nez est minéral, fumé et frais, avec des notes de menthe poivrée à l’aération. L’attaque en bouche est légèrement moelleuse, puis le vin se montre dense minéral avec beaucoup de puissance et une acidité fine qui accompagne la longue finale. Très Bien

Charlotte aux Pommes du Verger
Le dessert tout en douceur et en fruit sans excès de sucre va rehausser le goût du muscat, même si sur cette dernière cuvée, le terroir calcaire donne une charpente telle que le vin aurait très bien pu passer sur le poisson. Un vin presque trop puissant pour le dessert.

Muscat Grand Cru Froehn 2004 – Jean-Philippe et Jean-François Becker : La robe est brillante, jaune or blanc avec des reflets argentés.  Le nez est ouvert, net et parfumé avec des arômes de menthe fraîche, bergamote, de fleur d’oranger, d’anis et de violette. La bouche est ample et légèrement moelleuse en attaque, puis puissante, minérale et dense avec un léger moelleux en finale. Un vin superbe de charpente, bien structuré, qui méritera d’être conservé quelques années. Très Bien

Dîner à la  Taverne Alsacienne à Ingersheim

Après une visite de vignoble, et quelques autres vis dégustés in-situ, direction Ingersheim. On ne présente plus ce restaurant qui est un véritable laboratoire d’accords mets et vins sur les vins d’Alsace. Jean-Philippe Guggenbuhl nous a préparé un menu autour des vins sélectionnés, représentant une grande diversité dans l’excellence des vins d’Alsace. Les plats très classiques mais magnifiquement exécutés vont servir de base pour des accords remarquable avec des vins d’anthologie, parfois de millésimes anciens.

Crémant Brut Sub Rosa en Magnum – Cave de Beblenheim : Un assemblage aux proportions secrètes de Chardonnay et Pinot Noir élevé 24 ois sur lattes a donné ce magnifique Crémant, fleuron de la cave de Beblenheim. Le nez est net, mûr et floral avec des arômes de fruits rouges. La bouche est ample et riche en attaque, avec une mousse compacte qui dégaze lentement, évoluant sur un équilibre gras avec une bonne tenue en finale. Un très beau crémant ample, délicieux à l’apéritif. Très Bien

L'Elbot Sauvage, Fricassée de Champignons des Bois et Beurre Blanc
Un beau poisson de mer pour apprécier des grands rieslings de terroir sur de grands millésimes, nous voilà au cœur de la gastronomie alsacienne. Servis à l’aveugle, les vins paraissent d’une jeunesse incroyable. Les 18 ans du premier vin en paraissent 8, et les 35 ans du magnifique second vin font plutôt penser à un vin de 10 ans d’âge. Les deux vins vont résonner avec le poisson, donnant des accords proches de la perfection.

Riesling Cuvée Frédéric Emile 1988 – Trimbach : la robe est jaune doré, avec des reflets orangés. Le nez est minéral, mûr et légèrement évolué, avec des arômes de fleur d’acacia et de miel, mais trahit également une légère oxydation déjà perceptible à l’œil. L’attaque en bouche est sèche et minérale, puis le vin se montre gras, dense mais encore réservé, comme souvent avec les rieslings du millésime 1988. La finale offre une belle longueur, pour un vin très classique. Très Bien

Riesling Cuvée Spéciale 1971 – Paul Ginglinger : La robe est jaune doré, claire et brillante. Le nez est intense, complexe et très net, avec des arômes de menthe sèche, d’encaustique, puis de citron, de fleurs séchées et de fumée. La bouche est ample en attaque, puis très minérale, finement acidulée et doté d’une très longue finale. Un vin extraordinaire originaire du grand cru Pfersigberg sans en revendiquer le nom ni l’appellation qui n’existait pas encore formellement, ce flacon est un des trésors de l’Oenothèque de la maison Paul Ginglinger. Excellent

La Compressée de Foie Gras de Canard en Terrine, Chutney aux Fruits et sa Gelée
Le traditionnel foie gras alsacien est accompagné de deux vins moelleux, et la dégustation à l’aveugle permet de nouveau de découvrir la fraîcheur et la pureté d’un millésime jeune d’une part, et la complexité d’un millésime plus ancien de l’autre.

Gewurztraminer Vendanges Tardives 2002 – Domaine Weinbach : la robe est jaune doré, claire et brillante. Le nez est intense, jeune et net avec des arômes d’agrumes confits, d’écorce d’agrumes et de fruits exotiques. La bouche est moelleuse en attaque, sur le miel, puis ample et minérale, très pure. La fin de bouche est longue et épicée. Un vin d’une grande richesse mais d’une pureté cristalline, à apprécier sur son fruit mais à garder une quinzaine d’années. Excellent

Gewurztraminer Cuvée Christine 1990 – Domaines Schlumberger : la cuvée Christine correspond chez Schlumberger à une vendange tardive. La robe est jaune doré, vieil or, avec un bel éclat. Le nez est intense, net et complexe, avec des arômes de miel, de pain grillé, de  noisette et une pointe de fumée. La bouche est moelleuse, douce et fondue, avec une légère amertume en évolution et une finale ronde sur le caramel salé. Une belle cuvée à maturité, parfaite avec le foie gras. Très Bien

La Pièce de Bœuf dans le Filet, sauce Périgourdine, Garniture du Moment
Le Bœuf sera un prétexte pour boire le dernier Magnum en cave de Pinot Noir Les Neveux 1990 de Hugel, un des grands pinots noirs produits dans ce beau millésime. Les tanins du vin se marient à merveille avec la texture de la viande, et le fruite intense encore présent accompagne magnifiquement la sauce aux truffes.

