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L’Arnsbourg – Baerenthal

Restaurant l’Arnsbourg – Baerenthal
4 Juin 2005

Quoi de plus plaisant que de recevoir une invitation pour deux dans une bonne table comme cadeau d’anniversaire, plutôt qu’une éternelle paire de chaussettes ou un tablier de cuisine ! Depuis Février dernier nous attendions ma copine et moi de trouver le moment parfait pour visiter cette étape gastronomique. Ce fut fait le 4 juin 2005.

Situé à 500m de la frontière Alsace-Lorraine, en dehors du village de Baerenthal, le restaurant fut longtemps culturellement rattaché à l’Alsace, avant que sa 3e étoile au Guide Michelin en 2002 ne réveille les autorités lorraines et le rattache définitivement en Moselle. Pourtant nous ne sommes qu’à 50 minutes de route de Strasbourg. Si le menu découverte est inspiré par le travail d’avant garde sur les arômes et les  textures du fameux restaurant espagnol « El Bulli », la carte du chef Jean-Georges Klein présente un caractère plus standard avec des mets préparés à partir d’ingrédients de grande qualité.

Le Cadre

Le restaurant se trouve en lisière de forêt, au milieu d’un parc au gazon impeccable et aux jolis arbres dont certains sont éclairés la nuit. Les sapins bleus donnent une touche nordique au paysage. La salle à manger est élégante et sobre, avec un joli plafond en bois et un éclairage très agréable. Coté vaisselle, pas de fioritures inutiles, ici tout se concentre sur les mets. Porcelaine, argenterie sont de la partie, avec Riedel et Spiegelau pour la cristallerie. Toute la salle est non-fumeur, et il faut aller au salon où de confortables fauteuils en cuir accueillent les fumeurs de cigares et les intoxiqués de la cigarette.

Le Menu Découverte en dix chapîtres
  • Petits Savoureux Apéritifs
    • En plusieurs services, des cuillers en argent et autres amuse-bouches variés, mêlant huître, pomme de terre confite, lard, ananas, mousse de Picon, rhubarbe en stick, difficile de tout retenir, et hors de question de déguster avec un carnet à la main !
  • Gnocchi Soufflé de Pomme de Terre, Bouillon à l’Infusion de Noix de Muscade
    • La douceur de la pomme de terre est relevée par la Muscade, ici présentée en infusion
  • Aile de Raie Bouclée, Beurre Mousseux au Kaffir
    • La cuisson de la raie est parfaite, et le coté citronné du Kaffir donne un bel équilibre. Un riesling aurait été parfait avec ce plat !
  • Grillade de Foie Gras de Canard, Rhubarbe à la Plancha, Jus aux Epices
    • La rhubarbe à la plancha relève de nouveau le gras du foie, pour former un assemblage qui maintient les papilles en éveil du début à la fin
  • Oeuf Mollet à l’Asperge Blanche, Sauce Légère aux Morilles
    • L’œuf mollet se retrouve enveloppé par de l’asperge blanche gélifiée, un peu comme un deuxième blanc. La sauce est une émulsion très légère et très parfumée.
  • Langoustine au Café, Asperge Verte, Bouillon d’Algues
    • Le café moulu sur la langoustine relève le crustacé, et le bouillon bu par petites gorgées en accompagnement fond l’ensemble pour lui donner de la longueur
  • Poitrine de Canette Rôtie, Suc au Romarin, Raviole de Cassis et Olive Noire
    • Encore un plat tout en texture, la canette servie rosée ayant une chair assez dense que la Raviole vient assouplir. Bel accord avec le Saint Joseph, sur la souplesse en bouche et les notes d’Olive.
  • Cappuccino de Pomme de Terre et Truffe
    • Cette fois, si le dessus est très mousseux, on est content de voir la cuiller buter au fond de la tasse sur de généreux morceaux de truffe. Ma copine n’aime pas trop la truffe, une aubaine 🙂
  • Invitation à la Découverte
    • Un plateau de fromage bien garni de fromages parfaitement affinés. Le brun d’amour corse est particulièrement parfumé, et le camembert avait un affinage proche de la perfection, j’en aurais fini le fromage tout entier malgré les 12 plats qui avaient précédé !
  • Petites Gâteries de Fin de Repas
    • Contrairement à ce que le nom laissait présager, rien de salace dans le dessert, seulement un assortiment de douceurs variées et toutes plus parfumées les unes que les autres, dont un extrait de rose servi dans une sorte de seringue en plastique qui explose littéralement en bouche. Variation de saveurs pour terminer le repas, on arrive tout doucement sur la fin et les papilles commencent à fatiguer un peu. J’ai beaucoup aimé la crème glacée à l’asperge pour sa douceur amère en bouche, mais ça n’a pas fait l’unanimité !