Pinot Noir Les Neveux 1990 en Magnum – Hugel et Fils : la robe est rouge foncé, noire avec des bords légèrement brunis. Le vin dessine un jambage épais dans le verre. Le nez est complexe, initialement marqué par l’élevage avec du chocolat, des épices et de la fumée, il dévoile à l’aération des fruits noirs, mûre et myrtille, ainsi que de la cerise noire. La bouche est dense, ample en attaque puis puissante, soutenue par des tanins gras bien présents. L’équilibre puissant fait presque penser à un Bordeaux, mais la longue finale sur la cerise griotte et la fumée nous ramène sur un très beau pinot noir à maturité, un des plus grands pinots noirs d’Alsace. Excellent.

La Torche aux Marrons façon Taverne Alsacienne
Pour terminer le repas avec des liquoreux, la texture farineuse du marron était tout à fait adaptée pour recevoir des sélections de grains nobles de deux styles différents. Le terroir granitique du Brand donne un vin plus facile d’accès jeune, avec une finesse qui va s’associer parfaitement avec le plat. Le Wintzenheim de Barmès-Buecher a donné un vin plus massif, qu’il faudra attendre encore quelques années pour qu’il n’écrase pas le plat. En revanche ce dernier fait actuellement un excellent vin de fin de repas, qu’on déguste par petites gorgées.

Pinot Gris Grand Cru Brand Sélection de Grains Nobles 2000 – Auguste Hurst : la robe est de nuance vieil or avec des reflets orangés. Le nez est intense, très mur avec des arômes de pâte de coing, de fruits confits, de miel, avec une note de menthe à l’aération. La bouche est moelleuse, concentrée et fine avec un style aérien très élégant. La finale se montre très moelleuse. Très Bien

Pinot Gris Wintzenheim Sélection de Grains Nobles 1999 – Barmès-Buecher : La robe vieil or est très intense avec de l’éclat. Le premier nez est d’intensité moyenne, avec des arômes d’abricot sec, de cire, de coing et de figue. L’attaque en bouche est liquoreuse, corsée et soutenue par une belle acidité, puis le vin se montre riche, puissant, minéral et un peu massif à ce stade. L’ensemble est très concentré mais a besoin de temps pour se fondre. Très Bien

Déjeuner au Restaurant du Marché à Colmar

Frédéric et Laurence Kurtz ont su transformer l’ancien restaurant classique en une étape gastronomique importante de Colmar, tout en conservant une grande simplicité. Le menu sera court avant le départ en train des convives, mais les plats seront agrémentés de trois pinots gis de style très différents.

Terrine de faisan aux noisettes grillées, salade de choucroute au cumin
Plat riche en goût appelant un vin sec, le millésime 2003 si difficile pour le pinot gris va se révéler idéal. Les noisettes grillées et le cumin donnent du croquant mais surtout beaucoup de relief au plat.

Pinot Gris Herrenweg 2003 – Barmès-Buecher : Le nez est parfumé, jeune, avec des notes d’asperge et de fruits blancs qui rappellent plus le pinot blanc que le gris. La bouche est épicée, dense et sèche, avec beaucoup de parfums et une finale sèche. Bien

Dos de sandre sur la peau, topinambours écrasés à l'huile de truffe blanche
Autre pinot gris sec sur le poisson, avec une belle densité qui est parfaite sur le poisson. Après les pinots gris liquoreux de la veille, les équilibres secs passent très bien à table.

Pinot Gris Le Fromenteau 2004 – Josmeyer : La robe est jaune pâle. Le nez est discret, aérien avec des arômes de miel et de sous bois. La bouche est grasse, minérale avec une acidité présente, dense dans un style sec. La finale est longue avec une persistance d’arômes de fleurs séchées et de sous-bois. Bien

Truffes glacées au chocolat, carré léger choco-lait
Pour terminer le repas, un vin plus botrytisé, dans le millésime 2002 qui a donné de belles matières mûres. Le chocolat aime particulièrement bien ce millésime acidulé, et l’accord est bon sans entrer dans la lourdeur.

Pinot Gris Zellenberg 02 – Marc Tempé : Le nez est très intense, acidulé avec des notes de miel, de fruits jaunes et d’agrumes. La bouche est vive, grasse avec un beau moelleux, très fine. La longue finale est très sapide. Un cuvée délicieuse, à maturité dès aujourd’hui. Très Bien

Les trois repas se sont agréablement succédés avec leur propre style, leurs accords mémorables et leur série de vins sans aucune fausse note. Une balade gourmande de cette qualité est une réussite rare qu’il faut souligner

Thierry Meyer

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