Comme boisson, les vins étaient compris dans le menu et je n’ai pas jeté un œil sur la carte des vins. Mais dans le salon qui mène à la salle à manger on aperçoit la cave par morceaux au travers de fenêtres à même le sol prévues à cet effet. D’ailleurs, avec un Menu découverte, difficile de trouver le vin qui va aller parfaitement avec.

Champagne Brut Rosé – Billecart-Salmon : une robe saumon, avec de fines bulles. Le nez est très parfumé, sur des notes de pamplemousse rose et de fruits rouges. La bouche est élégante, riche avec beaucoup de peps.  Parfait à l’apéritif, il aurait probablement très bien accompagné l’ensemble du repas. Très Bien

Mercurey Premier Cru La Cailloute 2002 – Domaine Emile Juillot. Un premier cru en monopole largement diffusé au Québec mais inconnu jusqu’à présent des lieux que je fréquente. Le domaine appartient à Nathalie & Jean-Claude THEULOT, j’imagine qu’il n’y a pas de liens avec Michel Juillot ? Ce vin est très frais, minérale avec des agrumes au nez, puis déploie un boisé un peu plus ample lorsque le vin se réchauffe. En bouche le vin est friand, le gras se faisant sentir en milieu de bouche, ce qui laisse de la fraîcheur en attaque. En fonction des plats, le boisé était plus ou moins plaisant, mais dans l’ensemble ce vin a réalisé un bon compromis sur la plus grande partie du repas. Bien

Saint-Joseph Les Lauves 2002 – Jean-Luc Colombo. A ne pas confondre avec le Cornas « La Louvée », ce saint Joseph est issu de vieilles vignes. Seule petite fausse note de la soirée, le jeune Sommelier m’assure que le vin contient de la syrah ET du grenache, comme tous les Saint-Joseph… Pourtant, la syrah est le seul cépage rouge autorisé dans l’appellation. La robe est d’intensité moyenne, mais encore très jeune. Le nez est parfumé, avec des notes de laurier, d’olive et de cassis. La bouche est très souple, sèche et parfumée, avec des notes de lard fumé en finale. Une belle bouteille pour le millésime, qui est déjà à maturité en demi-bouteille. Bien

Le Service

Point fort de l’endroit, le service est digne des plus grandes tables, avec ce subtil mélange de convivialité et de professionnalisme qui signe généralement les meilleures ambiances. C’est à mon avis très difficile de sortir du cadre très rigide et strict qu’impose un tel niveau, et ce petit plus personnalisé à chaque table qui permet à chacun de se sentir bien est vraiment la touche qui met tout le monde à l’aise. Ceci est d’autant plus important que le menu découverte nécessite de fréquentes allées et venues pour servir et desservir dans les temps toutes les tables. La précision du service associée à cette atmosphère sympathique est un véritable tour de force, c’est d’ailleurs pour cela qu’on ne se rend compte de rien. La sœur de Jean-Georges, Catherine Klein, veille sur la salle avec une attention toute particulière. Le niveau sonore de la salle est loin des salles ultra-feutrées qu’on rencontre dans certains trois macarons, ce qui confirme que les discussions vont bon train à chaque table.  D’ailleurs,  moins de 20% des hommes portent la cravate et l’ensemble est décontracté, malgré un parking qui rappelle un salon de l’automobile.

Bilan

Il s’agit pour moi d’une des toutes meilleures tables dans un très joli endroit. J’ai particulièrement apprécié l’équilibre parfait qui règne à tous les niveaux : la chaleureuse atmosphère qui règne en salle avec la rigueur du service, la sobriété du décor avec la complexité des plats, le coté élégant et raffiné du cadre avec l’ambiance décontractée. Plus que la réalisation de summums dans le luxe ou la précision mécanique du service, je crois que cet équilibre est très difficile à atteindre, et que le restaurant culmine actuellement au sommet des grandes tables du monde, chaîne dont il fait partie aux cotés d’autres grandes tables en Europe et ailleurs. Je n’ose même pas parler de prix de peur que le restaurant soit complet pendant les 10 prochaines années… Le challenge le plus difficile restera de pouvoir assurer un tel niveau pendant 10, 15, 20 ans, marque des très grands restaurants qui ont fait la réputation de la gastronomie française. J’ai hâte de tester la carte (des mets et des vins) lors de ma prochaine visite !

Thierry